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08/06/2022 | FRANCE | N°19/03454

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 08 juin 2022, 19/03454


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80M



15e chambre



ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE





DU 08 JUIN 2022





N° RG 19/03454



N° Portalis DBV3-V-B7D-TOJC





AFFAIRE :





[I] [D]





C/





S.A.S. GL EVENTS AUDIOVISUAL





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Août 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Montmorency
>N° Section : Encadrement

N° RG : F18/00250



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





- Me Alina PARAGYIOS



- Me Oriane DONTOT





le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,



La cour d'appel d...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80M

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 JUIN 2022

N° RG 19/03454

N° Portalis DBV3-V-B7D-TOJC

AFFAIRE :

[I] [D]

C/

S.A.S. GL EVENTS AUDIOVISUAL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Août 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Montmorency

N° Section : Encadrement

N° RG : F18/00250

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

- Me Alina PARAGYIOS

- Me Oriane DONTOT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant fixé au 23 mars 2022 prorogé au 11 mai 2022 prorogé au 08 juin 2022 les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [I] [D]

né le 05 Avril 1984 à [Localité 4] (31), de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Alina PARAGYIOS de la SELEURL CABINET A-P, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0374 et par Me Pierre BEFRE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0374 substitué par Me Salika ANNOUR, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

S.A.S. GL EVENTS AUDIOVISUAL

N° SIRET : 317 613 180

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & ASSOCIES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et par Me Céline VIEU DEL-BOVE de la SCP AGUERA AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 8

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 janvier 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Perrine ROBERT, Vice-président placé chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Perrine ROBERT, Vice-président placé,

Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

FAITS ET PROCÉDURE,

Monsieur [I] [D] a été embauché par la société GL Events Audiovisual par un contrat à durée indéterminée en date du 8 décembre 2016 en qualité de chef de chantier, statut cadre catégorie 6 pour une rémunération forfaitaire annuelle de 33 000 euros brut soit 2 800 euros par mois.

Monsieur [I] [D] était soumis à une convention de forfait en jours de 218 jours par an.

La convention collective applicable était la convention collective des entreprises techniques au service de la création et de l'événement.

Le 4 novembre 2017, Monsieur [D] a demandé à la société GL Events Audiovisual une rupture conventionnelle de son contrat de travail.

Monsieur [D] a été placé en arrêt de travail à compter du 5 novembre 2017 prolongé jusqu'au 17 décembre 2017.

Par courrier du 9 novembre 2017, la société a informé Monsieur [D] qu'elle ne donnait pas suite à sa proposition.

Par courrier du 7 décembre 2017, Monsieur [D] a informé son employeur qu'il rencontrait des difficultés dans l'exercice de ses fonctions.

Monsieur [D] a repris sont travail le 18 décembre 2017 puis est parti en congés payés à compter du 19 décembre 2017.

Par courriers des 19 décembre 2017 et 4 janvier 2018, il a informé la société qu'il était victime d'épuisement professionnel et a dénoncé des faits de harcèlement moral.

La société lui a adressé sur les points et difficultés ainsi soulevés un courrier de réponse le 12 janvier 2018.

Par courriel électronique du 25 janvier 2018, Monsieur [D] a sollicité une nouvelle fois une rupture conventionnelle de son contrat de travail avant de se rétracter le 26 janvier 2018.

Il a été placé en arrêt de travail à compter de cette même date.

Il a envoyé ultérieurement les 29 janvier 2018, 6 février 2018, 15 février 2018, plusieurs courriers sollicitant de la société qu'elle mette un terme au harcèlement moral dont il s'estimait victime.

La société lui a proposé un entretien le 1er mars 2018, proposition à laquelle il n'a pas donné suite.

Par requête reçue au greffe le 9 avril 2018, Monsieur [D] [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le versement de diverses sommes.

Le 5 septembre 2018, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude concernant Monsieur [D] précisant que 'l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi'.

Par courrier du 21 septembre 2018, la société a convoqué Monsieur [D] à un entretien préalable à un licenciement fixé au 1er octobre 2018.

La société a licencié Monsieur [D] pour inaptitude par courrier du 4 octobre 2018.

Par jugement du 28 août 2019, auquel la cour renvoie pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Montmorency a :

- dit qu'il n'y a pas lieu à résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [I] [D],

- débouté le demandeur de ses demandes d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité de congés payés y relatifs,

- débouté le demandeur de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- dit que la Société GL Events Audiovisual, prise en la personne de ses représentants légaux devra verser à Monsieur [I] [D] les sommes de :

- 2 948,33 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du droit au repos,

- 2 675,40 euros au titre des remboursements de frais professionnels

- 1 409 euros au titre de rappel de prime d'objectifs sur les années 2016 et 2017,

- 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté Monsieur [I] [D] du surplus de ses prétentions,

- laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens éventuels.

Monsieur [I] [D] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 11 septembre 2019.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 7 juillet 2020, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, il demande à la cour de :

- juger ses demandes recevables ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande de résiliation judiciaire et condamné la société à lui verser les sommes de 2 948,33 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect du droit au repos, 2 675,40 euros à titre de remboursement des frais professionnels et 1 409 euros à titre de rappel de prime d'objectifs sur les années 2016 et 2017 ;

A titre principal

- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société GL Events Audiovisual ;

- juger que la résiliation judiciaire de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul ;

- condamner la société GL Events Audiovisual à lui verser les sommes suivantes :

. 20 638,31 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;

. 8 844,99 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

. 884,5 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents ;

A titre subsidiaire

- requalifier son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société GL Events Audiovisual à lui verser les sommes suivantes :

. 10 319,16 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

. 8 844,99 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

. 884,5 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents ;

En tout état de cause

- condamner la Société GL Events Audiovisual à lui verser les sommes suivantes :

.17 689,98 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

. 8 844,99 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect du droit au repos ;

. 8 918 euros au titre du remboursement des frais de déplacements professionnels ;

. 1 606,26 euros au titre de la prime d'objectifs ;

. 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la Société GL Events Audiovisual aux entiers dépens ;

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 28 février 2020, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la Société GL Events Audiovisual demande à la cour de :

- Déclarer irrecevables les demandes nouvelles de Monsieur [D] au paiement des sommes de :

- 10 319,16 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 8 844,99 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 844,50 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents.

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- débouté Monsieur [D] de ses demandes au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail, de dommages et intérêts pour préjudice moral, d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité de congés payés y relatifs ;

En conséquence,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a :

- condamnée verser à Monsieur [D] les sommes suivantes :

. 2 948,33 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du droit au repos ;

. 2 675,40 euros au titre de remboursements des frais professionnels ;

. 1 409 euros au titre de rappel de prime d'objectifs sur les années 2016 et 2017 ;

. 1 200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- déboutée de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Jugeant à nouveau,

- débouter Monsieur [D] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Monsieur [D] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance dont distraction au profit de Maître Dontot, AARPI JRF Avocats conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 15 décembre 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le harcèlement moral

En application de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il résulte de l'article L.1154-1 de ce code, que lorsque survient un litige relatif à l'application de l'article L. 1152-1, dès lors que le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement,il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

A l'appui du harcèlement moral qu'il dénonce Monsieur [D] invoque les faits suivants :

- la modification unilatérale de son contrat de travail ayant entraîné une dépossession de ses fonctions et une rétrogradation,

- une surcharge de travail et une violation du droit au repos,

- des critiques sur son travail,

- une mise à l'écart

- une inaction fautive de l'employeur

- une dégradation de son état de santé

Il n'est pas établi que la société GL Event Audiovisual a modifié unilatéralement le contrat de travail de Monsieur [D] et que cette modification aurait eu pour conséquence une rétrogradation de celui-ci.

Les mails invoqués et produits par le salarié aux termes desquels la société indique que Monsieur [D] interviendra sur un chantier aux côtés d'un tiers ne permettent ni d'établir qu'il venait en appui technique de cette personne ni qu'il était placé sous son autorité directe et n'exerçait pas à ces occasions ses fonctions de chef de chantier.

La circonstance selon laquelle il a pu être affecté sur certains chantiers en tant que régisseur lumière, régisseur vidéo ou technicien est de même insuffisant à justifier qu'il aurait été rétrogradé alors qu'il est également établi qu'au cours de la relation de travail et en tout cas entre le 8 décembre et le 26 janvier 2018 date à laquelle il a été en arrêt de travail de manière continue, il a été régulièrement affecté sur des chantiers en tant que chef de chantier, que la société indique que pour certains chantiers complexes, elle a proposé au salarié d'intégrer l'équipe en place afin d'acquérir l'expérience nécessaire dans l'optique de superviser à terme ces chantiers, ce positionnement s'inscrivant dans une démarche d'accompagnement et de montée en compétence progressive.

Il n'est pas plus établi qu'à son retour d'arrêt maladie, la société a demandé à Monsieur [D] de procéder à un abandon de poste et que face à son refus, elle lui a finalement proposé courant janvier une rupture conventionnelle de son contrat de travail.

Sur la surcharge de travail et le non-respect du droit au repos, il est rappelé que si Monsieur [D] était soumis à une convention de forfait en jours et à ce titre ne relevait pas de la législation de droit commun sur la durée du travail, l'employeur n'en devait pas moins respecter les dispositions légales et conventionnelles relatives au repos quotidien en principe d'un minimum de 11 heures (article L.3131-1 du code du travail) et au repos hebdomadaire consistant notamment à interdire à l'employeur de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine (article L.3131-2 du code du travail).

La société à qui il appartient de justifier qu'elle a respecté les dispositions susvisées n'en rapporte pas la preuve alors que Monsieur [D] produit son planning du mois de décembre 2016 au mois de novembre 2017 qui montre qu'il a travaillé à plusieurs reprises plus de 6 jours d'affilé (7 jours sans interruption au mois de janvier 2017, 12 jours sans interruption au mois d'avril 2017, 7 jours sans interruption au mois d'août 2017, 13 jours sans interruption au mois d'octobre 2017) et qu'au 5 novembre 2017 il avait travaillé pour l'année 2017 plus de 218 jours en violation de la convention de forfait en jours prévu à son contrat de travail.

Les faits tenant au non respect du droit au repos sont établis.

Il est également établi par l'attestation de Monsieur [B] [J], intérimaire ayant travaillé avec Monsieur [D] que le 18 septembre 2017, Monsieur [H], le supérieur hiérarchique de Monsieur [D], évoquant un incident sur le chantier a prononcé à l'attention de ce-dernier la phrase suivante ' c'est un mauvais régisseur qui fait ça'.

S'agissant de la mise à l'écart du salarié, il résulte des pièces versées aux débats que Monsieur [D] a été placé en arrêt de travail le 5 novembre 2017 pour une durée initiale de15 jours, que la société lui a retiré son ordinateur professionnel le 9 novembre 2017, que le 19 novembre 2017 l'arrêt de travail de Monsieur [D] a été prolongé jusqu'au 17 décembre 2017, que le 14 décembre 2017, un vendredi, Monsieur [D] a informé la société que compte tenu de la durée de son absence, il devait passer une visite médicale pour reprendre son travail et qu'il se présenterait néanmoins à son poste le lundi suivant, que Monsieur [D] s'est effectivement rendu à son travail le 18 décembre 2017, qu'à cette date, la société ne lui a pas mis d'ordinateur à disposition, que Monsieur [D] est parti en congés à compter du 19 décembre 2017 et jusqu'au 3 janvier 2018, qu'à son retour de congés, la société lui a selon ses propres déclarations remis un ordinateur 'en attendant la remise de son outil habituel' mais ne lui a pas restitué son ancien ordinateur, qu'il lui a finalement été donné à la fin du mois de janvier un nouvel ordinateur portable.

Monsieur [D] justifie par ailleurs de l'altération de son état de santé. Il a été placé une première fois en arrêt de travail à compter du 5 novembre 2017 et jusqu'au 17 décembre 2017 puis une seconde fois à compter du 26 janvier 2018. Le 28 février 2018 son médecin l'a adressé à une consoeur pour 'la prise en charge d'un syndrome anxio-dépressif ' en précisant qu'il était incapable de reprendre son travail. Le 2 mars 2018, Monsieur [D] a été reçu par un psychiatre qui a certifié à l'issue de l'entretien que celui-ci souffrait d'un état anxio dépressif nécessitant un traitement antidépresseur. Le 5 septembre 2018, le médecin du travail a renu le concernant un avis d'inaptitude mentionnant que 'l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi'.

Les faits invoqués par Monsieur [D] relatifs au non respect de son droit à repos, à des critiques sur son travail et à sa mise à l'écart par le retrait de son ordinateur professionnel sont ainsi établis et pris en leur ensemble laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral. Il incombe dès lors à la société GL Events Audivisual de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La société ne justifie par aucun élément objectif étrangers à tout harcèlement des raisons pour lesquels elle n'a pas respecté le droit à repos du salarié ni n'explique la critique faite sur ses compétences professionnelles le 18 septembre 2017.

Elle ne justifie pas plus des raisons pour lesquelles elle a de manière précipitée récupéré l'ordinateur professionnel de Monsieur [D] seulement 4 jours après le début de son arrêt maladie et alors que cet arrêt n'était initialement que de 15 jours et ne lui a jamais rendu lorsqu'il a repris son travail. Si elle indique qu'elle a mis à disposition de Monsieur [D] le 3 janvier 2018 un ordinateur 'dans l'attente de la remise de son outil habituel', cela ne constitue pas un élément objectif étranger à tout harcèlement moral alors que Monsieur [D] indique que l'ordinateur qu'il utilisait jusqu'alors contenait l'intégralité de son travail et des outils qu'il avait développés et qu'il n'a pu transférer l'ensemble de ces données sur le nouvel ordinateur portable qui lui a été confié.

Compte tenu de ces éléments, le harcèlement moral est établi.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Il appartient au salarié qui sollicite la résiliation judiciaire de rapporter la preuve de manquements suffisamment graves par l'employeur à ses obligations contractuelles pour justifier la rupture du contrat de travail à ses torts.

Il a été établi que Monsieur [D] avait été victime de harcèlement moral au sein de l'entreprise qui a perduré jusqu'au mois de janvier 2018.

Cela constitue un manquement grave de la société justifiant la rupture du contrat de travail de Monsieur [D] à ses torts exclusifs.

Conformément à l'article L.1152-3 du code du travail, cette rupture produit, au 4 octobre 2018 date du licenciement devenu sans objet, les effets d'un licenciement nul.

Monsieur [D] peut donc prétendre aux indemnités de rupture.

Il est observé que si la société GL Events soulève l'irrecevabilité des demandes formées à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents en ce qu'elles seraient nouvelles en appel, elle fait référence aux seules demandes formées à titre subsidiaire par Monsieur [D] dans l'hypothèse où rejetant sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail, la cour serait amenée à examiner la cause réelle et sérieuse de son licenciement.

Il est précisé que Monsieur [D] avait formé devant le conseil de prud'hommes la même demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférent à l'appui de sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail. De telles demandes sont dès lors recevables.

Il sera en conséquence octroyé au salarié la somme de 8 844,99 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents à hauteur de 884,5 euros, sommes non discutées en leur quantum.

Monsieur [D] est également bien fondé à solliciter des dommages et intérêts pour licenciement nul en application de l'article L.1235-3-1 du code du travail qui prévoit que le salarié qui ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou dont la réintégration est impossible bénéficie d'une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

En raison de l'âge du salarié au moment de la rupture de son contrat de travail, de son ancienneté au sein de la société, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi, la cour fixe le préjudice matériel et moral qu'il a subis du fait de la perte injustifiée de son emploi à la somme de 18 000 euros.

Le jugement sera infirmé et la société condamnée à payer ces sommes à Monsieur [D].

Sur le préjudice moral

Monsieur [D] indique qu'il a subi un préjudice moral du fait du harcèlement dont il a été victime et des conséquences que cela a entraîné sur sa santé, qu'il n'a reçu aucun soutien de la part de l'entreprise en dépit de ses multiples appels à l'aide, que celle-ci n'a diligenté aucune enquête.

Il a été précédemment établi que Monsieur [D] avait subi un harcèlement moral au sein de l'entreprise.

Si il n'est pas démontré que son supérieur hiérarchique aurait à travers un mail du 24 janvier 2018 lui ayant été adressé par erreur tourné en dérision les échanges qu'ils avaient eu concernant ses difficultés professionnelles, il est acquis que Monsieur [D] a signalé à plusieurs reprises les problèmes rencontrés dans l'exécution de son contrat de travail sans que la société qui l'a seulement convoqué et reçu en entretiens, ne prenne de mesures effectives pour remédier à la situation.

Monsieur [D] a ainsi subi un préjudice qui sera évalué à 2 000 euros.

Le jugement sera infirmé et la société condamnée à lui payer cette somme.

Sur le non-respect du droit au repos

Monsieur [D] explique que la société n'a pas respecté son droit au repos hebdomadaire et qu'il a ainsi à plusieurs reprises travaillé plus de 6 jours sans interruption.

Le manquement de la société sur ce point a été précédemment démontré et le préjudice subi par Monsieur [D] à ce titre, distinct des préjudices déjà indemnisés par les sommes lui ayant été allouées au terme du présent arrêt, sera évalué à 800 euros.

Le jugement sera infirmé et la société condamnée à lui payer cette somme.

Sur les frais professionnels

Monsieur [D] explique que la société en violation de ses obligations contractuelles ne lui a pas mis de véhicule à disposition, qu'il doit dès lors être indemnisé des frais de transport qu'il a engagés avec son propre véhicule d'une puissance fiscale de 5cv pour se rendre de son domicile à son lieu de travail (35,5 kilomètres aller et retour par jour) et pour ses déplacements sur les chantiers (30 kilomètres par jour) sur 245 jours de travail et sur la base du barème fixé chaque année par arrêté du ministre du budget.

La société soutient qu'elle a commandé un véhicule de société au profit de Monsieur [D] dont la livraison a nécessité un certain délai, qu'il était prévu que les frais de déplacement professionnels du salarié lui seraient remboursés sur présentation des justificatifs afférents, qu'en dépit des relances lui ayant été adressées à ce titre, Monsieur [D] n'a jamais présenté de tels justificatifs, qu'il ne peut réclamer le remboursement des trajets entre son lieu et son domicile correspondant à un usage personnel de son véhicule, qu'il ne peut pas plus calculer ses frais kilométriques sur la base d'une puissance fiscale de 5cv alors qu'il n'apporte pas la preuve du modèle de véhicule qu'il utilisait.

L'article 11 "véhicule de société' du contrat de travail de Monsieur [D] stipule que 'pour permettre au salarié d'effectuer ses déplacements professionnels, un véhicule automobile attribué selon la charte Groupe est mis à sa disposition par la société. Les frais d'entretien et d'assurance du véhicule sont à la charge de la société. Le salarié devra utiliser ce véhicule et veiller à son entretien conformément aux recommandations de la société. Le salarié s'engage à n'utiliser ce véhicule que pour ses déplacements professionnels à l'exclusion de tout usage à caractère personnel'.

Il est acquis qu'en violation de ces dispositions contractuelles, la société n'a pas mis de véhicule à disposition de Monsieur [D], la circonstance selon laquelle le véhicule lui aurait été livré tardivement étant à cet égard sans importance.

Elle devait donc lui rembourser les frais engendrés par ses déplacements professionnels sans pouvoir s'y opposer au motif que Monsieur [D] ne lui aurait pas fourni de justificatifs sur ce point, étant observé qu'elle était nécessairement informée des chantiers sur lesquels celui-ci était affecté et qu'elle n'a mis en place aucune mesure permettant la prise en charge du coût de ses déplacements dans l'attente de la livraison effective du véhicule de société.

Si Monsieur [D] ne peut solliciter l'indemnisation de ses déplacements personnels entre son domicile et son lieu de travail pour lesquels la voiture de société dont il devait bénéficier ne pouvait être utilisée, il est bien fondé à solliciter l'indemnisation des frais générés par ses déplacements professionnels sur les chantiers et qui seront évalués au vu du barème qu'il produit, du nombre de kilomètres effectué et d'un véhicule ayant une puissance fiscale de 5cv tel que celui que Monsieur [D] indique avoir utilisé, une somme de 3 429,75 euros.

Le jugement sera infirmé et la société condamnée à lui payer cette somme.

Sur la prime d'objectifs

Le contrat de travail de Monsieur [D] prévoit qu'outre sa rémunération forfaitaire, 'le salarié percevra, en cas d'atteintes des objectifs fixés, une prime d'objectif annuelle pouvant varier de 0 à 3 000 euros à 100 % de l'objectif atteint'.

Lorsque la partie variable de la rémunération contractuelle du salarié dépend de la réalisation d'objectifs fixés par l'employeur et que celui-ci n'a pas précisé au salarié les objectifs à réaliser, cet élément de rémunération doit être versé intégralement.

En l'espèce, la société ne justifie pas avoir fixé des objectifs à Monsieur [D] pour les années 2017 et 2018.

Monsieur [D] peut dès lors prétendre à l'intégralité de sa rémunération variable sur cette période et il lui sera accordé à ce titre les sommes réclamées à hauteur de 1 417,26 euros après déduction de la somme déjà perçue de ce chef de 1 220 euros. .

En revanche, il ne peut être reproché à la société qui a embauché Monsieur [D] le 8 décembre 2016 de ne pas lui avoir fixé des objectifs pour l'année 2016. Il sera débouté de la demande formée à ce titre.

Le jugement sera infirmé et la société condamnée à lui payer la somme susvisée.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

La société GL Events Audiovisual qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Il apparaît en outre équitable de la condamner à verser à Monsieur [I] [D] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en en appel en sus de l'indemnité lui ayant été allouée de ce chef par le conseil de prud'hommes.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montmorency du 28 août 2019,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [I] [D] aux torts exclusifs de la société GL Events Audiovisual à effet au 4 octobre 2018 date de son licenciement devenu sans effet,

DIT que la rupture de contrat produit les effets d'un licenciement nul,

CONDAMNE la société GL Events Audiovisual à payer à Monsieur [I] [D] les sommes suivantes :

- 8 844,99 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 884,5 euros au titre des congés payés afférents,

- 18 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral

- 800 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect du droit au repos,

- 3 429,75 euros au titre du remboursement des frais professionnels,

- 1 417,26 euros au titre de la prime d'objectifs,

Y ajoutant,

DIT les demandes de Monsieur [I] [D] relatives à l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents recevables,

CONDAMNE la société GL Events Audiovisual à payer à Monsieur [I] [D] la somme de 2 500 euros pour les frais irrépétibles exposés en appel en application de l'article 700 du code de procédure civile en sus de l'indemnité allouée par le conseil de prud'hommes à ce titre,

CONDAMNE la société GL Events Audiovisual aux dépens de première instance et d'appel,

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Carine DJELLAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 19/03454
Date de la décision : 08/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-08;19.03454 ?
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