COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
1ère chambre 1ère section
ARRET N°
PAR DEFAUT
Code nac : 2AZ
DU 07 JUIN 2022
N° RG 20/02474
N° Portalis DBV3-V-B7E-T37O
AFFAIRE :
[N] [H] [U] [Y], représentée par sa mère Mme [R] [U] [Y], née le 11 juillet 1985 en GUINEE CONAKRY
C/
[R] [Y]
LE PROCUREUR GENERAL
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Juin 2016 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 15/11219
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-Me Nadia CHEHAT,
-MP
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (CIV.1) du 26 juin 2019 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de PARIS le 17 Octobre 2017
Madame [N] [H] [U] [Y], représentée par sa mère Mme [R] [U] [Y], née le 11 juillet 1985 en GUINEE CONAKRY
née le 27 Novembre 2007 à [Localité 11] (GUINÉE)
de nationalité Guineenne
[Adresse 10]
[Adresse 6] - SÉNÉGAL
représentée par Me Nadia CHEHAT, avocat - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 88
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/015103 du 27/05/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)
****************
DEFENDEUR DEVANT LA COUR DE RENVOI
Monsieur [R] [Y]
né le 03 Novembre 1984 à [Localité 7] (GUINEE)
Chez ADOMA
[Adresse 2]
[Localité 4]
Défaillant
****************
LE PROCUREUR GENERAL
COUR D'APPEL DE VERSAILLES
[Adresse 3]
[Localité 5]
pris en la personne de Mme TRAPERO, Avocat Général
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue en chambre du conseil le 28 Mars 2022, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie LAUER, Conseiller chargée du rapport et Madame Sixtine DU CREST, Conseiller.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anna MANES, Président,
Madame Nathalie LAUER, Conseiller,
Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
Vu le jugement rendu le 14 juin 2016 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :
- dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande principale tendant à "constater que Mme [N] [H] [U] [Y] est bien la fille de M. [R] [Y]",
- déclaré irrecevable la demande subsidiaire d'expertise génétique,
- condamné la partie demanderesse aux dépens ;
Vu l'arrêt rendu le 17 octobre 2017 par la cour d'appel de Paris qui a :
- déclaré Mme [R] [U] [Y], agissant au nom de l'enfant mineur Mme [N] [H] [U] [Y], se disant née le 7 septembre 2003 à Pita (Guinée), irrecevable en sa demande,
- l'a condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;
Vu l'arrêt rendu le 26 juin 2019 par la Cour de cassation qui a :
- cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles ;
- laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens,
- vu l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande,
- dit que sur diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Vu la saisine de la cour d'appel de Versailles par déclaration du 11 juin 2020 de Mme [R] [U] [Y] au nom de l'enfant mineur Mme [N] [H] [U] [Y] ;
Vu la signification de la déclaration de saisine à M. [R] [Y] par acte d'huissier du 16 septembre 2020 déposé à l'étude ;
Vu la communication du dossier au ministère public le 21 janvier 2021,
Vu l'arrêt de cette cour du 22 juin 2021 qui a :
- dit que la saisine de la cour de renvoi est recevable,
- mis le ministère public hors de cause en tant que partie principale,
- invité Mme [N] [H] [U] [Y] à produire une copie de son passeport guinéen délivré en 2017,
- infirmé le jugement rendu le 14 juin 2016 par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a :
- dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande principale tendant à "constater que Mme [N] [H] [U] [Y] est bien la fille de M. [R] [Y]",
- déclaré irrecevable la demande subsidiaire d'expertise génétique,
Avant dire droit,
- ordonné une mesure d'expertise biologique ,
- ordonné que [N] [H] [U] [Y], née le 21 novembre 2007 à [Localité 12] (Guinée) se rende dans un établissement de santé à [Localité 8] afin de faire effectuer, en présence d'un médecin, tout prélèvement biologique sur elle , qui devra être transmis à l'expert désigné ci-dessous, dans des conditions lui permettant de remplir sa mission,
- précisé que [N] [H] [U] [Y] devra justifier formellement de son identité au moyen de documents administratifs comportant une photographie,
- commis pour procéder à l'expertise M. [W] [K], expert près la cour d'appel de Versailles, [Adresse 9] (Tél. [XXXXXXXX01])
avec pour mission de :
- convoquer les parties qui devront se munir de documents administratifs prouvant formellement leur identité,
- procéder aux recherches et analyses nécessaires aux fins de dire si M. [R] [Y], né le à peut être le père de l'enfant [N] [H] [U] [Y], née le 21 novembre 2007, en précisant le degré de probabilité, ou au contraire si la paternité de M. [R] [Y] peut être exclue,
- dit que l'expertise sera exercée sous le contrôle du conseiller de la mise en état,
- dit que l'expert fera connaître sans délai son acceptation et dit qu'à défaut ou en cas de carence dans l'accomplissement de sa mission, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance du magistrat chargé du contrôle de l'expertise,
- dit que la rémunération de l'expert sera fixée conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle,
- dit que l'expert devra déposer son rapport au greffe dans le délai de quatre mois à compter de sa saisine,
- renvoyé l'affaire à une audience de mise en état ultérieure à fixer après le dépôt du rapport d'expertise,
- sursis à statuer sur le surplus et réservé les dépens,
Vu les conclusions en ouverture de rapport notifiées le 31 janvier 2022 par Mme [N] [H] [Y], représentée par sa mère Mme [R] [U] [Y] par lesquelles elle demande de :
- CONSTATER qu'il existe un lien de filiation entre Mme [N] [H] [U] [Y] et M. [R] [Y] et que Mademoiselle [N] [H] [U] [Y] est bien la fille de M. [R] [Y] ;
- ÉTABLIR qu'il existe un lien de filiation entre Mme [N] [H] [U] [Y] et M. [R] [Y] et que Mme [N] [H] [U] [Y] est bien la fille de M. [R] [Y] ;
- JUGER qu'il existe un lien de filiation entre Mme [N] [H] [U] [Y] et
M. [R] [Y], et que la première est bien la fille du second ;
- DÉCLARER qu'il existe un lien de filiation entre Mme [N] [H] [U] [Y] et M. [R] [Y], et que la première est bien la fille du second ;
- STATUER ce que de droit sur les dépens de l'instance.
Vu la signification de ces conclusions à M. [R] [Y] déposée en l'étude de l'huissier de justice le 21 février 2022,
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte d'huissier du 13 juillet 2015, l'enfant mineure, [N] [H] [U] [Y], née le 21 novembre 2007, représentée par sa mère Mme [R] [U] [Y], a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris M. [R] [Y] et le procureur de la République aux fins de voir dire qu'elle est bien la fille de M. [R] [Y], à titre subsidiaire et avant dire droit, ordonner un examen génétique à l'effet de déterminer si ce dernier peut ou non être son père.
A l'appui de sa demande, la demanderesse a exposé que M. [R] [Y], ressortissant guinéen, bénéficie en France du statut de réfugié depuis le 20 octobre 2009, qu'il a sollicité le rapprochement familial de ses deux enfants, [R] [C] et [N] [H] [U] [Y], et de leur mère, Mme [R] [U] [Y], également ressortissante guinéenne, lesquels ont fui la Guinée pour le Sénégal, que cependant les visas d'entrée en France leur ont été refusés par les autorités administratives françaises, suivies en cela par le tribunal administratif de Nantes, aux motifs que les actes d'état civil produits étaient dénués de force probante et que leur production caractérisait une intention frauduleuse.
Le ministère public, en première instance, a conclu à l'irrecevabilité des demandes en relevant que le lien de filiation n'était pas contesté entre les parties et qu'au vu de l'acte de naissance guinéen établi au nom de l'enfant avec mention de la filiation paternelle revendiquée, celui-ci était dépourvu d'intérêt à agir.
Par jugement du 14 juin 2016, le tribunal de grande instance de Paris a dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande principale tendant à voir "constater" que [N] [H] [U] [Y] est bien la fille de M. [R] [Y] et a déclaré irrecevable la demande subsidiaire d'expertise génétique en retenant que la demande ne peut s'analyser en une action en recherche de filiation et en ajoutant que toute demande d'établissement de la filiation par possession d'état ne peut pas davantage prospérer des lors que la partie demanderesse se prévaut d'un titre.
Par acte du 17 juin 2016, [N] [H] [U] [Y], représentée par Mme [R] [U] [Y], a interjeté appel de cette décision.
Par un arrêt du 17 octobre 2017, la cour d'appel de Paris a déclaré Mme [R] [U] [Y], agissant au nom de l'enfant mineur [N] [H] [U] [Y], se disant née le 21 novembre 2007 à Pita (Guinée), irrecevable en sa demande et l'a condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Par un arrêt du 26 juin 2019, la Cour de cassation a notamment cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris, remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles.
Elle a rappelé que pour déclarer irrecevable la demande, l'arrêt de la cour d'appel de Paris retient que la mineure et sa mère ne justifient pas d'un état civil probant au sens de l'article 47 du code civil. Elle a jugé qu'en statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur cette fin de non-recevoir relevée d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
C'est dans ces circonstances que Mme [R] [U] [Y], en sa qualité de représentante légale de l'enfant, a saisi la cour d'appel de Versailles qui a ordonné avant-dire droit une mesure d'expertise biologique.
Le rapport d'expertise a été déposé le 3 février 2022. Il conclut que la comparaison des allèles de M. [R] [Y] avec ceux de [N] [H] [Y] montre que la répartition des allèles est compatible avec une paternité vis-à-vis de [N] [H] [Y] et que le calcul montre que sa probabilité de paternité est supérieure à 99, 99999 %, ce qui correspond à une paternité vérifiée.
SUR CE, LA COUR,
La filiation
[N] [H] [U] [Y] demande l'établissement du lien de filiation au vu du rapport d'expertise biologique qui conclut à la paternité vérifiée de [R] [Y].
Appréciation de la cour
Il est constant que Mme [R] [U] [Y] est de nationalité guinéenne.
Selon l'article 311-14 du code civil français, la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant.
Mme [R] [U] [Y] et M. [R] [Y] ont contracté mariage religieux en 2002. Ils ne sont donc pas mariés au sens de la loi guinéenne puisque l'article 201 du code civil guinéen prévoit que le mariage est célébré par un officier d'état civil.
L'article 368 du code civil guinéen prévoit que l'enfant conçu et né hors mariage est naturel.
L'article 369 de ce code dispose que la filiation naturelle est établie par la cohabitation, l'aveu du père ou le témoignage de deux ou plusieurs personnes. La preuve contraire peut être faite par tous les moyens.
En l'espèce, la cohabitation entre [R] [Y] et [N] [H] [U] [Y] est démontrée par de nombreuses attestations produites aux débats. En outre, le jugement supplétif d'acte de naissance de l'enfant du 13 août 2012 dispose que celle-ci est née le 27 novembre 2007 et qu'elle est fils (sic) de [R] [Y] et de [R] [U] [Y]. L'énonciation de ce jugement est corroborée par le rapport d'expertise biologique judiciaire qui confirme la paternité de [R] [Y] de l'enfant [N] [H] [U] [Y] quand bien même ce jugement n'a pas été jugé probant par l'autorité et la juridiction administratives.
Il convient donc de constater que M. [R] [Y] est bien le père de l'enfant [N] [H] [U] [Y] née le 27 novembre 2007 à [Localité 12] (Guinée).
Les entiers dépens, en ce compris ceux de l'instance cassée, seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt rendu par défaut et mis à disposition,
CONSTATE que M. [R] [Y] est bien le père de l'enfant [N] [H] [U] [Y] née le 27 novembre 2007 à [Localité 12] (Guinée),
DIT que les entiers dépens en ce compris ceux de l'instance cassée seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Nathalie LAUER, conseiller pour le président empêché et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Conseiller,