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28/06/2022 | FRANCE | N°20/04609

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 28 juin 2022, 20/04609


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





1ère chambre 1ère section







ARRÊT N°







CONTRADICTOIRE

Code nac : 70B





DU 28 JUIN 2022







N° RG 20/04609

N° Portalis DBV3-V-B7E-UB52





AFFAIRE :



[T] [R]

[J] [W]

C/

S.C.I. DE BONNEVILLE





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Septembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de PONTOISE

N° Chambre :

° Section :

N° RG : 18/08981



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-la SCP EVODROIT-SCP INTER BARREAUX D'AVOCATS,



-Me Pascale TOUATI







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VIN...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 70B

DU 28 JUIN 2022

N° RG 20/04609

N° Portalis DBV3-V-B7E-UB52

AFFAIRE :

[T] [R]

[J] [W]

C/

S.C.I. DE BONNEVILLE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Septembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de PONTOISE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 18/08981

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-la SCP EVODROIT-SCP INTER BARREAUX D'AVOCATS,

-Me Pascale TOUATI

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [T] [R]

né le 10 Décembre 1974 à [Localité 7] ([Localité 7])

de nationalité Française

et

Madame [J] [W]

née le 25 Avril 1975 à [Localité 10] ([Localité 10])

de nationalité Française

demeurant tous deux au [Adresse 4]

[Localité 6]

représentés par Me Sébastien PINGUET substituant Me Julien AUCHET de la SCP EVODROIT-SCP INTER BARREAUX D'AVOCATS, avocat - barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 13

APPELANTS

****************

S.C.I. DE BONNEVILLE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

N° SIRET : 315 333 401

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Pascale TOUATI, avocat - barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 11

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 Avril 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

FAITS ET PROCÉDURE

M. [R] et Mme [W] sont propriétaires de deux parcelles cadastrées A [Cadastre 1] et A [Cadastre 2] situées à [Localité 8] (Val d'Oise) sur lesquelles ils ont fait construire cinq pavillons à usage d'habitation pour réaliser un investissement locatif. Les pavillons ont été édifiés et sont donnés en location depuis 2014.

La société civile immobilière de Bonneville (ci-après 'la SCI de Bonneville') est propriétaire d'une parcelle jouxtant le fonds de M. [R] et Mme [W] cadastrée 2478. Le terrain est loué et abrite un garage Peugeot dénommé le Garage de la Plaine.

Un litige est né entre les parties au sujet de la réalisation sur un muret préexistant de clôture, propriété de la SCI de Bonneville, d'un rehaussement par M. [R] et Mme [W].

Par exploit d'huissier de justice du 24 octobre 2018, la SCI de Bonneville a fait assigner M. [R] et Mme [W] devant le tribunal judiciaire aux fins de remise dans l'état initial du muret de clôture surmonté d'une palissade sur lequel, sans son autorisation, M. [R] et Mme [W] ont édifié un mur, au surplus en méconnaissance des règles de l'art.

Par jugement contradictoire rendu le 11 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Pontoise a :

- dit que l'action de la SCI de Bonneville est recevable ;

- constaté que la SCI de Bonneville a donné son accord officiel à la réalisation d'un mur de clôture dans les règles de l'art, enduit de crépi, et sous la responsabilité d'un maître d''uvre ;

- condamné in solidum M. [R] et Mme [W] à effectuer, à leurs frais exclusifs, les travaux de remise en état du mur de clôture qu'ils ont édifié, travaux devant être exécutés dans le respect des règles de l'art et sous la maîtrise d''uvre d'un professionnel de la construction dans un délai de quatre mois à compter de la signification du présent jugement sous astreinte, passé ce délai, de 150 euros par jour de retard pendant une durée de trois mois ;

- constaté que M. [R] et Mme [W] ont adossé sans autorisation une construction sur un mur privatif de la SCI de Bonneville ;

- condamné in solidum M. [R] et Mme [W] à procéder à la démolition de la partie de leur construction adossée sur le mur de façade de la SCI de Bonneville dans un délai de quatre mois à compter de la signification du présent jugement sous astreinte, passé ce délai, de 150 euros par jour de retard pendant une durée de trois mois ;

- condamné M. [R] et Mme [W] à payer à la SCI de Bonneville la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- condamné M. [R] et Mme [W] aux dépens ;

- ordonné l'exécution provisoire de ce jugement.

M. [R] et Mme [W] ont interjeté appel de ce jugement le 24 septembre 2020 à l'encontre de la SCI de Bonneville.

Par ordonnance rendue le 15 avril 2021, le conseiller de la mise en état de la cour

d'appel de Versailles :

- s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande d'arrêt de l'exécution provisoire ;

- a débouté la société de Bonneville de sa demande de radiation de l'affaire du rôle de la cour ;

- a réservé les dépens et les frais irrépétibles.

Par leurs dernières conclusions notifiées le 25 février 2021, M. [R] et Mme [W] demandent à la cour de :

- infirmer le jugement rendu le 11 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Pontoise ;

- débouter la SCI de Bonneville de toutes fins, moyens et prétentions ;

- condamner la SCI de Bonneville à leur verser une indemnité de 3 000 euros au titre

des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SCI de Bonneville aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions notifiées le 16 février 2022, la SCI de Bonneville demande à la cour, au fondement des articles 555, 661 et 1240 du code civil, de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Pontoise le 11 septembre 2020 ;

- constater qu'elle avait donné son accord officiel à la réalisation d'un mur de clôture dans les règles de l'art, enduit de crépi, et sous la responsabilité d'un maître d''uvre, travaux qui devaient être réalisés avant le 31 décembre 2019 ;

- condamner M. [R] et Mme [W], sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir, à remettre en l'état initial le muret de clôture surmonte d'une palissade sur lequel ils ont édifié un mur sans autorisation et en méconnaissance des règles de l'art ;

- condamner M. [R] et Mme [W], sous astreinte de 1.000 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir, à démolir le mur de façade adossé sans autorisation au mur de façade lui appartenant ;

Subsidiairement,

- condamner M. [R] et Mme [W] à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- débouter M. [R] et Mme [W] de l'intégralité de leurs demandes.

En tout état de cause,

- condamner M. [R] et Mme [W] à lui payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, avec distraction dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 17 mars 2022.

SUR CE, LA COUR,

Sur les limites de l'appel et à titre liminaire,

Il résulte des écritures ci-dessus visées que, à l'exception de la question de la recevabilité de l'action de la SCI de Bonneville, le débat en cause d'appel se présente dans les mêmes termes qu'en première instance, chacune des parties maintenant ses prétentions telles que soutenues devant les premiers juges.

En effet, en première instance, M. [R] et Mme [W] contestaient la recevabilité de l'action exercée par la SCI de Bonneville. En cause d'appel, ils sollicitent le débouté de la SCI de Bonneville et ne demandent plus de la déclarer irrecevable en son action.

Le jugement en ce qu'il déclare recevable l'action de la SCI de Bonneville est dès lors devenu irrévocable.

La cour rappelle qu'elle ne statue que sur les prétentions récapitulées au dispositif des dernières conclusions des parties conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile.

Force est de constater que la SCI de Bonneville sollicite la confirmation du jugement (page 13 de ses dernières écritures).

S'agissant de ses prétentions au titre de l'exhaussement du muret, elle sollicite donc la confirmation du jugement et explicite cette demande en pages 5 à 9 de ses dernières écritures en précisant avoir sollicité la remise du mur de clôture dans son état initial parce que M. [R] et Mme [W] n'avaient pas respecté les termes de l'accord qu'elle avait donné, que le tribunal a rejeté cette demande motif pris de cet accord et a condamné ses adversaires à effectuer, à leurs frais exclusifs, les travaux de remise en état du mur de clôture qu'ils ont édifié, travaux devant être exécutés dans les règles de l'art et sous maîtrise d'oeuvre d'un professionnel de la construction (page 9 de ses dernières écritures). A cet égard, force est de constater qu'elle précise en page 9 et en conclusif de ses développements qu'elle demande 'la confirmation du jugement sur ce point'.

Cependant, au dispositif de ses conclusions, en page 14, il est patent qu'elle réitère les demandes qu'elle avait formulées devant le premier juge à savoir 'Condamner M. [R] et Mme [W], sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir, à remettre en l'état initial le muret de clôture surmonte d'une palissade sur lequel ils ont édifié un mur sans autorisation et en méconnaissance des règles de l'art'.

Il convient en conséquence d'interpréter cette demande qui n'est pas formulée de manière claire. A cet égard, dès lors que la SCI de Bonneville sollicite la confirmation du jugement et l'explicite clairement en page 9 de ses écritures, la cour retiendra qu'elle est saisie d'une demande tendant à confirmer le jugement en ce qu'il 'Condamne in solidum M. [R] et Mme [W] à effectuer, à leurs frais exclusifs, les travaux de remise en état du mur de clôture qu'ils ont édifié, travaux devant être exécutés dans le respect des règles de l'art et sous la maîtrise d''uvre d'un professionnel de la construction dans un délai de quatre mois à compter de la signification du présent jugement sous astreinte, passé ce délai, de 150 euros par jour de retard pendant une durée de trois mois'. Ainsi, la demande qui figure en page 14 des dernières conclusions de l'appelante procède d'une erreur purement matérielle.

Sur l'exhaussement du muret de la SCI de Bonneville

' Moyens des parties

M. [R] et Mme [W] poursuivent l'infirmation du jugement en ce qu'il retient qu'ils ne démontrent pas l'existence d'un accord verbal donné par la SCI de Bonneville précédant la réalisation, contestée, du mur, en 2012, par leurs soins, destiné à séparer la parcelle appartenant à leur adversaire du lotissement qu'ils ont créé.

Ils soutiennent que ce muret, neuf, créé en 2012, a été partiellement mal construit et en outre dégradé par la chute d'un arbre de la SCI de Bonneville ; que ce dévers nécessite de la démolir et le reconstruire correctement.

Ils font valoir que la SCI de Bonneville n'a commencé à se plaindre de ce mur que fin 2018 lorsqu'elle s'est aperçue qu'il présentait un dévers partiel et après s'être inquiétée de la pose d'étais.

M. [R] et Mme [W] admettent que les désordres que présente ce mur doivent être réparés et disent avoir sollicité d'une société de maçonnerie un devis pour la démolition et la reconstruction de ce mur sur 21 m², travaux qu'ils se sont engagés à prendre entièrement à leur charge (pièces 8 et 9). Ils ajoutent que ce mur étant sur la propriété de la SCI de Bonneville, ils ont sollicité son accord pour entreprendre les travaux (pièces 10 et 11). Ils précisent que, au cours de l'instance devant le tribunal judiciaire, la SCI de Bonneville a officiellement accepté la réalisation de ces travaux qui ont été réalisés par la société Sur (pièce 12, facture de cette société).

Ils en concluent que le jugement, qui ordonne 'la remise en état' sous astreinte de ce mur ne peut qu'être infirmé.

La SCI de Bonneville poursuit la confirmation du jugement en ce qu'il condamne M. [R] et Mme [W] à remettre en l'état le mur de clôture qu'ils ont édifié en méconnaissance des règles de l'art et ce sous astreinte.

Elle fait valoir que M. [R] et Mme [W] sont de mauvaise foi quand ils prétendent avoir obtenu son accord initial pour l'exhaussement de son mur privatif et que des désordres survenus résultaient en particulier de la chute sur ce mur d'un arbre se trouvant sur sa propriété alors qu'ils sont le résultat exclusif de travaux mal réalisés, de manière non conformes aux règles de l'art.

Elle ajoute avoir effectivement donné son accord pour que ces travaux de reprise soient réalisés, conformément aux règles de l'art et le mur enduit de crépi, le tout sous la responsabilité d'un maître d'oeuvre (pièce 13 adverse). Toutefois, constatant que les travaux entrepris sur le mur ne respectaient pas les termes de l'autorisation donnée en ce qu'aucun maître d'oeuvre n'avait supervisé les travaux, que la reprise était partielle, que l'enduit prévu n'avait pas été réalisé, condition indispensable à son accord, la SCI de Bonneville ne pouvait que maintenir ses demandes initiales de remise en état des lieux dans leur état antérieur.

Elle rappelle que le premier juge n'a pas accueilli cette demande aux motifs qu'elle avait accepté le principe des travaux de reprise aux conditions explicitées dans ses écritures et a condamné M. [R] et Mme [W] à respecter les termes de l'accord donné par la SCI de Bonneville, à savoir réaliser les travaux de remise en état du mur de clôture qu'ils ont édifié dans les règles de l'art et sous la maîtrise d'oeuvre d'un professionnel de la construction.

Elle sollicite donc la confirmation du jugement de ce chef aux motifs que ses adversaires ne justifient pas avoir respecté les termes de l'accord donné.

' Appréciation de la cour

Pour justifier avoir respecté l'accord donné par la SCI de Bonneville, M. [R] et Mme [W] versent aux débats un devis et une facture émanant de la société Sur (pièces 8 devis du 1er mars 2019 et 12 facture du 16 septembre 2019 de cette société) ainsi qu'une attestation d'assurance décennale souscrite par cette société (pièce 9).

Cependant, de tels éléments ne sont pas de nature à démontrer que les travaux de reprise ont été exécutés conformément aux règles de l'art, supervisés par un maître d'oeuvre et que l'enduit de crépi a été effectué sur l'ensemble du mur.

A cet égard, la cour constate qu'il résulte des productions que :

* le mur de clôture séparant les deux fonds voisins mesure trente mètres de long et que sa hauteur atteint les deux mètres dix, que différentes fissures en escalier étaient visibles le long de ce mur, que l'enduit était endommagé (pièce 2 de l'intimée à savoir un constat d'huissier de justice dressé le 10 janvier 2018),

* l'accord prévoyait la reprise du mur dans sa totalité, dans les règles de l'art, enduit de crépi et sous la responsabilité d'un maître d'oeuvre (pièce 13 des appelants),

* les travaux ne sont pas conformes en ce qu'il résulte tant du devis que de la facture versés aux débats que seulement douze mètres linéaires de mur de clôture ont été réparées (pièces 8 et 12),

* M. [R] et Mme [W] ne justifient pas de l'intervention d'un maître d'oeuvre ayant supervisé les travaux,

* M. [R] et Mme [W] ne démontrent pas qu'un enduit de crépi a été posé sur le mur ; en tout état de cause, ni le devis, ni la facture susvisé n'indiquent que de tels travaux ont été réalisés.

Il s'ensuit que, contrairement à ce que M. [R] et Mme [W] affirment, il n'est nullement démontré que les travaux de reprise conformes à l'accord donnée par la SCI de Bonneville ont été réalisés de sorte que le jugement ne pourra qu'être confirmé de ce chef.

Sur la construction accolée au mur de façade de la SCI de Bonneville

Le tribunal judiciaire a condamné in solidum M. [R] et Mme [W] à procéder à la démolition de la partie de leur construction adossée sur le mur de façade de la SCI de Bonneville sous astreinte par application des dispositions de l'article 662 du code civil aux motifs qu'il n'était pas contesté par les parties que la construction de M. [R] et Mme [W] était accolée sur le mur de façade de la propriété appartenant en propre à la SCI de Bonneville et que M. [R] et Mme [W] ne justifiaient d'aucune autorisation de la part de leur voisin pour ancrer leur construction dans le mur de la SCI de Bonneville.

' Moyens des parties

M. [R] et Mme [W] poursuivent l'infirmation du jugement en ce qu'il les condamne in solidum à procéder à la démolition de la partie de leur construction adossée sur le mur de façade de la SCI de Bonneville alors que leur construction ne prend pas appui sur la propriété privative de leur adversaire, comme ils en justifient par leurs productions, que les dispositions de l'article 661 et suivants du code civil visent la jonction entre deux murs dont l'un est mitoyen, ce qui n'est manifestement pas le cas en l'espèce, que leur construction n'est ni ancrée, ni ne prend appui sur le mur privatif de la SCI de Bonneville, que le fait de juxtaposer leur mur sur le mur voisin, sans qu'il y ait ancrage ou appui ne porte pas atteinte à la propriété du voisin (3e Civ., 8 mars 1972, pourvoi n° 71-10.358, Bulletin des arrêts Cour de Cassation Chambre civile 3 N 170 P121).

La SCI de Bonneville poursuit la confirmation du jugement de ce chef et fait valoir, se fondant sur les dispositions de l'article 661 du code civil, que M. [R] et Mme [W] ont réalisé l'édification d'un immeuble dont la façade prend directement appui sur celle de son immeuble. Elle ajoute que, pour se faire, ils se sont affranchis de son accord.

Elle conteste la force probante des éléments de preuve versés aux débats par ses adversaires (pièces 14 et 15) qui n'ont pas été recueillis de manière contradictoire.

' Appréciation de la cour

L'article 661 du code civil dispose que tout propriétaire joignant un mur a la faculté de le rendre mitoyen en tout ou en partie, en remboursant au maître du mur la moitié de la dépense qu'il a coûté, ou la moitié de la dépense qu'a coûté la portion du mur qu'il veut rendre mitoyenne et la moitié de la valeur du sol sur lequel le mur est bâti. La dépense que le mur a coûté est estimée à la date de l'acquisition de sa mitoyenneté, compte tenu de l'état dans lequel il se trouve.

Le terme 'joindre', au sens de ce texte, s'entend d'une construction qui prend appui, qui s'attache, qui est ancrée dans un mur voisin. Les dispositions de l'article 661 du code civil sont lues comme traduisant la consécration par le législateur de 1804 d'une ancienne coutume de [Localité 9] qui visait à favoriser le développement de la mitoyenneté dans les bourgs et les villes en raison des avantages pratiques qui s'y attachaient. En effet, l'intérêt de la mitoyenneté est technique et économique en ce qu'elle permet l'utilisation d'un même mur porteur, en y implantant poutres et solives, pour l'édification de constructions sur des fonds contigus.

Contrairement à ce que le tribunal a retenu, M. [R] et Mme [W] n'ont pas admis que les conditions de l'article 661 du code civil étaient réunies, mais se sont bornés à reconnaître que le mur pignon de l'une des maisons de ville leur appartenant était 'effectivement accolée au hangar de la SCI de Bonneville, mais ... qu'il n'y avait ni empiétement ni jonction quelconque' ; en outre, ils ont soutenu que l'autorisation de la SCI de Bonneville n'était nullement requise dès lors que leur construction n'empiétait pas sur le mur de la SCI de Bonneville, n'était pas ancrée à cette construction, n'était donc pas jointe à celle-ci.

Il revient donc à la SCI de Bonneville qui invoque les dispositions de l'article 661 du code civil, qui prétend donc que la construction de M. [R] et Mme [W] prend appui, s'attache, s'ancre sur la façade de l'immeuble lui appartenant d'en rapporter la preuve.

Or, force est de constater qu'elle se borne à solliciter la confirmation du jugement sur ce point alors que le premier juge a fait une application erronée du texte susvisé compte tenu des circonstances de l'espèce. La SCI de Bonneville ne produit en outre aucun élément de preuve de nature à convaincre la cour que la construction de M. [R] et Mme [W] était ancrée, appuyée, jointe au mur de façade de sa propriété de sorte sa demande infondée ne saurait aboutir.

Au surplus, alors que la charge de la preuve ne pèse pas sur M. [R] et Mme [W], ceux-ci fournissent deux éléments de preuve concordant, à savoir le rapport technique de M. [Y], expert judiciaire, consulté amiablement et de manière non contradictoire (pièce 14), et un constat d'huissier de justice dressé le 2 février 2020 (pièce 15), concluant à l'absence de liaison, d'appui, d'empiétement, d'ancrage de la structure du bâtiment de M. [R] et Mme [W] sur la propriété de la SCI de Bonneville.

Il découle de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal a condamné in solidum M. [R] et Mme [W] à procéder à la démolition de la partie de leur construction adossée sur le mur de façade de la SCI de Bonneville et ce sous astreinte.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

Les parties, qui succombent respectivement et partiellement en leurs prétentions, supporteront la charge de leurs propres dépens d'appel.

Il n'apparaît pas équitable de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

Dans les limites de l'appel,

INFIRME le jugement en ce qu'il :

* constate que M. [R] et Mme [W] ont adossé sans autorisation une construction sur un mur privatif de la SCI de Bonneville ;

* condamne in solidum M. [R] et Mme [W] à procéder à la démolition de la partie de leur construction adossée sur le mur de façade de la SCI de Bonneville dans un délai de quatre mois à compter de la signification du présent jugement sous astreinte, passé ce délai, de 150 euros par jour de retard pendant une durée de trois mois ;

Le CONFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

REJETTE la demande de la SCI de Bonneville dirigée contre M. [R] et Mme [W] au titre de la démolition de la partie de leur construction prétendument jointe au mur de la façade de la SCI de Bonneville ;

DIT que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens d'appel ;

DIT n'y avoir lieu à hauteur d'appel à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 20/04609
Date de la décision : 28/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-28;20.04609 ?
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