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02/06/2022 | FRANCE | N°21/01848

France | France, Cour d'appel de Versailles, 2e chambre 1re section, 02 juin 2022, 21/01848


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 22G



2e chambre 1re section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 2 JUIN 2022



N° RG 21/01848 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UMNU



AFFAIRE :



[N] [L]





C/





[G] [V]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 4 Février 2021 par le Tribunal Judiciaire de Versailles

N° Chambre :

N° Cabinet :

N° RG : 19/05339



Expéditions exécutoires

Expéditions



délivrées le :



à :



- SCP GAZAGNE & YON



- SCP COURTAIGNE AVOCATS



- TJ Versailles













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de VERSAILLES...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 22G

2e chambre 1re section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 2 JUIN 2022

N° RG 21/01848 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UMNU

AFFAIRE :

[N] [L]

C/

[G] [V]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 4 Février 2021 par le Tribunal Judiciaire de Versailles

N° Chambre :

N° Cabinet :

N° RG : 19/05339

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

- SCP GAZAGNE & YON

- SCP COURTAIGNE AVOCATS

- TJ Versailles

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant, qui a été prorogé le 19 mai 2022 puis le 25 mai 2022 , les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Madame [N] [L]

née le 3 Juin 1959 à ROUBAIX (59100)

Péniche Chado

Face au 55 Quai Alphonse Legallo

92100 BOULOGNE BILLANCOURT

Représentée par Me Sylvie GAZAGNE de la SCP GAZAGNE & YON, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 511

Me Serge LEQUILLERIER de la SCP LEQUILLERIER - GARNIER, avocat plaidant au barreau de SENLIS

APPELANTE

****************

Monsieur [G] [V]

né le 18 Mars 1956 à LILLE (59) (59000)

21 rue de la Pompe

75116 PARIS

Représenté par Me Estelle FAGUERET-LABALLETTE de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52

Me Nicolas LEMIERE, avocat plaidant au barreau de PARIS, vestiaire : C0791

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Mars 2022 en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Julie MOUTY TARDIEU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Dominique SALVARY, Président,

Madame Julie MOUTY TARDIEU, Conseiller,

Madame Sophie MATHE, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Maëlle LE DEVEDEC,

FAITS ET PROCEDURE,

Mme [N] [L] et M. [G] [V] se sont mariés le 10 décembre 1983 sous le régime de séparation de biens. De cette union sont issus trois enfants désormais majeurs.

A la suite d'une requête en divorce déposée le 14 février 2005 par Mme [L], le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Versailles, par une ordonnance de non-conciliation du 7 avril 2005, a notamment attribué la jouissance du domicile conjugal situé 48 allée des Sablons à La Celle-Saint-Cloud (78), bien personnel de l'époux, à titre gratuit à Mme [L] et a statué sur la résidence des enfants alors mineurs.

Par un arrêt du 9 février 2006, la cour d'appel de Versailles a maintenu l'attribution de la jouissance du domicile conjugal à Mme [L], mais à titre onéreux.

Par un jugement du 16 novembre 2009, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Versailles a, notamment :

- prononcé le divorce des époux,

- dit qu'il prendra effet dans les rapports patrimoniaux entre les époux le 7 avril 2005,

- désigné un notaire chargé de la liquidation des droits des époux,

- déclaré irrecevable la demande de Mme [L] tendant à l'attribution d'une prestation compensatoire sous la forme de l'attribution à titre gratuit du domicile conjugal,

- rejeté la demande de Mme [L] tendant à l'attribution préférentielle du domicile conjugal,

- rejeté la demande de prestation compensatoire de M. [V],

- déclaré irrecevables les demandes de M. [V] en expulsion et en fixation d'une indemnité d'occupation.

Le 4 décembre 2006, Mme [L] a assigné M. [V] en partage judiciaire de l'indivision existant entre eux.

Au cours de cette instance, M. [V] a produit des quittances pour justifier du paiement de la créance de Mme [L], qui ont été contestées par cette dernière.

Par une ordonnance du 11 janvier 2007 le juge de la mise en état a ordonné une expertise comptable du patrimoine des époux et une expertise en écriture.

Parallèlement à ces instances civiles, Mme [L] a déposé une plainte pénale avec constitution de partie civile devant un juge d'instruction qui a commis un expert en écriture le 10 juin 2008.

Il a été ordonné un sursis à statuer dans l'instance civile, en attendant l'issue de la procédure pénale.

Le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu le 4 novembre 2013, confirmée par la cour d'appel de Versailles le 27 juin 2013.

L'instance civile en partage a été rétablie le 21 novembre 2013.

Par un jugement du 23 juin 2016 le tribunal de grande instance de Versailles a, notamment :

- dit que les quittances du 20 et 21 mars 2004 n'ont pas de valeur libératoire,

- dit en conséquence que Mme [L] est titulaire d'une créance de reprise à l'encontre de M. [V],

- dit que Mme [L] est redevable à M. [V], pour la période du 23 juin 2005 au 8 juillet 2010, d'une indemnité d'occupation au titre de la maison située 48, allée des Sabons à La Celle Saint Cloud,

- rejeté les demandes de mainlevée du séquestre, de restitution d'effets mobiliers et en dommages et intérêts pour procédure abusive de M. [V],

- avant dire-droit sur la créance de reprise de Mme [L], ordonné une expertise,

- ordonné une expertise sur l'indemnité d'occupation due par Mme [L].

Par un arrêt du 20 avril 2017, la cour d'appel de Versailles a confirmé, pour l'essentiel, le jugement précité.

Les deux experts ont déposé leurs rapports les 20 décembre 2016 et 24 juillet 2018.

Par un arrêt du 24 octobre 2018 la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de M. [V].

Par un jugement du 4 février 2021, le tribunal judiciaire de Versailles a notamment :

- dit que Mme [L] devra verser à M. [V] la somme de 230 400 euros au titre de l'indemnité d'occupation du bien à La Celle-Saint-Cloud,

- dit que M. [V] devra verser à Mme [L] la somme de 485 671,65 euros au titre de la créance de reprise dont est titulaire Mme [L],

- ordonné la compensation des créances réciproques de M. [V] et de Mme [L] conformément à l'article 1290 du code civil,

- condamné, après compensation des créances réciproques, M. [V] à verser à Mme [L] la somme de 255 271,65 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la décision et capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil conformément à la demande,

- débouté Mme [L] de sa demande de dommages et intérêts,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- fait masse des dépens, en ce compris les frais des deux expertises judiciaires, et dit qu'ils seront partagés par moitié entre chacune des parties,

- rejeté la demande de mainlevée du séquestre et de prononcé de l'exécution provisoire.

Par une déclaration du 18 mars 2021, Mme [L] a fait appel de cette décision en ce qu'elle :

- a dit que M. [V] devra lui verser la somme de 485 671,65 euros au titre de la créance de reprise dont elle est titulaire,

- a condamné après compensation des créances réciproques, M. [V] à lui verser la somme de 255 271,65 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la décision et capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil conformément à la demande,

- l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Dans ses dernières conclusions du 28 février 2022, Mme [L] demande à la cour de:

"- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a fixé la créance de reprise de Madame [N] [L] à la somme de 485.671,65 euros, et l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts et de prise en charge des dépens par Monsieur [G] [V],

- Statuant à nouveau, FIXER la créance de reprise de Madame [N] [L] à la somme de 722.669,90 euros, s'établissant comme suit :

* Immeuble LA CELLE SAINT CLOUD : 512.799,75 euros,

* Immeuble Rue Daumier : 28.237,00 euros,

* Immeuble rue Buzenval : 12.195,00 euros,

* Créance d'écart : 49.978,00 euros,

* Prêts étudiants : 12.933,00 euros,

* Tableau Bissière : 53.357,15 euros,

* Créances mobilières : 66.103,00 euros,

TOTAL : 735.602,90 euros,

- CONFIRMER le montant de l'indemnité d'occupation arrêtée à 230.400, le rejet de la créance de reprise de Monsieur [V] au titre de ma restitution d'impôts, et la créance mobilière,

- Vu la créance d'indemnité d'occupation de Monsieur [G] [V], d'un montant de 230.400 euros, ORDONNER la compensation et CONDAMNER Monsieur [G] [V] à régler à Madame [N] [L], la somme de 505.202,90 euros, au titre du solde de sa créance de reprise,

- CONDAMNER sur le fondement de l'article 1240 du Code civil, Monsieur [G] [V], à régler à Madame [N] [L], la somme de 91.000 euros,

- DIRE ET JUGER que les condamnations prononcées produiront intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir,

- CONDAMNER Monsieur [G] [V] en tous les dépens de première instance et d'appel, outre une indemnité de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC."

Dans ses dernières conclusions du 28 février 2022, M. [V] demande à la cour de :

"- INFIRMER le jugement prononcé le 4 février 2021 par le Tribunal judiciaire de Versailles en ce qu'il a :

* Dit que Mme [N] [L] doit verser à M. [V] la somme de 230 400 € au titre de l'indemnité d'occupation du bien de La Celle-St-Cloud,

* Dit que M. [V] doit verser à Mme [L] la somme de 485 671,65 € au titre de sa créance de reprise,

* Condamné après compensation des créances réciproques M. [V] à verser à Mme [L] la somme de 255 271,65 € avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision et capitalisation des intérêts,

* Rejeté la demande de mainlevée du séquestre,

STATUANT A NOUVEAU de ces seuls chefs :

- FIXER l'indemnité d'occupation due par Mme [L] à M. [V] à la somme de 307 371€,

- FIXER la créance de reprise de Mme [L] à l'encontre de M. [V] à la somme de 404 521 €,

- compte tenu de la compensation des créances réciproques entre les parties, FIXER la créance de Mme [L] à l'encontre de M. [V] à la somme de 97 150 €,

- DIRE que cette somme sera assortie de l'intérêt au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

- ORDONNER la libération du séquestre sur le prix de cession de l'immeuble sis à La-Celle-St-Cloud actuellement consigné entre les mains du Bâtonnier de l'Ordre des Avocats du Barreau de PARIS :

' au profit de Mme [L] à concurrence du montant de sa créance compensée que fixera l'arrêt de la Cour à intervenir,

' au profit de M. [V] pour la totalité du solde,

- CONFIRMER le jugement déféré en tous ses autres chefs,

- CONDAMNER Mme [L] à payer à M. [V] la somme de 5 000 € par application de l'article 700 du CPC au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- CONDAMNER Mme [L] aux dépens de l'instance d'appel".

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 mars 2022.

A la demande de la cour, les parties ont produit en cours de délibéré le contrat de mariage des époux, le jugement de divorce et les coordonnées du notaire chargé de la liquidation des intérêts patrimoniaux des parties.

Ces documents sont parvenus à la cour le 31 mars 2022.

La cour a adressé aux parties le 20 mai 2022 la note en délibéré suivante :

« M. [V] demande le remboursement d'impôts sur les revenus payés au cours du mariage.

Il produit des pièces 21 et 24 à l'appui de cette demande.

Ces documents sont toutefois tronqués, tous les montants y figurant ne sont pas lisibles.

M. [V] est invité à produire à nouveau devant la cour une copie intégrale de ces documents faisant apparaître tous les montants au plus tard le mardi 24 mai 2022 à 12h.

Le délibéré est prorogé dans cette affaire au 2 juin 2022. »

Les parties n'ont pas répondu.

Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée, ainsi qu'aux écritures déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la créance de reprise de Mme [L]

Au cours de leur mariage sous le régime de la séparation de biens, Mme [L], médecin, et M. [V], cadre financier, ont acquis plusieurs biens immobiliers selon des montages financiers complexes. Ces biens ont été vendus et Mme [L] revendique une créance sur M. [V] au titre de son financement personnel de ces opérations immobilières.

La situation étant suffisamment complexe, le tribunal de grande instance de Versailles a désigné un expert comptable, M. [R], chargé d'examiner ces opérations et de proposer un calcul de la créance de Mme [L] à l'encontre de M. [V].

L'expert a déposé son rapport le 24 juillet 2018 et a retenu, en conclusion de ses opérations, une créance de 597 864 euros.

Statuant sur les contestations des parties, le tribunal a retenu une créance de Mme [L] à l'encontre de M. [V] de 485 671,65 euros.

En appel, Mme [L] conteste cette décision et revendique une créance de 722 669,90 euros.

M. [V] répond que sa dette est de 404 521 euros.

Pour trancher cette contestation, il convient d'examiner à nouveau chacun des postes de créances.

Sur le financement de l'appartement de Lille (rue Royale)

Mme [L] a acquis cet appartement le 24 juin 1984, au début du mariage, au prix de 72 000 francs, financé d'une part par des deniers personnels (64 000 francs) et d'autre part par un emprunt bancaire de 8 000 francs (prêt de la Banque populaire du Nord).

Mme [L] a vendu ce bien le 22 février 1990 pour un prix de 175 000 francs.

Le tribunal n'a pas retenu ce titre de créance de Mme [L] en relevant que cette dernière n'établissait pas le principe ni le montant de cette créance (jugement page 19).

En appel, Mme [L] renonce à toute demande au titre de cette opération financière et M. [V] en prend acte.

Le jugement, qui n'a retenu aucune créance de ce chef, sera confirmé.

Sur le financement de l'appartement de la rue Daumier (Paris)

Le 8 juin 1990 les époux ont acquis un appartement situé à Paris, 1, rue Daumier, en indivision, à concurrence de 40 % pour M. [V] et de 60 % pour Mme [L].

Le prix de 825 000 francs a été payé de la façon suivante :

- 250 000 francs versés au notaire lors de la promesse de vente,

- 575 000 francs versés au notaire le jour de la vente.

Ces sommes ont été financées par deux prêts de la caisse régionale du Crédit agricole mutuel du Nord.

Ce bien a été vendu le 27 février 2001 au prix de 520 000 francs.

Selon l'expertise judiciaire, Mme [L] doit à M. [V] sur le financement de cet immeuble et sur les loyers encaissés la somme de 8 205 euros. Le tribunal a retenu cette analyse.

En appel, Mme [L] conteste cette décision et revendique une créance globale de 28 237 euros au titre du remboursement du prêt et des loyers.

M. [V] souligne que Mme [L] a triplé le montant de sa demande de première instance en se fondant sur une pièce 32 qui n'a pas été soumise à l'expert judiciaire et qui contredit le fait, retenu par l'expert, que l'acquisition de l'immeuble a été financée par les revenus de l'époux. Il souligne que cette pièce ne repose sur aucun élément financier. Il ajoute que le virement de 29 624 euros sur le compte de l'époux invoqué par Mme [L] n'est pas établi. Il conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

Mme [L] fonde d'une part sa contestation sur les travaux de l'expert judiciaire et du cabinet comptable EXEA qui a répertorié les mouvements financiers sur les comptes des époux entre 1988 et 2006. Selon ces éléments, le tribunal a exactement retenu que M. [V] a financé l'apport pour l'achat de cet appartement, a remboursé l'emprunt à l'aide des loyers perçus. Il en a déduit que Mme [L] devait la somme de 8 205 euros à M. [V].

Devant la cour, Mme [L] fonde sa contestation sur une pièce n°32 établie par un auteur inconnu qui n'a pas été soumise à l'expert judiciaire et qui ne contient pas la justification, par des documents bancaires, des affirmations qui y figurent.

La contestation de Mme [L] sera donc écartée et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le financement de l'appartement de Saint-Cloud (rue Buzenval)

Le 16 juillet 1985 Mme [L] et M. [V] ont acquis en indivision (6/10ème pour M., 4/10èmes pour Mme) un appartement situé à Saint-Cloud qui a constitué le logement de la famille. Il a été vendu le 28 avril 1988.

Les parties conviennent que pour cette opération financière Mme [L] dispose d'une créance de 12 195 euros sur M. [V].

Le jugement, qui a retenu cette créance, sera confirmé sur ce point.

Sur le financement de l'immeuble de La-Celle-Saint-Cloud

Le 5 mai 1988 M. [V] a acquis une maison d'habitation située à La-Celle-Saint-Cloud pour un prix de 3 200 000 francs, qui a constitué le logement de la famille.

Cet immeuble a été vendu le 21 juillet 2015 au prix de 1 050 000 euros.

Le tribunal, se fondant sur les travaux de l'expert, a retenu que Mme [L] avait financé ce bien à hauteur de 227 911 euros. Il a ensuite calculé la créance de cette dernière sur M. [V], seul propriétaire de ce bien, en application des articles 1479 et 1469 du code civil pour retenir une créance de Mme [L] de 441 013,65 euros.

En appel, Mme [L] conteste les modalités de calcul de sa créance par le tribunal et revendique la somme de 512 799,75 euros. Elle soutient que le calcul n'aurait pas dû tenir compte des meubles vendus, ni des frais annexes, ni de la TVA. Elle ajoute que l'expert n'aurait pas dû soustraire une quote part de remboursement de prêt de 48 500 euros.

M. [V] critique également le calcul effectué par le tribunal en soulignant qu'il convient de retenir outre le prix d'acquisition de l'immeuble les frais de cette opération et la commission de l'agent immobilier. Il précise que ce prix incluant les frais annexes est de 547 588 euros. Il relève que l'acquisition doit aussi inclure les meubles.

M. [V] estime que le tribunal a retenu, à juste titre, le prix de vente de l'immeuble (1 050 000 euros) et non son évaluation par un expert judiciaire (1 200 000 euros). Il ne conteste pas la contribution de Mme [L] et en déduit que sa créance est de 388 594 euros.

Selon l'article 1543 du code civil, il convient d'appliquer à une créance entre époux séparés de biens l'article 1479 du même code.

Ce texte dispose :

"Les créances personnelles que les époux ont à exercer l'un contre l'autre ne donnent pas lieu à prélèvement et ne portent intérêt que du jour de la sommation.

Sauf convention contraire des parties, elles sont évaluées selon les règles de l'article 1469, troisième alinéa, dans les cas prévus par celui-ci ; les intérêts courent alors du jour de la liquidation".

Selon l'article 1469, alinéa 3, du code civil :

"Elle ne peut être moindre que le profit subsistant, quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur. Si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de l'aliénation ; si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, le profit est évalué sur ce nouveau bien".

En l'espèce, les parties retiennent, comme le tribunal et l'expert judiciaire, que Mme [L] a contribué au financement de l'immeuble de la-Celle-Saint-Cloud, bien personnel de l'époux, à hauteur de 227 911 euros.

Elles divergent sur la valeur à retenir au moment de l'acquisition du bien. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation relative à l'application des articles 1543, 1479 et 1469, alinéa 3, du code civil, il convient de retenir les frais d'acquisition du bien immobilier considéré (1re Civ., 26 juin 2013, pourvoi n° 12-13.757, Bull. 2013, I, n° 141).

En outre, la cour relève que l'article 1469 du code civil, qui énonce les modalités de calcul de la créance de l'épouse, ne distingue pas entre le prix du bien au sens strict, les frais annexes, ni entre les meubles et les immeubles. Il convient donc de retenir le coût global de l'acquisition tel qu'il est établi par M. [V], soit la somme de 547 588 euros (rapport d'expertise de M. [R], page 8).

M. [V] justifie avoir vendu cet immeuble, contenant également des meubles, le 21 juillet 2015, pour un prix global de 1 050 000 euros dont il a donné quittance à l'acquéreur (acte notarié pages 4 et 5).

La créance de Mme [L] se calcule ainsi :

(contribution du patrimoine prêteur / coût global d'acquisition) x prix de vente du bien

( 227 911 euros / 547 588 euros) x 1 050 000 euros = 437 019 euros.

M. [V] demande la déduction à cette somme de la quote-part de Mme [L] dans le remboursement du prêt ayant servi au financement de l'immeuble. Toutefois, il ressort des travaux de l'expert judiciaire (rapport de M. [R] pages 8 et 9) que cette contribution de l'épouse a déjà été prise en compte. Cette prétention sera donc rejetée et le jugement sera infirmé quant au montant de la créance de Mme [L] sur ce point, elle sera fixée à 437 019 euros.

Sur l'indemnité d'occupation de l'immeuble de La-Celle-Saint-Cloud

La jouissance de l'immeuble de La-Celle-Saint-Cloud, bien personnel de M. [V], a été attribuée à Mme [L] par l'ordonnance de non-conciliation du 7 avril 2005, à titre onéreux selon l'arrêt de cette cour du 9 février 2006.

Le jugement contesté à mis à la charge de Mme [L] une indemnité totale de 230 400 euros en retenant la valeur locative proposée par l'expert judiciaire (288 000 euros) à laquelle il a appliqué un taux de précarité de 20 %.

Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, les juges apprécient souverainement le montant de l'indemnité d'occupation en retenant dans un premier temps la valeur locative du bien (Civ. 1re, 27 octobre 1992, pourvoi n°91-10773, Bull. I n°265 ; 14 janvier 1997, pourvoi n°95-10679, Bull. I n°17), mais ils ne sont pas tenus de se fonder sur cette seule valeur locative (Civ. 1re, 13 décembre 1994, pourvoi n°92-20780, Bull. I n°369).

M. [V] conteste cette décision et sollicite la somme de 307 371 euros en relevant que la valeur locative de l'immeuble, d'une surface habitable de 301 m2, implanté sur un terrain de 630 m2, dans l'une des communes les plus prisées de la région parisienne, est de 23 euros le mètre carré selon l'expertise réalisée par M. [X], mandaté par M. [V].

Il ajoute que le coefficient de précarité à appliquer doit être de seulement 5 % aux motifs que Mme [L] n'hébergeait qu'un enfant commun à cette époque et qu'elle n'était pas dans une situation de précarité au regard de ses revenus de 130 000 euros nets annuels.

Mme [L] répond que la surface habitable du bien immobilier était de 280 m2 au regard des règles énoncées par la loi Carrez, seule applicable à l'époque de son occupation. Elle ajoute qu'il convient de déterminer la valeur locative au regard du prix de vente effectif du bien (1 050 000 euros) et non de son évaluation par l'expert judiciaire (1 200 000 euros). Elle souligne qu'elle n'occupait pas la totalité de la maison puisque M. [V] y avait laissé des effets personnels. Elle revendique l'application d'un indice de précarité de 20 % en relevant que son occupation pouvait être remise en cause à tout moment par une décision judiciaire et qu'elle est restée dans les lieux dans l'intérêt de l'enfant mineur du couple.

S'agissant du débat relatif à la mesure de la surface habitable, l'expert judiciaire, après avoir répondu aux observations de l'expert choisi par M. [V], a examiné les mesures effectuées par un diagnostiqueur a retenu, pour l'essentiel, l'application de la loi Carrez pour en déduire une surface de 291,02 m2.

La question de la mesure de la surface habitable a été tranchée par le tribunal par une décision pertinente et motivée, que la cour adopte, en faisant application de la seule loi Carrez en vigueur à l'époque de l'occupation de Mme [L].

L'épouse n'est pas fondée à solliciter une diminution de cette surface en raison de l'occupation d'une faible partie des lieux par les affaires laissées par M. [V], le volume des boîtes d'archives et de cartons n'étant pas significatif.

Le taux de précarité appliqué à la valeur locative du bien occupé n'est pas la conséquence de la présence d'enfants dans les lieux mais de la moindre protection de l'occupant que celle prévue par la loi pour un locataire.

En l'espèce, Mme [L] pouvait effectivement être tenue de quitter les lieux en cas de modification des mesures provisoires, la cour relevant en outre que le bien occupé n'était pas la propriété indivise des époux mais la seule propriété de M. [V].

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a appliqué un abattement de précarité de 20 % sur la valeur locative de l'immeuble et en ce qu'il a fixé l'indemnité d'occupation due par Mme [L] à la somme totale de 230 400 euros.

Sur la créance d'écart

Le tribunal a fixé la créance de Mme [L] à l'encontre de M. [V] à la somme de 8 433 euros au titre du fonctionnement des comptes bancaires indivis entre les époux au cours du mariage en se fondant sur les travaux de l'expert comptable.

En appel, Mme [L] critique cette décision en indiquant qu'elle se fonde désormais sur les seuls travaux de l'expert pour demander la somme de 49 978 euros telle que retenue par son rapport.

M. [V] répond que Mme [L] n'est pas recevable à contredire ses conclusions de première instance, où elle limitait sa demande à la somme de 8 433 euros pour tenir compte de son financement de l'immeuble de La-Celle-Saint-Cloud, puis tenir une position inverse devant la cour d'appel et solliciter la somme de 49 978 euros. Il souligne que cette contradiction, non justifiée, lui cause un préjudice et invoque la jurisprudence de la Cour de cassation à ce sujet (Assemblée plénière, 27 février 2009, pourvoi n°07-19841, Bull. Ass. plén. n°1).

Il ajoute que la demande est nouvelle, et partant irrecevable, en application de l'article 564 du code de procédure civile.

Mme [L] réplique qu'elle ne se contredit pas mais actualise sa prétention et qu'il convient d'examiner la demande des époux de façon globale et non au titre de chaque prétention. Elle souligne avoir bénéficié de plusieurs donations au cours du mariage qui ont été "évaporées" par les montages financiers occultes de son ancien époux.

Le rapport d'expertise comptable a retenu au titre de l'examen du compte joint JPM des époux (écarts revenus / retraits) une créance au profit de Mme [L] de 49 973 euros.

Devant le tribunal, Mme [L] concluait que M. [V] avait conservé le solde des comptes bancaires des époux d'un montant total de 8 433 euros et elle en revendiquait la moitié (conclusions page 19) puis sollicitait 8 433 euros au dispositif.

Statuant sur cette question, le tribunal a repris de façon détaillée la demande de Mme [L] (jugement page 16), a indiqué le montant retenu par l'expert judiciaire puis a retenu la somme réclamée par Mme [L] au dispositif de ses conclusions (jugement page 17).

En appel Mme [L] n'actualise pas sa demande mais tente de corriger une erreur dans la rédaction de ses conclusions de première instance. Elle invoque des libéralités reçues de sa famille au cours du mariage qui ont toutefois déjà été retenues par l'examen du cabinet comptable EXEA au titre de la vente du terrain de Hem et de la cession de l'appartement de Lille. Il n'y a donc aucune actualisation mais bien une modification de la demande de Mme [L], sans justification, au détriment de son adversaire.

Dans la même instance opposant les mêmes parties, Mme [L] n'est pas recevable à se contredire au détriment de M. [V], en application du principe de la loyauté des débats (ou estoppel, 1re Civ., 8 juillet 2010, pourvoi n° 09-14.280, Bull. 2010, I, n° 157).

Sa critique sera donc écartée et le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu une créance d'écart relative au fonctionnement des comptes bancaires indivis de 8 433 euros.

Sur les prêts étudiants

Le tribunal a écarté les critiques de Mme [L] et retenu les conclusions du rapport d'expertise pour conclure que l'épouse était redevable de la somme de 33 868 euros au titre du remboursement des prêts étudiants qu'elle avait contractés avant le mariage.

En appel, Mme [L] conteste cette analyse et soutient qu'un prêt a en réalité financé la part de M. [V] dans l'acquisition de l'appartement de Saint-Cloud. Elle indique avoir remboursé ce prêt à la banque mais soutient que M. [V] ne l'a pas remboursée ensuite. Elle revendique une créance de 6 720 euros.

Elle ajoute qu'un second prêt a également profité à M. [V], alors qu'elle avait remboursé seule la plupart des échéances de son compte personnel. Elle revendique une créance de 6 213 euros.

Dans l'hypothèse où la cour ne retiendrait pas son analyse, Mme [L] revendique la somme de 5 535,15 euros représentant la moitié des sommes versées sur le compte commun des époux.

M. [V] reprend la motivation du jugement selon laquelle la créance n'est pas justifiée. Il ajoute que l'analyse selon laquelle un prêt a servi à financier l'achat de l'appartement indivis de Saint Cloud est en contradiction avec la thèse de Mme [L] à propos du financement de ce bien.

Comme en première instance Mme [L] ne produit aucun élément venant établir que les fonds empruntés auprès de la banque Crédit Lyonnais ont été remis à M. [V]. Les relevés du compte de l'épouse n'établissent pas, à eux seuls, que les fonds ont été recueillis par M. [V].

Après avoir examiné les mouvements financiers sur les comptes bancaires des époux, l'expert judiciaire a retenu que Mme [L] avait employé des fonds du compte commun pour rembourser ces prêts étudiants qui lui étaient personnels. Il en a déduit qu'elle était redevable de la somme de 33 868 euros à M. [V].

Le tribunal, par un examen détaillé du rapport d'expertise, de l'analyse comptable des comptes des époux, a retenu par des motifs pertinents que la cour adopte que Mme [L] était bien redevable de la somme de 33 868 euros. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur la vente du tableau De Bissière

Mme [L] soutient qu'en février 2000 elle a vendu un tableau donné par ses parents pour un prix de 350 000 francs, qu'elle a établi un reçu manuscrit de l'encaissement du prix et que M. [V] a employé ces fonds pour réaliser des travaux dans l'immeuble de La-Celle-Saint-Cloud, dont il était seul propriétaire.

L'expert judiciaire n'a pas retenu la créance revendiquée par Mme [L] au motif que le reçu original ne lui a pas été présenté.

Le tribunal a écarté cette créance en relevant une différence entre l'original et la copie du reçu et en soulignant que Mme [L] n'établit pas le remploi de la somme dans les travaux de la maison.

En appel Mme [L] critique cette décision et explique la différence entre l'original et la copie du document par un photocopie au travers d'une pochette en plastique qui fait apparaître le monogramme de ladite pochette.

Elle ajoute que ce document constitue un commencement de preuve par écrit, que M. [V] ne conteste ni la vente du tableau ni son écriture sur le document.

M. [V] conteste cette créance invoquée par Mme [L] et sollicite la confirmation du jugement.

La cour relève qu'en application de l'article 9 du code de procédure civile il appartient à Mme [L] d'établir le principe et le montant de la créance qu'elle revendique.

Sur le document présenté par Mme [L] figure la mention manuscrite suivante, dont elle déclare être l'auteur :

"Reçu de M. [Z] [Y] la somme de 350 000 francs (trois cent cinquante mille frs) correspondant à la vente du tableau "Clairières" de Bussière.

A Paris le 10 . 02 . 2000" suit une signature

Le document original a été déchiré puis recollé.

Il présente la mention manuscrite suivante :

"J'ai profité de cette somme

personnelles

a des fins de dépenses dans

la maison pour des heures

non déclarées"

"somme utilisés pour la maison

et dépensé"

suit une signature non identifiée

La cour relève que cette somme de 350 000 francs n'a pas été retrouvée par l'expert judiciaire sur les comptes bancaires des parties.

De plus, Mme [L] fonde sa prétention sur un document qu'elle a rédigé elle-même de sorte qu'il ne peut pas être retenu comme démontrant l'existence d'une créance de l'épouse à l'encontre de quiconque.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette prétention.

Sur la créance mobilière

Les parties conviennent qu'il y a lieu de confirmer le jugement ayant retenu une créance mobilière de Mme [L] pour un montant de 66 103 euros.

Sur les impôts

Le tribunal n'a pas retenu la créance revendiquée par M. [V] au titre des impôts en relevant que sa prétention n'était pas établie.

En appel, M. [V] soutient qu'il a payé au cours du mariage les impôts sur le revenu incombant à son épouse et revendique une créance de 20 298 euros à déduire de la créance de son épouse.

Mme [L] répond que l'impôt incombe à l'époux séparé de bien qui reçoit les revenus mais qu'il peut exister une convention verbale entre époux quant à la répartition des charges du mariage dont la fiscalité fait partie.

Elle souligne qu'au cours du mariage M. [V] a payé les impôts sur le revenu et elle assumait les autres charges courantes de la famille. Elle relève que, selon les investigations de l'expert judiciaire, M. [V] n'a pas contribué aux charges du mariage, à l'exception des impôts.

Elle conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

M. [V] réplique qu'il a contribué aux charges du mariage, notamment pour les enfants du couple, ce que Mme [L] conteste.

L'article 214 du code civil, qui s'applique à tous les époux, dispose :

"Si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives.

Si l'un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l'autre dans les formes prévues au code de procédure civile."

Interprétant ce texte, la Cour de cassation a jugé "que la contribution des époux séparés de biens à la dette fiscale, qui ne constitue pas une charge du mariage, est déterminée au prorata de l'impôt dont ils auraient été redevables s'ils avaient fait l'objet d'une imposition séparée" (1re Civ., 30 octobre 2006, pourvoi n° 03-19.317, Bull. 2006, I, n° 454).

Mme [L] invoque l'arrêt suivant qui a jugé, pour des époux séparés de biens :

"Attendu qu'ayant constaté que les impôts du couple avaient été prélevés sur un compte joint, principalement alimenté par les revenus du mari, et que ce dernier n'avait supporté pendant les cinq années de la vie commune aucune contribution aux frais de logement qui constituaient, en l'absence d'enfants, l'essentiel des charges du mariage, la cour d'appel a pu en déduire qu'une convention était intervenue entre les époux, en vertu de laquelle, pendant toute la durée de la vie commune, les impôts de l'un et de l'autre avaient été supportés par les revenus du mari de sorte que celui-ci ne pouvait en remettre en cause l'équilibre ; que le moyen ne peut être accueilli ;" (1re Civ., 25 juin 2008, pourvoi n° 07-17.349).

M. [V] soutient, à juste titre, que ce dernier arrêt a été rendu dans une situation particulière dont il n'est pas possible de tirer une règle générale et absolue, la cour relevant en outre que la décision n'a pas été publiée. Cette jurisprudence ne sera donc pas retenue.

En l'espèce, M. [V] revendiquant une créance sur Mme [L], il lui incombe d'en établir la preuve en application de l'article 9 du code de procédure civile.

L'expert judiciaire n'a pas retenu la créance d'impôts sur le revenu invoquée par M. [V] en se fondant sur les flux bancaires répertoriés par le cabinet comptable EXEA.

A l'appui de sa demande, M. [V] produit un avis d'imposition attribué à l'année 1999 selon une mention manuscrite ajoutée au document. L'en-tête du document ne permet pas de distinguer sa date. De plus, la partie droite du document est tronquée de sorte que les montants ne sont pas lisibles (notamment celui de l'impôt sur le revenu).

En dépit de la demande de la cour en délibéré, M. [V] n'a pas produit une copie complète et lisible de cette pièce.

La preuve produite n'étant pas convaincante, la demande de M. [V] sur ce point sera rejetée.

Au cours de l'année 2001, M. [V] justifie par l'avis d'impôt sur le revenu, qu'il n'a reçu aucune rémunération alors que Mme [L] a déclaré la somme de 80 818 euros. Il était dû un impôt de 5 234 euros à payer au plus tard le 15 octobre 2002.

M. [V] soutient avoir payé en partie cet impôt et produit un TIP pour un montant de 3 270 euros signé le 25 février 2001.

Toutefois, il n'est pas établi que cette somme a effectivement été versée, le relevé bancaire correspondant n'étant ni invoqué, ni produit.

M. [V] ajoute qu'il a payé la somme de 408 euros le 28 octobre 2002. Toutefois, ce paiement est intervenu après la date limite exigée par le trésor public (15 octobre 2002) et est en contradiction avec les informations figurant sur l'avis d'imposition qui précise que deux versements de 3 270 euros chacun sont intervenus.

M. [V] ne démontre pas avoir payé de ses deniers personnels les impôts sur le revenu 2001.

Pour l'année 2002, M. [V] a déclaré 12 882 euros de revenus, Mme [L] la somme de 75 228 euros. Il était dû un impôt total de 7 411 euros, deux acomptes de 1 745 euros ont été payés.

Ces sommes ont bien été prélevés sur son compte bancaire les 17 février et 2 juin 2003.

Mme [L] ayant reçu 83 % des revenus du foyer fiscal, elle est redevable de 83 % de l'impôt, soit 6 151 euros.

Pour l'année 2003, M. [V] a déclaré 28 938 euros de revenus et Mme [L] 76 596 euros. Il était dû 7 489 euros d'impôts payés en deux acomptes de 2 396 euros et un troisième de 2 697 euros.

Les comptes bancaires de M. [V] examinés par le cabinet comptable EXEA mentionnent les paiements suivants au profit du trésor public :

- 2 396 euros le 2 mars 2004,

- 2 396 euros le 10 mai 2004,

- 2 697 euros le 23 septembre 2004.

M. [V] justifie avoir payé la totalité de l'impôt sur le revenu de cette année-là alors que Mme [L] a reçu 73 % des revenus du foyer. Mme [L] doit lui rembourser la somme de 5 466 euros (73 % de 7 489 euros d'impôts).

Au total, M. [V] est titulaire d'une créance de 11 617 euros à l'encontre de Mme [L] ( 6 151 euros + 5 466 euros) pour les impôts sur le revenu. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts

Le tribunal a rejeté la demande de dommages et intérêts de Mme [L] en relevant que la faute de M. [V] n'était pas établie.

Mme [L] demande 91 000 euros de dommages et intérêt, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, en reprochant à M. [V] sa déloyauté dans la procédure, l'usage de fausses quittances, la violence de l'époux retenue par la décision de divorce, la soustraction de ses capitaux au cours du mariage puis de la procédure de liquidation.

M. [V] demande la confirmation du jugement en relevant que Mme [L] a ralenti la procédure en s'opposant au partage amiable du régime matrimonial, en engageant une procédure pénale qui a conduit à un non-lieu, en exprimant des demandes excessives et non fondées.

La cour relève que le préjudice subi par Mme [L] en raison des violences de l'époux au cours du mariage a déjà été indemnisé par le jugement de divorce (1 500 euros de dommages et intérêts).

Le débat relatif aux quittances arguées de faux par Mme [L] s'est achevé par un non-lieu prononcé par la cour d'appel de Versailles le 27 juin 2013. Elle ne peut donc pas solliciter une indemnisation sur ce fondement.

Mme [L] soutient qu'en dépit de cette décision pénale, la faute civile de l'époux est établie. Toutefois, la cour relève que l'épouse obtient une satisfaction partielle de sa demande en application de la règle civile de sorte que le préjudice financier qu'elle invoque est déjà réparé par la décision.

Mme [L] évalue enfin son dommage en calculant la rémunération qu'elle aurait pu obtenir pendant 20 années sur un capital placé de 505 000 euros.

Cependant, la créance dont elle dispose à l'encontre de M. [V] est moindre et elle ne produit aucun élément justifiant qu'un placement sur 20 ans lui aurait rapporté un revenu de 3 % l'an.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire de Mme [L].

Sur la compensation

Les parties demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné la compensation entre leurs créances réciproques sur le fondement de l'article 1290, ancien, du code civil.

Il résulte des dispositions du présent arrêt que Mme [L] est créancière de M. [V] pour les sommes suivantes :

- 12 195 euros au titre de l'appartement de Saint-Cloud (rue de Buzenval),

- 437 019 euros au titre du financement de la maison de La-Celle-Saint-Cloud,

- 8 433 euros de créance d'écart,

- 66 103 euros de créance mobilière,

soit un total de 523 750 euros.

M. [V] est, pour sa part, créancier de Mme [L] pour les sommes suivantes :

- 8 205 euros au titre de l'appartement de Paris (rue Daumier),

- 230 400 euros d'indemnité d'occupation de la maison de La-Celle-Saint-Cloud,

- 33 868 euros au titre des prêts étudiants,

- 11 617 euros au titre des impôts,

soit un total de 284 090 euros.

Après compensation, Mme [L] est créancière de M. [V] pour la somme de 239 660 euros.

Sur les intérêts

Les parties demandent l'application de l'intérêt légal sur la créance de Mme [L] à compter du prononcé de l'arrêt.

Cette prétention sera accueillie.

Sur la main-levée du séquestre

M. [V] indique, sans être contesté, que le prix de vente de l'immeuble de La-Celle-Saint-Cloud est séquestré entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris (reçu du bâtonnier du 23 juillet 2015 pour un montant d'un million d'euros). Il demande la main-levée de cette garantie, le paiement de la somme due à Mme [L] et la remise du solde.

Mme [L] ne s'oppose pas à cette demande, qui sera accueillie.

Mme [L] recevra la somme 239 660 euros, augmentée des intérêts au taux légal depuis le présent arrêt. M. [V] recevra le solde des fonds détenus par le bâtonnier.

Sur les demandes accessoires

Chaque partie obtenant partiellement satisfaction, les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

Les dépens de première instance et d'appel seront payées par moitié par chacune des parties.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, dans la limite de sa saisine, par un arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Versailles le 4 février 2021, sauf au titre du montant de la créance de Mme [L] à l'encontre de M. [V] et au titre de la main-levée du séquestre,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE M. [V] à payer à Mme [L] la somme de 239 660 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

ORDONNE la main-levée du séquestre de la somme d'un million d'euros entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris,

DIT que la somme de 239 660 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la présente décision, sera remise en paiement à Mme [L],

DIT que le surplus sera remis à M. [V],

CONDAMNE chaque partie à payer la moitié des dépens de première instance et d'appel.

Arrêt prononcé par Madame Dominique SALVARY, Président, et signé par Madame Dominique SALVARY, Président et par Mme Nazia KHELLADI, Greffier, présent lors du prononcé

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 2e chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 21/01848
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;21.01848 ?
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