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17/05/2022 | FRANCE | N°20/02495

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 17 mai 2022, 20/02495


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





1ère chambre 1ère section







ARRÊT N°







CONTRADICTOIRE

Code nac : 91Z





DU 17 MAI 2022





N° RG 20/02495

N° Portalis DBV3-V-B7E-T4BY



AFFAIRE :



Epoux [M]

C/

Le DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Mai 2020 par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE



N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 17/07221



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-Me Claire QUETAND- FINET,



-la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 91Z

DU 17 MAI 2022

N° RG 20/02495

N° Portalis DBV3-V-B7E-T4BY

AFFAIRE :

Epoux [M]

C/

Le DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Mai 2020 par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 17/07221

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-Me Claire QUETAND- FINET,

-la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [S] [M]

né le [Date naissance 5] 1939 à [Localité 6]

de nationalité Française

et

Madame [X] [Y] épouse [M]

née le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 11] (POLOGNE)

de nationalité Française

demeurant tous deux [Adresse 2]

TEL-AVIV - ISRAËL

représentés par Me Claire QUETAND-FINET, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 678

Me David SULTAN de la SELEURL SULTAN AVOCATS, avocat - barreau de PARIS

APPELANTS

****************

Monsieur le DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS

agissant sous l'autorité du Directeur général des Finances publiques

Pôle Fiscal Parisien 1 - Pôle juridictionnel Judiciaire

[Adresse 4]

[Localité 6]

représenté par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 2064124

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Mars 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

FAITS ET PROCÉDURE

M. [S] [M] et Mme [X] [Y] épouse [M], de nationalité française, ont souscrit les déclarations modèle 2042-C en application de l'article 885 W.I.2 du code général des impôts pour les années 2015 et 2016, leur patrimoine net imposable au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) étant inférieur à la somme de 2 570 000 euros.

M. et Mme [M] ont déclaré une base nette imposable de 2 243 476 euros pour 2015 et de 1 651 587 euros pour 2016 au titre de l'ISF.

Ils ont acquitté le montant des impositions correspondantes s'élevant respectivement à 9 104 euros et 4 961 euros.

Par lettres du 10 novembre 2016, ils ont formé une réclamation au service des impôts des particuliers de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) aux termes desquelles ils sollicitaient la décharge de ces droits, faisant valoir que :

* ils avaient omis de procéder à une décote de 20 % sur la valeur de leur maison située à [Localité 8], dans l'Oise, à raison de sa détention en indivision,

* cet actif immobilier avait été surévalué dans leurs déclarations initiales,

* ils auraient par ailleurs dû bénéficier d'un crédit d'impôt à raison du paiement de la property tax sur la maison qu'ils détiennent en Floride,

* la valeur de leurs meubles meublants garnissant cette dernière, initialement déclarée pour 100 000 euros, devait être ramenée à 10 000 euros en considération de la nature de ces meubles.

Par lettre du 12 avril 2017, cette demande a été rejetée par l'administration fiscale.

Par acte introductif d'instance du 17 juillet 2017, M. et Mme [M] ont saisi le tribunal judiciaire de Nanterre de leur contestation.

Par jugement contradictoire rendu le 14 mai 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- Annulé partiellement la décision du 12 avril 2017 par laquelle la Direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris a rejeté la réclamation de M. [S] [M] et Mme [X] [M] relative à l'impôt de solidarité sur la fortune dont ils sont redevables au titre des années 2015 et 2016, en ce que :

elle n'a pas appliqué à la valeur déclarée de 1 400 000 euros pour la maison sise à [Localité 8] (60), un abattement de 20 % au titre de l'indivision, venant s'ajouter à l'abattement de 20 % initialement accordé au titre de la location de ce bien, portant sa valeur nette imposable à la somme de 896 000 euros,

elle n'a pas fait droit à la demande de révision des meubles meublant la maison détenue par M. [S] [M] et Mme [X] [M] en Floride à hauteur de 10 000 euros,

- prononcé le dégrèvement des impositions litigieuses à due concurrence de ces révisions,

- confirmé la décision déférée dans tous ses autres chefs et, en conséquence,

- débouté M. [S] [M] et Mme [X] [M] du surplus de leurs demandes,

- condamné le Directeur général des finances publiques, poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris, à payer à M. [S] [M] et Mme [X] [M] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné le Directeur général des finances publiques, poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris, à rembourser à M. [S] [M] et Mme [X] [M] les dépens mentionnés à l'article R. 207-1 du livre des procédures fiscales.

M. [S] [M] et Mme [X] [Y] épouse [M] ont interjeté appel de ce jugement le 11 juin 2020 à l'encontre de la direction générale des finances publiques.

Par d'uniques conclusions notifiées le 8 septembre 2020, M. [S] [M] et Mme [X] [Y] épouse [M], auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, demandent à la cour, au visa des articles 885 A et suivants du code général des impôts, 23, alinéa 1er, de la convention fiscale franco-américaine, de :

- les déclarer recevables et bien fondés en leurs demandes ;

- infirmer le jugement rendu le 14 mai 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu'il annule partiellement la décision du 12 avril 2017 de la Direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris et confirmer les moyens accueillis par le tribunal ;

- les recevoir en leurs demandes de réévaluation de leur patrimoine au titre des déclarations ISF des années 2015 et 2016 ;

- déclarer non fondée la décision de rejet de leurs réclamations émanant du Pôle de contrôle des revenus et du patrimoine de Neuilly-sur-Seine du 12 avril 2017 reçue le 26 mai 2017 ;

- déclarer leur patrimoine au titre de l'ISF 2015 et 2016 surévalué et en tirer toutes les conclusions ;

- leur rembourser les sommes perçues indûment pour leur ISF 2015 et 2016 et tous les frais y afférents ;

- condamner le Pôle de contrôle des revenus et du patrimoine de Neuilly-sur-Seine à leur payer la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral subi ;

- condamner le Pôle de contrôle des revenus et du patrimoine de Neuilly-sur-Seine, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à leur payer la somme de 3 000 euros, au titre des frais non compris dans les dépens ;

- condamner le Pôle de contrôle des revenus et du patrimoine de Neuilly-sur-Seine aux dépens.

Par d'uniques conclusions notifiées le 7 décembre 2020, l'Etat, représenté par le Directeur général des finances publiques, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, demande à la cour de :

- dire et juger M. [S] [M] et Mme [X] [Y] épouse [M] mal fondés en leur appel du jugement rendu le 14 mai 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre ;

- confirmer le jugement rendu le 14 mai 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre ;

- Débouter M. [S] [M] et Mme [X] [Y] épouse [M] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner M. [S] [M] et Mme [X] [Y] épouse [M] en tous les dépens de première instance et d'appel dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamner M. [S] [M] et Mme [X] [Y] épouse [M] à verser à l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 6 juin 2021.

SUR CE, LA COUR,

Sur les limites de l'appel,

M. et Mme [M] poursuivent l'infirmation du jugement en ce qu'il annule partiellement la décision du 12 avril 2017 de la Direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris et la confirmation du jugement sur les moyens qu'il accueille.

Ils demandent à la cour de retenir que l'administration fiscale a surévalué leur patrimoine au titre de l'ISF 2015 et 2016 et de déclarer non fondée la décision de rejet de leurs réclamations émanant du Pôle de contrôle des revenus et du patrimoine de [Localité 10] du 12 avril 2017 reçue le 26 mai 2017 ; de déclarer leur patrimoine au titre de l'ISF 2015 et 2016 surévalué et en tirer toutes les conclusions et leur rembourser les sommes perçues indûment pour leur ISF 2015 et 2016 et tous les frais y afférents.

En définitive et à la lumière des motifs de leurs conclusions, M. et Mme [M] réitèrent les critiques développées devant le premier juge et maintiennent leurs demandes telles que formulées en première instance, accueillies seulement partiellement par le premier juge.

M. le Directeur général des finances publiques poursuit la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.

Il s'ensuit que, dans l'hypothèse où la cour ne ferait pas droit à l'appel de M. et Mme [M], le jugement en ce qu'il :

- annule partiellement la décision du 12 avril 2017 par laquelle la Direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris a rejeté la réclamation de M. [S] [M] et Mme [X] [M] relative à l'impôt de solidarité sur la fortune dont ils sont redevables au titre des années 2015 et 2016, en ce que :

elle n'a pas appliqué à la valeur déclarée de 1 400 000 euros pour la maison sise à [Localité 8] (60), un abattement de 20 % au titre de l'indivision, venant s'ajouter à l'abattement de 20 % initialement accordé au titre de la location de ce bien, portant sa valeur nette imposable à la somme de 896 000 euros,

elle n'a pas fait droit à la demande de révision des meubles meublant la maison détenue par M. [S] [M] et Mme [X] [M] en Floride à hauteur de 10 000 euros,

- prononce le dégrèvement des impositions litigieuses à due concurrence de ces révisions,

sera devenu irrévocable.

Sur la valeur initialement déclarée du bien situé à [Localité 8] (Oise)

La maison de [Localité 8] est constituée de 14 pièces et dépendances représentant selon les dires de M. et Mme [M], une superficie de 489 m², construite en 1978 sur un terrain de 18 000 mètres carrés, valeur qu'ils ont déclarée eux-mêmes au titre de l'ISF pour les années 2015 et 2016 pour un montant de 1 400 000 euros, ramené à 1 200 000 euros après abattement de 20% à raison du bail consenti sur ce bien.

Se fondant sur les dispositions des articles 885 D et 761 du code général des impôts, R.194-1 du livre des procédures fiscales, le tribunal a rappelé qu'il revient à M. et Mme [M] de démontrer la surévaluation de cet actif dans leur déclaration initiale.

Le tribunal, après avoir exposé les termes de comparaison invoqués par M. et Mme [M] qui leur permettraient de soutenir que la valeur vénale de leur bien devait être rectifiée pour passer à 810 000 euros au titre de l'année 2015 et 720 000 euros au titre de l'année 2016, a relevé que le bien constituant l'assiette de l'imposition ne présentait pas la superficie déclarée de manière erronée de 489 m², mais en réalité celle de 600 m² tel qu'il résulte de l'acte de vente et de l'acte portant affectation hypothécaire de l'immeuble, actes reçus par notaire en la forme authentique (pièces 7 et 8 produites par les appelants).

Il a en outre relevé que, peu important la pertinence de la superficie revendiquée, les termes de comparaison avancés pour conclure à une surévaluation de sa valeur ne présentaient aucune similitude avec ce bien, tant au regard du nombre de pièces qu'au regard des surfaces habitables ou celles des terrains.

Il en a conclu que la preuve du caractère exagéré de l'estimation faite par eux initialement n'était pas rapportée et, par voie de conséquence, que la demande de rectification de ce chef devait être rejetée. Il a dès lors retenu que la valeur initialement déclarée à hauteur de 1 400 000 euros constituait l'assiette de référence de l'imposition au regard de ce bien.

' Moyens des parties

M. et Mme [M] font valoir, en substance, que les termes de comparaison qu'ils ont utilisés pour établir l'estimation du bien litigieux ne peuvent constituer un critère de valorisation qu'en ce qui concerne l'ISF 2016.

En revanche, s'agissant de l'ISF 2015, ils indiquent avoir procédé à une nouvelle évaluation en tenant compte des ventes réalisées au cours de l'année 2014 et proposent les termes de comparaison suivants :

'Vente d'une maison de 1981 le 2 octobre 2014, [Adresse 7]-[Localité 9], 8 pièces (251 mètres carrés, terrain de 4665 mètres carré) : 610 000 euros, soit 2 430.28 euros le mètre carré.

'Vente d'une maison de 1978 le 28 novembre 2014, [Adresse 3] [Localité 9], 6 pièces (220 mètres carrés, terrain de 5207 mètres carré) : 545 000 euros, soit 2 477, 27 euros le mètre carré.

Par conséquent, le prix moyen au mètre carré est, selon eux, de : 4908 / 2 = 2 454 euros.

Ils font dès lors valoir que la valeur vénale du bien situé à [Localité 8] au titre de l'ISF 2015 est de 1 200 006 euros ce qui correspond à 2 454 euros x 489 mètres carrés.

Ils ajoutent qu'il est impossible de trouver un bien immobilier qui présenterait les mêmes critères que le bien litigieux parce que, au regard du flux de transactions dans le périmètre délimité, il serait impossible de trouver un bien exactement similaire qui aurait été cédé au cours des années susvisées. Ils précisent avoir mis en vente ce bien depuis 2010 et n'avoir pas reçu la moindre offre. Ils soutiennent que la charge de la preuve en cas de contestation pèse sur l'administration fiscale, conformément aux dispositions de l'article L.17 du livre des procédures fiscales, et que celle-ci n'a apporté aucun élément de nature à contredire les réévaluations qu'ils proposent.

Ils reprochent encore d'écarter les prix au mètre carré qu'ils proposent tant au titre de l'ISF 2015 que de 2016 aux motifs inopérants, selon eux, qu'ils seraient assis sur le prix de vente d'une partie du bien concerné, soit la vente d'une maison de 55 m², qui, selon l'administration fiscale, ne présenterait aucune cohérence avec le prix au mètre carré obtenu lors de la vente de ce bien alors que M. et Mme [M] ont mis en vente le bien concerné au prix d'un million d'euros, soit en dessous de la valeur vénale hors abattement estimé au titre de l'ISF 2015 et 2016 et qu'aucune offre ne leur a été transmise. Ils ajoutent qu'ils ne souhaitent pas brader ce bien qui a une valeur sentimentale pour eux.

En définitive, ils maintiennent leurs demandes formulées en première instance et font valoir que la valeur vénale de leur bien, rectifiée par rapport à la valeur qu'ils avaient eux-mêmes déclarée au titre de l'ISF 2015 et 2016 d'un montant de 1 400 000 euros ramené à 1 120 000 euros après abattement à raison d'un bail consenti sur ce bien, doit être fixée au montant de 810 000 euros au titre de l'année 2015 et de 720 000 euros au titre de l'année 2016.

M. le Directeur général des finances publiques sollicite la confirmation du jugement de ce chef. Il rappelle que la valeur vénale d'un bien immobilier qui constitue l'assiette de l'ISF est sa valeur vénale au 1er janvier de l'année d'imposition ; qu'il s'agit d'une valeur objective qui ne tient pas compte des circonstances propres à la situation personnelle des parties ; qu'elle doit être appréciée en tenant compte de tous les éléments permettant d'obtenir un chiffre aussi proche que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande (Cass. com 23 oct 1984 ' n° 83 12568). Il précise qu'elle doit être estimée par référence à des biens intrinsèquement similaires reflétant la réalité du marché.

Au cas d'espèce, il relève que les termes de comparaison cités par M. et Mme [M] ne sont pas similaires tant au regard de la superficie de l'immeuble (les termes de comparaison sont compris entre 207 et 251 m²) que de celle du terrain (lorsqu'elle est indiquée la superficie du terrain ne dépasse pas 5207 m²). Il ajoute que ces mêmes biens ne sont pas comparables quant au nombre de pièces (14 pour le bien à évaluer). Enfin, il relève qu'un immeuble construit en 1958, soit 20 ans plus tôt, n'est pas comparable tant en terme de qualité de construction, d'éléments de confort ou d'agencement des pièces à un bien construit en 1978.

Dans ces conditions, il affirme que les demandeurs ne démontrent pas l'exagération de la valeur vénale de 1 200 000 euros initialement déclarée par eux-mêmes après application d'un abattement de 20 % pour location.

Il souligne que, au surplus, il convient de relever, s'agissant de la superficie déclarée par M. et Mme [M], que selon les actes produits par les demandeurs eux-mêmes, la superficie habitable n'est pas de 489 m² comme ils le déclarent, mais de 600 m² non compris la maison de gardien (pièces appelants n° 7 et 8). Il en conclut que la nouvelle évaluation calculée par M. et Mme [M] sur la base de 489 m² ne saurait en tout état de cause être retenue. Il observe que le tribunal a exactement constaté que les requérants ne rapportaient pas la preuve du caractère exagéré de l'estimation initiale faite par leurs soins de sorte que la cour devra confirmer le jugement entrepris sur ce point.

' Appréciation de la cour

Selon l'article 885 D du code général des impôts, l'impôt de solidarité sur la fortune est assis et les bases d'imposition déclarées selon les mêmes règles et sous les mêmes sanctions que les droits de mutation par décès.

L'article 761 du même code dispose que, pour la liquidation des droits de mutations à titre gratuit, les immeubles, quelle que soit leur nature, sont estimés d'après leur valeur vénale réelle à la date de la transmission, selon la déclaration détaillée et estimative des parties, l'application de ces dispositions à l'impôt de solidarité sur la fortune conduisant à retenir la date du fait générateur de l'imposition, soit le 1er janvier de l'année de référence.

L'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales (souligné par la cour) précise que, lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable, celui-ci peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition en démontrant son caractère exagéré, les dispositions de l'article L. 17, qui imposent à l'administration d'apporter la preuve de l'insuffisance des prix exprimés et des évaluation fournies ne jouant qu'autant que celle-ci est à l'origine de la rectification.

Il résulte ainsi expressément des dispositions susvisées que la charge de la preuve du caractère surévalué du bien concerné ne pèse pas sur l'administration fiscale qui n'est pas à l'origine de la rectification, mais sur M. et Mme [M] qui demandent à rectifier l'évaluation qu'ils avaient eux-mêmes proposée.

Les termes de comparaison que M. et Mme [M] avancent pour conclure à une surévaluation de la valeur de leur bien, identiques à ceux proposés à l'appréciation du premier juge, ne sont pas pertinents en ce qu'ils ne se rapportent pas à des biens intrinsèquement similaires au bien en cause tant au regard du nombre de pièces que des surfaces habitables ou celles des terrains de sorte que l'évaluation qu'ils proposent ne reflètent pas la valeur de leur bien sur le marché.

En outre, comme l'a pertinemment relevé le tribunal, M. et Mme [M] ne démontrent pas par les éléments de preuve qu'ils produisent que l'estimation initiale, faite par leurs soins, présente un caractère exagéré.

Il s'ensuit que la valeur initialement déclarée à concurrence de 1 400 000 euros sera retenue comme devant constituer l'assiette de référence de l'imposition en ce qui regarde ce bien.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les abattements et les conséquences de l'indivision

Se fondant sur l'article 885 G du code général des impôts, qui dispose que les biens grevés d'un usufruit sont compris dans le patrimoine de l'usufruitier, et comme tels imposables au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune, pour leur valeur en pleine propriété, le tribunal a relevé que l'acte de vente de la maison située à [Localité 8] établissait que M. [M] dispose de cet immeuble en pleine propriété pour moitié, l'autre moitié faisant l'objet d'une indivision dans le cadre de laquelle il s'est vu reconnaître l'usufruit du bien pour cette quotité.

Appliquant les dispositions susvisées, le tribunal a indiqué que cette part d'usufruit devait être déclarée par l'intéressé pour sa valeur vénale en pleine propriété, en plus de la valeur correspondant à la part qu'il détenait en pleine propriété, ce qui devait le conduire à déclarer la valeur totale de l'immeuble de sorte que M. [M] ne pouvait prétendre à aucun abattement autre que celui déjà appliqué au moment de l'imposition à raison de la mise en location de ce bien, à hauteur de 20 %, et celui résultant de l'indivision précitée, à hauteur de 20 %, ce que l'administration admettait devant le tribunal.

En considération de ces abattements, le tribunal a retenu que la part nette imposable de ce bien devait s'établir à la somme de 896 000 euros, un dégrèvement correspondant à la différence qui en résulte d'avec l'imposition recouvrée sur la base de la précédente estimation, qui n'intégrait pas l'abattement de 20 % pour cause d'indivision, devant être accordé.

' Appréciation de la cour

Force est d'observer que cet abattement supplémentaire de 20% en raison de l'indivision qui n'avait pas été retenu initialement par l'administration fiscale ne fait plus l'objet de critique et la confirmation du jugement est sollicitée sur ce point tant par M. et Mme [M] (page 13 de leurs écritures) que par l'intimée.

Le jugement est dès lors devenu irrévocable de ce chef.

Sur la convention fiscale franco-américaine applicable selon M. et Mme [M]

Le tribunal a rejeté la demande de M. et Mme [M] aux fins de bénéficier des effets de la convention franco-américaine du 31 août 1994, modifiée par les avenants du 8 décembre 2004 et 13 janvier 2009, entre le gouvernement de la République française et le gouvernement des États-Unis d'Amérique, en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, aux motifs que :

* les demandeurs ne communiquaient pas le texte fondant l'imposition étrangère qu'ils invoquaient, se bornant à produire un extrait de l'Internal revenue code qui réglemente l'impôt fédéral et ne s'applique donc pas à une imposition locale propre à l'État de Floride ;

* ils ne justifiaient pas davantage s'être acquittés de cette imposition, procédant dès lors par simple affirmation ;

* en toute hypothèse, cette imposition n'entrait pas dans le champ de la convention franco-américaine précitée qui, selon son article 2, paragraphe 1, b), i), ne concerne que les impôts fédéraux sur le revenu prévus par l'Internal revenu code ;

* surabondamment, la property tax prélevée aux États-Unis par les collectivités locales (États, districts, villes) n'était pas de même nature que l'impôt français de solidarité sur la fortune, pour s'apparenter à une imposition foncière, ne frappant, à la différence de l'impôt sur la fortune, qu'un type de bien déterminé, peu important ici le mode de calcul de la valeur, vénale ou locative, de ce bien.

' Appréciation de la cour

La convention franco-américaine du 31 août 1994 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement des Etats-Unis d'Amérique a pour objectif d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.

Son article 2 précise les impôts auxquels s'applique la convention. En ce qui concerne la France, l'ISF est concerné en application de son article 2, paragraphe 1, a), iv.

En ce qui concerne les États-Unis, seuls sont concernés selon son article 2, paragraphe 1, b), i) et ii) :

i) Les impôts fédéraux sur le revenu prévus par l'« Internal Revenue Code » (à l'exclusion des prélèvements de sécurité sociale) ; et

ii) Les droits d'accise sur les primes d'assurance payées à des assureurs étrangers et les droits d'accise concernant les fondations privées.

Cette convention prévoit un mécanisme de compensation énoncé à son article 24, paragraphe 1, sous c) qui précise qu'un résident de France qui possède de la fortune imposable aux Etats-Unis conformément aux dispositions des paragraphes 1, 2 ou 3 de l'article 23 (Fortune) est également imposable en France à raison de cette fortune. L'impôt français est calculé sous déduction d'un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt payé aux Etats-Unis sur cette fortune. Toutefois, ce crédit d'impôt ne peut excéder le montant de l'impôt français correspondant à cette fortune.

L'article 23, paragraphe 1, de cette convention, seul pertinent en l'espèce, précise que :

'1. a) La fortune constituée par des biens immobiliers visés à l'article 6 (Revenus immobiliers) et situés dans un État contractant est imposable dans cet État.

b) La fortune constituée par des actions, parts ou droits dans une société dont l'actif est constitué pour au moins 50 p. 100 de biens immobiliers situés dans un État contractant, ou tire au moins 50 p. 100 de sa valeur, directement ou indirectement, de biens immobiliers situés dans un État contractant, est imposable dans cet État.

c) Si et dans la mesure où l'actif d'une personne autre qu'une personne physique ou une société est constitué de biens immobiliers situés dans un État contractant, ou tire sa valeur, directement ou indirectement, de biens immobiliers situés dans un État contractant, la fortune constituée par des droits dans une telle personne est imposable dans cet État.'

Le terme « fortune » renvoie donc, par l'application combinée des articles 6 et 23, paragraphe 1, de la convention, aux biens et revenus immobiliers situés dans un État contractant et imposable dans cet État. Son emploi n'a pas à lui seul pour effet d'assimiler l'imposition appliquée auxdits biens à l'impôt de solidarité sur la fortune, par ailleurs soumis à la convention, par l'effet de l'article 2, paragraphe 1, a), ii), le jeu de l'article 24 impliquant que l'imposition réalisée aux États-Unis soit de même nature que celle encourue en France et qu'elle entre dans le champ de la convention.

Or, force est de constater que M. et Mme [M] qui poursuivent l'infirmation du jugement de ce chef, sont toujours défaillants dans l'administration de la preuve qui leur incombe en ce qu'ils ne versent aux débats ni le texte américain fondant leur prétention, ni la preuve de l'acquittement de cette imposition aux Etats-Unis, pas plus qu'ils ne démontrent que cette imposition est fédérale et qu'elle est de même nature que l'impôt français de solidarité sur la fortune.

La cour relève que le tribunal avait expressément et exactement explicité son rejet par l'absence de production d'éléments de preuve au soutien de leur affirmation et que M. et Mme [M] persistent dans leur demande en appel sans la moindre preuve au soutien de leur prétention.

Le jugement sera par voie de conséquence confirmé de ce chef.

Sur les meubles meublants

Le tribunal constatant que l'administration fiscale acquiesçait à l'abaissement de la valeur déclarée par M. et Mme [M] de ce chef à la somme de 10 000 euros, un dégrèvement correspondant à cette révision leur a été accordé.

Tant M. et Mme [M] que M. le Directeur général des finances publiques sollicitent la confirmation du jugement sur ce point.

Le jugement est dès lors devenu irrévocable de ce chef.

Sur les dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral

Pour rejeter cette demande, le premier juge a d'abord rappelé les termes de l'article L. 207 du livre des procédures fiscales qui dispose que lorsqu'une réclamation contentieuse est admise en totalité ou en partie, le contribuable ne peut prétendre à des dommages-intérêts ou à des indemnités quelconques, à l'exception des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208.

Il a ensuite relevé que M. et Mme [M] ne précisaient ni le fondement de leur demande ni ne versaient aux débats des éléments de preuve de nature à justifier leur prétention.

' Appréciation de la cour

Force est de constater qu'en cause d'appel, M. et Mme [M] se bornent à réitérer leur demande sans préciser le fondement de celle-ci et sans produire la moindre preuve de nature à justifier le bien-fondé de cette demande.

Cette demande manifestement injustifiée ne saurait être accueillie et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

M. et Mme [M], parties perdantes en appel, supporteront les dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Par voie de conséquence, l'équité ne commande pas que leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile soit accueillie.

Il apparaît en revanche équitable d'allouer à M. le Directeur général des finances publiques la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a dû engager en appel pour assurer sa défense.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

Dans les limites de l'appel,

CONFIRME le jugement ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. et Mme [M] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. et Mme [M] à verser à l'Etat, représenté par le Directeur général des finances publiques, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 20/02495
Date de la décision : 17/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-17;20.02495 ?
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