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24/05/2022 | FRANCE | N°21/00121

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 24 mai 2022, 21/00121


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 4CC



13e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 24 MAI 2022



N° RG 21/00121

N° Portalis

DBV3-V-B7F-UH3M



AFFAIRE :



SARL EUVE PREFA



C/



S.E.L.A.R.L. SMJ

....







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Novembre 2020 par le TJ de VERSAILLES

N° chambre :

N° Section :

N° RG : 18/00153



Expé

ditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Claire RICARD



Me Stéphanie

[Adresse 10]



Me Hervé

[Adresse 8]



TJ VERSAILLES



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT QUATRE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'app...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4CC

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 24 MAI 2022

N° RG 21/00121

N° Portalis

DBV3-V-B7F-UH3M

AFFAIRE :

SARL EUVE PREFA

C/

S.E.L.A.R.L. SMJ

....

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Novembre 2020 par le TJ de VERSAILLES

N° chambre :

N° Section :

N° RG : 18/00153

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Claire RICARD

Me Stéphanie

[Adresse 10]

Me Hervé

[Adresse 8]

TJ VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT QUATRE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SARL EUVE PREFA

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2211227

Représentant : Me Jean-François PUGET de la SELARL CVS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0098

APPELANTE

****************

S.E.L.A.R.L. SMJ mission conduite par Me [K]

pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société EUVE PREFA

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20210043

Représentant : Me Yves-Marie LE CORFF de l'association FABRE GUEUGNOT et associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R044

S.C.P. CHAUSSELAT

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Hervé KEROUREDAN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 40

Représentant : Me Marcel PORCHER de la SELAS PORCHER & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0450

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Mars 2022, Madame Marie-Andrée BAUMANN, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN

Par jugement du 3 décembre 2015, le tribunal de commerce de Versailles a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS Euve prefa, désigné les Selarl AJA et SMJ, respectivement en qualité d'administrateur et de mandataire judiciaires et la SCP Jacques Martin-Gilles Chausselat (la SCP Martin-Chausselat), en qualité de commissaire-priseur.

Par jugement du 15 juillet 2016, le tribunal de commerce de Versailles a ordonné la cession de l'entreprise au profit de 'la société [T] industries armetal' (la société [T] industries) avec faculté de substitution, le périmètre de la cession concernant, s'agissant des éléments corporels, ceux afférents au site de [Localité 7] à l'exclusion de ceux du site secondaire de [Localité 9].

Par jugement distinct du même jour, le tribunal de commerce de Versailles a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS Euve prefa et désigné la Selarl SMJ, en la personne de maître [K], en qualité de liquidateur judiciaire.

Le 1er septembre 2016, le juge-commissaire désigné dans la procédure collective a ordonné la vente aux enchères publiques de l'intégralité de l'actif mobilier corporel sur le site de [Localité 9], dépendant de la liquidation judiciaire.

Le 9 septembre 2016, la SCP Martin-Chausselat a dressé l'inventaire des biens résiduels de la société liquidée se trouvant sur le site de [Localité 9].

La vente publique a été organisée le 11 octobre 2016.

Par courrier du 2 décembre 2016, le conseil de la société [T] industries s'est plaint à la Selarl SMJ de la cession aux enchères par le commissaire-priseur d'une benne à gravats, six bennes à déchets outre deux bennes neuves, toutes de la marque Secatol, ainsi que d'une cisaille « Schnell » alors que ces biens avaient fait l'objet de crédits-bails transmis par le plan de cession à son bénéfice ; elle a réclamé en conséquence une indemnisation de 29 202 euros.

Par courrier en date du 10 janvier 2017, la Selarl SMJ s'est opposée à toute indemnisation en indiquant qu'à la lecture du procès-verbal d'inventaire seules sept bennes Secatol avaient pu être inventoriées par le commissaire-priseur sans qu'il soit fait mention de leur appartenance à la société Sogelease, que le dirigeant, présent lors de la vente aux enchères publiques, n'avait pas attiré l'attention du commissaire-priseur sur cette difficulté et que les fonds actuellement en sa possession ne lui avaient pas permis de désintéresser la totalité du super-privilège des salaires qui primait ces créances.

Par courrier en date du 6 juillet 2017 la société [T] industries s'est adressée à la SCP Martin-Chausselat pour obtenir l'indemnisation du préjudice résultant de la vente des biens ; celle-ci s'y est opposée, par courrier du 13 juillet 2017, en indiquant qu'aucune observation ou réclamation n'avait été faite par le dirigeant lors de l'inventaire.

Le 28 août 2017, une mise en demeure a été adressée à la SCP Martin-Chausselat pour le compte de la société [T] et le 27 septembre 2017, une nouvelle mise en demeure pour le compte de la société Euve prefa.

Par acte d'huissier délivré le 13 décembre 2017, la SARL Euve prefa a fait assigner la SCP Martin-Chausselat devant le tribunal de grande instance de Versailles puis par acte du 16 avril 2019, elle a assigné en intervention forcée la société SMJ à titre personnel.

Par jugement contradictoire assorti de l'exécution provisoire en date du 24 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Versailles a :

- déclaré l'action de la SARL Euve prefa irrecevable ;

- débouté la Selarl SMJ de sa demande indemnitaire reconventionnelle ;

- condamné la SARL Euve prefa aux dépens de l'instance dont distraction au profit de maître Kerouredan ;

- condamné la SARL Euve prefa à verser à la Selarl SMJ et à la SCP Martin et Chausselat la somme de 1 000 euros chacune.

Par déclaration en date du 8 janvier 2021, la SARL Euve prefa a interjeté appel de ce jugement, en intimant le commissaire-priseur et la selarl SMJ, en qualité de liquidateur de la SAS Euve prefa.

Par requête du 29 septembre 2021, la SARL Euve prefa demande à la cour de rectifier l'erreur matérielle affectant le jugement du 24 novembre 2020 et de dire que la défenderesse à l'action, en la personne de la SMJ, prise en la personne de maître [K], est attraite en son nom personnel et non pas en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Euve prefa.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 7 mars 2022, elle demande à la cour de :

- constater qu'elle vient aux droits de la société [T] industries par l'effet du plan de cession arrêté par le jugement du 15 juillet 2016 et de la signature de l'acte de cession le 14 septembre 2017 ;

En conséquence,

- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable son action diligentée à l'égard de la SCP Chausselat et de la Selarl SMJ ;

Sur le fond,

- constater que la SCP Chausselat, sous le contrôle de la Selarl SMJ, a procédé à la vente de biens faisant l'objet de contrats de crédit-bail dont la cession a été ordonnée par le jugement du 15 juillet 2016 ;

- constater que la SCP Chausselat a été défaillante dans son obligation de vérifier la provenance et la propriété de ces biens ;

- constater que la Selarl SMJ a été défaillante dans son obligation de vérifier la régularité des opérations de réalisation des actifs de sa liquidée ;

- constater que la vente litigieuse lui a causé un préjudice qui sera évalué à la valeur de remplacement des biens, soit 29 202 euros ;

En conséquence,

- condamner in solidum la SCP Chausselat et la Selarl SMJ à lui verser la somme de 29 202 euros ;

- dire et juger que cette somme portera intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement du 15 juillet 2016 arrêtant le plan de cession de ses actifs ;

En tout état de cause,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à la Selarl SMJ et à la SCP Chausselat la somme de 1 000 euros chacune ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée aux dépens de l'instance ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la Selarl SMJ de sa demande indemnitaire reconventionnelle ;

- condamner in solidum la SCP Chausselat et la Selarl SMJ à la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

La SCP Chausselat, venant aux droits de la SCP Martin-Chausselat par changement de dénomination sociale, dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 9 mars 2022, demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

A titre subsidiaire,

- débouter la SARL Euve prefa de son appel et de toutes ses demandes ;

En tout état de cause,

- condamner la SARL Euve prefa à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SARL Euve prefa à tous les dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de maître Kerourédan dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

La Selarl SMJ, 'en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Euve prefa', dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 9 mars 2022, demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré l'action de la société Euve prefa irrecevable ;

A titre subsidiaire,

- déclarer la SARL Euve prefa irrecevable en ses demandes pour défaut de qualité et d'intérêt à agir ;

A titre très subsidiaire,

- constater que la SARL Euve prefa et la SCP Chausselat, ès qualités, ne rapportent la preuve d'aucune faute lui étant imputable en lien causal direct avec un préjudice certain ;

Par conséquent,

- débouter la SARL Euve prefa et la SCP Chausselat, ès qualités, de l'ensemble de leurs demandes ;

En tout état de cause,

- condamner la SARL Euve prefa à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral et professionnel ;

- condamner la SARL Euve prefa à lui verser une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SARL Euve prefa aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Minault Teriitehau agissant par maître Stéphanie Teriitehau, avocat, et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 mars 2022.

A l'audience, la cour a relevé une difficulté tenant en appel à la qualité de la Selarl SMJ qui a été intimée, s'est constituée et a conclu en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Euve prefa ; les parties ont oralement présenté leurs observations.

L'appelante a adressé une note en délibéré le 22 mars 2022 indiquant que 'l'erreur' contenue dans la déclaration d'appel fait elle-même suite à l'erreur figurant dans le jugement.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur la fin de non-recevoir opposée à la SARL Euve prefa :

La SARL Euve prefa qui précise venir aux droits de la société [T] industries, bénéficiaire du plan de cession, soutient qu'elle a qualité à agir à l'égard des intimées dès lors que la société [T] industries qui la détient majoritairement a décidé, conformément au jugement de cession, qu'elle se substituerait dans ses engagements aux termes du plan de cession et que suivant acte de cession du 14 septembre 2017, se substituant à la société [T] industries, elle a fait l'acquisition des actifs compris dans le plan de cession de la SAS Euve prefa. Elle précise avoir été immatriculée le 19 juillet 2016 consécutivement au jugement autorisant la cession, que cette faculté de substitution est parfaitement régulière dès lors qu'elle est prévue au plan de cession, que la répartition de son capital social, à la lecture de ses statuts et de l'offre de reprise de la société [T] industries, est conforme aux engagements pris dans cette offre de reprise, que l'acte de cession du 14 septembre 2017 entérine cette substitution et fait ressortir qu'elle est la cessionnaire des actifs et des activités de la société cédée et qu'enfin son Kbis démontre aussi qu'elle s'est bien substituée à la société [T] industries et exerce depuis lors les activités de la société cédée.

La Selarl SMJ, ès qualités, et la SCP Chausselat demandent à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que l'appelante ne démontre pas venir aux droits et s'être substituée à la société [T] industries dans les conditions posées dans le jugement ordonnant la cession dans la mesure où si elle communique en appel l'acte de cession d'entreprise qu'elle a régularisé avec l'administrateur judiciaire le 14 septembre 2017, elle ne justifie pas remplir les conditions imposées par le jugement, la SCP Chausselat ajoutant que l'appelante ne communique aucune pièce probante antérieure à la vente publique du 11 octobre 2016 ; elles font valoir que les statuts de l'appelante qu'elle a versés aux débats quelques jours avant la clôture établissent qu'elle est détenue majoritairement par la société Financière [T] qui est parfaitement distincte de la société [T] industries.

Il ressort du jugement du 15 juillet 2016 que le tribunal a arrêté la cession de la SAS Euve prefa au profit de 'la société [T] industries armetal ou toute société à créer qu'elle voudrait lui substituer et dans laquelle elle aurait une participation majoritaire' ; il est précisé dans l'offre de reprise de la société [T] industries, rappelée en page 8 du jugement, que son capital social de 557 784 euros est détenu à 100 % par la société holding financière [T], elle-même détenue intégralement par M. [G] [T] ; il est enfin indiqué au paragraphe intitulé 'structure de reprise', aussi mentionné au jugement, que 'l'offre est présentée par [T] industries avec faculté de substitution au profit d'une société à constituer, laquelle sera détenue par M. [G] [T] (0,01 %) et la SARL Financière [T] (99,99 %)'.

Par conséquent, s'il est effectivement mentionné dans les statuts en date du 15 juillet 2016, communiqués par la SARL Euve prefa, qu'elle a été constituée non pas par la société [T] industries mais par la société Financière [T], représentée par son gérant M. [G] [T] et par ce dernier, la première détenant 999 parts et le second une part, les précisions apportées par la société cessionnaire initiale de la SAS Euve prefa et reprises dans le jugement de cession démontrent que la substitution s'est faite conformément à l'offre de reprise de la société [T] industries.

En outre, la SARL Euve prefa, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Versailles le 19 juillet 2016, verse également aux débats en appel l'acte sous seing privé du 14 septembre 2017 aux termes duquel maître [N], en qualité d'administrateur de la SAS Euve prefa, lui a cédé, en exécution du jugement du 15 juillet 2016, les éléments incorporels et corporels de la société sur le site de [Localité 7].

Dans ces conditions, l'appelante justifie suffisamment de sa substitution à la société [T] industries et de sa qualité et de son intérêt à agir de sorte qu'il convient, infirmant le jugement, de déclarer son action recevable.

Sur la faute du commissaire-priseur :

Soutenant qu'il est constant que le commissaire-priseur, mandaté pour céder un bien aux enchères publiques, est tenu de vérifier que l'objet dont il assure la vente possède les qualités qu'il entend lui prêter, la SARL Euve prefa précise que plusieurs biens cédés aux enchères d'après le décompte vendeur adressé par la Selarl SMJ, ès qualités, faisaient l'objet de crédits-bails avec la société Sogelease transmis par le plan de cession, au moins pour neuf bennes de la marque Secatol, ce que ne pouvait ignorer la SCP Chausselat dès lors que ces contrats avaient fait l'objet d'une publicité ; elle observe que la présence de ces matériels sur le site de [Localité 9] et non sur le site de [Localité 7] n'a aucune incidence sur leur transfert effectif à son profit, en qualité de cessionnaire dès lors que les contrats de crédit-bail étaient visés dans le dispositif de la décision arrêtant le plan de cession. Elle souligne que si un de ses collaborateurs était présent lors de la vente litigieuse, il avait simplement pour mandat d'éventuellement acquérir quelques biens identifiés par le repreneur et non compris dans le plan de cession et non de vérifier la propriété des biens vendus, obligation qui incombait au commissaire-priseur et à lui seul.

La SCP Chausselat qui observe en préalable que l'arrêt de la Cour de cassation cité par l'appelante, posant en principe que le commissaire-priseur est tenu de vérifier la provenance et le régime juridique des biens dont il assure la vente publique, n'a pas vocation à être transposé dans la présente affaire compte tenu de son caractère très singulier, fait valoir que dans le cadre de la réalisation de l'inventaire le commissaire-priseur n'est tenu que d'une obligation de moyens ; elle rappelle les dispositions de l'article L.622-6 du code de commerce en observant qu'en l'espèce, à réception de l'inventaire, la SAS Euve prefa n'a fait ni remarque ni mention sur des biens susceptibles d'être détenus par des tiers et qu'il n'est pas contesté que le collaborateur de M. [T] de la société [T] industries, qui était présent lors de la réalisation de l'inventaire, n'a formulé aucune observation sur l'origine des biens, aucune revendication n'étant en outre parvenue avant la vente du 11 octobre 2016.

Elle ajoute que seuls les organes de la procédure, avec la coopération du débiteur, sont tenus de s'assurer de l'existence des droits et biens mis en vente publique judiciaire, remarquant qu'à aucun moment elle n'a été informée que les biens objets des crédits-bails transmis par le plan de cession risquaient d'être cédés dans le cadre de la vente publique.

A supposer que les contrats Sogelease aient porté sur les lots qu'elle a vendus, en affirmant que ce 'n'est pas démontré', elle s'associe à l'argumentaire du liquidateur judiciaire pour souligner que d'après le jugement de cession le transfert des contrats de crédit-bail devait se faire sous la seule responsabilité du cessionnaire et que le plan de cession n'a porté que sur les éléments corporels du site de [Localité 7] à l'exclusion de ceux afférents au site de l'établissement secondaire alors que les biens, objets de la demande de l'appelante, sont précisément ceux du site de [Localité 9], le liquidateur judiciaire confirmant que les biens qu'elle a vendus se trouvaient sur ce site et ne faisaient l'objet d'aucun contrat de crédit-bail, ce qui explique l'absence d'opposition à la vente publique.

Conformément aux dispositions de l'article L.321-17 du code de commerce, les officiers publics ou ministériels compétents pour procéder aux ventes judiciaires et volontaires engagent leur responsabilité au cours ou à l'occasion des prisées et des ventes de meubles aux enchères publiques, conformément aux règles applicables à ces ventes.

L'appelante ne discute pas qu'il lui appartient de démontrer la faute du commissaire-priseur qui a notamment été désigné par jugement du 3 décembre 2015 aux fins de réaliser l'inventaire et la prisée prévus à l'article L.622-6 du code de commerce.

Il est constant que pour caractériser cette faute, il doit en préalable être démontré que les biens vendus par le commissaire-priseur faisaient l'objet de crédits-bails cédés dans le cadre de la cession de la SAS Euve prefa, étant relevé que le liquidateur judiciaire indique effectivement, dans la partie de ses écritures relative à l'absence de préjudice et de lien de causalité, que les biens objets des contrats de crédit-bail conclus aves société Sogelease n'ont pas été vendus lors de la vente aux enchères organisée par le commissaire-priseur.

Il ressort du jugement du 15 juillet 2016 que :

- d'une part le périmètre de la reprise, s'agissant des éléments corporels, concernait les éléments 'afférents au site de [Localité 7], notamment ceux visés à l'inventaire établi par le commissaire-priseur et à l'exclusion de ceux afférents au site de [Localité 9]' ;

- d'autre part, le tribunal a ordonné 'le transfert sous la responsabilité et à l'initiative du cessionnaire' des contrats parmi lesquels les contrats 'Sogelease (crédit-bail une cisaille +deux machines à étrer)' et 'Sogelease (crédit-bail 9 bennes pour travaux de béton)'.

Il ressort également des pièces communiquées que :

- la vente autorisée par le juge-commissaire portait exclusivement sur l'actif mobilier corporel se trouvant sur le site de [Localité 9] ;

- l'inventaire réalisé le 9 septembre 2016 par le commissaire-priseur sur ce site mentionne notamment la présence de :

*trois bennes à béton de 1500 litres chacune de la marque Secatol, avec la précision qu'une est usagée et deux sont en état neuf ;

* quatre bennes à déchets de la marque Secatol de 750 litres ;

- d'après le 'décompte vendeur' établi à la suite de la vente du 11 octobre 2016 réalisée sur le site de [Localité 9], le commissaire-priseur a notamment procédé à la vente de :

*six bennes à déchets de 750 litres de la marque Secatol,

* une cisaille Schnell,

* deux bennes Secatol neuves, '3 racks et contenu',

* une benne à gravats Secatol ;

- ce sont ces biens que dès le 2 décembre 2016, le conseil de la société [T] industries a reproché au liquidateur judiciaire d'avoir laissé vendre en lui indiquant qu'ils faisaient l'objet des deux contrats de crédit-bail conclus avec la société Sogelease ;

- les deux contrats de crédit-bail mentionnent que les neuf bennes pour le travail du béton fournies par la société Secatol sont neuves et qu'il en est de même de la cisaille fournie par la société Recherches et réalisations, le lieu d'utilisation des matériels loués étant à '[Adresse 6] ;

- d'après les photographies communiqués par le liquidateur judiciaire, extraites d'un site internet et non contestées par l'appelante, les bennes à gravats, les bennes à béton et les bennes à déchets correspondent à des biens mobiliers qui ne sont pas identiques.

Au regard de ces précisions, la simple lecture comparée des contrats de crédit-bail et du décompte vendeur démontre que les six bennes à déchet et la benne à gravats ne faisaient pas l'objet des contrats de crédit-bail versés aux débats ; il n'est pas davantage démontré par la société appelante que la cisaille de marque Schnell qui a été vendue sur le site de Saint-Aubin- sur-Gaillon soit celle visée au contrat de crédit-bail alors qu'aucun élément permettant de l'identifier n'est communiqué et que d'après ces contrats ce matériel était destiné à être utilisé sur le site de [Localité 7].

Enfin, si les deux bennes Secatol neuves qui ont été vendues correspondent aux deux bennes à béton neuves inventoriées par le commissaire-priseur, il n'est pas prouvé par l'appelante qu'il s'agit de deux des neuf bennes, objets des contrats de crédit-bail dès lors que d'après l'état des privilèges et publications concernant la SAS Euve prefa, ce contrat était venu à échéance le 19 septembre 2015 de sorte que les bennes à béton concernées par ces contrats n'étaient pas neuves.

Il n'est d'ailleurs pas discuté qu'aucune observation n'a été effectuée lors de l'établissement de l'inventaire réalisé par le commissaire-priseur sur une éventuelle concordance entre les biens inventoriés et les biens objet du crédit-bail.

Il s'en déduit, en l'absence de démonstration que les biens vendus par le commissaire-priseur correspondaient aux biens objets du contrat de crédit-bail, qu'aucune faute n'est caractérisée à l'encontre de ce dernier de sorte que la SARL Euve prefa sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts à l'encontre du commissaire-priseur.

Sur les demandes à l'encontre du liquidateur judiciaire :

L'appelante qui conclut à la responsabilité personnelle de la société SMJ en exposant que par sa négligence dans le contrôle de la régularité des opérations de liquidation, celle-ci a commis une faute de nature à engager sa responsabilité et à justifier sa condamnation en paiement pour réparer le préjudice subi en conséquence, a rappelé à l'audience qu'elle avait assigné la société SMJ à titre personnel. Elle a également adressé à la cour une requête aux fins de rectification de l'erreur matérielle affectant le jugement en sa première page.

La société SMJ qui a conclu, en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Euve prefa, soutient pour l'essentiel dans ses écritures que l'appelante ne fait pas la démonstration à son encontre d'une faute, d'un préjudice personnel, certain, né et actuel, et d'un lien causal et direct entre eux, observant en particulier que les biens, objets des contrats de crédit-bail, se trouvaient sur le site de [Localité 7] et ne sont pas ceux qui ont été vendus.

Elle confirme qu'elle a été assignée à titre personnel mais précise qu'ayant été intimée ès qualités, elle s'est constituée et a conclu ès qualités.

La Selarl SMJ, assignée en première instance à titre personnel, dans le cadre de l'action en responsabilité engagée par la SARL Euve prefa, n'a pas été intimée à ce titre devant la cour, la déclaration d'appel qui saisit la cour précisant qu'elle est intimée en qualité de liquidateur judiciaire de SAS Euve prefa.

Cependant, dès lors que la cour a considéré au regard des éléments versés aux débats, que la preuve n'est pas rapportée que les biens vendus en exécution de l'ordonnance du juge-commissaire correspondaient aux matériels faisant l'objet des contrats de crédit-bail conclus avec la société Sogelease, aucune faute n'est caractérisée et ne peut être reprochée à la Selarl SMJ. Il n'y a donc pas lieu de solliciter les observations écrites des parties sur la recevabilité des demandes présentées en appel par la SARL Euve prefa à l'encontre de la Selarl SMJ, ès qualités.

Il convient par conséquent de débouter la SARL Euve Prefa de ses demandes à l'encontre de la Selarl SMJ.

Il est précisé que c'est à la suite d'une erreur purement matérielle que le tribunal a indiqué en première page que la Selarl SMJ était partie à la procédure en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Euve prefa ; le liquidateur judiciaire ayant été assigné à titre personnel, il convient, rectifiant le jugement, de préciser qu'il a été rendu au contradictoire de la Selarl SMJ à titre personnel.

Sur la demande en dommages et intérêts de la Selarl SMJ, es qualités :

La Selarl SMJ, ès qualités, sollicite la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et professionnel que lui a causé cette action parfaitement abusive.

Elle n'a cependant pas sollicité dans le dispositif de ses conclusions l'infirmation du jugement qui l'a déboutée de sa demande indemnitaire reconventionnelle de sorte que, sur le fondement de l'article 542 du code de procédure civile, la cour ne pourra que confirmer le jugement.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du 24 novembre 2020 sauf en ce qu'il a déclaré l'action de la SARL Euve Prefa irrecevable ;

Statuant à nouveau,

Dit la SARL Euve Prefa recevable en son action ;

Rectifie le jugement en ce qu'il a été rendu au contradictoire non pas de la Selarl SMJ, ès qualités mais de la Selarl SMJ à titre personnel ;

Y ajoutant,

Déboute la SARL Euve Prefa de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de chacune des intimées ;

Condamne la SARL Euve Prefa à verser à la Selarl SMJ, ès qualités et à la SCP Chausselat la somme de 3 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL Euve Prefa aux dépens de la procédure d'appel qui seront recouvrés pour ceux dont ils ont fait l'avance par maître Kerourédan et par la Selarl Minault Teriitehau agissant par maître Stéphanie Teriitehau, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 21/00121
Date de la décision : 24/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-24;21.00121 ?
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