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28/06/2022 | FRANCE | N°18/06432

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 28 juin 2022, 18/06432


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





1ère chambre 1ère section







ARRET N°







CONTRADICTOIRE

Code nac : 28Z





DU 28 JUIN 2022





N° RG 18/06432

N° Portalis DBV3-V-B7C-SUVX





AFFAIRE :



[VK] [F]

C/

Consorts [F]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Juin 2018 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Sect

ion :

N° RG : 15/06394



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-Me Louise VANRENTERGHEM,



-Me Isabelle TOUSSAINT,



-la SCP COURTAIGNE AVOCATS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 28Z

DU 28 JUIN 2022

N° RG 18/06432

N° Portalis DBV3-V-B7C-SUVX

AFFAIRE :

[VK] [F]

C/

Consorts [F]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Juin 2018 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 15/06394

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-Me Louise VANRENTERGHEM,

-Me Isabelle TOUSSAINT,

-la SCP COURTAIGNE AVOCATS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [VK] [F]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Adresse 4] - BELGIQUE

représenté par Me Louise VANRENTERGHEM, avocat postulant - barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 334

Me Jérémie DAZZA substituant Me Mélanie ROQUE MARTINS, avocat - barreau de PARIS

APPELANT

****************

Madame [Y], [C], [K] [F]

née le 24 Juin 1958 à [Localité 10] (CONGO)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Madame [N], [J] [F] nom d'usage [RJ]

née le 16 Novembre 1960 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 5]

Monsieur [M], [W], [P] [F]

né le 29 Août 1956 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 3]

Monsieur [D], [Z], [W] [F]

né le 16 Septembre 1964 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Adresse 8]

représentés par Me Isabelle TOUSSAINT, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 249

Me Emmanuel ESCARD DE ROMANOVSKY, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : B0140

Maître [S], [L], [A] [GO]

notaire associé, membre de la SCP [S] [GO] ET STEPHANE MENAND

né le 19 Août 1968 à [Localité 13]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté par Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocat - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 - N° du dossier 017902

Madame [G] [OY] veuve [F]

née le 14 Juillet 1930 à [Localité 12] (SYRIE)

décédée le 01/09/2019 à [Localité 15]

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Avril 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente et Madame Nathalie LAUER, Conseiller chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

***************************

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [G] [OY] et M. [V] [F] se sont mariés le 26 novembre 1954 à [Localité 9], après avoir fait précéder leur union d'un contrat de mariage aux termes duquel ils avaient opté pour le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts.

M. et Mme [F] ont eu cinq enfants : M. [VK] [F], Mme [Y] [F], Mme [N] [F], M. [M] [F] et M. [D] [F].

Aux termes d'un acte reçu le 2 avril 1997 par M. [GO], ès-qualités de notaire au Chesnay (78), M. [V] [F] a fait donation à son épouse, qui l'a acceptée, de la pleine propriété de la quotité disponible ordinaire, soit d'un quart en pleine propriété et de trois quarts en usufruit, soit de l'usufruit de tous les biens composant sa succession, à son choix, conformément à l'article 1094-1 du code civil.

En août 2012, M. et Mme [F] se sont installés dans une maison de retraite (EHPAD) à [Localité 15].

Début 2013, M. et Mme [F] ont sollicité M. [GO], ès-qualités de notaire, successeur de son père, pour organiser leur succession par anticipation. Le notaire a établi un projet de donation-partage, auquel M. [VK] [F] s'est opposé.

M. [V] [F] est décédé le 18 décembre 2014.

Le 14 mars 2015, M. [GO], ès-qualités de notaire au Chesnay (78), a reçu l'acte de notoriété de feu [V] [F], notamment signé par Mme [G] [OY] veuve [F], à l'occasion duquel celle-ci a exercé son option successorale de conjoint survivant en application des dispositions de l'article 1094-1 du code civil, optant pour un quart en pleine propriété et trois quarts en usufruit des biens et droits mobiliers et immobiliers composant la succession de son époux. L'acte précise, au titre " Prise de communication du choix du conjoint " : " Par ces présentes, MM [M] et [D] [F] et Mmes [Y] et [N] [F], compte-tenu du choix effectué par Mme [G] [OY] veuve [F], déclarent l'agréer. Quant à M. [VK] [F], la décision prise par Mme [G] [OY] veuve [F], lui sera notifiée par courrier en recommandé avec accusé de réception ". Motif pris de l'existence de troubles cognitifs affectant Mme [G] [OY] veuve [F], diagnostiqués au cours de son hospitalisation pendant tout le mois de janvier 2015, M. [VK] [F] a, le 9 mars 2015, formé à son égard une demande de protection judiciaire.

Par jugement du 14 septembre 2015, le juge des tutelles du tribunal d'instance de Rambouillet a placé Mme [G] [OY] veuve [F] sous un régime de curatelle renforcée et nommé Mme [I] [E] en qualité de curatrice.

Par ailleurs, par ordonnance du 28 mai 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Versailles, saisi par M. [VK] [F], a débouté celui-ci de sa demande de désignation d'un expert aux fins de déterminer l'étendue du patrimoine successoral et la liste des libéralités pouvant donner lieu à rapport. Par arrêt du 5 octobre 2017, la cour d'appel de Versailles a confirmé cette ordonnance.

M. [VK] [F] a également saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Versailles d'une demande de nomination d'un administrateur provisoire des biens dépendant de la succession de son père. Par un arrêt du 2 mars 2017, confirmant l'ordonnance du juge des référés, la demande a été rejetée, la cour considérant notamment que le demandeur ne rapportait pas la preuve d'une inertie, d'une carence ou d'une faute d'un ou de plusieurs héritiers dans l'administration de la succession, et que la désignation d'un administrateur successoral n'était pas de nature à répondre à ses contestations sur le partage.

Considérant que l'acte de notoriété du 14 mars 2015 avait été établi au mépris de l'insanité d'esprit affectant Mme [G] [OY] veuve [F] et dans le seul but d'avantager ses frères et s'urs, M. [VK] [F] a, par exploits d'huissiers de justice des 19, 22, 25 juin et 13 juillet 2015 concernant Mme [Y] [F], Mme [N] [F], M. [M] [F], Mme [G] [OY] veuve [F] et M. [GO], ès-qualités de notaire, et par remise d'acte à parquet du 22 juin 2015 concernant M. [D] [F], fait assigner ceux-ci devant le tribunal de grande instance de Versailles aux fins, principalement, de voir prononcer la nullité de " l'acte de notoriété " emportant l'option de Mme [G] [OY] veuve [F] au sens de l'article 1094-1 du code civil reçu le 14 mars 2015 par M. [GO], ès-qualités de notaire, et condamner celui-ci à lui payer la somme de 24.000 euros à titre de dommages-intérêts.

Par jugement rendu le 28 juin 2018, le tribunal judiciaire de Versailles a :

- déclaré M. [VK] [F] irrecevable en sa demande tendant à voir prononcer la nullité de l'acte reçu le 14 mars 2015 par Maître [S] [GO];

- débouté M. [VK] [F] de sa demande de dommages-intérêts à l'encontre de Maître [S] [GO] ;

- débouté Mme [Y] [F], Mme [N] [F], M. [M] [F], M. [D] [F] et Mme [G] [OY] veuve [F], assistée de sa curatrice Mme [I] [E], de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive à l'encontre de M. [VK] [F] ;

- débouté Maître [S] [GO] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral à l'encontre de M. [VK] [F] ;

- condamné M. [VK] [F] à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile :

- 500 euros au profit de Mme [Y] [F],

- 500 euros au profit de Mme [N] [F],

- 500 euros au profit de M. [M] [F],

- 500 euros au profit de M. [D] [F]

- 500 euros au profit de Mme [G] [OY] veuve [F], assistée de sa curatrice Mme [I] [E],

- 1.500 euros au profit de Maître [S] [GO].

- condamné M. [VK] [F] aux dépens, dont distraction au profit de la SCP Courtaigne Flichy Daste & Associes, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement.

M. [VK] [F] a interjeté appel de ce jugement le 13 septembre 2018 à l'encontre de Mme [Y] [F], Mme [N] [F], M. [M] [F] et M. [D] [F], Mme [G] [OY] ès-qualités de mandataire judiciaire assisté de Mme [E] ès-qualités de curateur judiciaire et M. [GO] ès-qualités de notaire.

Le 3 septembre 2019, Mme [G] [OY] veuve [F] est décédée.

Par ordonnance rendue le 17 octobre 2019, le conseiller de la mise en état a :

- constaté l'interruption d'instance (suite au décès Mme [G] [OY] veuve [F]).

Par ordonnance d'incident rendue le 15 avril 2021, le conseiller de la mise en état s'est :

- déclaré incompétent pour statuer sur la qualité à agir de M. [VK] [F].

Par dernières conclusions notifiées le 15 janvier 2020, M. [VK] [F] demande à la cour de :

Vu les articles 414-1, 730-1, 1094-1 et 1382 (dans la version, applicable, antérieure à celle de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations) du code civil,

Vu les articles 9, 431, 370 et suivants et 1218 du code de procédure civile,

Vu le règlement national-règlement inter-cours des notaires,

- constater la reprise de l'instance,

- infirmer le jugement rendu le 28 juin 2018 par le tribunal de grande instance de Versailles en ce qu'il déboute M. [VK] [F] de l'ensemble de ses demandes.

En conséquence, et statuant à nouveau :

- prononcer la nullité de " l'acte de notoriété ", emportant l'option de Mme [G] [OY] au sens de l'article 1094-1 du code civil, reçu, le 14 mars 2015, par Maître [S]-[GO] ;

- condamner Maître [S] [GO] à payer une somme de 24.000 euros de dommages-intérêts à la partie demanderesse ;

- condamner Maître [S] [GO] à payer une somme de 2.000 euros à la partie demanderesse en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Maître [S] [GO] aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 20 février 2019, Mme [Y] [F], Mme [N] [F], M. [M] [F], M. [D] [F], demandent à la cour de :

Vu l'article 32-1 du code de procédure civile,

Vu les documents cités au débat,

- confirmer la décision de la première instance et, partant de :

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il juge l'action en nullité de l'acte de notoriété initiée par M. [VK] [F] irrecevable du fait que cette action n'appartient qu'à Mme [G] [OY] veuve [F] qui a conclu l'acte.

- débouter M. [VK] [F] de l'intégralité de ses demandes.

- reconnaitre qu'il n'est pas possible d'agir en nullité de l'acte de notoriété, celui-ci reflétant un simple choix successoral, qui plus est le plus classique de tous,

Quoiqu'il en soit,

- reconnaitre que seule Mme [G] [OY] veuve [F] est la seule et unique titulaire de l'action en nullité pour insanité d'esprit,

- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il " déboute Mme [Y] [F], Mme [N] [F], M. [M] [F], M. [D] [F] et Mme [G] [OY] veuve [F], assistée de sa curatrice Mme. [I] [E], de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive à l'encontre de M. [VK] [F] ",

Par conséquent,

- juger recevable la demande de condamnation de M. [VK] [F] pour procédure abusive,

Enfin,

- condamner M. [VK] [F] au paiement de la somme de 1.000 Euros pour procédure abusive, à chacun des concluants,

Par dernières conclusions notifiées le 16 juillet et à nouveau le 5 avril 2022 suite à la constitution de Mme [TZ] en qualité de conseil en lieu et place de Mme [U] pour M. [VK] [F], M. [GO], ès-qualités de notaire, demande à la cour de :

Vu l'acte de notoriété du 14 mars 2015,

Vu l'article 414-1 du code civil,

Vu l'article 730-1 du code civil,

Vu l'article 1094-1 du code civil,

Vu les articles 1240 et suivants du code civil, 9 du code de procédure civile,

- déclarer M. [VK] [F] tant irrecevable que mal fondé en son appel principal, l'en débouter.

En conséquence,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté M. [VK] [F] de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de Maître [S] [GO] ;

- infirmer pour le surplus en ses dispositions non contraires le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [GO] de sa demande de dommages et intérêts.

Et statuant à nouveau,

- constater en outre que depuis le décès de sa mère, M. [VK] [F] ne justifie pas de sa qualité d'héritier tant qu'il n'a pas opté.

- condamner M. [VK] [F] à payer au notaire concluant, une somme de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 1240 du code civil ;

- condamner M. [VK] [F] à régler à Maître [S] [GO] une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code civil (sic), qui s'ajouteront aux 1 500 euros alloués par le Tribunal de ce chef ;

- le condamner aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par la SCP Courtaigne Avocats conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 17 février 2022.

SUR CE, LA COUR,

Les limites de l'appel

Il résulte des écritures ci-dessus visées que le débat en cause d'appel se présente dans les mêmes termes qu'en première instance, chacune des parties maintenant ses prétentions telles que soutenues devant les premiers juges.

La reprise de l'instance

L'ensemble des héritiers de [G] [F], décédée en cours d'instance le 1er septembre 2019, étant intervenus à l'instance, il y a lieu de constater la reprise de celle-ci par application combinée des articles 370 et 373 du code de procédure civile.

La recevabilité de l'appel de M. [VK] [F]

M. [GO] conteste la recevabilité de cet appel au motif que M. [VK] [F] n'ayant pas encore accepté la succession, sa qualité d'héritier n'est pas encore démontrée.

Ce dernier réplique que s'il n'a pas encore accepté la succession, il intervient à titre conservatoire, sous bénéfice d'inventaire.

Appréciation de la cour

En application de l'article 731 du code civil, la succession est dévolue par la loi aux parents et aux conjoints, successibles du défunt.

En l'espèce, M. [VK] [F] est le fils de [V] [F] et de [G] [F] son épouse. M. [GO] a d'ailleurs rédigé en ce sens l'acte de notoriété du 14 mars 2015. La succession de [V] [F] est donc dévolue en particulier à M. [S] [YA] [F] quand bien même il n'a pas encore accepté la transmission de celle-ci. Par conséquent, en sa qualité de successible, son appel doit être jugé recevable.

La recevabilité de la demande d'annulation de l'acte de notoriété du 14 mars 2015 sur le fondement de l'article 414-1 du code civil

Pour juger irrecevable cette demande sur le fondement de l'article 414-1 du code civil, après avoir rappelé que Mme [G] [F] était vivante et présente à l'instance, le tribunal a fait application de l'article 414-2 du code civil qui dispose que, de son vivant, l'action en nullité sur le fondement de l'article 414-1 n'appartient qu'à l'intéressé.

Mme [Y], Mme [N], M. [M] et M. [D] [F] sollicitent la confirmation du jugement sur ce point.

Force est de constater que M. [VK] [F] se borne à reprendre son moyen de première instance aux termes duquel il affirme que l'acte est entaché de nullité en raison des troubles cognitifs de [G] [F] constatés par le jugement qui l'a placée sous mesure de curatelle renforcée. Toutefois, il ne prend pas la peine de critiquer le motif d'irrecevabilité de cette demande justement retenu par le jugement déféré, lequel ne peut donc qu'être confirmé de ce chef.

La demande d'annulation de l'acte de notoriété du 14 mars 2015 sur le fondement de la fraude

M. [VK] [F] faisait déjà valoir en première instance que cet acte était entaché de fraude. La cour constate que le tribunal n'a pas toutefois examiné ce moyen.

À l'appui de cette demande, M. [VK] [F] fait valoir que la fraude corrompt tout ; que l'option exercée par [G] [F] dans l'acte de notoriété conformément à l'article 1094-1 du code civil affecte le patrimoine successoral ; que cette option résulte de la volonté concertée de Mmes [Y] et [N] [F] et de M. [D] [F] qui cherchent à organiser en leur faveur la succession de [V] [F] sous le couvert d'un acte banal de succession et en faisant abstraction des troubles cognitifs qui altèrent le consentement de cette dernière, et ce à travers leurs conseils, notamment, leur notaire, M. [GO]. Ce dernier ayant passé l'acte, M. [VK] [F] prétend que ce comportement trahit sa mauvaise foi et résulte aussi de ses propres écritures au travers desquelles, il travestit les faits d'une manière grossière. Ainsi, il réfute tous les moyens avancés par le notaire en soulignant en particulier que celui-ci ne saurait se retrancher derrière un certificat du docteur [B] [X], qui n'est pas un spécialiste, pour tenter de faire abstraction de l'analyse du docteur [R] [T] et du médecin expert seul habilité pour apprécier la situation. Il en déduit que le notaire a négligé de nombreux éléments et a ainsi sciemment méconnu les avertissements sur l'état de santé de [G] [F] alors qu'il savait pertinemment au regard des dispositions des articles 431 et 1218 et suivants du code de procédure civile, qu'existait nécessairement un certificat médical circonstancié rédigé par un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République et qui décrit avec précision l'altération des facultés du majeur à protéger. Selon lui M. [GO] ayant volontairement préféré passer outre, l'opération est dès lors frauduleuse.

Mme [Y], Mme [N], M. [M] et M. [D] [F] n'ont pas conclu sur ce point. Toutefois, dans le corps de leurs écritures, il réfute les accusations portées à l'encontre de M. [GO].

Appréciation de la cour

Dans ses motifs, le jugement du 14 septembre 2015 du juge des tutelles de [Localité 14] ayant placé [G] [F] sous mesure de curatelle renforcée retient que :

" il résulte du certificat médical du docteur [H], après examen du 19 février 2015, que Mme [G] [OY] veuve [F] présente une détérioration cognitive dont l'évolution ne laisse pas espérer d'amélioration ;

que s'il peut être relevé que ces troubles cognitifs sont seulement qualifiés de " légers à modérés " et que cet examen a été réalisé deux mois après le décès de son époux alors que Mme [G] [OY] veuve [F] souffrait d'un syndrome anxieux dépressif, aucun examen médical postérieur n'a été communiqué, à l'exception du certificat médical du docteur [O] ;

qu'il est en conséquence médicalement établi que Mme [G] [OY] veuve [F] présente une altération de ses facultés personnelles ;

attendu que le Docteur [H] a estimé qu'elle a besoin d'être assistée ou contrôlée de manière continue dans les actes de la vie civile ;

que s'opposant à cette conclusion, M. [M] [F], Mme [Y] [F], Mme [N] [F] et M. [D] [F] soulignent la qualité de leurs relations avec leur mère et l'estiment suffisante à assurer sa protection ;

que cependant, M. [S] [YA] [F] qui contestait un projet de donation partage de ses parents, a depuis engagé plusieurs actions judiciaires en lien avec le règlement de la succession de feu son père ; que Mme [G] [OY] veuve [F] a déclaré que ces actions étaient très perturbantes ; que les manifestations anxieuses qu'elle évoque ont été médicalement constatées ;

que dans ces circonstances, le seul soutien affectif de M. [M] [F], Mme [Y] [F], Mme [N] [F] et M. [D] [F] apparaît insuffisant à permettre à Mme [G] [OY] veuve [F], qui a déclaré avoir besoin d'une aide, de pourvoir seule à ses intérêts ;

que Mme [G] [OY] veuve [F] ne présentant pas d'altération de ses facultés l'empêchant d'exprimer sa volonté (accentué par la cour), sa protection ne peut être assurée au moyen de la mise en 'uvre d'un mandat de protection future ;

que ce besoin étant actuel, Mme [G] [OY] veuve [F] sera placée sous curatelle ;

que, n'ayant pas jusqu'alors géré seule la totalité de son patrimoine et de ses revenus, la curatelle doit être organisée sous sa forme renforcée dans les conditions de l'article 472 du code civil ; "

Il est ainsi démontré que si certes [G] [F] souffrait de troubles cognitifs causés par l'anxiété dans les suites immédiates du décès de son époux, celle-ci ne présentait pas d'altération de ses facultés l'empêchant d'exprimer sa volonté, à tout le moins à la date du jugement du 14 septembre 2015 et donc a fortiori le 14 mars 2015, date d'établissement de l'acte de notoriété litigieux.

En tout état de cause, cet acte n'a fait que concrétiser l'option prise par [G] [F] dans les suites de l'acte reçu le 2 avril 1997 par M. [GO], en sa qualité de notaire au Chesnay par lequel [V] [F] a fait donation à son épouse, qui l'a acceptée, de la pleine propriété de la quotité disponible ordinaire, soit d'un quart en pleine propriété et de trois quarts en usufruit, soit de l'usufruit de tous les biens composant sa succession, à son choix, conformément à l'article 1094-1 du code civil.

Or, il n'est nullement allégué qu'à la date du 2 avril 1997, Mme [G] [OY] veuve [F] souffrait de quelconques troubles cognitifs.

Les autres allégations de fraude sont dépourvues de tout caractère sérieux dès lors qu'elles ne sont pas assorties de la moindre offre de preuve et s'en trouvent donc purement gratuites.

Ajoutant au jugement déféré, M. [S] [YA] [F] sera donc débouté de sa demande d'annulation de l'acte de notoriété du 14 mars 2015

La demande de dommages et intérêts dirigée contre M. [GO]

M. [VK] [F] poursuit l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de cette demande. A l'appui, il fait valoir que M. [GO] a engagé sa responsabilité professionnelle sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240 du code civil en recevant le 14 mars 2015 l'acte de notoriété, ce qui lui a causé un préjudice puisque cet acte affecte la répartition du patrimoine successoral de [V] [F] et donc ses droits d'héritier, désorganise l'indivision successorale et contribue indéniablement à diviser un peu plus la famille. Il dit s'être trouvé très affecté de cette situation au point d'en subir un état dépressif avéré.

M. [GO] conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

Appréciation de la cour

Il résulte suffisamment des motifs ci-dessus exposés qu'aucune faute n'est démontrée à l'encontre de M. [GO] de sorte que le jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a débouté M. [VK] [F] de cette demande.

La demande de dommages et intérêts de M. [GO]

M. [GO] poursuit l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de cette demande. À l'appui, il fait valoir que M. [VK] [F] n'a eu de cesse, durant toute l'instruction du dossier de succession, de tenter d'intimider le notaire concluant ; qu'il a effectué des réclamations auprès de la chambre départementale des notaires et même déposé une plainte à son encontre auprès du parquet, ce qui a entraîné son audition par les services de police ; que les harcèlements et sous-entendus incessants, voire les propos diffamatoires et largement diffusés à son entourage lui ont causé un préjudice moral tout particulier d'autant plus dommageable qu'il dénigrait injustement ses qualités professionnelles. Il relève de plus que, dans ses conclusions d'appel, M. [VK] [F] dénigre sans vergogne son travail, conteste son professionnalisme et tient des propos particulièrement injurieux, alors que les griefs ne sont absolument pas démontrés. Il conclut qu'un tel irrespect et un tel acharnement contre l'officier ministériel méritent d'être sanctionnés.

Appréciation de la cour

Selon l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, M. [GO] justifie du comportement fautif de M. [VK] [F] à son égard lequel résulte également des reproches exprimés dans ses écritures d'appel et dénués de tout fondement. Il n'est que de rappeler que M. [VK] [F] reproche, sur la seule foi d'une accusation purement gratuite, d'avoir passé l'acte de notoriété du 14 mars 2015 en fraude de ses droits et en concertation avec les autres héritiers, ce qui revient rien moins qu'à sous-entendre l'existence d'une collusion frauduleuse entre les autres héritiers et le notaire.

La gravité de ces accusations, purement gratuites, excède les limites autorisées par l'âpreté du débat judiciaire et portent une atteinte injustifiée à l'honneur et à la considération dus à cet officier ministériel. Elles méritent donc d'être sévèrement sanctionnées si bien que M. [VK] [F] sera condamné, en réparation de ce préjudice amplement démontré, à payer à M. [GO] la somme de 3 000 euros de dommages-intérêts. Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

La demande de dommages et intérêts de Mme [Y], Mme [N], M. [M] et M. [D] [F]

Ceux-ci poursuivent l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il les a déboutés de cette demande. À l'appui, ils font valoir que, après de nombreuses autres, c'est de parfaite mauvaise foi que M. [VK] [F] a intenté cette procédure dénuée de tout fondement et ne cesse de critiquer, diffamer et nuire à son propre entourage de sorte que leur préjudice s'en trouve constitué.

Appréciation de la cour

Toute faute dans l'exercice du droit d'agir en justice est de nature à engager la responsabilité de celui qui la commet sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

Si l'erreur commise dans l'appréciation de ses droits n'est pas constitutive d'une faute, l'est en revanche le fait de persister en appel sans apporter à la cour le moindre élément de nature à infirmer la décision entreprise et sans la moindre critique de cette dernière.

Le préjudice en lien avec que cette faute est constitué par le fait de subir les tracas d'une procédure judiciaire dénuée de tout fondement outre les accusations dépourvues de tout autre offre de preuve de tenter de capter l'héritage à leur profit.

En réparation, M. [VK] [F] sera condamné à payer à chacun de ces intimés la somme de 500 euros de dommages et intérêts.

Les demandes accessoires

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a exactement statué sur les dépens ainsi que sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

En tant que partie perdante tenue aux dépens, M. [VK] [F] sera débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile dirigée contre M. [GO]. En revanche, il versera, sur ce même fondement à M. [GO] une indemnité complémentaire de 1 500 euros et à Mme [Y] [F], Mme [N] [F], M. [M] [F] et M. [D] [F] une indemnité complémentaire de 500 euros chacun.

Les dépens d'appel pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

CONSTATE la reprise de l'instance,

DÉCLARE recevable l'appel de M. [VK] [F],

INFIRME le jugement rendu le 28 juin 2018 par le tribunal judiciaire de Versailles en ce qu'il a débouté d'une part M. [GO] et d'autre part Mme [Y], Mme [N], M. [M] et M. [D] [F] de leurs demandes de dommages et intérêts,

Et, statuant à nouveau de ces chefs,

CONDAMNE M. [VK] [F] à payer à M. [GO] de la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts,

CONDAMNE M. [VK] [F] à payer à Mme [Y] [F], Mme [N] [F], M. [M] [F] et M. [D] la somme de 500 euros de dommages et intérêts à chacun.

CONFIRME pour le surplus le jugement rendu le 28 juin 2018 par le tribunal judiciaire de Versailles,

Et, y ajoutant,

DÉBOUTE M. [VK] [F] de sa demande d'annulation de l'acte de notoriété du 14 mars 2015 sur le fondement de la fraude,

DÉBOUTE M. [VK] [F] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Le CONDAMNE à payer à ce titre à M. [GO] la somme de 1 500 euros et à Mme [Y] [F], Mme [N] [F], M. [M] [F] et M. [D] [F] la somme de 500 euros chacun,

CONDAMNE M. [VK] [F] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 18/06432
Date de la décision : 28/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-28;18.06432 ?
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