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24/05/2022 | FRANCE | N°20/05496

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 24 mai 2022, 20/05496


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





1ère chambre 1ère section







ARRÊT N°







CONTRADICTOIRE

Code nac : 66B





DU 24 MAI 2022





N° RG 20/05496

N° Portalis DBV3-V-B7E-UEQ7





AFFAIRE :



S.C.E.A. [Adresse 6]

C/

[G] [E] épouse [Z]

SARL 'DELTA'





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 juin 2014 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE

N° Chambre :

3ème chambre

N° Section :

N° RG :



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-la SCP MOREAU E. & ASSOCIES,



-la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT QUATRE M...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 66B

DU 24 MAI 2022

N° RG 20/05496

N° Portalis DBV3-V-B7E-UEQ7

AFFAIRE :

S.C.E.A. [Adresse 6]

C/

[G] [E] épouse [Z]

SARL 'DELTA'

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 juin 2014 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE

N° Chambre : 3ème chambre

N° Section :

N° RG :

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-la SCP MOREAU E. & ASSOCIES,

-la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT QUATRE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (CIV.3) du 10 septembre 2020 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de VERSAILLES (3ème chambre) le 14 décembre 2017

S.C.E.A. [Adresse 6]

agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social

N° SIRET : 329 245 948

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Emmanuel MOREAU de la SCP MOREAU E. & ASSOCIES, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 147 - N° du dossier 20208635,

Me Yves SEXER de la SELARL MARCEAU AVOCATS, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : B0203

****************

DÉFENDERESSES DEVANT LA COUR DE RENVOI

Madame [G] [E] épouse [Z]

née le 12 Novembre 1975 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

S.A.R.L. 'DELTA'

représenté par son gérant, M. [V] [E], domicilié en cette qualité au siège

N° SIRET : 479 852 675

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentées par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 2064605,

Me Caroline VARLET-ANGOVE, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : G0830

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 Mars 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente chargée du rapport et Madame Sixtine DU CREST, Conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Président,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

FAITS ET PROCÉDURE

La [Adresse 6] est une société civile d'exploitation agricole (ci-après, autrement nommée, 'la S.C.E.A.') constituée de deux associés, M. et Mme [H] qui ont souhaité la céder en 2006. Des discussions ont alors été engagées avec M. [V] [E] et sa soeur, Mme [G] [E], associés de la société Delta.

La S.C.E.A. et la société Delta ont dès lors, par deux actes du 8 décembre 2006, conclu deux contrats confiant à la société Delta la réalisation de travaux agricoles et opérant la location du matériel agricole. Afin de faciliter la transmission de la S.C.E.A., Mme [E] a été désignée co-gérante par procès-verbal d'assemblée générale du 29 août 2007, puis par procès-verbal du 8 juin 2008 pour la période totale comprise entre le 29 août 2007 et le 31 août 2008. Son frère a été désigné à cette fonction en septembre 2008.

Mme [E], avant l'expiration de ses fonctions de co-gérante de la S.C.E.A qui devait se produire le 31 décembre 2007, a, le 3 décembre 2007, en cette qualité, consenti à la société Delta un nouveau contrat d'entreprise portant sur tous les travaux culturaux de la S.C.E.A pour une durée de six années (pièce 28). La S.C.E.A prétend aujourd'hui que ce contrat lui serait inopposable.

Un différend a opposé les parties sur la réalisation de la cession des parts et sur le recouvrement de factures impayées.

C'est dans ces circonstances que, par acte du 29 juillet 2011, la S.C.E.A. a fait assigner Mme [E] devant le tribunal de grande instance de Pontoise afin d'obtenir la restitution de la somme de 180 000 euros correspondant au montant d'un prélèvement opéré par celle-ci sur son compte. La société Delta est intervenue volontairement à l'instance en paiement de ses propres prestations après imputation de cette somme.

Par jugement rendu le 27 juin 2014, le tribunal de grande instance de Pontoise a :

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la société Delta,

- condamné Mme [G] [E] épouse [Z] à payer à la SCEA [Adresse 6] la somme de 180 000 euros indûment prélevée sur les comptes de la SCEA [Adresse 6], avec intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2011,

- dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,

- condamné la SCEA [Adresse 6] à payer à la société Delta la somme de 219 883,93 euros TTC,

- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- laissé les dépens à la charge des parties qui les ont exposés.

Par arrêt rendu le 14 décembre 2017, rectifié le 15 février 2018, la cour d'appel de Versailles a :

- confirmé le jugement en ce qu'il a condamné Mme [G] [E] à payer à la société civile d'exploitation agricole [Adresse 6] la somme de 180 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2011 et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmé pour le surplus,

Statuant à nouveau, des chefs infirmés,

- déclaré irrecevable l'intervention volontaire de la société Delta,

- rejeté la demande en dommages-intérêts formée par la [Adresse 6],

- condamné Mme [G] [E] aux dépens de première instance et d'appel, à l'exception de ceux exposés par la société Delta qui les conservera à sa charge,

- condamné Mme [G] [E] à payer à la [Adresse 6] la somme de 3 000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles d'appel.

Par arrêt du 10 septembre 2020, la Cour de cassation a :

- cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 décembre 2017, rectifié le 15 février 2020 entre les parties, par la cour d'appel de Versailles,

- remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles autrement composée,

- condamné la société [Adresse 6] aux dépens,

- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande de la société [Adresse 6] et l'a condamnée à payer à la société Delta et à Mme [Z] la somme de 3 000 euros,

- dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé.

Par déclaration du 10 novembre 2020, la S.C.E.A a saisi la cour d'appel de Versailles.

Par ses dernières conclusions notifiées le 25 mars 2021, la S.C.E.A. [Adresse 6] demande à la cour, au fondement des articles 325 et suivants, 31 du code de procédure civile, 116 ancien du code civil, 1134 et suivants code civil, 1289 et suivants du code civil, de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Pontoise en ce qu'il a condamné Mme [G] [E] à lui payer la somme de 180 000 euros indûment prélevée sur ses comptes ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé l'intervention volontaire de la société recevable et en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Delta la somme de 219 883,93 euros TTC,

Puis statuant à nouveau, de :

- assortir la condamnation de Mme [E] à lui payer la somme de 180 000 euros des intérêts au taux légal à compter du 13 août 2009,

- juger que l'intervention volontaire de la société Delta est irrecevable,

A titre subsidiaire,

- condamner la société Delta in solidum avec Mme [E] à lui payer 'la somme de 180 000 euros des intérêts au taux légal à compter du 13 août 2009" (sic),

- dire que le contrat du 3 décembre 2007 lui est inopposable, par application de l'article 1116 ancien du code civil,

- rejeter les demandes de la société Delta au titre du contrat du 3 décembre 2007,

- juger que :

* les sommes dues par elle à la société Delta au titre des travaux de culture s'élèvent à 277 320,47 euros toutes taxes comprises,

* les sommes qui lui sont dues par la société Delta s'élèvent à 213 318,05 euros toutes taxes comprises,

* en conséquence que le solde dû à la société Delta se monte à 64 004,42 euros,

- ordonner la compensation judiciaire entre les condamnations prononcées à l'encontre de la société Delta à hauteur des sommes dues par elle.

En tout état de cause,

- condamner Mme [E] à lui payer la somme de 15 426,31euros toutes taxes comprises à titre de dommages et intérêts au titre du surcoût des forfaits culturaux 2008 et 2009 par rapport au seul contrat signé avec l'accord du gérant associé,

Subsidiairement :

- condamner Mme [E] à lui payer des dommages et intérêts à hauteur des conséquences préjudiciables de l'ensemble des conventions passées sans pouvoir et en fraude avec la société Delta :

* si les prestations de suivis techniques et les travaux supplémentaires sont mis à sa charge, condamner en outre Mme [E] au paiement de la somme de 18 703,28 euros à titre de dommages et intérêts et 77 857,28 euros toutes taxes comprises au titre des prestations non effectuées.

* au titre de la minoration des loyers de location du matériel de la S.C.E.A. à Mme [E], condamner Mme [E] à lui payer la somme de 39 878 euros toutes taxes comprises à titre de dommages et intérêts,

- débouter la société Delta et Mme [E] de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions,

- condamner solidairement la société Delta et Mme [E] à lui payer la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Delta et Mme [E] aux entiers dépens.

Par leurs dernières conclusions notifiées le 4 mai 2021, Mme [G] [E] épouse [Z] et la société Delta demandent à la cour, au visa des articles 1134 et 1294 et suivants du code civil, de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention volontaire de la société Delta,

- les déclarer recevables et bien fondés en leur appel incident,

Y faisant droit,

- infirmer le jugement entrepris pour le surplus, soit en ce qu'il a :

* condamné Mme [E] à payer à la SCEA [Adresse 6] la somme de 180 000 euros indument prélevée sur les comptes de la SCEA [Adresse 6], avec intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2011,

* condamné la SCEA [Adresse 6] à payer à la société Delta la somme de 219 883 euros toutes taxes comprises,

* dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* débouté les parties du surplus de leurs demandes,

* laissé les dépens à la charge des parties qui les ont exposés.

Puis statuant à nouveau, de :

- juger la SCEA [Adresse 6] irrecevable en sa demande tendant à ce que le contrat du 3 décembre 2007 lui soit jugé inopposable,

- débouter la SCEA [Adresse 6] de ses entières demandes,

- constater :

* que la SCEA [Adresse 6] doit la somme de 219 883,33 euros toutes taxes comprises à la société Delta,

* la compensation des 180 000 euros prélevés par Mme [E] au profit de la société Delta,

- condamner en conséquence la SCEA [Adresse 6] à payer à la société Delta le solde restant dû, soit 39 883,33 euros, augmenté des intérêts au taux légal à compter du 21 août 2009,

Subsidiairement,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SCEA [Adresse 6] à payer à la société Delta la somme de 219 883,33 euros,

En tout état de cause,

- condamner la SCEA [Adresse 6] à leur payer chacune la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SCEA [Adresse 6] aux entiers dépens, dont distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR,

Sur la portée de la cassation et les limites de la saisine de la cour d'appel de Versailles

Se fondant sur les dispositions de l'article 325 du code de procédure civile, la Cour de cassation a rappelé que l'intervention volontaire était recevable dès lors qu'un lien de connexité existait entre les prétentions d'origine et celles du tiers.

Elle a relevé que, pour déclarer irrecevable l'intervention volontaire de la société Delta, l'arrêt attaqué, après avoir constaté qu'une attestation d'un expert-comptable confirmait qu'une somme totale de 180 000 euros avait été imputée, dans les livres de cette société, sur le solde du compte-client ouvert au nom de la S.C.E.A., retient que ce montant pourrait être l'addition de plusieurs sommes ne correspondant pas à celle prélevée par Mme [E] et que, en se déterminant ainsi, par un motif impropre à écarter que le montant du prélèvement avait été imputé sur la créance de la société Delta contre la S.C.E.A, la cour d'appel avait privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.

La Cour de cassation a, par voie de conséquence, cassé l'arrêt attaqué dans toutes ses dispositions.

Les parties sont donc replacées dans la situation qui était la leur au jour du prononcé du jugement rendu le 27 juin 2014 par le tribunal de grande instance de Pontoise qui a :

* déclaré recevable l'intervention volontaire de la société Delta,

* condamné Mme [G] [E] épouse [Z] à payer à la SCEA [Adresse 6] la somme de 180 000 euros indûment prélevée sur les comptes de la SCEA [Adresse 6], avec intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2011,

* dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,

* condamné la SCEA [Adresse 6] à payer à la société Delta la somme de 219 883,93 euros toutes taxes comprises.

En l'occurrence, il résulte des écritures ci-dessus visées que les demandes de la société Delta au titre des travaux d'entretien et de réfection du chemin qui ont été rejetées par le premier juge ne sont pas critiquées. Il s'ensuit que le jugement en ce qu'il rejette les demandes de la société Delta :

* au titre des travaux d'entretien, deux factures d'un montant respectif de 4 377,36 euros et 645,84 euros toutes taxes comprises,

* au titre des travaux de réfection du chemin pour un montant de 9 630,19 euros,

est devenu irrévocable.

De même, les parties ne critiquent pas le jugement en ce qu'il retient que la société Delta doit à la S.C.E.A :

* la somme de 56 776,51 euros au titre du coût d'achat des matériels ;

* la somme de 31 308,30 euros toutes taxes comprises au titre de la location du 30 juin 2007 (pièce 9).

Ces dispositions sont dès lors devenues irrévocables.

Les autres dispositions du jugement sont querellées.

Sur l'intervention volontaire de la société Delta

' Moyens des parties

Se fondant sur les dispositions des articles 31, 325 et 329 du code de procédure civile, la S.C.E.A poursuit l'infirmation du jugement en ce qu'il déclare recevable l'intervention volontaire de la société Delta car, selon elle, cette intervention ne se rattache pas à sa demande initiale par un lien suffisant.

Elle rappelle avoir saisi le tribunal de grande instance de Pontoise afin de solliciter le remboursement de 180 000 euros détournés par Mme [E] et que la société Delta est intervenue pour solliciter le paiement par la S.C.E.A de factures.

Elle indique que cette intervention volontaire n'a aucun lien avec le détournement de 180 000 euros par Mme [E], que le prétendu lien entre sa demande à l'encontre de Mme [E] et les demandes de la société Delta a été créé artificiellement par la production tardive d'une attestation de l'expert-comptable de la société Delta selon laquelle ce montant aurait été imputé sur les factures de la société Delta dans les comptes de la S.C.E.A (pièce 34) et ce dans le but exprimé par la société Delta dans ses conclusions récapitulatives de faire valoir une exception de compensation comme moyen de défense à la demande des consorts [H] (pièce 35).

La S.C.E.A développe ensuite des moyens de fond destinés à démontrer que l'attestation de l'expert-comptable produite par la société Delta n'a pas la force probante que ses adversaires lui prête.

Par voie de conséquence, selon elle, elle poursuit l'infirmation du jugement de ce chef.

La société Delta et Mme [E] poursuivent la confirmation du jugement de ce chef et font valoir en substance que l'attestation concernée étant datée du 15 février 2012, soit avant l'intervention volontaire de la société Delta intervenues par voie de conclusions signifiées le 23 février 2012, l'imputation constatée par l'expert comptable est nécessairement antérieure à l'intervention volontaire de la société Delta et cette dernière est dès lors parfaitement recevable.

' Appréciation de la cour

L'article 325 du code de procédure civile dispose que l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.

L'intervention volontaire peut être principale ou accessoire.

L'article 329 du code de procédure civile précise que l'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme. Elle n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention.

Selon l'article 330 du même code, l'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie. Elle est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie. L'intervenant à titre accessoire peut se désister unilatéralement de son intervention.

Il convient en outre de rappeler que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action et que l'existence de la créance de la société Delta à l'égard de la S.C.E.A n'est pas une condition de recevabilité de son action, mais de son succès.

Il s'ensuit que les moyens de fond développés par la S.C.E.A sont inopérants.

Il est constant que la société Delta soutient avoir reçu les sommes réclamées auprès de Mme [E] par la S.C.E.A et en avoir été la seule bénéficiaire de sorte que son intervention volontaire est accessoire en ce qu'elle vient appuyer les prétentions de Mme [E] qui prétend avoir effectué le prélèvement litigieux au nom et pour le compte de la société Delta. Cette prétention apparaît en outre formellement corroborée par l'attestation de l'expert comptable qui fait état de la présence dans les livres de comptes de la société Delta d'un compte client au nom de la S.C.E.A et qui révèle l'existence de relations d'argent entre la S.C.E.A et la société Delta de nature à influencer la réponse à apporter à la demande principale en paiement.

En outre, la société Delta forme des demandes principales à titre reconventionnel, à savoir des demandes en paiement à l'encontre de la S.C.E.A qui s'inscrivent, selon elle, dans ce même contexte de relations financières. Son intervention volontaire est dès lors également principale.

Il découle de ce qui précède que le jugement en ce qu'il déclare recevable l'intervention volontaire de la société Delta sera confirmé.

Sur les demandes de la S.C.E.A, d'une part, et de Mme [E] ainsi que de la société Delta, d'autre part, au titre des 180 000 euros détournés

' Moyens des parties

La S.C.E.A poursuit la confirmation du jugement de ce chef et fait valoir que Mme [E] a, le 13 août 2009, procédé au virement de cette somme sur son compte personnel sans pouvoir ni autorisation et s'approprie les motifs du jugement. Elle demande en outre d'assortir la condamnation des intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2011, date de l'assignation, ce dont elle justifie.

Elle prétend en outre que la société Delta devra être condamnée in solidum avec Mme [E] au titre de cette condamnation puisque, selon elle, dès lors que l'intervention volontaire de la société Delta est jugée recevable cela implique nécessairement qu'il faille considérer que les 180 000 euros ont été payés pour le compte de la société Delta qui sera de ce fait débitrice de cette somme.

Mme [E] poursuit l'infirmation du jugement de ce chef et, se fondant sur les dispositions des articles 1289 et suivants anciens du code civil relatifs à la compensation légale et l'attestation de l'expert comptable de la société Delta (pièce 65), prétend avoir prélevé, le 13 août 2009, la somme de 180 000 euros sur le compte bancaire de la S.C.E.A pour les reverser à la société Delta à qui la S.C.E.A devait depuis le 30 juin 2009 la somme de 219 883,33 euros toutes taxes comprises.

Elle soutient en outre que la date à laquelle les 180 000 euros ont été remis par elle à la société Delta et celle à laquelle ce montant a été totalement intégré dans sa comptabilité sont sans importance dès lors que la société Delta, intervenue volontairement à l'instance, confirme les avoir reçus. Elle rétorque que les conditions de la compensation sont réunies bien que la S.C.E.A conteste le principe de la créance et qu'elle en réclame le remboursement non à la société Delta mais à Mme [E].

Selon Mme [E], la cour devra faire application des dispositions de l'article 1289 ancien du code civil dès lors qu'elle aura statué sur la réalité et le montant de la créance de la société Delta et qu'elle aura ainsi constaté le caractère exigible et liquide de cette créance.

Elle soutient en outre que l'exigence de réciprocité est réunie en l'espèce puisque la débitrice des 180 000 euros est la société Delta et pas elle-même.

Enfin, elle sollicite, subsidiairement, le rejet de la demande de la S.C.E.A aux fins de condamnation solidaire ou in solidum de la société Delta et d'elle-même au paiement de cette somme.

' Appréciation de la cour

La compensation légale ne peut intervenir qu'en présence de deux dettes réciproques, fongibles, liquides et exigibles. Par dettes réciproques, il faut entendre que les deux personnes en présence doivent être personnellement et réciproquement créancières et débitrices l'une de l'autre.

Il est constant et nullement contesté que Mme [E] a, le 13 août 2009, viré sur son compte courant personnel la somme de 180 000 euros provenant du compte courant professionnel de la S.C.E.A (pièce 23 de l'appelante, la S.C.E.A) sans pouvoir justifier d'un pouvoir pour agir ainsi ni au profit de la S.C.E.A ni au profit de la société Delta dont son frère était le gérant et qui ne lui avait donné aucun pouvoir pour agir au nom de cette société, en tout état de cause l'existence d'un tel pouvoir n'est pas justifiée.

Au surplus, elle prétend sans le démontrer que ces sommes ont été reversées à la société Delta, l'attestation de l'expert comptable ci-dessus mentionnée étant insuffisante pour justifier de la réalité du virement de cette somme de 180 000 euros sur le compte de la société Delta puisqu'elle n'est corroborée par aucun autre élément comme la production des relevés bancaires de cette société.

Mme [E] ne démontre pas plus que la S.C.E.A lui devait personnellement le montant ainsi prélevé de sorte que l'exigence de deux dettes réciproques autorisant la compensation sollicitée fait défaut.

Le moyen développé par la S.C.E.A au soutien de sa demande de condamnation in solidum de la société Delta et de Mme [E] à lui verser la somme de 180 000 euros ne manque pas de surprendre en ce qu'il opère une confusion totale entre la recevabilité d'une demande et le bien-fondé de celle-ci. Faute de démonstration de la part de la S.C.E.A de ce que la société Delta serait co-débitrice de la somme de 180 000 euros réclamée, sa demande ne saurait aboutir et sera rejetée.

Il s'ensuit que c'est exactement que le premier juge a condamné Mme [E] à payer à la S.C.E.A la somme de 180 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2011, date de l'assignation, la S.C.E.A ne démontrant toujours pas à hauteur d'appel avoir adressé avant cette date interpellation suffisante à Mme [E] d'avoir à payer cette somme.

La demande principale de l'appelante et les demandes incidentes des intimées qui ne sont pas fondées seront rejetées et jugement confirmé de ces chefs.

Sur les demandes de la société Delta

Pour la bonne compréhension du litige, il convient de rappeler qu'en première instance, la société Delta réclamait, à titre reconventionnel, à la S.C.E.A le paiement de la somme de 234 536,72 euros (soit 400 122,93 euros représentant le montant dû par elle à la société Delta à laquelle il fallait soustraire la somme de 165 586,21 euros correspondant au montant des sommes que la S.C.E.A lui devait). A titre principal, soutenant que la compensation entre la créance de la S.C.E.A à concurrence de 180 000 euros et cette dette de 234 536,72 euros devait être opérée, elle réclamait la condamnation de la S.C.E.A à lui verser la somme de 54 536,72 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 21 août 2009 (234 536,72 euros - 180 000 euros). A titre subsidiaire, elle sollicitait la condamnation de la S.C.E.A à lui verser la somme de 234 536,72 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 21 août 2009.

Le tribunal a retenu que le montant de la dette de la S.C.E.A à l'encontre de la société Delta s'élevait à 219 883,93 euros toutes taxes comprises (à savoir, le montant total dû par la S.C.E.A à l'égard de la société Delta, soit la somme de 385 469,54 euros toutes taxes comprises - 165 585,61 euros toutes taxes comprises représentant le montant dû par la société Delta à l'égard de la S.C.E.A).

Seules les prétentions formées devant cette cour à titre subsidiaire par les parties seront examinées puisque la cour a confirmé la recevabilité de l'intervention volontaire de la société Delta et rejeté la demande de compensation de la somme de 180 000 euros formée par les intimées.

La société Delta sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il retient que la S.C.E.A lui doit la somme de 219 883,93 euros, la somme de 219 883,33 euros figurant dans les écritures des intimées apparaissant manifestement résulter d'une erreur de plume présentement corrigée, et demande dès lors la condamnation de la S.C.E.A à lui verser cette somme.

La S.C.E.A demande le rejet des demandes de la société Delta au titre du contrat du 3 décembre 2007 qui, selon elle, lui est inopposable par application de l'article 1116 ancien du code civil ; elle soutient que ce qu'elle doit à la société Delta se limite à la somme de 64 004,42 euros après compensation des dettes réciproques entre les personnes morales en présence (soit 277 320,47 euros représentant le montant dû par elle - 213 318,05 euros représentant celui qui lui est dû par la société Delta).

La S.C.E.A sollicite nouvellement en cause d'appel la condamnation de Mme [E] à lui verser la somme de 15 426,31 euros à titre de dommages et intérêts au titre du surcoût des forfaits culturaux 2008 et 2009 par rapport au seul contrat signé avec l'accord du gérant associé ; subsidiairement, elle demande de condamner Mme [E] à lui verser diverses sommes à titre de dommages et intérêts à hauteur des conséquences dommageables de l'ensemble des conventions passées, selon elle, sans pouvoir et en fraude avec la société Delta.

Sur l'inopposabilité ou/et la nullité du contrat du 3 décembre 2007 à la S.C.E.A

' Moyens des parties

La S.C.E.A prétend que Mme [E] a passé le contrat du 3 décembre 2007 en fraude de ses droits et invoque l'application des dispositions de l'article 1116 ancien du code civil qui dispose que ' Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.'

Elle fait valoir que Mme [E] a excédé les pouvoirs du gérant tels que prévus à l'article 10, pointV page 17 des statuts en passant ce contrat ; que ce contrat a été conclu à l'insu des associés, à des conditions anormales, par comparaison au véritable contrat conclu avec elle représentée par M. [D] avant la mainmise des associés de la société Delta sur elle. Elle affirme que dans le contexte de fraude et d'abus de confiance ce contrat ne pourra que lui être déclaré inopposable.

Elle demande par voie de conséquence de débouter la société Delta de ses demandes au titre des forfaits culturaux 2007/2008 et 2008/20009.

La société Delta et Mme [E] rétorquent que, pour la première fois dans ses dernières écritures donc le 25 mars 2021 seulement, la S.C.E.A soulève la nullité ou l'inopposabilité du contrat passé le 3 décembre 2007, donc quatorze années après sa conclusion. Elles observent que le contrat a reçu application et que la société Delta a effectué tous les travaux qui y étaient prévus.

' Appréciation de la cour

Comme l'a exactement retenu le premier juge, les éléments versés aux débats par la S.C.E.A ne permettent pas de retenir l'existence du dol ou de l'abus de confiance allégués.

Il est en effet établi que Mme [E] a conclu le contrat litigieux alors qu'elle était co-gérante de la S.C.E.A. Contrairement à ce que fait valoir la S.C.E.A, l'article 10, point V, des statuts qui stipule que (souligné par la cour) 'dans leurs rapports internes les associés conviennent que tout acte comportant engagement de la société pour une somme supérieure à deux cent mille francs doit être signé de l'ensemble des associés' ne permet pas à la cour de retenir que son non respect serait de nature à annuler le contrat ainsi conclu ou à le rendre inopposable aux autres associés. D'abord, le terme 'convenir' qui signifie 'être d'accord', 's'accorder', 'prévoir' n'apparaît pas être aussi impératif que des termes comme 's'interdire', 's'obliger'. Ensuite, cette stipulation n'est assortie d'aucune sanction. Il faut donc en conclure qu'elle consiste en une recommandation, pas en une obligation assortie d'une sanction en cas de manquement. La demande de la S.C.E.A aux fins de nullité ou d'inopposabilité du contrat litigieux aux motifs de la violation de l'article 10, point V, susvisé des statuts ne saurait dès lors prospérer.

Il est en outre justifié que les prestations convenues dans ce contrat entraient dans l'objet de cette société et que la S.C.E.A se borne à affirmer que les conditions prévues étaient anormales sans le caractériser. En effet, les tarifs forfaitaires convenus au regard des prestations complémentaires effectuées et facturées sur la base du barème d'entraide retenu dans ce contrat sont certes plus élevés que le premier contrat, mais cette augmentation des tarifs ne caractérise à elle seule ni les manoeuvres dolosives ou l'abus de confiance allégués ni l'existence de conditions 'déséquilibrées et beaucoup plus avantageuses pour la société Delta'. A cet égard, la S.C.E.A. ne produit aucun élément de preuve à l'appui de ces affirmations tels que les barèmes en vigueur dans la profession, des contrats conclus dans des conditions similaires ou comparables dans la profession, une expertise ...

Il s'ensuit que c'est exactement que le premier juge a retenu que le contrat du 3 décembre 2007 trouvait à s'appliquer.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les travaux agricoles

1) Pour l'année 2006-2007

Le tribunal a retenu qu'en application des termes du contrat signé entre les parties et au regard des justificatifs produits, la société Delta était fondée à obtenir le paiement de la facture invoquée soit la somme de 83 035,29 euros toutes taxes comprises.

' Moyens des parties

La S.C.E.A poursuit l'infirmation du jugement de ce chef et soutient que les explications de la société Delta au sujet du calcul présenté à l'appui de sa demande (pièce 37) démontrent qu'elle applique un coefficient de 1,4 inexpliqué qui réduit le coût de la main d'oeuvre et surtout qu'elle ne compte pas le prix du labour sans lequel il ne peut pas y avoir de semis. Elle précise que sur les forums agricoles, il est possible de voir que les prix sont de 80 euros à 100 euros à l'hectare (pièce 38).

Elle soutient que le travail déjà effectué, semis ainsi que labour, représente environ 150 euros par hectare en décembre 2006 avec la main d'oeuvre (70 euros/ha pour le semis et 80 euros /ha pour le labour) soit pour 125 ha de blé et colza, 18,50 euros hors taxes soit 22 425 euros toutes taxes comprises alors qu'il a été déduit 11 945 euros toutes taxes comprises soit un écart de 11 480 euros toutes taxes comprises.

Elle ajoute que la facture comporte une majoration de 2 400 euros pour 'récolte maïs 2006' qui n'était pas prévue au contrat alors même que la récolte de maïs 2006 était faite depuis longtemps à la date de la signature.

Elle demande par voie de conséquence que sa condamnation soit limitée à la somme de 69 155,29 euros toutes taxes comprises (83 035,29 euros - 11 480 euros - 2 400 euros).

La société Delta sollicite la confirmation du jugement de ce chef.

' Appréciation de la cour

Le contrat signé entre la S.C.E.A (maître d'ouvrage) et la société Delta (prestataire de services) le 8 décembre 2006 prévoit (pièce 3 de l'intimée) que la société Delta effectuerait l'ensemble des travaux agricoles pour l'année culturale 2006-2007 nécessaires à la S.C.E.A à savoir déchaumage, semis maïs, semis de betteraves, traitement de cultures SCOP et betteraves, épandages d'engrais, récoltes de céréales, transport des récoltes SCOP des parcelles jusqu'à la coopérative agricole Capafrance d'[Localité 4], broyage des jachères et des bandes enherbées pour une durée d'une année (article 1 du contrat).

Le coût des prestations est précisé à l'article 3 du contrat et consiste en des prix forfaitaires suivants :

- 425 euros HT par hectare pour la culture de blé ;

- 320 euros HT par hectare pour la culture de maïs ;

- 390 euros HT par hectare pour la culture de colza ;

- 370 euros HT par hectare pour la culture betterave.

Ce contrat prévoit expressément que les travaux de préparation du sol et de semis des cultures de blé et de colza ne seront pas effectués par la société Delta dès lors qu'ils ont déjà été réalisés par la S.C.E.A, et que leur coût, calculé sur la base du barème d'entraide publié par la Chambre départementale d'agriculture, devra en conséquence être déduit du forfait à l'hectare (article 3 du contrat).

Selon l'article 3, in fine de ce contrat, des travaux supplémentaires tels que le broyage des jachères et des bandes enherbées pourront être réalisés par la société Delta et facturés dans ce cas sur la base du barème d'entraide précité.

L'article 4 de ce contrat stipule enfin que les règlements devront intervenir au titre de cultures SCOP et betteraves, la moitié au 30 juin et l'autre moitié le 30 novembre (article 4 du contrat).

Il ressort de la déclaration de la S.C.E.A au titre de la PAC (pièce n°45), que l'assolement de la SCEA pour l'année culturale 2006-2007 était le suivant :

- blé : 101 ha

- maïs : 30 ha

- colza : 24 ha

- betteraves : 49 ha.

En application du forfait contractuellement prévu, les sommes dues par la S.C.E.A s'élèvent donc comme suit :

- blé : 101 ha x 425 euros = 42 925 euros

- maïs : 30 ha x 320 euros = 9 600 euros

- colza : 24 ha x 390 euros = 9 360 euros

- betteraves : 49 ha x 370 euros = 18 130 euros

soit un total de 80 015 euros hors taxes.

De ces montants forfaitaires doivent être déduits les travaux effectués par la S.C.E.A selon le barème d'entraide figurant en pièce 46 de sorte que la somme due par la S.C.E.A est égale à 69 427,50 euros hors taxes soit 83 035,29 euros toutes taxes comprises au titre des travaux effectués pour cette année culturale 2006-2007.

La facture adressée par la société Delta à la S.C.E.A représente précisément ce montant. Le fait que la facture ait été adressée en juin 2007 alors que la totalité des travaux culturaux n'avait pas été effectuée ou qu'une partie avait été récoltée plus tôt correspond aux stipulations du contrat.

Le document, identique, produit en pièce 89 par l'intimée et en pièce 37 pour l'appelante, ne permet pas de constater l'existence d'un 'coefficient de 1,4 inexpliqué qui réduit le coût de la main d'oeuvre' de sorte que les critiques de la S.C.E.A manquent en fait.

S'agissant des discussions de la S.C.E.A au titre du calcul de la déduction pour le travail déjà effectué (semi et labour), force est de constater que le contrat conclu entre les parties ne prévoit pas de déduction pour des prestations de labour et que l'appelante se borne à affirmer que ces travaux effectués par elle devrait être déduits du montant de la facture sans justifier le bien-fondé de cette demande bien tardive.

S'agissant de la ligne relative à la récolte de maïs 2006, elle correspond à la prestation de récolte effectuée par la société Delta pour le compte de la S.C.E.A avant la conclusion du contrat. Les parties ont donc prévu de facturer cette prestation et la S.C.E.A. ne démontre pas qu'elle n'a pas été réalisée et qu'elle n'aurait pas dû lui être réclamée.

Il découle de ce qui précède que le jugement sera confirmé de ce chef.

2) Pour les années 2007-2009

Le tribunal a retenu que le contrat conclu par Mme [E] au nom de la S.C.E.A le 3 décembre 2007 l'avait été régulièrement ; qu'il était opposable à la S.C.E.A. en application des termes du contrat signé entre les parties et au regard des justificatifs produits par la société Delta a condamné la S.C.E.A au paiement des factures émises pour un montant respectif de 151 921,11 toutes taxes comprises et 150 513,14 euros toutes taxes comprises.

' Moyens des parties

La S.C.E.A poursuit l'infirmation du jugement de ce chef et fait valoir que certaines prestations figurant sur les factures litigieuses ne sont pas justifiées dès lors que :

* le contrat du 8 décembre 2007 ne prévoit aucun prix pour les travaux de culture des féveroles de sorte que les prix pratiqués par la société Delta ont été fixés de manière arbitraire et unilatéralement soit 415 euros l'hectare au titre de la facture de 2008 et 427 euros sur la facture de 2009 ;

* le conseiller au centre de gestion agricole CER France (pièce 31) atteste que les travaux de culture des féveroles étaient de 351 euros en 2008 ;

* la cour peut fixer le prix d'un contrat d'entreprise lorsque celui-ci n'a pas été déterminé par les parties et sollicite donc que ce prix forfaitaire soit fixé dans les factures du 30 juin 2008 et du 30 juin 2009 à 351 euros hors taxes /ha de sorte qu'il conviendra de déduire de la facture du 30 juin 2009 les montants suivants 1 663,30 euros toutes taxes comprises et 1 144,30 euros toutes taxes comprises ;

* la société Delta n'a pas été en mesure de finir les travaux de cultures en 2009 en particulier la récolte de maïs, généralement en octobre, effectuée par la société Hennequin et qui lui a été facturée pour le montant de 4 527,59 euros toutes taxes comprises (pièce 32) ; cette prestation non effectuée devra être déduite de la facture de 2009 ;

* les travaux de broyage, d'épandage de compost n'étant pas prévus au contrat et ayant été facturés, il revient à la société Delta de démontrer leur réalisation ce qui n'est pas le cas ; elle demande que ces prestations facturées le 30 juin 2008 et le 30 juin 2009 pour les montants respectifs de 24 766 euros toutes taxes comprises et 34 388 euros toutes taxes comprises soient déduites du montant total des factures litigieuses ;

* les prestations de 'suivi technique cultural' non prévues au contrat d'origine et faisant double emploi pour un montant de 9 106,65 euros toutes taxes comprises ; cette prestation non prévue au contrat du 8 décembre 2006 a, selon la S.C.E.A, été facturée rétroactivement au 30 juin 2008 pour la saison 2006/2007 au motif qu'elle figure dans le contrat postérieur du 7 décembre 2007, pour la saison 2007/2008 ce qui, selon l'appelante, n'est pas sérieux.

La société Delta poursuit la confirmation du jugement de ce chef.

' Appréciation de la cour

La cour constate que la société Delta a facturé la culture des féveroles au même tarif que pour la culture de colza sur la base du tarif d'entraide augmenté de 10% et qu'au regard du montant total retenu par le premier juge, la contestation apparaît anecdotique et surtout non sérieuse.

En effet, la tarification de la société Delta pour cette culture n'apparaît ni excessive ni injustifiée. Elle sera donc retenue par cette cour et par voie de conséquence le jugement confirmé sur ces points.

En ce qui concerne la prestation forfaitairement facturée au titre du maïs, il n'apparaît pas des productions que le montant facturé par la société Delta au titre du maïs ne soit pas conforme aux prestations réellement réalisées. La S.C.E.A ne démontre pas plus que la prestation qu'elle a réglée à la société Hennequin lui ait été facturée une seconde fois par la société Delta de sorte que sa critique injustifiée sera écartée et la demande de la S.C.E.A. ne sera pas accueillie.

S'agissant des prestations qui, selon la S.C.E.A, n'auraient pas été réalisées à savoir les travaux de broyage, d'épandage de compost, il convient d'abord de relever que, contrairement aux allégations de l'appelante, le contrat du 3 décembre 2007 prévoit expressément que des travaux supplémentaires pourront être effectués selon le barème d'entraide en vigueur notamment le broyage des jachères et bandes enherbées, épandage et le suivi technique cultural. En outre, il convient de relever que ces travaux ont été facturés les 30 juin 2008 et 2009 sans que la S.C.E.A ne conteste leur réalisation ; que trois mises en demeure entre le 21 août et le 5 mai 2011 ont été délivrées par la société Delta sans réaction de sa part ; que la S.C.E.A n'a pas plus émis de critique contre la nécessité de ces travaux ni leur réalisation durant toute la procédure de première instance de sorte que ses réticences plus de dix années après leur réalisation et sans qu'il soit matériellement possible à son adversaire de rapporter la preuve contraire apparaissent peu sérieuses. C'est du reste avec raison que la société Delta fait valoir que le broyage des jachères, imposé par la réglementation, déclaré au titre de la PAC a permis à la S.C.E.A de percevoir les subventions correspondantes de sorte qu'elle est encore plus mal venue à prétendre que ces prestations ne revêtaient aucun intérêt pour elle. L'épandage de compost présente également un intérêt non négligeable pour la S.C.E.A en ce qu'il tend à améliorer ses rendements et sa productivité. Enfin, la société Delta et Mme [E] produisent diverses pièces complémentaires qui établissent la réalité de ces prestations (pièces 47, 49, les déclarations PAC, les pièces 80 et 81, fiches de prescription du technicien de la coopérative à l'issue de rendez-vous assurés par M. [E] pour le compte de la société Delta, commandes de semences).

S'agissant des prestations de 'suivi technique cultural', c'est également de façon erronée que la S.C.E.A prétend qu'elles n'étaient pas prévues aux contrats alors que le premier contrat précise que des prestations supplémentaires dans l'intérêt de la S.C.E.A pourront être réalisées par la société Delta (article 3 in fine du contrat du 8 décembre 2006), ce qui comprend cette prestation, et que le contrat du 3 décembre 2007 énonce expressément que le suivi technique cultural fait partie de ces prestations supplémentaires pouvant être réalisées par la société Delta. De plus, comme le relève la société Delta, la S.C.E.A et la société Delta n'ayant pas été dirigée par le même dirigeant au moment de la signature des contrats d'entreprise litigieux, puisque Mme [E] était la gérante de la S.C.E.A et non de la société Delta, la jurisprudence de la Cour de cassation citée par l'appelante, selon laquelle une convention de prestations de services conclue entre deux sociétés ayant le même dirigeant et déjà rémunéré faisait double emploi avec les fonctions de ce dirigeant est dès lors inopérante. De même, contrairement à ce que soutient la S.C.E.A, les dispositions de l'article L. 612-5 du code de commerce ne sont pas applicables en l'espèce dès lors que l'appelante ne démontre pas l'existence des conséquences préjudiciables alléguées.

Les demandes de la S.C.E.A seront par voie de conséquence rejetées et le jugement en ce qu'il condamne la S.C.E.A au paiement des factures émises pour un montant respectif de 151 921,11 toutes taxes comprises et 150 513,14 euros toutes taxes comprises confirmé.

Sur les factures de location du 30 juin 2008 et du 30 juin 2009 (pièce 9 de l'appelante)

Le tribunal a retenu qu'au titre de la facture du 30 juin 2008, la société Delta devait à la S.C.E.A la somme de 43 056 euros et qu'au titre de celle du 30 juin 2009, elle devait la somme de 34 444,80 euros.

La S.C.E.A conteste le montant mensuel facturé par la société Delta, à savoir la somme de 3 000 euros, alors que le tarif contractuellement convenu s'élevait à 4 362,92 euros de sorte que, selon elle, la somme qui lui était due s'élevait à 52 355 euros hors taxes (12 x 4 362,92 euros) soit 62 616,62 euros toutes taxes comprises au titre de la location du matériel entre le 1er juillet 2007 et le 30 juin 2008.

De même, s'agissant de la facture du 30 juin 2009, elle soutient que ces mêmes sommes auraient dû être réglées au titre de la location du matériel entre le 1er juillet 2008 et le 30 juin 2009.

Elle en conclut que sa créance envers la société Delta au titre de la location du matériel n'est pas de 108 809,10 euros, mais de 156 541,54 euros toutes taxes comprises.

La société Delta sollicite la confirmation du jugement de ce chef.

' Appréciation de la cour

L'unique contrat de location relatif à la mise à disposition de matériels agricoles produit aux débats date du 8 décembre 2016 (pièce 4 de l'appelante) et a été signé par la S.C.E.A représentée par M. [D] et par la société Delta, représentée par M. [E] et prévoit que la société Delta prend en location l'intégralité du matériel agricole de la S.C.E.A pour le montant de 4 362,92 euros mensuel à compter du 8 décembre 2006 (articles 1 et 3).

Ce contrat prévoit encore que la durée de ce contrat est d'une année et qu'il pourra être résilié, révisé ou modifié à tout moment. Il n'est pas prévu que le contrat soit reconduit pour une année supplémentaire ou plus.

Sont également produites trois factures (pièce 9 de la S.C.E.A) datées du 30 juin 2007, 30 juin 2008 et 30 juin 2009. Elles émanent toutes de la S.C.E.A et sont adressées à la société Delta. La première facture prévoit un loyer égal à 4 362,92 euros conforme aux stipulations contractuelles. La deuxième facture du 30 juin 2008 prévoit un loyer mensuel de 3 000 euros.

La troisième facture du 30 juin 2009 précise que le loyer mensuel s'élève à 2 400 euros.

Les montants facturés ont été retenus par le premier juge dans leur intégralité et la société Delta a été condamnée à verser à la S.C.E.A la somme totale de 108 809,10 euros.

La S.C.E.A se borne à affirmer que les tarifs du contrat du 8 décembre 2016 ont été tacitement reconduits sans le démontrer. Du reste, il est patent que le contrat ne prévoit ni une clause de tacite reconduction, ni les modalités de fixation du prix du loyer postérieurement à l'expiration du contrat, que les factures litigieuses émanent de la S.C.E.A et que cette dernière se borne à affirmer qu'elle aurait été victime de dol ou d'abus de confiance de la part de la société Delta ou de M. ou/et Mme [E] sans le démontrer.

Il s'ensuit que le jugement en ce qu'il condamne la S.C.E.A à verser à la société Delta la somme de 108 809,10 euros sera confirmé.

Sur les demandes de dommages et intérêts formés par la S.C.E.A

Compte tenu des développements qui précèdent, les demandes nouvelles devant cette juridiction de renvoi de dommages et intérêts de la S.C.E.A. en réparation de ses préjudices subis au titre du surcoût des forfaits culturaux 2008 et 2009 par rapport au seul contrat signé avec l'accord du gérant associé et des conventions passées sans pouvoir et en fraude avec la société Delta, qui ne sont pas justifiées ne sauraient être accueillies.

En définitive, les critiques développées contre le jugement sont toutes infondées et seront rejetées. Il s'ensuit que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions. De même, les demandes nouvelles de la S.C.E.A. sont rejetées.

Sur les demandes accessoires

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

L'arrêt de la cour d'appel de Versailles ayant été, par voie de conséquence, cassé et annulé en ses dispositions relatives aux dépens et l'article 700 du code de procédure civile, conformément aux dispositions de l'article 639 du code de procédure civile, il y a lieu de statuer sur les frais irrépétibles et les dépens afférents à la décision cassée.

La S.C.E.A., qui succombe majoritairement en son appel, les supportera. Elle sera également condamnée aux dépens du présent appel et de ceux correspondant à la décision cassée et seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande en cause d'appel de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. La S.C.E.A. sera par voie de conséquence condamnée à verser à Mme [E] et à la société Delta la somme totale de 6 000 euros (3 000 euros au titre de la décision cassée et 3 000 euros au titre de la présente instance).

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition, dans les limites de la saisine,

Vu le jugement rendu par le tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire) de Pontoise Nanterre le 27 juin 2014 (RG 11/05560),

Vu les arrêts du 14 décembre 2017 et du 15 février 2018 de la cour d'appel de Versailles (RG 14/5752 et RG 17/8731),

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 10 septembre 2020 (pourvoi n° 18-25.468),

CONFIRME le jugement ;

Y ajoutant,

REJETTE la demande formée par la société civile d'exploitation agricole (la S.C.E.A.) [Adresse 6] de condamnation in solidum de la société Delta et de Mme [E] au paiement de la somme de 180 000 euros indûment prélevée sur ses comptes ;

REJETTE les demandes de dommages et intérêts de la S.C.E.A. ;

CONDAMNE la S.C.E.A. aux dépens de la décision cassée et du présent appel ;

DIT qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la S.C.E.A. à verser à la société Delta et de Mme [E] la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 20/05496
Date de la décision : 24/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-24;20.05496 ?
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