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28/06/2022 | FRANCE | N°21/01579

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 28 juin 2022, 21/01579


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 56A



13e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 28 JUIN 2022



N° RG 21/01579

N° Portalis DBV3-V-B7F-ULW3



AFFAIRE :



S.A. KPMG



C/



S.A.S. ICI BARBES











Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Janvier 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 03

N° Section :

N° RG : 2020F00694

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Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Franck LAFON



Me Christophe DEBRAY



TC NANTERRE







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a r...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 56A

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 28 JUIN 2022

N° RG 21/01579

N° Portalis DBV3-V-B7F-ULW3

AFFAIRE :

S.A. KPMG

C/

S.A.S. ICI BARBES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Janvier 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 03

N° Section :

N° RG : 2020F00694

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Franck LAFON

Me Christophe DEBRAY

TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A. KPMG agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20210101

Représentant : Me Georges DE MONJOUR de l'ASSOCIATION CAA PARDALIS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

S.A.S. ICI BARBES prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 21115

Représentant : Me Hanane BENCHEIKH de la SELARL CMD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Avril 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN,

Au cours du mois de mai 2017, la SA KPMG a lancé un appel d'offres à destination d'agences de communication, afin d'accompagner son département communication et ressources humaines et d'établir un plan de communication autour de sa 'marque employeur'.

En septembre 2017, la proposition de l'agence de communication et de publicité Ici Barbès a été retenue par la société KPMG.

En date du 1er octobre 2018 avec effet rétroactif au 1er avril 2018, les parties ont conclu pour une durée de deux ans un contrat-cadre intitulé 'achat de prestations de services, communication afférente à la marque employeur de KPMG'. En marge de ce contrat, trois contrats d'application ont été conclus et exécutés entre les parties.

Le 11 juin 2019, la société KPMG a lancé un nouvel appel d'offres intitulé 'Brief agences marque employeur' auquel la société Ici Barbès a participé.

Le 4 novembre 2019, la société KPMG a indiqué à la société Ici Barbès qu'elle n'était pas retenue pour ce nouvel appel d'offres.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 6 janvier 2020, la société Ici Barbès a mis en demeure la société KPMG de reprendre l'exécution du contrat initialement conclu lui reprochant son manque de loyauté.

Par courrier recommandé en date du 3 février 2020, la société KPMG a opposé qu'elle ne s'était engagée à aucun volume d'achat et qu'elle n'avait consenti aucune exclusivité à la société Ici Barbès, réfutant tout manquement dans l'exécution du contrat-cadre.

Par acte d'huissier du 27 mai 2020, la société Ici Barbès a fait assigner la société KPMG devant le tribunal de commerce de Nanterre, lequel, par jugement réputé contradictoire assorti de l'exécution provisoire du 21 janvier 2021, a :

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat-cadre signé entre les parties le 1er octobre 2018 aux torts exclusifs de la société KPMG à la date du 30 juin 2019 ;

- condamné la société KPMG à payer à la société Ici Barbès la somme de 46 500 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamné la société KPMG à payer à la société Ici Barbès la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société KPMG aux entiers dépens.

Par déclaration du 9 mars 2021, la société KPMG a interjeté appel du jugement.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 23 mars 2022, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

- juger qu'elle n'a commis aucun manquement contractuel dans l'exécution du contrat conclu le 1er octobre 2018 ;

- rejeter l'ensemble des demandes formulées par la société Ici Barbès à son encontre et débouter par conséquent cette dernière de son appel incident ;

- condamner la société Ici Barbès à lui régler la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens de l'appel dont distraction au profit de maître Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Ici Barbès, dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 9 mars 2022, demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a limité la condamnation de la société KPMG à la somme de 46 500 euros à titre de dommages-intérêts et en ce qu'il l'a déboutée de ses autres demandes ;

Et statuant à nouveau,

- condamner la société KPMG à lui payer la somme de 105 876 euros, soit 127 051,20 euros toutes taxes comprises, à titre de dommages-intérêts au titre de son gain manqué du 1er juillet 2019 jusqu'au terme contractuel, soit le 1er avril 2020, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 6 janvier 2020 ;

- condamner la société KPMG à lui payer la somme de 16 226 euros hors taxe soit 19 471,20 euros toutes taxes comprises, à titre de dommages-intérêts au titre de l'appel d'offre de 2019 lancé par la société KPMG en violation du contrat-cadre du 1er octobre 2018 ;

- débouter la société KPMG de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner la société KPMG à lui payer la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société KPMG aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de maître Christophe Debray, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 mars 2022.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur l'exécution du contrat :

La société KPMG souligne à titre liminaire que l'appel d'offres de mai 2017 ne peut être considéré comme un document contractuel mais uniquement comme une simple invitation à entrer en négociation au sens de l'article 1114 du code civil, que d'ailleurs les parties, dans le contrat-cadre, ont expressément exclu l'appel d'offres des documents contractuels ayant une valeur contraignante et que la réponse de l'intimée à celui-ci n'a pas davantage de valeur contractuelle puisqu'il s'agit aussi d'un simple document de préparation.

Elle expose ensuite, après avoir rappelé les conditions d'exécution en droit d'un contrat cadre et de ses contrats d'application, qu'elle a parfaitement exécuté l'ensemble de ses engagements conclus avec la société Ici Barbès ; elle précise que si le contrat-cadre vise les articles L.8222-1 et suivants du code du travail, les parties ont cependant clairement exclu la garantie d'un minimum d'achat, qu'elle ne s'est engagée en aucun cas sur la réalisation d'un volume de chiffre d'affaires quelconque avec la société Ici Barbès et que le contrat ne prévoit aucun engagement d'exclusivité au bénéfice de cette dernière. Elle estime que l'absence de renouvellement d'un accord de volonté à l'issue des trois contrats d'application qui ont été parfaitement exécutés jusqu'à leur terme ne constitue en rien un manquement à l'exécution de bonne foi du contrat-cadre ; elle précise qu'à compter du mois de juin 2019, elle n'a d'ailleurs identifié aucun besoin de prestations de communication au niveau de sa marque employeur et n'a fait appel à aucun prestataire externe concurrent de la société Ici Barbès pour la réalisation de prestations, bien qu'il lui aurait été loisible de le faire compte tenu de l'absence de clause d'exclusivité dans le contrat-cadre.

S'agissant des trois contrats d'application qui n'ont pas été reconduits, elle soutient qu'ils ont été parfaitement exécutés en toute bonne foi, que les parties ont décidé d'un commun accord, à l'expiration de chacun d'entre eux de ne pas les renouveler, précisant qu'aucune clause de reconduction tacite n'y est insérée et que la nouvelle direction, à la suite du 'remaniement d'envergure' qu'elle a connu à l'expiration de ces contrats, n'a pas souhaité renouveler les contrats d'application à leur terme avec la société Ici Barbès.

S'agissant des conditions de lancement du second appel d'offres organisé par ses soins en juin 2019, elle observe d'une part qu'elle a uniquement entendu anticiper la période postérieure à l'échéance du contrat-cadre alors en vigueur comme il est d'usage de le faire compte tenu des délais nécessaires pour que les agences y répondent, ce qu'elle a d'ailleurs fait pour l'appel d'offres aux termes duquel l'intimée a été retenue et que d'autre part, s'agissant du concept 'no routine', elle en est devenue propriétaire comme stipulé à l'article 14.2 du contrat-cadre.

Elle ajoute enfin que contrairement à ce que l'intimée a soutenu devant le tribunal, elle a précisément répondu aux mises en demeure de la société Ici Barbès.

La société Ici Barbès invoque en premier lieu l'exécution déloyale du contrat par la société KPMG en méconnaissance de l'article 1104 du code civil ; elle expose que celle-ci, outre que l'appel d'offres lancé en 2017 promettait aux candidats une mission d'accompagnement de deux ans, a signé un contrat le 1er octobre 2018 conclu pour une même durée ferme de deux ans, qu'elle a cependant attendu la deuxième année pour lancer un nouvel appel d'offres sur le même périmètre que le contrat conclu avec elle l'année précédente en utilisant ses prestations qu'elle a transmis à ses concurrents en leur demandant de conserver le concept 'no routine' mais qu'elle ne l'a pas retenue comme elle l'avait déjà fait pour d'autres agences de communication, observant que la société KPMG lui a expliqué, dans un mail daté du 8 janvier 2018, qu'elle était dans l'attente d'une transaction avec la société Angie, société qui l'avait précédée, pour pouvoir lancer la nouvelle mission.

Elle fait valoir que la société KPMG a signé un nouveau contrat d'une durée de deux ans le 20 février 2020 à effet rétroactif au 12 novembre 2019 avec une nouvelle société TMP Worldwide ainsi qu'elle l'écrit en page 5 de ses conclusions même si elle se défend d'avoir fait appel à aucun prestataire externe ou concurrent, de sorte qu'elle ne pouvait pas tenir ses engagements contractuels à son égard et qu'elle a exécuté le contrat avec une particulière déloyauté en le vidant de sa substance par le second appel d'offres qu'elle a effectué.

Elle expose en deuxième lieu que le contrat du 1er octobre 2018 n'est pas un simple contrat de référencement mais un contrat cadre qui régit les commandes ou contrats d'application et oblige la société KPMG à recourir à elle pendant deux ans pour les missions contractuellement prévues, les contrats d'application ne venant que préciser les modalités d'exécution des missions confiées ; elle ajoute que ce contrat cadre n'est que la conséquence de l'appel d'offres de 2017 qui définissait précisément les modalités de l'accompagnement entre les parties et que contrairement à ce que prétend l'appelante, elle était tenu à un volume d'achat minimum au regard de l'article 23 du contrat qui vise l'article L.8222-1 du code du travail.

Elle soutient en troisième lieu que l'appel d'offres de 2017 est juridiquement contraignant et n'est pas qu'un document de préparation, s'appuyant sur la doctrine et observant que conformément à

l'article 1114 du code civil, l'acceptation par l'appelante de la proposition qu'elle lui a soumise dans le cadre de l'appel d'offres vaut contrat et exclut de facto toute négociation ; elle évoque les montants d'achat média (230 000 euros) et des honoraires de conseil prévus sur deux ans à hauteur de 268 400 euros.

Conformément aux dispositions des articles 1103 et 1104 du même code, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi, cette dernière disposition étant d'ordre public.

Selon l'article 1111 du code civil, dans sa version en vigueur lors de la signature du contrat conclu entre les parties, le contrat cadre est un accord par lequel les parties conviennent des caractéristiques générales de leurs relations contractuelles futures. Des contrats d'application en précisent les modalités d'exécution.

Le contrat-cadre conclu le 1er octobre 2018 entre les parties qui ont entendu lui donner un effet rétroactif à compter du 1er avril précédent prévoit expressément, en son article 4, que les documents contractuels applicables à leur relation sont, par ordre de priorité décroissante, d'abord le contrat d'application, ses annexes et les éventuels avenants puis le présent contrat-cadre, ses annexes et les éventuels avenants ; ce même article précise également que ces documents qui établissent l'ensemble des droits et obligations des parties, 'annulent tous les autres engagements verbaux ou écrits antérieurs que les parties auraient pu souscrire sur le même objet.'

La société Ici Barbès ne peut par conséquent valablement faire référence aux éléments contenus dans l'appel d'offres auquel elle a favorablement répondu avant la signature du contrat-cadre.

En exécution du contrat-cadre, trois contrats d'application ont été signés entre les parties ; le premier daté du 1er octobre 2018 a pris effet rétroactivement à compter du 1er avril 2018 et s'est terminé le 31 décembre 2018, le deuxième qui est entré en vigueur le 1er mai 2018 s'est poursuivi pour une durée de dix mois jusqu'au 28 février 2019 sans tacite reconduction et enfin, le troisième contrat, entré en vigueur le 1er février 2019, a été signé le 23 mai 2019 pour une durée ferme de cinq mois jusqu'au 30 juin 2019 sans tacite reconduction.

Il est constant qu'à l'issue du dernier contrat d'application au 30 juin 2019, la société KPMG n'a confié aucune autre prestation à la société Ici Barbès et qu'aucun autre contrat d'application n'a été signé entre les parties alors même que le contrat-cadre prévoyait qu'il était conclu 'pour une durée ferme de deux ans, soit jusqu'au 1er avril 2020', avec possibilité de le renouveler pendant une durée supplémentaire d'une année si les parties en décidaient ; le contrat-cadre devait donc s'exécuter pendant encore dix mois.

Il s'avère cependant qu'à cette même période, la société KPMG a lancé un nouvel appel d'offres en juin 2019, celui-ci s'inscrivant comme le précédent de mai 2017 dans le cadre de sa 'communication marque employeur' ; les attendus de l'agence prestataire étaient proches puisque comme dans le précédent, l'appel d'offres était lancé pour des prestations de conseil, d'achat d'espaces off et on-line, des actions de communication notamment pour les campagnes de recrutement, ce nouvel appel d'offres concernant également des recommandations sur le fond et la forme des 'pages carrières' et la production des contenus relatifs au 'social media'.

La société Ici Barbès n'a pas été retenue, la société KPMG précisant avoir conclu le 20 février 2020 un nouveau contrat de prestations avec la société TMP Worldwide avec effet rétroactif au 12 novembre 2019.

En application des articles 5.1, 7 et 12.1 du contrat-cadre, celui-ci ne crée aucune exclusivité au titre de la réalisation des prestations, la société KPMG n'étant contractuellement tenue par aucun volume minimum de commandes de sa part et de chiffre d'affaires avec sa prestataire, la société Ici Barbès, étant précisé que le seul visa, à l'article 23 du contrat-cadre relatif au personnel du prestataire, de l'article L.8222-1 du code du travail à propos des documents à remettre par ce dernier notamment lors de la signature du contrat d'application ne remet pas en cause ces clauses contractuelles non équivoques.

Pour autant, la société KPMG se devait d'exécuter loyalement le contrat et de recourir à sa partenaire pendant la durée contractuellement prévue, ce qu'elle n'a pas fait dès lors qu'elle n'a plus confié aucun contrat à la société Ici Barbès à partir du moment où, à l'occasion d'un changement de l'équipe de direction, elle a recherché un autre partenaire puis conclu un nouveau contrat qui a pris effet plus de quatre mois avant la fin du contrat-cadre la liant à la société Ici Barbès.

La société KPMG qui n'a pas été loyale dans l'exécution de ses relations avec la société Ici Barbès, a manqué à un principe essentiel du droit contractuel et a commis une faute dans l'exécution du contrat ; il n'y a pas lieu cependant de prononcer la résolution judiciaire du contrat-cadre, la société Ici Barbès ayant assigné la société KPMG postérieurement à l'arrivée du terme de ce contrat.

La société Ici Barbès est cependant bien fondée à solliciter la réparation intégrale du préjudice causé par l'exécution fautive du contrat.

Sur les demandes indemnitaires de la société Ici Barbès :

La société KPMG qui conclut à l'absence de préjudice indemnisable soutient que la société intimée n'a subi aucune perte de marge sur la période du 1er juillet 2019 au 1er avril 2020. Rappelant que l'appel d'offres, contrairement à ce que prétend l'intimée, n'a aucune valeur contractuelle, elle expose notamment que la perte de marge ne peut s'analyser qu'au regard de la marge nette non dégagée par le prestataire et non au regard de la marge brute dont elle affirme qu'elle n'a pas de sens dans une activité de prestation de services. Elle conteste le jugement dans la mesure où le tribunal qui a évalué le préjudice à six mois d'honoraires représentant le gain manqué, ne dit pas en quoi il y aurait un tel gain manqué alors que le dernier contrat d'application avait expiré lorsque l'appel d'offres a été lancé et que ce contrat ne contenait aucun engagement de volume.

Elle conclut également au débouté de la demande relative aux frais liés au lancement de l'appel d'offres de juin 2019 dans la mesure où l'intimée ne démontre absolument pas en quoi cet appel d'offres aurait été 'irrémédiablement vicié'.

La société Ici Barbès, soulignant que la Cour de cassation a fixé pour principe que 'la réparation intégrale du préjudice impose de prendre en compte la marge commerciale brute dont la victime du dommage a été privée' et qu'il est acquis, comme l'a relevé la cour d'appel de Paris, qu'en matière de prestations de services la marge brute est très élevée, expose que son préjudice financier se compose d'une part de la perte de marge brute du 1er juillet 2019 au 1er avril 2020, terme contractuel, en expliquant que sur cette période elle aurait dû réaliser avec la société KPMG un chiffre d'affaires de 350 000 euros HT, selon le 'brief' de l'appel d'offres de 2017 'dont la nature contractuelle n'est pas contestée' ; pour calculer la marge brute de 105 876 euros HT dont elle sollicite le paiement à hauteur de la somme de 127 051,20 euros TTC, elle explique avoir rapporté ce chiffre d'affaires à la marge brute obtenue effectivement sur la période 2018/2019 représentant 68 % du chiffre d'affaires réalisé avec la société KPMG d'un montant total de 194 300 euros HT, précisant que son expert-comptable a certifié que le montant de la marge s'élevait à 131 380,79 euros.

Elle sollicite d'autre part le remboursement des frais exposés à l'occasion de l'appel d'offres injustifié de 2019 dont elle prétend qu'il n'avait pas lieu d'être dès lors qu'elle était sous contrat pendant encore un an sur le même périmètre ; elle ajoute que la société KPMG qui reconnaît que la nouvelle direction n'a pas souhaité renouveler les contrats d'application à leur terme avec elle savait, en lançant l'appel d'offres, qu'elle ne la retiendrait pas puisqu'elle souhaitait changer de prestataire, qu'en l'invitant à participer à cet appel d'offres elle a ainsi commis une faute qu'elle doit réparer en lui remboursant les frais et investissements inutilement engagés.

Selon l'article 1231-2 du code civil, les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé sauf les exceptions et modifications par les articles suivants du même code, étant rappelé que les dommages et intérêts alloués doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour la victime ni perte ni profit et que conformément à l'article 1231-4 du même code, ceux-ci ne comprennent que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution.

Le préjudice est évalué en fonction de la marge commerciale brute dont la victime du dommage a été privée de sorte que doivent être déduits du chiffre d'affaires qu'elle n'a pas réalisé les coûts variables qu'elle n'a pas eu à exposer.

La société Ici Barbès n'est pas fondée à évaluer son préjudice sur la base du chiffre d'affaires évoqué lors de l'appel d'offres à l'issue duquel sa candidature a été retenue dès lors que les documents alors échangés n'ont pas de valeur contractuelle comme la cour l'a précédemment rappelé au regard des dispositions du contrat-cadre.

En revanche et même si le contrat-cadre ne prévoyait aucun volume minimum de chiffre d'affaires, elle est légitime, dans le cadre d'une exécution loyale de son contrat, à solliciter la réparation des gains dont elle a été privée dès lors qu'elle n'a plus bénéficié d'aucun contrat d'application du contrat-cadre à compter du 1er juillet 2019.

Au regard du nombre de contrats qui ont été souscrits sur la période de quinze mois entre le 1er avril 2018 et le 30 juin 2019, du chiffre d'affaires total de 194 300 euros HT qu'ils ont généré selon les factures communiquées sous la pièce 19 de l'intimée et dont le montant n'est pas discuté par la société KPMG, de l'attestation de son expert-comptable qui a attesté le 2 août 2021 ne pas avoir relevé d'anomalies significatives de nature à remettre en cause le montant de la marge calculée sur les prestations facturées à la société KPMG en 2018 et 2019 à hauteur de la somme de 131 380,79 euros, soit un taux de marge brute de 68 %, il convient d'évaluer le préjudice né de l'absence de tout contrat d'application à compter du 1er juillet 2019 et surtout, du 12 novembre 2019, à la somme de 50 000 euros.

S'il n'est pas sérieusement contestable que l'appel d'offres lancé par la société KPMG en juin 2019, auquel elle a invité la société Ici Barbès à participer, s'inscrivait dans une volonté de convenir de nouvelles conditions contractuelles, il ne peut être affirmé que l'appelante avait déjà décidé, avant de lancer l'appel d'offres, qu'elle ne retiendrait pas la proposition de l'intimée, étant relevé qu'il ressort du rappel de la chronologie des relations contractuelles qu'il était dans la pratique de la société KPMG d'effectuer les appels d'offres bien en amont de la conclusion du contrat-cadre. La société Ici Barbès sera par conséquent déboutée de sa demande au titre des frais exposés à l'occasion de cet appel d'offres auquel elle a choisi de candidater.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement du 21 janvier 2021 sauf en ce qu'il a condamné la société KPMG à payer à la société Ici Barbès la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens ;

Statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu à prononcer la résolution du contrat ;

Dit que la société KPMG a commis une faute dans l'exécution du contrat-cadre ;

Condamne la société KPMG à payer à la société Ici Barbès la somme de 50 000 euros ;

Condamne la société KPMG à payer à la société Ici Barbès la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société KPMG aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés, pour ceux dont il a fait l'avance, par maître Christophe Debray, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 21/01579
Date de la décision : 28/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-28;21.01579 ?
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