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23/05/2022 | FRANCE | N°20/02617

France | France, Cour d'appel de Versailles, 4e chambre, 23 mai 2022, 20/02617


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 54F



4e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 04 AVRIL 2022



N° RG 20/02617 - N° Portalis DBV3-V-B7E-T4NI



AFFAIRE :



S.A.R.L. EGIP - ENTREPRISE GENERALE D'ISOLATION ET DE PROTE CTION



C/



S.A. SNEF SA





Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 13 Mai 2020 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 1



N° RG : 2019F00027




Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Martine DUPUIS



Me Christophe DEBRAY





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT-TROIS MAIL DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54F

4e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 AVRIL 2022

N° RG 20/02617 - N° Portalis DBV3-V-B7E-T4NI

AFFAIRE :

S.A.R.L. EGIP - ENTREPRISE GENERALE D'ISOLATION ET DE PROTE CTION

C/

S.A. SNEF SA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 13 Mai 2020 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 1

N° RG : 2019F00027

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS

Me Christophe DEBRAY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT-TROIS MAIL DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.R.L. EGIP - ENTREPRISE GENERALE D'ISOLATION ET DE PROTE CTION prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 432 05 5 5 72

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

APPELANTE

****************

S.A. SNEF SA à conseil d'administration, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

N° SIRET : 056 80 0 6 59

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentant: Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627, et Me Robert CORCOS de la SCP FOUCAUD TCHEKHOFF POCHET ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0010

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Avril 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Emmanuel ROBIN, Président, ayant été entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Emmanuel ROBIN, Président,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Valentine BUCK, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Boubacar BARRY,

FAITS ET PROCÉDURE

La société Piolino, désormais devenue la société SNEF Piolino, sous-traitant de la société Bouygues bâtiment Île-de-France pour les lots plomberie ' chauffage ' ventilation ' climatisation sur un chantier au Chesnay, a elle-même sous-traité à la société Entreprise générale d'isolation et de protection (la société EGIP) des travaux de calorifugeage selon plusieurs marchés d'un montant total de 438 910 euros hors taxes ; pour les travaux effectivement réalisés, la société SNEF Piolino s'est acquittée de la somme totale de 429 910 euros hors taxes auprès de la société EGIP.

Par acte d'huissier du 13 décembre 2018, la société EGIP a fait assigner la société SNEF Piolino devant le tribunal de commerce de Nanterre afin qu'elle soit condamnée à lui payer la somme de 264 100 euros hors taxes au titre d'un rééquilibrage financier suite à un bouleversement économique du contrat, outre 120 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive. Reconventionnellement, la société SNEF Piolino a sollicité la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en reprochant à la société EGIP d'utiliser des procédés déloyaux.

Par jugement en date du 13 mai 2020, le tribunal de commerce de Nanterre a débouté la société EGIP de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société SNEF Piolino la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi qu'une indemnité de 10 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Sur la demande principale, le tribunal a fait application de l'article 7.2 du contrat de sous-traitance imposant au sous-traitant de signaler par écrit à l'entrepreneur principal, dans un délai maximum de sept jours, tout fait ou acte pouvant justifier une réclamation, et a relevé que la société EGIP avait formé sa réclamation près de trois mois après la fin du chantier ; il a considéré que le prix était stipulé global, forfaitaire, ferme et non révisable ni actualisable, que la somme de 429 910 euros avait été payée, que la demande de rééquilibrage financier était tardive, que la société EGIP avait accepté la prise en charge du raccordement du cordon chauffant, et qu'elle ne démontrait pas l'existence d'un bouleversement économique du contrat. Pour faire droit à la demande reconventionnelle, le tribunal a considéré que la société EGIP avait commis une faute en versant aux débats des documents couverts par une clause de confidentialité d'un protocole d'accord d'expertise amiable conclu entre la société SNEF Piolino et la société Bouygues bâtiment Île-de-France.

*

Le 18 juin 2020, la société EGIP a interjeté appel de cette décision.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 9 novembre 2021 et l'affaire a été fixée à l'audience de la cour du 4 avril 2022, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

*

Par conclusions déposées le 15 mars 2021, la société EGIP demande à la cour de réformer le jugement déféré, de condamner la société SNEF Piolino à lui payer la somme de 264 100 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2017 sur la somme de 252 100 euros et à compter de l'assignation sur le surplus, de la condamner également au paiement de la somme de 120 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, de la débouter de ses demandes et de la condamner aux dépens et au paiement d'une indemnité de 25 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société EGIP conteste que sa réclamation puisse être considérée comme forclose en application de l'article 7.2 du contrat de sous-traitance ; elle ajoute qu'elle a agi dans le délai de l'article 2224 du code civil, en raison du préjudice subi du fait des retards constatés au stade du décompte final et invoque la liberté de la preuve en matière commerciale ainsi que la norme NF P.03-001. Elle soutient également que les conditions générales de sous-traitance invoquées par la société SNEF Piolino ne lui sont pas opposables.

Quant au fond, elle fait valoir que la société SNEF Piolino a obtenu de l'entreprise principale un supplément de prix de 1 750 000 euros hors taxes, dont 281 880 euros au titre du calorifuge, et qu'elle savait depuis longtemps que le chantier excéderait les prix forfaitaires convenus ; elle aurait demandé à son propre sous-traitant de différer sa réclamation jusqu'à la fin du chantier. Ainsi, la société SNEF Piolino aurait présenté des demandes de rémunération complémentaire à la société Bouygues bâtiment Île-de-France en septembre 2015, février 2016 et septembre 2016 mais n'aurait donné aucune suite à la demande de la société EGIP du 17 mai 2016. La société EGIP invoque un bouleversement économique du contrat, qui serait caractérisé par un allongement anormal du délai de réalisation des travaux, des carences dans la communication des plans à l'origine d'une perte de temps et de productivité, des défaillances de pilotage et des défauts de réservation ; elle aurait subi une perte de marge et de productivité qui constitueraient un préjudice certain. Par ailleurs, elle conteste les difficultés alléguées par la société SNEF Piolino.

En ce qui concerne les procédés déloyaux que lui reproche la société SNEF Piolino, la société EGIP fait valoir que les pièces qu'elle-même produit ne sont pas couvertes par la confidentialité stipulée entre la société Bouygues bâtiment Île-de-France et la société EGIP dans leur protocole d'accord.

Par conclusions déposées le 18 décembre 2020, la société SNEF Piolino demande à la cour de confirmer le jugement déféré ou, en tout état de cause, d'écarter des débats cinq pièces produites par l'appelante, et de débouter celle-ci de ses demandes ; elle sollicite une somme supplémentaire de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ; elle sollicite l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et l'octroi d'une somme de 50 000 euros à ce titre ; enfin elle demande la condamnation de la société EGIP aux dépens et au paiement d'une indemnité de 25 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société SNEF Piolino reproche à la société EGIP d'utiliser contre elle des documents qui lui ont été transmis par la société Bouygues bâtiment Île-de-France en violation d'un accord de confidentialité conclu afin de régler un litige entre l'entreprise principale et le sous-traitant de premier rang. Elle ajoute qu'elle a rencontré de nombreuses difficultés avec son propre sous-traitant mais qu'elle lui a néanmoins payé tous les travaux réalisés. Elle conteste avoir reçu une réclamation de la société EGIP par courriel du 17 mai 2016 et elle affirme que ses réclamations à l'égard de la société Bouygues bâtiment Île-de-France sont sans lien avec les doléances de la société EGIP.

La société SNEF Piolino soutient que la réclamation est irrecevable en ce qu'elle porte sur des surcoûts que la société EGIP aurait subis en septembre 2015 ; outre l'application de l'article 7.2 des conditions générales, la société SNEF Piolino serait également fondée à invoquer l'application de leur article 9.3 et la circonstance que la société EGIP a présenté sa première réclamation au-delà du délai de quinze jours à compter de la réception, qui lui était imparti pour présenter son décompte final.

La société SNEF Piolino se prévaut du caractère forfaitaire du prix du marché et conteste l'existence d'un bouleversement économique du contrat ; notamment des travaux supplémentaires auraient été commandés en cours de chantier et acceptés en parfaite connaissance de cause par la société EGIP. En réalité, celle-ci fonderait sa demande uniquement sur la réclamation de son donneur d'ordre à l'égard de l'entreprise principale et en produisant des documents obtenus illicitement, puisque couverts par une clause de confidentialité. En outre, ces documents ne concerneraient pas les travaux de la société EGIP. Enfin, les affirmations de celle-ci concernant son préjudice seraient fantaisistes.

MOTIFS

Sur la production de pièces

Pour demander à la cour d'écarter des débats les pièces produites par la société EGIP sous les numéros 7, 8, 9, 12 et 22, la société SNEF Piolino reproche à l'appelante un manquement à son obligation de loyauté dans l'administration de la preuve, se prévaut d'un engagement de confidentialité stipulé aux termes d'un protocole d'accord d'expertise amiable conclu le 30 novembre 2015 avec la société Bouygues bâtiment Île-de-France, et invoque le secret des affaires.

Cependant, d'une part, la société EGIP n'était pas partie au protocole d'accord du 30 novembre 2015 et il n'est pas démontré que celui-ci, avec l'engagement de confidentialité qu'il comporte, avait été porté à sa connaissance avant l'introduction de l'instance ; en outre, seuls le protocole d'accord lui-même et le rapport d'expertise prévu par ce protocole d'accord sont visés par l'engagement de confidentialité et la société EGIP ne produit aucun de ces deux documents.

Par ailleurs, les pièces contestées, à savoir :

1) la demande de rémunération complémentaire de la société SNEF Piolino en date du 21 septembre 2015 (pièce n°22), antérieure au protocole d'accord,

2) l'explicitation du poste perte de productivité dépourvue de date mais qui, selon la société SNEF Piolino elle-même, aurait également été établie le 21 septembre 2015 (pièce n°7),

3) l'avenant de modification n°13 conclu le 14 décembre 2016 (pièce n°8), qui contient les termes de l'accord financier intervenu entre la société Bouygues bâtiment Île-de-France et la société SNEF Piolino à la suite de l'expertise amiable, sans toutefois mentionner les conclusions de cette expertise, et ne prévoit lui-même aucune clause de confidentialité,

4) l'attestation sur l'honneur établie le 25 octobre 2018 par M. [V] (pièce n°9) qui atteste du paiement de la somme convenue selon l'avenant n°13 ci-dessus,

5) et le document en langue étrangère présenté comme un « ordre de paiement 23 12 2016 » (pièce n°12 à 12b), et qui serait « le Change Order (l'Ordre de Service) n°18 » mentionné dans l'attestation sur l'honneur ci-dessus,

ne sont pas des « échanges intervenus entre [la société SNEF Piolino et la société Bouygues bâtiment Île-de-France] dans l'exécution [du protocole d'accord], ni les conclusions de l'Expert ni le rapport d'expertise amiable », mais le contenu de la réclamation préalable au protocole d'accord et les conséquences tirées par les parties de l'issue du processus prévu par ce protocole ; il ne s'agit donc pas de documents que les parties au protocole d'accord s'interdisaient de produire dans une instance arbitrale ou judiciaire ou de porter à la connaissance de tiers sans l'accord écrit préalable de l'autre partie ; la société SNEF Piolino reproche donc à tort à la société EGIP de produire des documents obtenus en violation de l'accord conclu avec la société Bouygues bâtiment Île-de-France.

Enfin, la société SNEF Piolino ne démontre pas que ces documents contiennent des informations ayant un caractère secret dont découlerait une valeur commerciale, effective ou potentielle, ni qu'elles auraient donné lieu à des mesures de protection quelconque pour en conserver le caractère secret ; elle est dès lors mal fondée à se prévaloir de la protection du secret des affaires prévue par l'article L. 151-1 du code de commerce. Au surplus, il résulte de ses propres explications que ces documents ont été portés à la connaissance de la société EGIP par la société Bouygues bâtiment Île-de-France, qui en était un détenteur légitime. Il ne peut donc être reproché à l'appelante d'avoir porté illicitement atteinte, ou bénéficié d'une atteinte illicite, au secret des affaires.

Sur le supplément de prix

Les prix convenus entre la société SNEF Piolino et la société EGIP étaient expressément stipulés globaux, forfaitaires, fermes et non-révisables ni actualisables.

Selon l'article 7.2 des conditions générales de sous-traitance, auxquelles renvoient expressément les différents contrats conclus entre la société SNEF Piolino et la société EGIP, à peine de forclusion, le sous-traitant doit signaler par écrit à l'entrepreneur principal, dans un délai maximum de sept jours calendaires à compter de leur constatation, tout fait ou acte qui peuvent justifier une demande ou une réclamation. La société EGIP soutient à tort que ces conditions générales ne lui sont pas opposables alors que les conditions particulières qu'elle a signées mentionnent dans la « Liste des annexes communiquées » les « Conditions Générales édition 2012 », auxquelles la société SNEF Piolino se réfère dans le présent litige ; il importe peu que l'exemplaire produit aux débats ne comporte pas la signature des parties et la société EGIP, qui ne produit pas l'exemplaire remis avec les annexes aux conditions particulières, ne démontre pas avoir reçu un document différent.

La société EGIP a établi le 27 juin 2017, une demande de rémunération complémentaire, au titre des contrats de sous-traitance n°15 10 89 et 16 06 44, en rappelant en préambule que son intervention avait commencé en février 2015 pour s'achever en mars 2017, en affirmant avoir alerté à plusieurs reprises son donneur d'ordre sur les pertes financières qu'elle rencontrait sur ce chantier et lui avoir envoyé un état des lieux des pertes le 17 mai 2016, en indiquant que sa demande portait « essentiellement sur les conséquences financières directes résultant de l'impossibilité pour nos équipes de respecter les rendements minimums sur lesquels [elle avait] basé la construction de [ses] prix », qu'elle avait établi son étude pour « respecter le budget prévu par PIOLINO-SNEF » et que l'impossibilité de respecter les rendements minimums et la perte importante de productivité étaient dues à diverses difficultés telles que des travaux de modification importants et permanents, le manque de plans à jour et exploitables, des problèmes d'organisation sur le chantier, de nombreuses reprises sur du calorifuge déjà posé et des travaux qu'elle avait dû faire en plusieurs fois.

Or, la société EGIP ne justifie de l'envoi d'aucune demande ou réclamation écrite à la société EGIP durant l'exécution des travaux ou dans les sept jours ayant suivi la fin de ceux-ci, alors que toutes les causes auxquelles elle attribue sa perte de productivité lui étaient connues lors de l'exécution des travaux eux-mêmes ; notamment, le document du 17 mai 2016 invoqué par la société EGIP n'a pas date certaine, il n'existe aucune preuve d'un quelconque envoi, et l'existence d'une telle réclamation émise lors des travaux n'est corroborée par aucun élément de preuve. En particulier, le courriel envoyé le 17 mai 2016 par M. [U] de la société EGIP à Mme [G] de la société SNEF Piolino, ne manifeste aucune volonté du sous-traitant de réclamer un paiement à son donneur d'ordre.

Dès lors, il convient de constater que, conformément aux stipulations contractuelles, la réclamation de la société EGIP, présentée plus de trois mois après qu'elle aurait eu connaissance des causes alléguées de cette réclamation, est irrecevable. La société EGIP se prévaut en vain de la norme NF P. 03-001, laquelle n'est pas applicable aux contrats conclus avec la société SNEF Piolino, et les stipulations de l'article 9.3 des conditions générales, relatives à l'établissement du décompte final, ne permettent pas au sous-traitant de faire valoir, à l'occasion de l'établissement d'un tel décompte, des réclamations qu'il n'a pas émises en temps utile.

Au surplus, d'une part, la circonstance que la société EGIP aurait établi son prix afin de respecter des exigences de la société SNEF Piolino, ce qui aurait entraîné une surestimation du rendement de ses équipes, ne permet pas de caractériser un quelconque bouleversement de l'économie du contrat après la conclusion de celui-ci ; d'autre part, la société EGIP n'invoque aucune modification des différents marchés de travaux conclus avec la société SNEF Piolino, notamment du fait de l'adjonction d'une quantité importante de travaux supplémentaires, qui aurait pu entraîner un bouleversement de l'économie de ces contrats.

Si la société EGIP allègue des lacunes affectant les plans d'exécution, des défaillances de pilotage et des défauts de réservation, ses conclusions ne se réfèrent à aucune pièce susceptible d'en rapporter la preuve ; en outre, de tels évènements, à les supposer même démontrés, constitueraient de simples aléas de chantier ne permettant pas de caractériser un bouleversement de l'économie du contrat à l'initiative de la société SNEF Piolino.

En ce qui concerne les retards d'exécution, la société EGIP, dont les conclusions se réfèrent uniquement aux doléances de la société SNEF Piolino à l'égard de l'entreprise principale concernant l'exécution du contrat de sous-traitance de premier rang, ne démontre aucun allongement anormal des délais de réalisation de ses propres travaux, susceptible d'avoir entraîné un bouleversement de l'économie du contrat. Au contraire, alors que le premier contrat conclu entre les parties fixait le début des travaux au 14 avril 2015, la société SNEF Piolino fait valoir à juste titre que la dernière situation émise par la société EGIP, pour solde de l'intégralité du prix des interventions de ce sous-traitant, a été payée le 30 novembre 2016, ce dont il résulte que les travaux de calorifugeage ont été achevés dans un délai global de dix-huit mois. L'existence d'un allongement des délais tel que les conditions d'exécution s'en seraient trouvées modifiées au point de caractériser un bouleversement de l'économie du contrat n'est donc pas démontrée.

Sur l'abus de procédure

La société EGIP, déboutée de son action principale, est mal fondée à reprocher à la société SNEF Piolino d'avoir résisté abusivement ; elle a ainsi été déboutée à juste titre de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Le tribunal a considéré à tort que la confidentialité stipulée pour les opérations d'expertise amiable prévues par le protocole d'accord du 30 novembre 2015 s'étendait également à l'accord transactionnel distinct conclu entre la société SNEF Piolino et la société Bouygues bâtiment Île-de-France pour régler les conséquences financières de leur différend et à son exécution, et que la société EGIP avait commis une faute en produisant cet accord transactionnel et des pièces justifiant de son exécution.

Il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société EGIP à payer à la société SNEF Piolino la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par cette faute.

S'agissant des autres comportements reprochés à l'appelante, d'une part, le bordereau de communication de pièces de la société EGIP mentionne que celle produite sous le n°11 est une « assignation en référé TC NANTERRE contre PIOLINO-SNEF en novembre 2017 » ; la société SNEF Piolino est donc mal fondée à soutenir que cette pièce serait désignée abusivement comme une ordonnance de référé. D'autre part, la circonstance que la société EGIP ne justifie pas de l'envoi effectif de la pièce qu'elle produit sous le numéro 4, présentée comme une « lettre EGIP du 17 mai 2016 à PIOLINO SNEF », ne suffit pas à caractériser une man'uvre frauduleuse, même si la société SNEF Piolino démontre des différences entre le contenu de cette « lettre » et la pièce jointe à un courriel envoyé à cette date.

Par ailleurs, la circonstance que les demandes de la société EGIP étaient mal fondées, ou qu'elles reposaient sur des éléments de preuve manifestement insuffisants, ne suffit pas à caractériser une faute ayant fait dégénérer en abus l'exercice de son droit de faire valoir sa cause en justice.

La société SNEF Piolino a donc été déboutée à juste titre de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les dépens et les autres frais de procédure

La société EGIP, qui succombe, a été à juste titre condamnée aux dépens de première instance. Elle sera également condamnée aux dépens d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile. Les dépens pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du même code.

Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Le premier juge a fait une application équitable de ces dispositions ; les circonstances de l'espèce justifient de condamner la société EGIP à payer à la société SNEF Piolino une indemnité de 5 000 euros au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d'appel ; elle sera elle-même déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,

DIT n'y avoir lieu d'écarter des débats les pièces produites par la société EGIP sous les numéros 7, 8, 9, 12 et 22 ;

CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné la société EGIP à payer à la société SNEF Piolino la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

L'INFIRME de ce chef ;

Et, statuant à nouveau,

DÉBOUTE la société SNEF Piolino de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la production de documents couverts par un engagement de confidentialité ;

Ajoutant au jugement déféré,

CONDAMNE la société EGIP aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société SNEF Piolino une indemnité de 5 000 euros, par application de l'article 700 du code de procédure civile, et la déboute de sa demande à ce titre.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Emmanuel ROBIN, Président et par Monsieur Boubacar BARRY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 20/02617
Date de la décision : 23/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-23;20.02617 ?
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