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14/06/2022 | FRANCE | N°21/01623

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 14 juin 2022, 21/01623


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 56B



13e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 JUIN 2022



N° RG 21/01623

N° Portalis DBV3-V-B7F-UL3J



AFFAIRE :



EURL AUX SAVEURS D'ALICE



C/



S.A.S. INITIAL









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Janvier 2021 par le Tribunal de Commerce de Pontoise

N° Chambre :

N° Section :

N° RG :



Ex

péditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Elisabeth GUYOT



Me Véronique BUQUET-ROUSSEL



TC PONTOISE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





LE QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versaille...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 56B

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 JUIN 2022

N° RG 21/01623

N° Portalis DBV3-V-B7F-UL3J

AFFAIRE :

EURL AUX SAVEURS D'ALICE

C/

S.A.S. INITIAL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Janvier 2021 par le Tribunal de Commerce de Pontoise

N° Chambre :

N° Section :

N° RG :

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Elisabeth GUYOT

Me Véronique BUQUET-ROUSSEL

TC PONTOISE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

EURL AUX SAVEURS D'ALICE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Elisabeth GUYOT, Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 200

Représentant : Me Damien AYROLE de la SELASU AYROLE AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0786

APPELANTE

****************

S.A.S. INITIAL

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 - N° du dossier 13721

Représentant : Me Olivia LAHAYE-MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, Plaidant, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : 129

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Mars 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant devant Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN,

Par acte sous seing privé en date du 16 avril 2013, l'EURL Aux Saveurs d'Alice, a souscrit auprès de la SAS Initial le renouvellement d'un contrat multiservices pour la location et l'entretien d'articles textiles et d'accessoires destinés à son activité de restauration, soit en l'espèce des torchons, tabliers, serviettes et chemins de table.

Ce contrat était souscrit pour une durée de 36 mois renouvelable par tacite reconduction ; le montant minimum de l'abonnement mensuel était initialement fixé à la somme de 567,48 euros TTC (472,90 euros HT).

La société Aux Saveurs d'Alice a cessé de régler les factures de redevance à compter du mois de mai 2018.

Après plusieurs relances et une mise en demeure par lettre recommandée datée du 10 août 2018 avertissant la société Aux Saveurs d'Alice de la suspension des livraisons sous huitaine, la société Initial lui a adressé, par lettre recommandée du 21 septembre 2018, une nouvelle mise en demeure l'informant qu'à défaut de régularisation le 28 septembre 2018, le contrat serait résilié de plein droit.

Après une dernière mise en demeure par lettre recommandée du 2 février 2019, la société Initial a présenté une requête en injonction de payer ; par ordonnance en date du 12 avril 2019, le président du tribunal de commerce de Pontoise a enjoint à la société Aux Saveurs d'Alice de payer à la société Initial la somme totale de 10 211,73 euros dont 8 810 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter de l'ordonnance.

Sur opposition de la société Aux Saveurs d'Alice, le tribunal de commerce de Pontoise, par jugement contradictoire assorti de l'exécution provisoire du 8 janvier 2021, a :

- condamné la société Aux Saveurs d'Alice à payer à la société Initial au titre des factures impayées, la somme de 3 989,70 euros avec intérêts de droit calculés au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente, majoré de 10 points de pourcentage à compter de la date d'échéance de chaque facture ;

- condamné la société Aux Saveurs d'Alice à payer à la société Initial, la somme de 4 341,48 euros au titre de la clause de résiliation ;

- condamné la société Aux Saveurs d'Alice à payer à la société Initial la somme de 800 euros au titre de la clause pénale couvrant les indemnités forfaitaires de recouvrement ;

- ordonné la capitalisation des intérêts ;

- condamné la société Aux Saveurs d'Alice à payer à la société Initial la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la société Aux Saveurs d'Alice de sa demande en paiement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Aux Saveurs d'Alice aux dépens.

Par déclaration du 10 mars 2021, la société Aux Saveurs d'Alice a interjeté appel du jugement.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 21 octobre 2021, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- débouter la société Initial de ses demandes de paiements des factures de mai à septembre 2018 ;

- constater que l'indemnité de résiliation anticipée et la clause pénale sont des clauses pénales susceptibles de faire l'objet d'une modération par le juge, et qu'en l'absence de préjudice démontré par la société Initial, elles doivent être ramenées à la somme de 0 euro ;

- débouter la société Initial de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner la société Initial au paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner cette dernière aux entiers dépens.

La société Initial, dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 1er février 2022, demande à la cour de :

- la dire recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes ;

En conséquence,

- débouter la société Aux Saveurs d'Alice de l'intégralité de ses demandes ;

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il :

* n'a pas condamné la société Aux Saveurs d'Alice à lui payer l'indemnité de résiliation avec intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage (article L 441-6 du code de commerce) et ce à compter de la date d'échéance de chacune des factures pour leur montant respectif ;

* n'a pas pris en compte la facture d'indemnité de résiliation dans le calcul du montant de la clause pénale et a cumulé cette dernière avec l'indemnité forfaitaire de recouvrement pour retenir une somme de 800 euros au lieu de 1 321,50 euros ;

Et le réformant,

- condamner la société Aux Saveurs d'Alice à lui payer la somme de 4 341,48 euros au titre de l'indemnité de résiliation et ce avec intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage (article L 441-10 du code de commerce) et ce à compter de la date d'échéance de

chaque facture pour leur montant respectif ;

- condamner la société Aux Saveurs d'Alice à lui payer la somme de 1 321,50 euros au titre de la clause pénale ;

- condamner la société Aux Saveurs d'Alice à lui payer la somme de 240 euros au titre des indemnités forfaitaires ;

En tout état de cause,

- condamner la société Aux Saveurs d'Alice à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Aux Saveurs d'Alice aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de maître Buquet Roussel pour les frais par elle exposés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 mars 2022.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur l'exécution du contrat et le paiement des factures échues et impayées :

La société Aux saveurs d'Alice explique avoir arrêté d'honorer le paiement des factures de la société Initial à compter du mois de mai 2018, période à compter de laquelle son dirigeant a connu

de graves problèmes de santé et de grandes difficultés financières qui l'ont conduit à fermer son fonds de commerce au public en juillet 2018 puis à le céder en décembre 2018. Elle soutient que cette situation était parfaitement connue de l'intimée qui avait pris acte, depuis le mois de mai 2018, de la résiliation dans la mesure où elle ne procédait plus depuis cette date ni aux livraisons ni à la reprise du linge alors qu'elle prétend désormais ne pas avoir reçu de résiliation en bonne et due forme.

Soulignant qu'aucun bordereau de livraison signé et attestant de la bonne exécution de la prestation contractuelle n'est communiqué alors qu'en application de l'article 1315 la preuve de la livraison de la chose vendue incombe au vendeur et que le contrat mentionne que 'tous les documents nécessaires au suivi des stocks en service et des échanges de linge sont fournis au client', elle soutient que l'intimée est mal fondée à prétendre que l'usage des bons de livraison ne serait pas prévu au contrat, reprochant à cette dernière de tenter de retourner la charge de la preuve en prétendant que son absence de réaction aux prétendues livraisons constituerait la preuve de leur bonne exécution. Elle ajoute aussi qu'il est de jurisprudence constante que la facture établie par le fournisseur n'est pas une preuve suffisante de sa créance, de sorte que faute pour la société Initial de prouver l'exécution de ses prestations entre mai et septembre 2018, ses demandes au titre de ces cinq factures doivent être rejetées.

La société Initial, soulignant que c'est par pure opportunité, à la suite de ses demandes en paiement à compter du mois de mai 2018, que la société appelante situe sa demande de résiliation à la même période, expose en premier lieu que cette dernière, en méconnaissance de l'alinéa 2 de l'article 1353 du code civil, ne justifie absolument pas de ses allégations puisqu'elle ne produit aucun courrier de résiliation, soulignant que celle-ci ne l'a jamais informée ni de cette volonté de résiliation ni de ses difficultés ; elle demande à la cour de confirmer le jugement de ce chef.

En second lieu, elle fait valoir que la société appelante fait preuve d'une très grande mauvaise foi dès lors que l'usage des bons de livraison n'était pas prévu au contrat dont l'article 2 des conditions générales dispose que 'toute réclamation, pour être prise en considération, devra être adressée, par écrit, au loueur dans les deux jours ouvrables suivant la livraison', soulignant que l'émission de bons de livraison n'est pas une obligation légale ou conventionnelle, que la société appelante qui ne s'est jamais offusquée de l'absence de bon de livraison, a réglé les factures de prestations antérieures à mai 2018 et qu'elle ne produit aucun courrier de réclamation concernant une absence de prestation à compter du mois de mai 2018 alors même qu'elle aurait dû réagir à la réception des factures si elles n'avaient pas correspondu à une prestation effective. Elle précise que la mention contractuelle visée par l'appelante ne vise pas des bons de livraison mais des listings des cinq dernières rotations et le suivi de l'espace client au portail interne et que si la facture n'est pas une preuve suffisante de la créance, l'absence de réclamation, compte tenu des stipulations contractuelles prévues par les parties, en est une ; elle ajoute que la mise en demeure l'avisant de la suspension de ses prestations en août 2018 n'a pas davantage été contestée par l'appelante qui ne justifie pas de la fermeture de son établissement en juillet 2018.

Elle indique enfin que si la prestation d'entretien était suspendue, tel n'était pas le le cas de la prestation de location puisque l'appelante n'a pas restitué le matériel.

Aux termes de l'article 1315 du code civil devenu l'article 1353 du même code, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

La réalisation de ses prestations par la société Initial est un fait juridique dont la preuve peut être rapportée par tout moyen, le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à lui-même n'étant pas dans ce cas applicable.

Il est constant que le contrat conclu entre les parties s'est renouvelé par tacite reconduction conformément aux dispositions convenues dans les conditions générales et que le contrat était en cours d'exécution en mai 2018.

La société Aux Saveurs d'Alice justifie de difficultés financières dès l'année 2017 et en 2018, au regard notamment des contraintes émises par l'Urssaf et des prestations impayées à son expert-comptable qui a fait opposition sur le paiement du prix de son fonds de commerce vendu le 31 décembre 2018 ; si elle produit aussi une attestation de son expert-comptable indiquant que sur la période du 1er au 30 novembre 2018, elle n'a perçu des recettes que du mois de janvier au 31 juillet 2018, elle ne démontre pas en revanche avoir résilié en mai 2018 le contrat conclu avec la société Initial.

Il n'est pas prouvé, au regard des conditions générales contractuelles et plus particulièrement du paragraphe intitulé 'fonctionnement du service', que les parties avaient convenu de l'établissement de bons de livraison dans la mesure où il y est précisé qu'à l'occasion du ramassage et de la livraison du linge loué, lorsque le client 'recharge lui-même les appareils mis à sa disposition sauf dispositions contractuelles contraires', il ' peut procéder, en présence de l'agent de service, à toutes vérifications et observations utiles. (...) Toute réclamation, pour être prise en considération, devra être adressée, par écrit, au loueur dans les deux jours ouvrables suivant la livraison. Tous les documents nécessaires au suivi des stocks en service et des échanges de linge sont fournis au client' ; rien n'établit que ces derniers documents correspondraient aux bons de livraison allégués par l'appelante.

D'ailleurs la société appelante ne verse aux débats aucun bon de livraison relatif aux factures émises par la société Initial antérieurement à mai 2018 et qu'elle a réglées.

La société Aux Saveurs d'Alice n'a adressé aucun courrier à la réception des factures envoyées à compter du mois de mai 2018 pour se plaindre du défaut de livraison qu'elle allègue alors même qu'elle a poursuivi son activité au moins jusqu'au mois de juillet 2018 ; elle ne justifie pas davantage avoir réagi ni à la réception de la lettre de mise en demeure, dont elle a pourtant signé l'avis de réception le 14 août 2018, par laquelle il lui était réclamé le paiement des factures restées impayées à compter du 15 juin 2018 et elle était avisée de la suspension des livraisons à défaut de règlement sous huitaine ni à celle du 21 septembre 2018 la prévenant de la résiliation du contrat à défaut d'exécution de ses obligations le 28 septembre suivant, et dont elle a pourtant aussi signé l'avis de réception.

Il convient de préciser que les conditions générales prévoient que 'tout retard de paiement constaté après relance peut entraîner de plein droit la suspension de la prestation, suspension qui n'interrompt pas la facturation' ; qu'en outre 'si un retard de paiement donne lieu à une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception non suivie d'effet, le loueur pourra faire application de la clause résolutoire.'

Dans ces conditions, la preuve étant suffisamment rapportée par la société Initial de l'exécution de ses prestations conformément aux dispositions contractuelles, il convient de confirmer le jugement qui a condamné la société Aux Saveurs d'Alice à payer à la société Initial la somme de 3 989,70 euros au titre des cinq factures impayées à compter du mois de mai 2018 avec intérêts calculés au taux appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points à compter de l'échéance de chaque facture, conformément aux dispositions de l'article L.441-10 II du code de commerce et des conditions générales prévoyant que 'conformément aux dispositions légales, les sommes non réglées à leur date d'échéance porteront de plein droit intérêt à un taux déterminé en fonction de la réglementation en vigueur au jour de la facturation de cet intérêt, sans qu'une quelconque mise en demeure soit nécessaire'.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts.

Sur les demandes en lien avec la résiliation du contrat :

La société Aux Saveurs d'Alice conteste la somme de 5 031,64 euros réclamée par la société Initial au titre d'une prétendue indemnité de résiliation anticipée en soutenant qu'elle s'analyse en une véritable clause pénale soumise au pouvoir modérateur du juge en application de l'article 1231-5 du code civil et celle de 1 321,50 euros dont elle demande à la cour de les ramener à de plus justes proportions eu égard à l'absence de préjudice subi par la société Initial, c'est-à-dire à une somme symbolique. Elle remarque qu'elle a toujours respecté son engagement contractuel puisque depuis 2013 il n'y a pas eu de difficulté dans l'exécution du contrat jusqu'en mai 2018 et que le gain espéré par la société Initial a été acquis depuis la première reconduction du contrat. Elle conteste que comme le prétend la société Initial la clause prévoyant les pénalités qui lui sont réclamées puisse s'analyser en une clause de dédit, se référant à la jurisprudence en la matière.

Après avoir cité les dispositions contractuelles et en se fondant sur l'alinéa 8 de l'article L.441-6 I du code de commerce, elle soutient que la société Initial ne peut à la fois solliciter le paiement de la somme de 40 euros prévue à l'article D.441-5 du code de commerce sur chacune des factures impayées, soit 240 euros, et de la clause pénale de 1 321,50 euros réclamée en application de l'article 7.4 du contrat alors que le texte légal ne permet au créancier d'invoquer une indemnisation complémentaire que sur justification.

La société Initial, concernant en premier lieu l'indemnité de résiliation, après avoir observé qu'en application de l'article 1231-5 elle ne peut qu'être réduite et non anéantie, conteste que celle-ci puisse s'analyser en une clause pénale dès lors qu'il s'agit d'une indemnité prévue en cas de résiliation anticipée du fait du client et destinée à maintenir l'équilibre contractuel en constituant la contrepartie contractuelle du risque financier qu'elle a pris, citant des arrêts de la Cour de cassation et de la cour d'appel de Paris.

Elle ajoute qu'en tout état de cause, si elle devait être requalifiée en clause pénale, cette indemnité n'est pas excessive et n'a pas à être réduite dès lors que d'une part, à la lecture du grand livre, la société Aux Saveurs d'Alice n'a pas toujours réglé à échéance ses factures et qu'il lui a été imputé des factures d'indemnité de retard et que d'autre part, au regard des investissements effectués, même s'ils ont été mutualisés sur plusieurs clients, elle a subi un préjudice financier correspondant au montant des redevances à échoir qui doit être fixé à la somme de 4 341,48 euros fixée par le tribunal ; elle sollicite toutefois que la cour prévoit le paiement des intérêts sur cette somme conformément à l'article L.441-10 du code de commerce dont les dispositions sont d'ordre public et dont le caractère obligatoire et systématique a été reconnu par la Cour de cassation.

S'agissant en second lieu de la somme de 1 231,50 euros, la société Initiale observe que l'appelante ne démontre pas en quoi elle serait excessive ; précisant que celle-ci a vocation à compenser les frais occasionnés par le recouvrement amiable de la créance, elle estime que cette clause pénale ne fait donc pas doublon ni avec l'indemnité de résiliation ni avec la somme de 240 euros réclamée au titre des indemnités forfaitaires dès lors qu'elle constitue l'indemnisation complémentaire prévue à l'article L.441-10 et que son préjudice à ce titre est constitué des honoraires de la société de recouvrement à laquelle elle a fait appel pour tenter de recouvrer amiablement sa créance. Elle sollicite la réformation du jugement de ce chef en critiquant le tribunal qui a 'fusionné' les indemnités forfaitaires de recouvrement et la clause pénale et les a réduits à la somme de 800 euros; elle ajoute qu'il 'est évident' que les honoraires de la société de recouvrement ne se limitent pas à la somme de 240 euros et que la somme de 1321,50 euros qu'elle réclame n'est pas excessive.

L'indemnité de résiliation de 4 341,48 euros :

L'indemnité de résiliation dont la société Initial réclame le paiement correspond, comme elle l'a écrit dans sa lettre de mise en demeure du 21 septembre 2018, à l'indemnité définie par l'article 11 des conditions générales, intitulé 'résiliation anticipée du contrat-clause résolutoire'.

Il y est prévu qu'en 'cas de non paiement d'une facture échue ou en cas d'infraction à l'une quelconque des clauses du présent contrat, la présente convention sera résiliée de plein droit, huit jours après mise en demeure adressée par le loueur par lettre recommandée avec accusé de réception, demeurée infructueuse' et que 'dans cette hypothèse le client devra payer une indemnité égale à la moyenne des factures d'abonnement service établies depuis les douze derniers mois multipliée par le nombre de semaines ou de mois restant à courir jusqu'à l'échéance du contrat'.

Par l'anticipation de l'exigibilité des loyers à échoir dès la résiliation du contrat, cette indemnité majore les charges financières pesant sur la débitrice et est stipulée à la fois pour la contraindre à l'exécution du contrat et comme évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice subi par la société Initiale du fait de la rupture fautive du contrat. Il ne peut être sérieusement discuté qu'elle constitue une clause pénale susceptible de modération dans les conditions de l'article 1231-5 du code civil, le contrat ayant été reconduit par tacite reconduction postérieurement au 1er octobre 2016, étant observé que la jurisprudence citée par la société Initial, relative à des indemnités prévues en cas de résiliation anticipée du contrat en dehors de toute inexécution contractuelle, n'est pas applicable à l'indemnité contractuellement prévue en cas de défaut de paiement.

Il n'est pas discuté que le contrat devait se poursuivre jusqu'au mois d'avril 2019 ; si la société Initial explique avoir procédé à des investissements en cours d'exécution du contrat, notamment s'agissant du renouvellement du linge et des machines destinées à l'entretien, elle expose aussi que ces investissements ont été mutualisés sur plusieurs clients, celle-ci ne fournissant pas d'éléments chiffrés à cet égard ; en outre les relations contractuelles correspondaient à la reconduction tacite d'un contrat conclu en 2013 de sorte que la société Initial a bénéficié de paiements de sa cliente pendant une durée plus longue qui a permis un meilleur amortissement de ses investissements ; il convient par conséquent, infirmant le jugement, de limiter l'indemnité de résiliation à la somme de 2 000 euros à laquelle doit être évalué le préjudice de la société Initial, le surplus de l'indemnité réclamée étant manifestement excessif.

Compte tenu de son caractère indemnitaire, cette somme ne peut porter intérêt qu'au taux légal conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil de sorte qu'il convient, ajoutant au jugement, de préciser que la condamnation au paiement de la somme de 2 000 euros portera intérêt au taux légal à compter du 8 janvier 2021 ; le taux majoré prévu à l'article L. 441-10 du code de commerce s'applique aux sommes dues au titre des mensualités impayées et non à cette indemnité de sorte que la société Initial sera déboutée de sa demande de ce chef.

La somme de 1 321,50 euros et les indemnités forfaitaires de recouvrement :

La somme de 1 321,50 euros qualifiée de clause pénale par les parties est prévue à l'article 7.4 des conditions générales qui disposent que 'si le non paiement a donné lieu à une mise en demeure, les frais de recouvrement occasionnés donneront lieu au paiement de 15 % sur les sommes dues avec un minimum de 800 euros, sans préjudice des intérêts de retard comme stipulé ci-dessus, ni des sommes à réclamer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.'

Cette disposition contractuelle, qui est insérée dans le paragraphe relatif à la facturation et au paiement des échéances mensuelles, doit se lire au regard des dispositions de l'article L.441-10 dont les dispositions sont d'ordre public comme l'indique la société Initial ; elles disposent que ' tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l'égard du créancier, d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret. Lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de cette indemnité forfaitaire, le créancier peut demande une indemnisation complémentaire, sur justification '; l'indemnité forfaitaire est fixée à 40 euros par l'article D.441-10.

Par conséquent, pour toute somme réclamée au titre des frais de recouvrement au delà de 40 euros, il doit être produit un justificatif, quand bien même les dispositions générales du contrat auraient fixé un forfait minimal.

Il ressort de la mise en demeure datée du 2 février 2019 et de l'ordonnance d'injonction de payer que la société Initial a fait appel à un cabinet de recouvrement ; s'il est probable qu'elle a ainsi exposé des frais supérieurs au montant de 40 euros prévu par le texte par facture impayée, soit 240 euros en l'espèce, elle n'en justifie pas alors même que la société appelante conteste formellement la somme de 1 231,50 euros ; de surcroît elle a fait appel à ce cabinet de recouvrement après la mise en oeuvre de la résiliation du contrat, pour recouvrer l'intégralité de la dette et pas seulement les factures impayées. Dès lors, la société Initial n'est pas fondée à solliciter, au titre des frais de recouvrement, d'autre somme que celle de 240 euros et il convient, infirmant le jugement, de la débouter de toute autre somme à ce titre.

La société Aux Saveurs d'Alice qui reste débitrice de la société Initial supportera le coût des dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du 8 janvier 2021 sauf en ce qu'il a condamné la société Aux Saveurs d'Alice à payer à la société Initial la somme de 4 341,48 euros au titre de l'indemnité de résiliation et celle de 800 euros au titre de la clause pénale couvrant les indemnités forfaitaires de recouvrement ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

Condamne la société Aux Saveurs d'Alice à payer à la société Initial la somme de 2 000 euros au titre de l'indemnité de résiliation avec intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2021 ;

Condamne la société Aux Saveurs d'Alice à payer à la société Initial la somme de 240 euros au titre des indemnités forfaitaires de recouvrement ;

Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société Initial du surplus de ses demandes ;

Condamne la société Aux Saveurs d'Alice aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés, par ceux dont elle a fait l'avance, par maître Buquet Roussel, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le conseiller,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 21/01623
Date de la décision : 14/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-14;21.01623 ?
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