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23/05/2022 | FRANCE | N°20/01866

France | France, Cour d'appel de Versailles, 4e chambre, 23 mai 2022, 20/01866


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 54G



4e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 23 MAI 2022



N° RG 20/01866 - N° Portalis DBV3-V-B7E-T2RR



AFFAIRE :



[E] [G]



C/



S.A. AXA FRANCE IARD











Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 17 Mars 2020 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° Chambre : 4



N° RG : 17/07749



Expédi

tions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :



à :



Me Denis SOLANET Christophe DEBRAY





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT-TROIS MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54G

4e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 23 MAI 2022

N° RG 20/01866 - N° Portalis DBV3-V-B7E-T2RR

AFFAIRE :

[E] [G]

C/

S.A. AXA FRANCE IARD

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 17 Mars 2020 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° Chambre : 4

N° RG : 17/07749

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Denis SOLANET Christophe DEBRAY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT-TROIS MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [E] [G]

Né le 11 Mars 1961 à [Localité 3]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Denis SOLANET, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 384

Madame [Y] [D] épouse [G]

Née le 08 Mai 1961 à [Localité 4]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Denis SOLANET, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 384

APPELANTS

****************

S.A. AXA FRANCE IARD prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

N° SIRET : 722 05 7 4 60

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627, et Me Anne GAUVIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Thomas BUISSET, avocat au barreau de Paris

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 4 avril 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur [O] [R], ayant été entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Emmanuel ROBIN, Président,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Valentine BUCK, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Boubacar BARRY,

FAITS ET PROCÉDURE

M. et Mme [G] sont propriétaires d'une maison au [Adresse 1]. Le 24 juillet 2003, ils ont confié à la société Lebaron et fils, assurée auprès de la société Axa France, la construction d'une véranda au prix de 38 113 euros. L'entreprise a quitté le chantier en octobre 2005 ; le 6 janvier 2006, les maîtres de l'ouvrage l'ont mise en demeure d'achever les travaux, mais elle n'est pas revenue sur le chantier ; elle a été placée en liquidation judiciaire et cette procédure a été clôturée pour insuffisance d'actif par jugement du 15 mai 2008.

Au cours de l'année 2010, M. et Mme [G] ont constaté l'apparition d'une fissure entre la dalle de la véranda et la maison et ont déclaré ce sinistre à la société Axa France par lettre du 16 novembre 2010 ; le 25 novembre 2011, après avoir diligenté une expertise, l'assureur a dénié sa garantie au motif que les travaux de maçonnerie réalisés par la société Lebaron et fils ne faisaient pas partie des activités assurées.

Par acte d'huissier du 29 janvier 2016, M. et Mme [G] ont fait assigner la société Axa France devant le tribunal de grande instance de Versailles ; par jugement avant dire droit du 4 août 2016, une expertise a été ordonnée ; l'expert a déposé son rapport le 4 mars 2019.

Par jugement en date du 17 mars 2020, le tribunal judiciaire de Versailles, considérant que M. et Mme [G] avaient payé les travaux et avaient pris possession des lieux dès l'abandon du chantier en octobre 2005, qu'une réception tacite était intervenue à cette date et que l'action avait été introduite plus de dix ans plus tard, a déclaré irrecevable l'action de M. et Mme [G] et les a condamnés aux dépens.

*

Le 27 mars 2020, M. et Mme [G] ont interjeté appel de cette décision.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 9 novembre 2021 et l'affaire a été fixée à l'audience de la cour du 4 avril 2022, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

*

Par conclusions déposées le 22 décembre 2020, M. et Mme [G] demandent à la cour de réformer le jugement déféré, de déclarer leur action recevable et de condamner la société Axa France au paiement de la somme de 69 028,48 euros, revalorisée selon l'évolution de l'indice du coût de la construction depuis le dépôt du rapport d'expertise, outre une indemnité de 5 000 euros et les dépens.

M. et Mme [G] soutiennent que, compte tenu de l'absence de réaction de la société Lebaron et fils à la mise en demeure du 6 janvier 2006, ils ont emménagé dans la véranda au mois de février suivant ; ils contestent l'existence d'une réception tacite à la date de l'abandon du chantier par l'entreprise ; ils invoquent l'effet interruptif de prescription du jugement ordonnant l'expertise, en soutenant que ce jugement a déclaré leur action recevable et qu'il est définitif ; au surplus, la société Axa France aurait reconnu leur droit en participant aux opérations d'expertise. Ils soutiennent également que la déclaration de sinistre a interrompu la prescription.

M. et Mme [G] invoquent la responsabilité décennale des constructeurs et la responsabilité contractuelle et soutiennent que la société Axa France doit sa garantie à ces deux titres. Pour l'évaluation de leur préjudice, ils se réfèrent au rapport d'expertise.

Ils reprochent également à la société Axa France d'avoir commis une faute en délivrant une attestation d'assurance inexacte, ne permettant pas de constater l'absence d'assurance pour l'activité d'installation d'une véranda ; ils soutiennent que l'assureur a ainsi engagé sa responsabilité à leur égard.

Par conclusions déposées le 17 février 2021, la société Axa France demande à la cour de confirmer le jugement déféré ou, subsidiairement, de réduire le montant de l'indemnisation réclamée par M. et Mme [G] ; elle sollicite une indemnité de 6 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Axa France fait valoir que les travaux ont été facturés le 22 septembre 2005 et qu'ils ont été intégralement payés ; la prise de possession aurait été possible dès cette date. L'action de M. et Mme [G] serait donc prescrite, faute de tout acte interruptif accompli dans le délai de dix ans ayant suivi le mois d'octobre 2005.

Quant au fond, la société Axa France fait valoir que, conformément au contrat d'assurance, les seules activités assurées étaient la menuiserie, la serrurerie ainsi que les murs rideaux et verrières. Les désordres affectant un ouvrage de maçonnerie ne seraient donc pas couverts. La société Axa France ajoute que la garantie responsabilité civile ne couvre pas les dommages affectant les travaux de l'assuré, que la réclamation est postérieure à la résiliation de la police et que M. et Mme [G] ne démontrent pas une faute commise par la société Lebaron et fils. La société Axa France invoque également l'existence d'une cause étrangère résultant de l'action de racines qui auraient percé des canalisations, générant des arrivées d'eau qui auraient modifié la tenue mécanique du sol.

En ce qui concerne sa propre responsabilité, la société Axa France indique que l'attestation d'assurance émise en 2003 était exacte et qu'il appartenait aux maîtres de l'ouvrage de se renseigner sur les activités déclarées par l'entreprise, auxquelles l'attestation renvoyait expressément ; en tout état de cause, l'action de M. et Mme [G] aurait été prescrite même si l'assureur avait été tenu de garantir les dommages.

Quant aux montants réclamés, la société Axa France relève que M. et Mme [G] ne justifient pas des frais d'investigation qu'ils auraient exposés et qu'ils calculent à tort la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 20 %. Enfin, elle invoque l'existence d'une franchise contractuelle.

MOTIFS

Sur l'action directe contre l'assureur

Conformément aux articles 1792-4-1 et 1792-4-3 du code civil, tant l'action fondée sur la responsabilité décennale des constructeurs que les autres actions en responsabilité contre ces mêmes constructeurs se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux.

Selon le premier alinéa de l'article 1792-6 du code civil, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves.

En l'espèce, il résulte des termes mêmes de la lettre de M. et Mme [G] à la société Axa France en date du 13 janvier 2016, que les travaux confiés à la société Lebaron et fils « ont été terminés en octobre 2005 » ; le 22 septembre 2005, la société Lebaron et fils a émis sa dernière facture, pour le paiement du solde du prix des travaux, tel que convenu par le devis descriptif accepté par les maîtres de l'ouvrage, et ceux-ci ont payé ce solde de prix.

Il résulte des constatations de l'expert que la propriété de M. et Mme [G], dont l'adresse postale est au [Adresse 1], est cependant accessible uniquement par l'impasse de la Blanchisserie, que la véranda est accolée à la façade ouest de la maison et que s'y trouve la porte d'entrée de la maison où habitent les maîtres de l'ouvrage. Le tribunal a donc considéré à juste titre que ceux-ci avaient nécessairement pris possession de l'ouvrage du fait de son utilisation depuis la fin des travaux.

L'existence d'une telle prise de possession est d'ailleurs corroborée par le paiement du prix intégral des travaux et les termes de la lettre du 6 janvier 2006, qui démontrent l'utilisation par M. et Mme [G] de la véranda dont ils ont constaté que la porte ne pouvait être verrouillée et pour laquelle ils ont éprouvé le besoin de faire réaliser « en urgence » le remplacement du câble d'alimentation électrique dont la puissance était insuffisante.

En outre, cette lettre du 6 janvier 2006 ne remet pas en cause les travaux réalisés par la société Lebaron et fils mais se contente de mettre en demeure celle-ci de procéder à quelques finitions, telles que la pose d'éléments destinés à protéger les maçonneries extérieures et de prises électriques, outre une serrure sur la porte. Cette lettre manifeste ainsi la volonté non équivoque de M. et Mme [G] d'accepter l'ouvrage, avec des réserves que la société Lebaron et fils est mise en demeure de lever.

Ainsi, la réception est intervenue au plus tard le 6 janvier 2016.

Dès lors, le tribunal a considéré à juste titre que l'action introduite le 29 janvier 2016 se heurtait à la prescription, qu'elle soit fondée sur la responsabilité décennale du constructeur ou sur la responsabilité contractuelle de la société Lebaron et fils à l'égard de M. et Mme [G].

Le jugement du 4 août 2016, postérieur à l'expiration du délai de prescription n'a pu avoir pour effet d'interrompre celle-ci. En outre, M. et Mme [G] soutiennent à tort que ce jugement avant dire droit a statué sur la recevabilité de leur action, alors que, d'une part, son dispositif ne contient aucune disposition en ce sens, mais se borne à ordonner une mesure d'expertise et un sursis à statuer sur l'ensemble des demandes, et que, d'autre part, le tribunal, qui n'était saisi d'aucun moyen de défense, n'a examiné dans les motifs de sa décision aucune fin de non-recevoir. Enfin, la participation de l'assureur aux opérations d'expertise ne caractérise aucune renonciation à se prévaloir de la forclusion de l'action contre son assurée.

Sur l'action en responsabilité contre l'assureur

La recevabilité de l'action

Conformément à l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, M. et Mme [G] ont agi en responsabilité contre la société Axa France moins de cinq ans après le dire adressé à l'expert judiciaire le 25 novembre 2016, par lequel la société Axa France a communiqué les conditions particulières du contrat d'assurance souscrit auprès d'elle par société Lebaron et fils.

La société Axa France ne démontre pas qu'avant ce dire, M. et Mme [G] avaient eu connaissance d'une éventuelle discordance entre l'attestation d'assurance et les garanties souscrites par la société Lebaron et fils.

Elle est donc mal fondée à contester la recevabilité de l'action en responsabilité à son encontre.

Le fond

Selon les anciens articles 1382 et 1383 du code civil, applicables à la date de la délivrance de l'attestation d'assurance litigieuse, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, et chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

M. et Mme [G] critiquent l'attestation d'assurance délivrée à la société Lebaron et fils par la société Axa France, et reprochent à celle-ci un manquement à son devoir d'information, mais les désordres dont ils demandent réparation ne sont pas une conséquence directe et certaine de la délivrance d'une attestation par l'assureur ou d'une omission à cette occasion.

En outre, la société Axa France fait valoir à juste titre que l'échec du recours de M. et Mme [G] est sans lien avec un éventuel défaut d'exactitude de l'attestation d'assurance. Les maîtres de l'ouvrage ne peuvent donc invoquer une perte de chance d'être indemnisés par l'assureur en raison d'un défaut d'exactitude de l'attestation délivrée par celui-ci.

Dès lors, en tout état de cause, le préjudice invoqué est sans lien avec la faute alléguée et il convient, en conséquence, de débouter M. et Mme [G] de leur action fondée sur la responsabilité délictuelle de la société Axa France à leur égard.

Sur les dépens et les autres frais de procédure

M. et Mme [G], qui succombent, ont été à juste titre condamnés aux dépens de première instance. Ils seront également condamnés aux dépens d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile. Les dépens pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du même code.

Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Le premier juge a fait une application équitable de ces dispositions ; les circonstances de l'espèce justifient de condamner M. et Mme [G] à payer à la société Axa France une indemnité de 2 000 euros au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d'appel ; ils seront eux-mêmes déboutés de leur demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement déféré ;

Y ajoutant,

DÉCLARE recevable l'action en responsabilité de M. et Mme [G] contre la société Axa France ;

DÉBOUTE M. et Mme [G] de leur action fondée sur la responsabilité délictuelle de la société Axa France ;

CONDAMNE M. et Mme [G] aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Axa France une indemnité de 2 000 euros, par application de l'article 700 du code de procédure civile, et les déboute de leur demande à ce titre.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Emmanuel ROBIN, Président et par Monsieur Boubacar BARRY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 20/01866
Date de la décision : 23/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-23;20.01866 ?
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