La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/06/2022 | FRANCE | N°21/06331

France | France, Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 16 juin 2022, 21/06331


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 30B



14e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 16 JUIN 2022



N° RG 21/06331 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UZHL



AFFAIRE :



S.A.S.U. DU PAREIL AU MEME





C/

Société AESTIAM PLACEMENT PIERRE









Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 07 Septembre 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE

N° RG : 20/02001


>Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 16.06.2022

à :



Me Véronique BUQUET-ROUSSEL, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FR...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 30B

14e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 JUIN 2022

N° RG 21/06331 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UZHL

AFFAIRE :

S.A.S.U. DU PAREIL AU MEME

C/

Société AESTIAM PLACEMENT PIERRE

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 07 Septembre 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE

N° RG : 20/02001

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 16.06.2022

à :

Me Véronique BUQUET-ROUSSEL, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S.U. DU PAREIL AU MEME

Agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° Siret 326 019 775 (Rcs Bobigny)

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 - N° du dossier 23021

Assistée de Me Jérémy GENY-LA ROCCA, avocat plaidant au barreau de Metz

APPELANTE

****************

Société AESTIAM PLACEMENT PIERRE

Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

N° Siret 337 646 764 (Rcs Nanterre)

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20210416

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 Mai 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nicolette GUILLAUME, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,

EXPOSE DU LITIGE

La société Aestiam Placement Pierre, venant aux droits de la société Rocher Pierre, est propriétaire de locaux commerciaux sis [Adresse 1] (92), donnés à bail à la société Du Pareil Au Même (DPAM) aux termes d'un acte sous seing privé du 22 février 2011 ayant pris effet rétroactivement à compter du 1er octobre 2009, pour se terminer le 1er octobre 2018. Ce bail s'est reconduit tacitement depuis.

Par acte d'huissier de justice délivré le 10 juillet 2020, la société Placement Pierre a fait assigner en référé la société DPAM aux fins d'obtenir principalement le paiement des loyers et provision sur charges demeurés impayés.

Par ordonnance contradictoire rendue le 7 septembre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a :

- condamné la société DPAM à payer à la société Placement Pierre la somme provisionnelle de 124 657,75 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 10 mai 2021 incluant l'échéance du 2ème trimestre 2021, avec intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2020 sur la somme de 93 023,62 euros,

- ordonné la capitalisation, année par année, des intérêts dus pour au moins une année entière à compter du 10 juillet 2020, dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande formée au titre de la clause pénale,

- condamné la société DPAM à payer la somme de 1000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société DPAM aux entiers dépens en ce compris le coût de l'assignation, des deux saisies conservatoires pratiquées et de leur dénonciation au débiteur.

Par déclaration reçue au greffe le 15 octobre 2021, la société DPAM a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.

Dans ses dernières conclusions déposées le 28 avril 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société DPAM demande à la cour, au visa des articles 835 du code de procédure civile et 1104, 1218, 1219 et suivants, 1345-5 et suivants, 1347 et suivants, 1719 et 1722 du code civil, de :

- infirmer l'ordonnance du tribunal judiciaire de Nanterre du 7 septembre 2021 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a débouté la société Placement Pierre de se demande de provision au titre de la clause pénale ;

statuant à nouveau comme de droit,

- constater l'existence de contestations sérieuses ;

- dire n'y avoir lieu à référé ;

subsidiairement,

- réduire le quantum des condamnations aux seuls montants non sérieusement contestables, soit à la somme de 61 995,48 euros ;

en toute hypothèse,

- débouter la société Placement Pierre de son Appel incident, et de toutes demandes formulées à hauteur d'appel ;

- condamner la société Placement Pierre à lui payer une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Placement Pierre aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions déposées le 11 avril 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Placement Pierre demande à la cour, au visa des articles 835 du code de procédure civile et 1103 et 1343-2 du code civil, de :

à titre principal :

vu l'excès de pouvoirs s'opposant à l'examen par le juge des référés des dispositions de l'article 1722 du code civil ;

subsidiairement de ce dernier chef :

vu l'absence de sérieux du moyen tiré de la perte de la chose louée ;

à titre principal,

- confirmer l'ensemble des condamnations provisionnelles ordonnées par le Juge des référés près le tribunal judiciaire de Nanterre ;

- infirmer l'ordonnance du juge des référés sur la clause pénale contractuelle ;

en conséquence en sus :

- condamner la société DPAM à lui régler par provision la somme de 2 493,15 euros en exécution de la pénalité conventionnelle de 2% stipulée au bail ;

subsidiairement,

du chef uniquement du montant des condamnations provisionnelles :

- condamner la société DPAM à lui régler à tout le moins la somme de 61 995,48 euros au titre des loyers et charges impayés selon décompte arrêté au 10 mai 2021 (incluant l'échéance du 2ème trimestre 2021) avec intérêts au taux légal courant à compter du 10 juillet 2020 ;

- condamner la société DPAM à lui régler la somme de 1 239,91 euros en exécution de la pénalité conventionnelle de 2% stipulée au bail ;

- confirmer l'ordonnance pour le surplus ;

en toute hypothèse,

- condamner en cause d'appel la société DPAM à lui payer par provision la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société DPAM aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont les frais de saisies-conservatoires (1 210,54 euros) ainsi que de saisies-attribution (686,36 euros), incluant les frais de mainlevées desdites saisies, soit la somme totale de 1 896,90 euros, dont distraction pour ceux le concernant au profit de Maître Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de provision

La société DPAM expose au soutien de son appel soulever des contestations sérieuses impliquant une appréciation du juge du fond, se fondant sur le manquement du bailleur à son obligation de délivrance, sur l'existence d'un cas de force majeure et sur la perte de la chose louée.

Elle soutient que le local qu'elle exploite a été affecté par la période d'interdiction d'accueillir du public entre le 15 mars et le 11 mai 2020, du 30 octobre 2020 au 27 novembre 2020, puis du 20 mars 2021 au 18 mai 2021, outre les troubles causés à l'exploitation en raison du couvre- feu instauré.

L'appelante indique qu'un bailleur ne peut délivrer de commandement de payer s'il est de mauvaise foi, et ce bien que son locataire ne lui ait pas réglé les loyers dus, ce qui est le cas en l'espèce puisque le commandement de payer lui a été délivré le 11 octobre 2021 portant sur des loyers et charges échus durant les périodes de fermeture et alors que son activité était encore limitée.

Elle fait valoir que que le loyer n'était pas dû par le locataire en raison d'un cas de force majeure l'empêchant de jouir du matériel loué.

La société DPAM expose pouvoir se fonder sur l'exception d'inexécution, faute pour le bailleur d'avoir manqué à ses obligations de délivrance et de jouissance paisible, même en présence d'une force majeure pour lui.

Enfin, l'appelante se fonde sur l'existence d'une perte de la chose louée pour soutenir qu'une contestation sérieuse existe quant à la diminution possible du loyer, faisant valoir que la perte totale ou partielle de la chose louée ne résulte pas uniquement d'une perte matérielle mais aussi d'une perte économique ou juridique.

Subsidiairement, elle indique que, compte tenu des périodes de fermeture administrative de son magasin, le paiement de la somme de 62 662, 27 euros au titre des loyers et charges échus durant ces périodes est sérieusement contestable.

Elle conclut au mal-fondé de la demande de provision au titre de la clause pénale, faisant valoir que cette clause ne peut s'appliquer en vertu de l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020 et qu'en tout état de cause elle est sérieusement contestable.

La société Aestiam Placement Pierre conteste en réponse l'intégralité des moyens soulevés par l'appelante, faisant valoir en premier lieu, sur le fondement de l'obligation de délivrance, qu'elle a elle-même été empêchée de maintenir le local en état de servir à son usage et se trouve donc exonérée de toute responsabilité de ce chef.

Elle affirme qu'en tout état de cause, elle n'avait pas conditionné le règlement du loyer et des charges à une occupation effective des locaux loués, que la société DPAM pouvait jouir des locaux loués puisqu'elle pouvait à tout le moins y entreposer ses marchandises et que, le preneur ayant mis en place un système de « click and collect», rien ne l'empêchait de vendre ses marchandises à l'adresse des locaux loués.

De même, sur l'exception d'inexécution, la société Aestiam Placement Pierre fait valoir que le local a été maintenu à la disposition du preneur et qu'aucun manquement ne peut lui être reproché.

L'intimée affirme que l'article 1218 du code civil n'est pas applicable en l'espèce et que la force majeure ne peut être retenue dans le cadre d'une obligation pécuniaire, étant précisé au surplus que la saisie conservatoire qu'elle a diligentée s'est révélée fructueuse.

La société Aestiam Placement Pierre soutient que la réduction de loyer réclamée par l'appelante sur le fondement de la perte de la chose louée excède les pouvoirs du juge des référés et subsidiairement fait valoir que ce moyen ne constitue pas une contestation sérieuse, dès lors que le bien loué n'a été détruit ni partiellement ni totalement et ne souffre d'aucune non-conformité.

Elle affirme être de bonne foi, dès lors qu'elle n'a pas réclamé l'application de la clause résolutoire et s'est montrée prête à tenter une solution amiable, tandis que la société DPAM, dont le défaut de règlement des loyers a débuté avant la crise sanitaire, s'abstenait de démontrer l'existence des difficultés financières alléguées et ne réglait pas ses loyers alors qu'elle disposait de liquidités suffisantes pour ce faire.

L'intimée conclut à l'absence de contestation sérieuse et à la confirmation de la condamnation prononcée par le premier juge, y ajoutant une demande au titre de la clause pénale prévue contractuellement, exposant que l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020 n'est pas applicable à la société DPAM.

Subsidiairement, la société Aestiam Placement Pierre fait valoir que la dette locative hors période de Covid-19 est de 61 995, 48 euros, outre la somme prévue au titre de la clause pénale.

sur ce,

L'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile prévoit que le président du tribunal judiciaire peut dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Ce texte impose donc au juge une condition essentielle avant de pouvoir accorder une provision : celle de rechercher si l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

Il sera retenu qu'une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Le montant de la provision allouée n'a alors d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Aux termes de l'article du 1353 du code civil, c'est à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

sur la bonne foi

Les contestations élevées par l'appelante sur la bonne foi du bailleur au regard des circonstances ayant entouré la délivrance du commandement et donc sur la validité du commandement, peuvent faire échec en référé à la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire si elles revêtent un caractère sérieux.

Le bailleur ayant formé en l'espèce une simple demande en paiement par assignation, dans laquelle elle ne sollicitait pas la résiliation du bail, aucune mauvaise foi ne peut lui être reprochée, la somme réclamée correspondant en tout état de cause à une dette importante née pour partie en dehors de toute période de restriction quant à l'ouverture des commerces.

sur la force majeure

L'ancien article 1148 ancien du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le bail litigieux ayant été conclu avant le 1er octobre 2016 et les contrats conclus avant cette date demeurant soumis à la loi ancienne, dispose qu' 'il n'y a lieu à aucuns dommages et intérêts lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit'.

Le débiteur d'une obligation contractuelle de somme d'argent inexécutée ne peut s'exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure. En effet, la force majeure se caractérise par la survenance d'un événement extérieur au débiteur, imprévisible et irrésistible, de sorte qu'il rende impossible l'exécution de l'obligation. Or, l'obligation de paiement d'une somme d'argent est toujours susceptible d'exécution, le cas échéant forcée, sur le patrimoine du débiteur. Elle n'est, par nature, pas impossible : elle est seulement plus difficile ou plus onéreuse.

En l'espèce, si la fermeture de son établissement pendant plusieurs mois en raison des mesures sanitaires a incontestablement eu des répercussions sur le chiffre d'affaires de la société DPAM, la saisie conservatoire pratiquée sur deux de ses comptes le 15 juin 2020 a révélé un solde positif de respectivement 310 223, 35 euros et 54 422, 27 euros, sans que cette dernière ne démontre l'existence de difficultés de trésorerie rendant impossible tout règlement de ses loyers.

Faute de justifier d'une impossibilité d'exécution son obligation de régler ses loyers, la société DPAM ne démontre pas le caractère irrésistible de l'événement lié à la pandémie de la Covid-19 et ne peut donc se prévaloir de la force majeure pour justifier le non paiement de ses loyers.

sur la perte partielle des locaux loués

Selon l'article 1722 du code civil, 'si pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander une diminution du prix'.

Il est constant que même s'il n'y a pas destruction physique du bien objet du bail, il y a juridiquement perte lorsque le locataire ne peut plus jouir de la chose louée ou ne peut plus en user conformément à sa destination.

En l'espèce, selon les stipulations du bail commercial signé le 22 février 2011, les biens loués sont destinés à 'tous commerces licites ne nécessitant pas d'autorisation particulière'.

Il n'est pas contesté que le local loué par la société DPAM a été affecté par la période d'interdiction d'accueillir du public entre le 15 mars et le 11 mai 2020, du 30 octobre 2020 au 27 novembre 2020, puis du 20 mars 2021 au 18 mai 2021. Il est ainsi établi que durant la période concernée, la société locataire n'a pu ni jouir de la chose louée, ni en user conformément à sa destination.

L'interdiction de recevoir du public dans son établissement en raison de cette situation exceptionnelle est susceptible d'être assimilée à une perte partielle de la chose louée pendant les périodes susvisées au sens de l'article 1722 du code civil, même si la société avait mis en place un système de 'click and collect', qui ne peut procurer une activité équivalente à une période normale, s'agissant d'un commerce de vêtements.

La demande en paiement de la société Aestiam Placement Pierre se heurte donc à une contestation sérieuse en ce qui concerne le montant de sa créance au titre des loyers dus pendant ces périodes litigieuses, qu'il appartiendra au seul juge du fond de trancher.

sur l'obligation de délivrance

En vertu de l'article 1719 du code civil, le bailleur est tenu de délivrer au locataire un bien conforme à la destination contractuelle prévue au bail et de lui assurer une jouissance paisible de la chose louée. Cette obligation ne cesse qu'en cas de force majeure.

Aux termes de l'article 1219 du code civil, une partie peut refuser d'exécuter son obligation alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

La cour ayant fait droit à la demande de la société DPAM sur le fondement de la perte de la chose louée, il n'y a pas lieu d'accueillir les moyens tenant au manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance dès lors qu'ils concernent les mêmes périodes de fermeture administrative des commerces. En dehors de ces périodes, il n'est pas démontré que la société Aestiam Placement Pierre aurait manqué à son obligation de délivrance, la société DPAM ne justifiant pas n'avoir pas pu user paisiblement du local loué.

sur le décompte

Les deux parties sont d'accord pour indiquer que les loyers suivants correspondent à la partie non sérieusement contestable, au regard des développements qui précèdent :

- loyers du premier trimestre 2020 sauf du 15 au 30 mars 2020 : 31 490, 24 euros

- loyers du deuxième trimestre 2020 sauf du 1er avril au 11 mai 2020 : 21 277, 19 euros

- loyers du troisième trimestre 2020 : 38 724, 48 euros

- loyers du quatrième trimestre 2020 sauf du 30 octobre au 27 novembre 2020 : 26 705, 08 euros

- loyers du premier trimestre 2021 sauf du 20 au 31 mars 2021 : 33 690, 47 euros

- loyers du deuxième trimestre 2021 sauf du 1er avril au 18 mai 2021 : 18 368, 85 euros

Compte tenu des paiements intervenus, il convient en conséquence de condamner la société DPAM à verser à titre provisionnel à la société Aestiam Placement Pierre la somme de 61 995, 48 euros au titre des loyers échus au 10 mai 2021, loyer du deuxième trimestre 2021 inclus.

Il y a donc lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné la société DPAM à payer à la société Aestiam Placement Pierre la somme provisionnelle de 124 657,75 euros au titre de l'arriéré locatif.

La société DPAM sera condamnée à verser à la société Aestiam Placement Pierre la somme provisionnelle de 61 995, 48 euros au titre des loyers échus au 10 mai 2021, loyer du deuxième trimestre 2021 inclus correspondant à l'arriéré locatif non sérieusement contestable.

L'ordonnance querellée sera confirmée en ce qu'elle a ordonné la capitalisation des intérêt, celle-ci étant de droit.

sur les pénalités

La bailleresse indique à juste titre que la société DPAM, compte tenu du nombre de ses salariés, ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020 interdisant l'application de pénalités aux entreprises pour des loyers échus pendant une période déterminée.

Cependant, la clause pénale étant susceptible d'être modérée par le seul juge du fond, au regard des circonstances de l'espèce précédemment évoquées, la décision attaquée sera confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur cette demande.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions de l'ordonnance entreprise relatives aux dépens et à l'indemnité procédurale seront confirmées.

Compte tenu du sens de la présente décision, chaque partie conservera à sa charge les dépens d'appel qu'elle a engagés.

Il n'y a pas lieu, en équité, de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a condamné la société DPAM à verser à la société Aestiam Placement Pierre la somme provisionnelle de 124 657,75 euros au titre des loyers échus au 10 mai 2021, loyer du deuxième trimestre 2021 inclus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Condamne la société DPAM à verser à la société Aestiam Placement Pierre la somme provisionnelle de 61 995, 48 euros au titre des loyers échus au 10 mai 2021, loyer du deuxième trimestre 2021 inclus ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus de la demande ;

Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens d'appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Nicolette GUILLAUME, président, et par Madame Élisabeth TODINI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 21/06331
Date de la décision : 16/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-16;21.06331 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award