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28/06/2022 | FRANCE | N°20/06390

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 28 juin 2022, 20/06390


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





1ère chambre 1ère section





ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE

Code nac : 74Z





DU 28 JUIN 2022





N° RG 20/06390

N° Portalis DBV3-V-B7E-UG5U





AFFAIRE :



Epoux [S]

C/

Epoux [A]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Novembre 2020 par le Juridiction de proximité de PONTOISE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 1119002779
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Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-la SELARL BARBIER ET ASSOCIES,





-Me Nicolas BOUYER









RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de V...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 74Z

DU 28 JUIN 2022

N° RG 20/06390

N° Portalis DBV3-V-B7E-UG5U

AFFAIRE :

Epoux [S]

C/

Epoux [A]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Novembre 2020 par le Juridiction de proximité de PONTOISE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 1119002779

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-la SELARL BARBIER ET ASSOCIES,

-Me Nicolas BOUYER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dont le délibéré a été prorogé le 21 juin 2022, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [C], [G] [S]

né le 13 Décembre 1968 à[Localité 6])

de nationalité Française

et

Madame [M], [F], [T] [E] épouse [S]

née le 12 Juillet 1969 à [Localité 3]

de nationalité Française

demeurant tous deux [Adresse 4]

[Localité 2]

représentés par Me Jean-Albert PIRES substituant Me Sonia OULAD BENSAID de la SELARL BARBIER ET ASSOCIES, avocat - barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 211 - N° du dossier 317743

APPELANTS

****************

Monsieur [U], [R], [O], [J] [A]

né le 21 Mai 1966 à ST BRIEUC (22000)

de nationalité Française

et

Madame [L], [J] [I] épouse [A]

née le 30 Novembre 1967 à [Localité 7]

de nationalité Française

demeurant tous deux [Adresse 1]

[Localité 2]

représentés par Me Nicolas BOUYER, avocat - barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 33 - N° du dossier 2020500

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Avril 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie LAUER, Conseiller chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte authentique du 12 avril 2013, M. [S] et Mme [E], son épouse, ont acquis une maison située à [Adresse 4].

Par acte authentique du 3 décembre 2008, M. et Mme [A] ont pour leur part fait l'acquisition de la propriété voisine, située [Localité 5].

Un litige est né entre les parties concernant à la fois l'exercice d'une servitude de tour d'échelle et des servitudes de jours constituées par titre, mais aussi l'édification d'un abri de jardin et les plantations de M. et Mme [A].

Par acte d'huissier de justice du 26 novembre 2019, M. et Mme [S] ont fait assigner M. [A] devant le tribunal judiciaire de Pontoise, chambre de proximité.

Par jugement contradictoire rendu le 17 novembre 2020, le tribunal de proximité de Pontoise a :

- constaté l'accord des parties sur l'existence d'une servitude de tour d'échelle au profit de M. et Mme [S],

- constaté l'existence d'une servitude d'appui et débouté M. et Mme [S] de leur demande de démolition de l'auvent de M. et Mme [A],

- ordonné l'arrachage du cyprès situé moins de deux mètres de la limite séparative et ce sous astreinte provisoire de 20 euros par jour de retard à compter du 90ème jour suivant la signification du jugement,

- s'est réservé la liquidation de l'astreinte,

- débouté M. et Mme [S] de leur demande d'arrachage de la vigne mais a rappelé que celle-ci doit être taillée régulièrement afin de n'engendrer aucune perte de luminosité chez M. et Mme [S],

- condamné M. et Mme [A] à payer à M. et Mme [S] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du trouble de voisinage consécutif à la privation de lumière engendré par le défaut de taille régulière de la vigne,

- débouté M. et Mme [S] du surplus de leur demandes,

- débouté M. et Mme [A] de leurs demandes au titre des travaux de réfection de l'appui de

fenêtre de M. et Mme [S] et d`installation d'une gouttière,

- condamné M. et Mme [S] à payer à M. et Mme [A] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts au titre du trouble de jouissance subi du fait non respect de la servitude de jour,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- fait masse des dépens et dit qu'ils seront partagés par moitié entre M. et Mme [S] et M. et Mme [A].

M. et Mme [S] ont interjeté appel de ce jugement le 21 décembre 2020, à l'encontre de M. et Mme [A].

Par dernières conclusions notifiées le 14 septembre 2021, M. et Mme [S] demandent à la cour de :

Vu les articles 1103, 1104 et 1231 1 du code civil,

Vu les articles 544, 545, 671, 672, 673, 690, 692 et 693 du code civil,

Vu la jurisprudence précitée,

Vu les pièces versées au débat,

- infirmer partiellement le jugement rendu en ce qu'il a :

· constaté l'existence d'une servitude d'appui au profit de M. et Mme [A] et débouté de leur demande de démolition de l'auvent de M. et Mme [A],

· débouté M. et Mme [S] de leur demande d'arrachage de la vigne mais rappelé que celle ci doit être taillée régulièrement afin de n'engendrer aucune perte de luminosité chez M. et Mme [S],

· condamné M. et Mme [A] à payer à M. et Mme [S] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du trouble de voisinage consécutif à la privation de lumière engendré par le défaut de taille régulière de la vigne,

· débouté M. et Mme [S] du surplus de leurs demandes,

· condamné M. et Mme [S] à payer à M. et Mme [A] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts au titre du trouble de jouissance subi du fait non respect de la servitude de jour.

Puis statuant à nouveau, de :

- dire et juger que M. et Mme [A] ont fait construire un auvent en violation de la servitude existante,

Par conséquent,

- condamner M. et Mme [A] à démolir l'auvent litigieux sous astreinte de 50 euros par jour à compter de la signification de la décision à intervenir,

- condamner M. et Mme [A] d'avoir à procéder à la suppression de la vigne troublant M. et Mme [S] dans la jouissance de leur bien sous astreinte de 50 euros par jour à compter de la signification de la décision à intervenir,

- condamner M. et Mme [A] à verser à M. et Mme [S] la somme de 2.500 euros au titre des troubles de voisinage.

En tout état de cause,

- débouter M. et Mme [A] de l'ensemble de leurs demandes, fins et moyens,

- condamner M. et Mme [A] à verser à M. et Mme [S] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

- confirmer le jugement pour le surplus.

Par d'uniques conclusions notifiées le 14 juin 2021, M. et Mme [A] demandent à la cour de :

Vu les articles 644, 662, 671 et 672 du code civil,

A titre principal,

- confirmer partiellement le jugement en date du 17 novembre 2020 en ce qu'il a :

* constaté l'existence d'une servitude d'appui,

* débouté M. et Mme [S] de leur de demande de démolition de l'auvent de M. et Mme [A],

* débouté M. et Mme [S] de leur demande d'arrachage de la vigne rappelant que celle ci devait être taillée régulièrement,

* débouté M. et Mme [S] du surplus de leurs demandes,

-l'infirmer partiellement en ce qu'il a :

* condamné M. et Mme [A] à payer à M. et Mme [S] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du trouble de voisinage consécutif à la privation de lumière,

* débouté M. et Mme [A] de leurs demandes au titre des travaux de réfection de l'appui de fenêtre de M. et Mme [S] et d'installation d'une gouttière,

* condamné M. et Mme [S] à payer à M. et Mme [A] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts au titre du trouble de jouissance subi du fait du non respect de la servitude de jour,

* dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

* fait masse des dépens et dit qu'ils seront partagés par moitié entre M. et Mme [S] et M. et Mme [A].

Puis statuant à nouveau, de :

- débouter M. et Mme [S] de leur demande de dommages et intérêts en réparation du prétendu trouble de voisinage consécutif à la privation de lumière,

- condamner M. et Mme [S] à procéder à la réfection de l'appui de fenêtre dégradé et à la pose de la gouttière sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision à intervenir,

- condamner M. et Mme [S] à payer à M. et Mme [A] la somme de 2.500 euros au titre du trouble de jouissance subi du fait du non respect de la servitude de jour,

- condamner M. et Mme [S] à payer à M. et Mme [A] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner enfin M. et Mme [S] aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 17 février 2022.

SUR CE, LA COUR,

les limites de l'appel

Il résulte des écritures ci-dessus visées que le débat en cause d'appel se présente dans les mêmes termes qu'en première instance, chacune des parties maintenant ses prétentions telles que soutenues devant les premiers juges si ce n'est que le jugement n'est pas querellé en ce qu'il a constaté l'accord des parties sur l'existence d'une servitude de tour d'échelle au profit de M. et Mme [S] et ordonné l'arrachage du cyprès de sorte que ces dispositions du jugement sont dès lors irrévocables.

La cour rappelle que l'article 954 du code de procédure civile oblige les parties à énoncer leurs prétentions dans le dispositif de leurs conclusions et que la cour ne statue que sur celles-ci.

Par prétention, il faut entendre, au sens de l'article 4 du code de procédure civile, une demande en justice tendant à ce qu'il soit tranché un point litigieux.

Par voie de conséquence, les "dire et juger" ne constituent pas des prétentions, mais en réalité des moyens qui ont leur place dans le corps des écritures, plus précisément dans la partie consacrée à l'examen des griefs formulés contre le jugement et à la discussion des prétentions et moyens, pas dans le dispositif. La cour ne répondra de ce fait à de tels "dire et juger" qu'à condition qu'ils viennent au soutien de la prétention formulée en appel et énoncée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans le dispositif de son arrêt, mais dans ses motifs.

La demande de destruction de l'auvent

M. et Mme [S] poursuivent l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il les a déboutés de cette demande. Au fondement des articles 692, 693 et 702 du code civil, ils font valoir que le premier juge a statué ultra petita en retenant l'existence d'une servitude par destination du père de famille ; que les époux [A], postérieurement à la séparation des parcelles, ont détruit l'auvent bénéficiant de la servitude et en ont construit un beaucoup plus imposant, se voyant dorénavant à l'intérieur de leur maison, ce qui leur cause un préjudice certain ; que la nouvelle construction est intervenue sans déclaration préalable alors qu'il ne s'agit pas d'une reconstruction à l'identique ; que la nouvelle structure, par rapport à l'ancienne, est surélevée de plus ou moins 40 cm et d'une profondeur accrue ; que l'auvent actuel fait office de véritable abri de jardin alors que le précédent servait principalement à entreposer du bois ; que les époux [A] s'approprient leur mur en l'utilisant comme faisant partie intégrante d'une structure à part entière ; que le nouvel ouvrage leur cause des nuisances, les époux [A] y entreposant leurs poubelles, ce qui cause périodiquement des bruits anormaux, tel le fracas de bouteilles de verre ; que l'amalgame blanchâtre servant d'étanchéité est désormais visible de leur intérieur, ce qui leur cause un préjudice inestimable dans la mesure où l'identité du pavillon se trouve pour partie dans la pièce située sous la verrière qui leur permet de contempler le ciel mais aussi, sur le mur au droit de la propriété [A] un cadre ancien accompagné d'un vieux poème provençal de Frédéric Mistral ; que la présence visible d'une partie de l'auvent attire malheureusement le regard et affecte la singularité charmante du pavillon ; que par conséquent, l'aggravation de la servitude ne saurait être contestée.

Appréciation de la cour

L'article 689 du code civil dispose que les servitudes apparentes sont celles qui s'annoncent par des ouvrages extérieurs, tels qu'une porte, une fenêtre, un aqueduc.

Selon l'article 690 de ce même code, les servitudes continues et apparentes s'acquièrent par titre, ou par la possession de 30 ans.

En l'espèce, c'est aux termes d'exacts motifs adoptés par la cour que le tribunal a retenu l'existence d'une servitude non seulement trentenaire mais aussi par destination du père de famille dès lors qu'il n'est contesté par aucune des parties que les fonds leur appartenant ont fait l'objet d'une division en 2007.

Si M. et Mme [S] reprochent au tribunal d'avoir statué ultra petita, M. et Mme [A] le contestent et indiquent qu'ils avaient bien visé l'article 692 du code civil dans leurs écritures.

En tout état de cause, ce reproche fait au jugement déféré est inopérant dès lors que M. et Mme [S] ne contestent pas l'existence d'une servitude en l'espèce. Pour s'en convaincre, il suffit de se référer ne serait-ce qu'au dispositif de leurs écritures puisqu'ils demandent à la cour de : " dire et juger que M. et Mme [A] ont fait construire un auvent en violation de la servitude existante ".

Leur demande ne peut donc prospérer que sur le fondement de l'article 702 du code civil qui dispose que de son côté que celui qui a un droit de servitude ne peut en user que suivant son titre, sans pouvoir faire ni dans le fonds qui doit la servitude, ni dans le fonds à qui elle est due, de changement qui aggrave la condition du premier.

Encore convient-il que M. et Mme [S] rapportent la preuve d'une telle aggravation. À cet effet, ils produisent un rapport d'expertise amiable réalisée à l'initiative de leur assureur de protection juridique (leur pièce n° 8) et quelques photographies.

Le rapport d'expertise indique : " par rapport à l'ancienne structure, la nouvelle est surélevée de plus ou moins 40 cm. M. [A] nous indique qu'il a pris la peine de faire une structure indépendante en bois désolidarisée à 99 % du mur de la façade des époux [S]. En effet, seul un tire-fond est visible sur le montant vertical gauche lorsque l'on regarde la façade de la maison des [S]. "

C'est à tort que M. et Mme [S] font valoir que l'expert n'a fait que rapporter les propos de M. [A]. L'utilisation de la conjonction de coordination " en effet " ne laisse aucun doute sur le fait que les dires de M. [A] sont bien conformes à la réalité des faits que l'expert a par conséquent bien vérifiés même s'il n'était pas à proprement parler mandaté pour ce faire.

Il en résulte que cette désolidarisation est au contraire un facteur de sécurité pour la maison de M. et Mme [S] grevée de cette servitude trentenaire et par destination du père de famille.

Aucun élément de preuve ne démontre ni que la surélévation de plus ou moins 40 cm ni que la profondeur, apparemment plus importante d'après les photographies, soit un facteur d'aggravation en eux-mêmes. C'est le lieu de relever que M. et Mme [S] n'ont pas pris la peine de faire diligenter un constat d'huissier de justice qui aurait permis d'objectiver les mesures réelles de l'ouvrage mais aussi l'obstruction de la vue depuis la verrière de la maison de M. et Mme [S].

Or, une des photographies produites aux débats en vue de l'illustrer montre certes une toute petite partie de l'ouvrage, qui représente à peine moins d'un tiers d'un seul carreau des 11 carreaux photographiés de la verrière. L'aggravation n'est donc nullement démontrée.

En outre, M. et Mme [S] ne produisent strictement aucun élément de preuve qui permettrait d'établir que leur bien s'en trouve dévalorisé.

Quant aux nuisances invoquées, celles-ci résulteraient non pas de l'ouvrage lui-même mais de son usage. En tout état de cause, elles ne pourraient ouvrir droit à indemnisation que si M. et Mme [S] rapportaient la preuve d'un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage mais ne sauraient justifier à elles seules la suppression de l'ouvrage dès lors qu'aucune preuve de l'aggravation de la servitude n'est rapportée. Force est néanmoins de constater que l'existence d'un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage n'est nullement démontrée.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

La demande d'arrachage de la vigne

M. et Mme [S] sollicitent l'infirmation du jugement en ce qu'il les a déboutés de cette demande. Au fondement des articles 671, 672 et 673 du code civil, ils font valoir que la vigne de M. et Mme [A] se développe en violation de la servitude de jour, établie lors de la séparation des deux propriétés par acte du 12 février 2007 et qu'elle obstrue la lumière dont ils doivent pouvoir bénéficier. Ils considèrent que l'arrachage, ou, a minima le déplacement des fils tendus est la seule solution permettant de mettre un terme à la perte de luminosité dont ils souffrent.

M. et Mme [A] concluent à la confirmation du jugement, dont ils s'approprient les motifs, en ce qu'il a rejeté cette demande. Ils exposent que l'expert amiable mandaté par l'assureur de protection juridique de M. et Mme [S] a constaté que la vigne était très ancienne et âgée d'au moins 20 ans et qu'elle était posée sur un système de fils de fer tendus sur une ossature indépendante et non fixée sur la façade de la maison des époux [S] et que M. [A] s'était engagé à la tailler, ce qu'il a fait.

Appréciation de la cour

Il résulte des écritures concordantes des parties sur ce point que les deux propriétés ont été séparées par acte du 12 février 2007. Ainsi qu'il en résulte des énonciations du jugement déféré, s'agissant des plantations, en première instance, M. et Mme [A] invoquaient une servitude par destination du père de famille. Ils confirment d'ailleurs dans leurs présentes écritures avoir visé l'article 692 du code civil.

Or, celui-ci dispose que la destination du père de famille vaut titre à l'égard des servitudes continues et apparentes. En outre, l'article 693 de ce code énonce qu'il n'y a destination du père de famille que lorsqu'il est prouvé que les deux fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire, et que c'est par lui que les choses ont été mises dans l'état duquel résulte la servitude.

Il est constant que tel est le cas de la vigne en l'espèce qui est bien une servitude continue et apparente présente depuis la division des fonds le 12 février 2007 puisque l'expert amiable a constaté qu'elle était âgée d'au moins une vingtaine d'années.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande. La seule circonstance que la vigne aurait repoussé depuis la taille non contestée de M. [A] ne saurait en effet justifier d'en prononcer l'arrachage, pas plus que le trouble de jouissance allégué qui sera au demeurant analysé ci-après.

La demande de dommages et intérêts au titre de la vigne

M. et Mme [S] sollicitent l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a limité leur indemnisation à 1 500 euros. Ils demandent à la cour de la porter à 2 500 euros. Ils se prévalent des termes du jugement et de l'expertise amiable qui a constaté que, du fait de la présence de la vigne, malgré une journée ensoleillée, un éclairage artificiel était nécessaire pour profiter pleinement du salon.

M. et Mme [A] poursuivent l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il les a condamnés à payer à M. et Mme [S] la somme de 1 500 euros de dommages et intérêts pour la privation de lumière. À l'appui, ils font valoir que la perte de luminosité n'est pas démontrée et qu'aucun élément nouveau n'a été versé aux débats de nature à caractériser ces prétendus troubles.

Appréciation de la cour

La perte de luminosité créée par la présence de la vigne, avant la taille réalisée par M. [A], résulte suffisamment de l'expertise amiable et des photographies produites aux débats. Le jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a condamné M. et Mme [A] à indemniser M. et Mme [S] de ce chef.

Toutefois, le tribunal a correctement évalué le préjudice né de la perte de luminosité causée par la présence de la vigne sur le fonds de M. et Mme [A], que ces derniers se sont engagés à tailler. Il n'est pas contesté que cet engagement a été respecté. Pour justifier de ce que la vigne aurait recommencé à pousser, M. et Mme [S] produisent une photographie illustrant que deux petites branches sont visibles depuis leur verrière, ce qui ne permet en rien de caractériser une aggravation éventuelle du préjudice. Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef, la mésentente entre les voisins et les différents moyens invoqués de ce chef par M. et Mme [S] ne justifiant pas non plus de l'infirmer.

La demande de réfection de l'appui de fenêtre et d'installation d'une gouttière

M. et Mme [A] poursuivent l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il les a déboutés de cette demande. À l'appui, ils font valoir que les époux [S] n'ont pas réparé la gouttière de leur maison laquelle laisse s'écouler les eaux pluviales sur l'auvent le détériorant et les obligeant à le réparer. Ils se prévalent du rapport d'expertise amiable qui a indiqué que la toiture devait faire l'objet d'une sérieuse remise en état et qu'une gouttière devait être créée, chaque fonds devant faire son affaire des eaux pluviales provenant de sa propriété.

Quant à l'appui de fenêtre, ils invoquent le rapport d'expertise amiable qui a relevé que celui-ci était fortement abîmé et que son remplacement devait être envisagé par les époux [S] dans les meilleurs délais

M. et Mme [S] concluent à la confirmation du jugement qui a retenu l'existence d'une servitude de déversement des eaux de pluie à leur profit. Ils soulignent qu'il est possible de déroger à l'obligation qui impose à chaque fonds de faire son affaire des eaux pluviales provenant de sa propriété comme l'a retenu un arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 19 février 2002 et un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 4 mars 2008. Ils affirment en tout état de cause que la servitude de déversement des eaux de pluie est établie en l'espèce par prescription trentenaire et par destination du père de famille. Subsidiairement, ils font valoir que le titre de propriété des époux [A] dispose que l'acquéreur souffrira les servitudes passives, apparentes ou occultes continues ou discontinues qui peuvent grever l'immeuble vendu. À titre encore plus subsidiaire, ils invoquent une servitude trentenaire puisque le premier acte de vente concernant cette propriété date du 10 septembre 1968.

Quant à la réfection de l'appui de fenêtres, ils opposent que les époux [A] échouent à démontrer l'existence d'un préjudice, ni même de quelconques risques causés par celui-ci.

Appréciation de la cour

La cour observe en premier lieu qu'en cause d'appel, M. et Mme [A] se bornent à reprendre leurs moyens de première instance sans articuler la moindre critique de ce chef à l'encontre du jugement.

Or, c'est aux termes d'exacts motifs adoptés par la cour, qu'aucun élément à hauteur d'appel ne permet de remettre en cause, que le tribunal a retenu qu'il ressortait des pièces du dossier que la gouttière dont la pose était réclamée par M. et Mme [A] n'avait jamais existé et que cette situation était donc nécessairement antérieure à la division. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu, sur le fondement de l'article 692 du code civil, l'existence d'une servitude par destination du père de famille de ce chef. Par ailleurs, M. et Mme [A] ne justifient en aucune manière du préjudice qu'ils invoquent à ce titre.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme [A] de leur demande de réfection de la pièce d'appui de fenêtre dont le fondement juridique n'est pas plus expliqué en appel qu'en première instance. Il doit être rappelé que si l'expert amiable a constaté une telle nécessité, M. et Mme [S] engageraient leur responsabilité si un dommage devait survenir mais la demande visant à leur imposer préventivement de procéder aux réparations ne repose sur aucun fondement juridique.

La demande de dommages et intérêts de M. et Mme [A] pour non-respect de la servitude de jour

Si M. et Mme [A] sollicitent l'infirmation du jugement en ce qu'il a selon eux, sous-évalué leur préjudice à ce titre, aucun élément soumis à l'appréciation de la cour ne justifie d'augmenter les dommages et intérêts qui ont été alloués en première instance, lesquels sont proportionnés à la réalité du préjudice.

Par ailleurs, si M. et Mme [S] sollicitent l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il les a condamnés de ce chef, aucun élément soumis à l'appréciation de la cour ne justifie non plus d'infirmer sur ce point la décision de première instance qui, aux termes d'exacts motifs adoptés par la cour, a constaté la réalité du préjudice de ce chef.

Les dispositions accessoires

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a exactement statué sur les dépens ainsi que sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Aucune considération d'équité ne justifie de faire applications desdites dispositions en cause d'appel de sorte que chaque partie sera déboutée de sa demande à ce titre et conservera la charge de ses dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

Dans les limites de l'appel,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 17 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Pontoise,

Et, y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

LAISSE à chaque partie la charge de ses dépens d'appel.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 20/06390
Date de la décision : 28/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-28;20.06390 ?
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