COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 11 MAI 2022
N° RG 19/03889
N° Portalis DBV3-V-B7D-TQYY
AFFAIRE :
SASU CLINIQUE [4]
C/
[C] [O]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Septembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Boulogne-Billancourt
N° Section : Encadrement
N° RG : 17/01602
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
- Me Valérie BEBON
- Me Nicolas SANFELLE
Copie numérique certifiée conforme délivrée à :
- Pôle emploi
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE ONZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant fixé au 15 décembre 2021 puis prorogé au 19 janvier 2022 puis prorogé au 16 février 2022 puis prorogé au 30 mars 2022 puis prorogé au 11 mai 2022 les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :
SASU CLINIQUE [4]
N° SIRET : 311 058 788
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représentée par Me Valérie BEBON de la SELARL INTER-BARREAUX BLB ET ASSOCIES AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0002
APPELANTE
****************
Madame [C] [O]
née le 11 Août 1966 à [Localité 6] (09), de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Nicolas SANFELLE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 445 substitué par Me Ivana COURSEAU, avocat au barreau de VERSAILLES
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 octobre 2021 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Jean-Yves PINOY, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Régine CAPRA, Présidente,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Perrine ROBERT, Vice-président placé,
Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL,
FAITS ET PROCÉDURE,
Madame [C] [O] a été engagée par la SAS Clinique [4] en qualité de responsable administratif et financier par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 14 décembre 2015.
En parallèle, Mme [O] a également été engagée par la société Clinique [7], située à [Localité 5], au même poste à temps partiel. Les deux cliniques font partie du groupe Ramsay Générale de Santé.
La convention collective applicable est celle de l'hospitalisation privée.
Par courrier remis en main propre le 12 mai 2017, la société a convoqué Mme [O] à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé au 24 mai 2017, convocation assortie d'une mise à pied à titre conservatoire.
Par courrier recommandé du 29 mai 201 7, la société a notifié à Mme [O] son licenciement pour insuffisance professionnelle.
Mme [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt le 13 décembre 2017 afin de contester son licenciement et d'obtenir le versement de diverses sommes.
Par jugement du 19 septembre 2019, auquel la cour renvoie pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt a :
- dit et jugé que le licenciement de Mme [O] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,
- condamné la SAS Clinique [4] à lui verser les sommes de :
- 40 000 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-10 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral lié aux circonstances vexatoires du licenciement,
-18 119,02 euros au titre du réajustement et solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
-1 000 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile,
- débouté la société de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la société aux entiers dépens.
La société Clinique [4] a interjeté appel de cette décision le 24 octobre 2019.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 07 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la société Clinique [4], appelante, demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la Clinique [4] à verser à Mme [O] 40 000 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 10 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral lié aux circonstances vexatoires du licenciement, 18 119,02 euros nets au titre du réajustement et solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement, 1 000 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- juger que le licenciement notifié à Mme [O] repose sur une cause réelle et sérieuse,
- débouter en conséquence Mme [O] de sa demande indemnitaire afférente,
- à titre subsidiaire, rapporter à de plus justes proportions le montant des dommages-intérêts alloués a Mme [O],
- juger l'absence de tout caractère vexatoire de la procédure de licenciement,
- débouter en conséquence Mme [O] de sa demande indemnitaire afférente,
- à titre subsidiaire, rapporter à de plus justes proportions le montant des dommages-intérêts alloués a Mme [O],
- juger que l'ancienneté de Mme [O] doit être fixée au 14 décembre 2015,
- débouter en conséquence Mme [O] de sa demande de rappel d'indemnité de licenciement,
- condamner Mme [O] à 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en l'état des frais irrépétibles exposés,
- condamner Mme [O] aux entiers dépens.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 07 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, Mme [O], intimée, demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement,
- débouter la Clinique [4] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la Clinique [4] à verser à Mme [O] la somme de 2 000 euros nets au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la Clinique [4] aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 13 octobre 2021.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nature du licenciement
A l'appui de son appel, le SASU Clinique [4] fait valoir que le licenciement pour insuffisance professionnelle de Mme [O] est justifié et repose sur douze griefs concrets et vérifiables, repris dans la lettre de licenciement de la salariée du 29 mai 2017.
Il énonce que la salariée dans son rôle de directeur administratif avait pour mission de décliner la politique financière, comptable et fiscale en répondant aux enjeux opérationnels d'établissements selon les règles et méthodes définies par le Groupe. Il indique Mme [O] a fait preuve d'un manque de rigueur dans l'exercice de ses missions et a eu un management inadapté ne permettant pas à ses équipes d'assurer efficacement les tâches qui leur incombaient.
Il soutient que l'expérience professionnelle de la salariée aurait dû lui permettre de remplir de façon efficiente ses missions et que malgré une aide apportée par le Directeur administratif de pôle, les recrutements réalisés pour remplacer les absences, et l'intervention du centre de service partagé, des insuffisances professionnelles récurrentes dans l'exercice de ses missions ont été relevées.
Il indique avoir constaté, après un audit réalisé du 12 au 16 décembre 2016, que des opérations comptables essentielles n'avaient pas été satisfaites, le tableau mensuel présentant les soldes débiteurs des praticiens les plus importants n'ayant pas été réalisé, des rapprochements bancaires de la comptabilité mandataire également, ainsi que des rapprochements entre la comptabilité mandataire et la comptabilité auxiliaire. Il soutient qu'il n'y pas eu de remise en banque d'espèces alors qu'une recommandation prévoyait que cela soit effectué toutes les 2 semaines, ni aucun inventaire des immobilisations réalisées depuis plusieurs années.
Il reproche à la salariée un non suivi et non-paiement des avis à tiers détenteurs (ATD), des incohérences des remontées sous liasses de consolidation, un non-respect récurrent des procédures Groupe faussant les durées moyennes de règlement (DMR).
Enfin, il reproche à Mme [O] un management inadapté qui s'est traduit par une absence de lien de confiance avec ses équipes permettant la réalisation d'un travail efficace.
Mme [O] soutient que les motifs invoqués ne lui sont pas imputables. Elle indique avoir depuis son embauche, subi une forte charge de travail la contraignant à travailler les week-ends et jours fériés. A son arrivée, elle fait valoir que la clinique se trouvait dans une situation catastrophique liée à des mois de retard dans la comptabilité, une véritable désorganisation ainsi qu'un personnel sous qualifié et non formé. Les mutuelles mandataires n'étaient plus comptabilisées depuis le mois d'août 2015.
La salariée indique avoir consigné ses constatations dans un état des lieux du 18 décembre 2015, auquel était joint un plan d'action adressés à sa hiérarchie. Elle identifiait alors un probable détournement de fonds par la révélation de fausses facturations et en alertait son employeur.
Elle dressait également la liste des tâches qui n'avaient pas été effectuées depuis plusieurs mois.
Elle soutient que les dysfonctionnements relevés par l'audit du mois de décembre 2016 préexistaient ainsi à son arrivée et que les étalements de charges sur plusieurs mois avaient été faits avec le consentement de la Direction Générale et demeuraient conformes aux procédures comptables, dans la mesure où ils avaient été réalisés avant la clôture de l'exercice.
La salariée conteste l'absence de contrôles et précise que suite aux préconisations de l'audit de décembre 2016, ceux-ci ont été mis en place dès janvier 2017.
Sur le non suivi et ajustement des comptes de bilan, elle rappelle que dès son arrivée, elle a fait état d'anomalies, préconisé un audit et mis en place une procédure permettant de rattraper les multiples erreurs commises en 2015.
Pour les rapprochements bancaires et ceux de la comptabilité mandataire comme de la comptabilité auxiliaire, elle souligne que le poste en charge de la comptabilité client a été supprimé et indique qu'elle avait elle-même constaté, lors de son arrivée à la clinique, que ceux-ci n'avaient pas été faits depuis novembre 2015 et que ceux antérieurs étaient faux.
Pour les reporting mensuels non fiables, la salariée fait valoir que ceux-ci dépendaient entre autres, de la qualité des provisions transmises par le service ressources humaines, lesquels n'étaient pas fiables en raison d'écritures de paie fausses. Le logiciel de gestion des achats produisait également des informations inexactes en raison de commandes mal validées.
Sur le non suivi et non-paiement des avis à tiers détenteurs (ATD), l'intimée indique avoir mis en place une procédure permettant de mettre un terme à cette situation par un suivi individualisé, laquelle n'a cependant pas permis de régulariser des anomalies antérieures, notamment en raison de l'absence de transmission des informations nécessaires par le service Ressources Humaines.
Elle soutient avoir toujours rempli mensuellement la partie DMR et considère les reproches de son employeur infondés.
Sur les incohérences des remontées sous liasses de consolidation non fiables, elle souligne que ce reproche est infondé dès lors qu'il aurait nécessité que les informations transmises ne soient pas erronées.
Elle indique avoir toujours communiqué les documents demandés dans les délais.
A propos du management inadapté reproché par son employeur, la salariée le conteste et relève qu'il repose sur une attestation délivrée plus de 15 mois après son départ de la société et dont les faits dénoncés ne sont pas spécifiés dans la lettre de licenciement reçue.
Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, auquel il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles et si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi, l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
L'insuffisance professionnelle constitue une inaptitude du salarié à exécuter correctement les tâches et missions qui lui sont confiées, elle ne revêt pas de caractère fautif. Ainsi, pour que l'insuffisance professionnelle constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, l'insuffisance reprochée doit être étayée par des faits objectifs établis.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est rédigée comme suit :
'Nous vous informons par la présente que nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour insuffisance professionnelle.
Nous vous rappelons les faits qui nous amènent à prendre cette décision :
Vous occupez la fonction de Responsable Administratif et Financier depuis le 14 décembre 2015 au sein de la Clinique [4].
Il relève de vos missions de décliner la politique financière, comptable et fiscale en répondant aux enjeux opérationnels d'établissements selon les règles et méthodes définies par le Groupe.
A ce titre, vous êtes responsable de la tenue des comptes, vous devez établir les documents comptables légaux et vous êtes le garant de la qualité de la fiabilité des informations financières.
Cependant, et bien que le Directeur administratif et financier de pôle vous a apporté une aide et un soutien régulier avec mon assentiment, notamment grâce à des remplacements pour pallier aux absences de membres de votre équipe, à l'intervention du Centre de Service Partagé pour organiser au mieux le travail notamment concernant la comptabilité Clients etc..., à la mise en 'uvre de plans d'action suite aux audits, nous constatons des insuffisances professionnelles récurrentes dans l'exercice de vos différentes missions.
Vous manquez de rigueur dans le suivi de la comptabilité et dans le respect des procédures Groupe.
De nombreuses et essentielles opérations comptables ne sont pas satisfaites :
Etalements des charges sur plusieurs mois dans les situations mensuelles comptables non conformes aux procédures comptables
Un certain nombre de contrôles critiques qui devaient être réalisés tous les mois n'ont pas été faits ou revus ;
Non suivi et ajustements des comptes de bilan
Les rapprochements bancaires de la comptabilité mandataire ne sont pas réalisés et sont déséquilibrés (exemple : des écritures non rapprochées en comptabilité datant de novembre 2015). Le rapprochement bancaire de la comptabilité mandataire doit être réalisé a minima tous les 2 mois, et tout écart doit être justifié. Cette recommandation, présentée comme urgence, n'a pas été mise en 'uvre, sans justification de votre part. Il s'agit d'un poste sensible en lien avec les médecins qui pourrait entraîner des conséquences financières pour l'établissement ;
Les reportings mensuels, qui comportent des ajustements perpétuels d'un mois sur l'autre en Résultat, ne sont pas fiables o
Non suivi et non-paiement des ATD (Avis tiers détenteurs) alors que les sommes ont fait l'objet de prélèvements sur les fiches de paies des salariés concernés depuis novembre 2015
Les comptes comptables ne sont pas pointés et les ajustements ne sont pas faits o
Non-respect récurrent des procédures Groupe relatives au remplissage de la liasse BOFC dans la partie Durée Moyenne de Règlement (DMR) (ex. non saisie des prothèses, des acomptes patients, etc...) ; les DMR sont donc faussées.
Les remontées sous BOCF comportent des incohérences et ne sont pas fiables (exemple : un actif négatif et vice et versa) ,
De nombreuses déficiences ont été identifiées suite à différents audits réalisés au sein de l'établissement. A l'heure actuelle, nous constatons que plusieurs d'entre elles ne sont toujours pas corrigées.
Ces différentes tâches et contrôles qui ont été négligés font partie des principes de base de la comptabilité d'une entreprise, et relèvent des missions et responsabilités essentielles d'un responsable administratif et financier.
Par ailleurs, un plan d'action a été mis en 'uvre fin mars pour vous aider dans la finalisation de certaines actions pour le 30 juin 2017. Vous deviez dans ce cadre envoyer différents documents au Directeur du contrôle interne, qui n'a à ce jour rien reçu de votre part. De plus, certaines actions ne sont toujours pas engagées à ce jour (ex. redevances médecins, inventaire immobilisation, etc...). L'ensemble de ces carences empêchera les actions d'être finalisées au 30 juin.
Nous constatons un manque de rigueur dans vos missions. Vous vous attachez souvent à des détails, et ne savez pas prioriser et/ou hiérarchiser vos missions, ce qui entraîne des retards et de la désorganisation.
Je vous au demandé, ainsi que le Directeur administratif et financier de pôle, de remédier à ces situations avec notre appui technique et managérial, mais force est de constater que vous n'avez pas su assumer vos missions.
Vous avez un management inadapté, qui ne permet pas à votre équipe d'assurer efficacement les tâches qui leur incombent.
Votre expérience professionnelle aurait dû vous permettre de remplir de façon efficiente les missions que nous vous avons confiées.
Les procédures Groupe, que vous n'avez pas respectées, vous avaient pourtant été rappelées à plusieurs reprises, notamment pas le Directeur administratif et financier du Pôle [Localité 8].
Ces différentes négligences et insuffisances dans la tenue et le contrôle de la comptabilité de l'entreprise peuvent, d'une part, avoir des impacts financiers (ajustement du compte de résultat...) préjudiciables pour l'entreprise, et d'autre part, entraîner une image tronquée de la situation financière de l'entreprise.
Ces différentes carences ne sont pas acceptables au regard de votre fonction et de vos responsabilités.
Nous ne pouvons donc pas maintenir nos relations contractuelles...'
Il est établi par les pièces produites aux débats, que Mme [O] devait reprendre les comptes de la Clinique dans le respect des procédures et que la comptabilité de la clinique [4], lors de son arrivée, dysfonctionnait fortement.
Dans ce contexte, la salariée a établi un état des lieux le 17 décembre 2015 dans lequel elle a mis en exergue de nombreuses anomalies, telles qu'un important retard sur les mutuelles séjours et les mutuelles mandataires qui n'étaient plus comptabilisées depuis août 2015, un rappel à l'ordre concernant les sorties en espèces devant être justifiées par une autorisation, l' interdiction que des paies soient ajoutées ou enlevées sur le mois après exécution des virements.
Il résulte de l'examen du rapport d'audit de décembre 2016 versé aux débats, que sur 19 recommandations, 11 ont été mises en 'uvre, 3 l'ont été partiellement et 5 ne l'ont pas encore été au moment du licenciement. Ces 5 recommandations concernent la réalisation d'un tableau synthétique mensuel des soldes débiteurs des praticiens, la remise en banque plus régulière, la réalisation d'inventaires d'immobilisations, le rapprochement mensuel de la balance auxiliaire et le rapprochement mensuel de la comptabilité des prothèses, pour lesquelles la cour relève que leur défaut de mise en oeuvre ne figure pas parmi les griefs de la lettre de licenciement adressée à la salariée.
L'employeur ne saurait dès lors se prévaloir du rapport d'audit 2016 à l'encontre de la salariée pour établir son insuffisance professionnelle.
- Concernant les rapprochements bancaires de la comptabilité mandataire ou compte de recouvrement des honoraires des médecins, comme ceux de la comptabilité auxiliaire, il est établi que la salariée a elle-même constaté, lors de son arrivée à la clinique que ceux-ci n'avaient pas été faits depuis 2013, ce qu'elle a signalé par courriel du 14 janvier 2016 au Directeur administratif et financier.
Il est également établi que les rapprochements bancaires devaient être effectués par le centre de service partagé à partir de juillet 2016, ce que la salariée a rappelé à son employeur par courriel du 6 octobre 2016, lequel n'a cependant jamais eu lieu selon le constat d'absence des rapprochements souligné par l'audit de contrôle de mars 2017.
Ce grief à l'encontre de la salariée n'est pas fondé dès lors que cette dernière ne peut être tenue pour seule responsable au regard de la situation générale de gestion de la comptabilité de la SASU Clinique [4] pour laquelle elle a spécifiquement attiré l'attention de cet employeur.
- S'agissant du non suivi et non-paiement des avis à tiers détenteurs (ATD), il ressort de l'examen des pièces versées que la salariée a mis en place une procédure de suivi individualisé avec changement de paramétrage du logiciel, permettant de mettre un terme à une telle situation mais n'a pas pu régulariser les anomalies antérieures, notamment en raison de l'absence de transmission des informations nécessaires par le service Ressources Humaines, attesté par différents courriels de demandes de Mme [O] versés aux débats. Il s'en déduit que la salariée ne peut être tenue pour responsable de cet autre grief, élément constitutif de l'insuffisance professionnelle relevée par l'employeur.
- Sur les incohérences des remontées sous liasses de consolidation et non fiables, il résulte des pièces versées aux débats que Mme [O] ne pouvait pas vérifier systématiquement le travail des comptables eu égard à son travail à temps partiel. Il résulte en outre d'une attestation de Mme [H] [R], responsable comptable de l'hôpital de [Localité 9] appelée en renfort pour réaliser la clôture de mars 2017 que face à la masse de travail, il lui a été demandé de gérer seulement le bilan annuel de la clinique [4]. La cour relève que la salariée qui ne travaillait qu'à mi-temps pour chacune des cliniques devait ainsi faire face à une surcharge de travail, constatée par M. [X] (son N+1), qui a lui proposé, pour résorber le retard portant sur la comptabilité de la Clinique, qu'elle effectue du télétravail en plus.
Il se déduit de ces constatations, que si Mme [O], a été confrontée à une charge de travail qui a pu altérer sa capacité à contrôler systématiquement le travail de l'équipe comptable, elle ne saurait en être responsable au regard de la situation générale de gestion de la comptabilité de la Clinique [4]. Cet autre grief de l'employeur n'est dès lors pas démontré.
- S'agissant d'un non-respect récurrent des procédures 'Groupe' faussant les durées moyennes de règlement (DMR), la cour relève que la salariée verse aux débats un tableau de suivi mensuel des moyennes de règlement venant contredire les affirmations à ce titre de son employeur, de sorte que cet autre grief n'est pas établi à son encontre.
- Sur le management inadapté de la salariée, il est relevé comme les premiers juges l'ont eux même souligné, que les faits rapportés par une attestation de Madame [L] [K], salariée comptable, portant sur ses difficultés rencontrées, ne figurent pas parmi les griefs reprochés à Mme [O] à l'appui de sa lettre de licenciement, ni qu'aucune remarque préalable ne lui a jamais été faite sur les difficultés rencontrées par cette salariée qui établit son attestation le 10 septembre 2018, soit un an et quatre mois après le licenciement intervenu.
Cet autre grief n'est dès lors pas fondé à l'encontre de Mme [O].
- S'agissant des déficiences reprochées par l'employeur, que la salariée aurait eu dans sa gestion de la comptabilité, son manque de rigueur et la priorisation de ses tâches, la cour relève que Mme [O] ne peut en être tenue pour seule responsable au regard de la situation générale de gestion de la comptabilité de la Clinique [4] qui préexistait à son arrivée dans l'entreprise, qu'elle a elle-même dénoncé à son employeur par un état des lieux circonstancié accompagné d'un plan d'action précis, et qui dans un contexte de surcharge de son travail dans le cadre de son activité à temps partiel, ainsi qu'à la suite du silence à ses demandes opposé par l'employeur, ces griefs ne sont pas démontrés.
Aucune pièce n'est par ailleurs versée aux débats quant à l'affirmation selon laquelle la salariée aurait bénéficié d'un support ou formation lui permettant d'améliorer sa performance professionnelle ni sur l'existence contemporaine à son contrat de travail, de reproches quelconques formalisés par l'employeur sur ses performances.
Il résulte des pièces versées que Mme [O] a dû, en sus des difficultés liée à la situation préexistante à son arrivée, être confrontée à des difficultés d'organisation en raison des absences ou départ de certains comptables, alors encore une fois qu'elle travaillait à temps partiel.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments, que la Clinique [4] ne rapporte pas la preuve de l'insuffisance professionnelle de Mme [O] invoquée de sorte que son licenciement est par conséquent dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le jugement déféré est confirmé sur ce point.
Sur l'ancienneté de la salariée
Le contrat de travail stipule que compte-tenu des précédents contrats exercés dans le cadre d'établissements hospitaliers, la date d'ancienneté de la salariée est reprise au 1er novembre 2007.
Cette clause claire et non équivoque ne peut être contredite par la date d'entrée dans l'entreprise mentionnée sur les bulletins de salaires établis unilatéralement par l'employeur.
Il convient en conséquence de retenir une ancienneté de la salariée à compter du 1er novembre 2007.
Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse
Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Mme [O] a été privée d'un emploi qui lui assurait une stabilité financière depuis près de 10 ans.
Elle était âgée de 52 ans au moment du licenciement et percevait un salaire moyen pour les 12 derniers mois de 2 899 euros.
L'article L. 1235-3 du Code du travail, lequel dispose que :
... « Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois (... ) ».
Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, en tenant compte de l'âge de Mme [O] à la date de la rupture de son contrat de travail, du montant de sa rémunération, et de la durée du contrat de travail, la cour fixe l'indemnisation pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse à la somme de 32 000 euros.
Le jugement déféré est infirmé sur ce montant.
Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral
Mme [O] sollicite une indemnité à hauteur de 10 000 euros en réparation de son préjudice du fait de la rupture brutale et vexatoire de son contrat de travail. Elle invoque avoir subi un préjudice moral résultant des circonstances et de la mise en 'uvre vexatoires de son licenciement.
Elle soutient avoir été informée de sa mise à pied et avoir dû quitter immédiatement l'open-space avec ses effets personnels, devant ses collègues et devant son fils aîné, présent dans le cadre d'un CDD.
Son fils, M. [P] [E], atteste en ces termes :
" J'atteste que je fus témoin direct du licenciement brutal de Madame [O], ma mère, qui était à ce moment mon supérieur hiérarchique. En effet, je fus embauché comme support pour résorber le grand retard dans la comptabilisation des factures pharmacie à la clinique [4].
Elle fut demandée dans un bureau pour voir le directeur du pôle sans aucune explication.
Elle en est ressortie livide, on lui a demandé de prendre ses affaires personnelles, mais de ne pas prendre son ordinateur où il y avait tout son travail, qui se trouvait dans l'open-space où j'étais ainsi que la comptable.
Elle a voulu me parler mais on lui a intimé l'ordre de se taire et on l'a raccompagné à la porte de la clinique comme une voleuse.
Je fus extrêmement choqué de cette attitude, surtout que juste après, la comptable, Madame [K], a été dire que j'étais son fils et du coup ils m'ont licencié immédiatement en me reconduisant à la porte comme si j'avais fait un acte criminel ".
Elle indique qu'aucune explication ne lui a été donnée au moment de sa mise à pied, qui l'a profondément choquée.
Le recours à une mise à pied à titre conservatoire doit être adaptée à la gravité des faits reprochés au salarié. Ces faits doivent être d'une telle gravité qu'ils nécessitent l'interruption immédiate du contrat de travail dans l'intérêt de l'entreprise.
La cour constate que la preuve d'une faute de l'employeur de nature à caractériser une rupture brutale et vexatoire est démontrée par la mise à l'écart de la salariée devant son fils dans des conditions vexatoires.
Ces faits sont à l'origine d'un préjudice moral qu'il convient de réparer par la somme de 3 000 euros.
Le jugement déféré est infirmé sur le montant alloué.
Sur le réajustement de l'indemnité conventionnelle de licenciement
Mme [O] occupait un poste de Responsable administratif et financier de catégorie Cadre position A coefficient 325, aux termes de la Convention collective nationale de l'Hospitalisation privée qui lui était applicable.
L'ancienneté de la salariée a été reprise au 1er novembre 2007, de sorte qu'elle comptait 9 ans et demi d'ancienneté au jour de son licenciement, période pendant laquelle elle a toujours occupé des fonctions de cadre.
La salariée a bénéficié d'une reprise réelle de son ancienneté, comme le stipule expressément son contrat de travail et a été responsable administrative et financière pour le groupe pendant 8 ans comme en témoigne son attestation Pôle emploi.
Cela ressort également de ses bulletins de paie sur lesquels la cour relève que le coefficient qui lui était appliqué correspondait à une ancienneté de 9 ou 10 ans.
L'article 47 de la convention collective applicable dispose :
"Cadres comptant 5 ans d'ancienneté et plus :
-¿ mois de salaire par année d'ancienneté dans la fonction de cadre jusqu'à 5 ans ;
-1 mois de salaire pour chacune des années suivantes dans la fonction de cadre ".
En application de ces dispositions, Madame [O] aurait dû bénéficier de l'indemnité conventionnelle suivante :
(1/2 mois de salaire brut mensuel moyen sur les 12 mois précédant le licenciement x 5 ans) + (1 mois de salaire brut mensuel moyen sur les 12 mois précédant le licenciement x 4 ans et 7 mois)
= [(2.898,89 € / 2) x 5] + [2.898,89 € x 4,58]
= 20.524,13 €'.
Or, la salariée n'a bénéficié que d'une indemnité légale de licenciement de 2 405,11 euros, ne tenant pas compte de son ancienneté, tel que cela ressort de ses documents de fin de contrat
L'indemnité légale doit être remplacée par une indemnité conventionnelle de licenciement, dans la mesure où celle-ci lui est plus plus favorable.
La cour confirme ainsi le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Clinique [4] à verser à Mme [O] le solde de 18 119,02 euros nets, au titre de son indemnité conventionnelle de licenciement.
Sur le remboursement des indemnités de chômage
Les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail étant dans le débat, la cour a des éléments suffisants pour fixer à trois mois, le montant des indemnités versées à Mme [O] que la société Clinique [4] devra rembourser en application de l'article L. 1235-4 du code du travail.
Sur les dépens et l'indemnité de procédure
La Société Clinique [4] qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Il convient de la condamner à payer à Mme [O] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire,
INFIRME partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en date du 19 septembre 2019 et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
CONDAMNE la société Clinique [4] à payer à Mme [C] [O] les sommes suivantes :
- 32 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,
DIT que les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation,
DIT que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
CONFIRME pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ;
Y ajoutant :
ORDONNE le remboursement parla société Clinique [4] à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [C] [O] dans la limite de trois mois d'indemnités,
CONDAMNE la société Clinique [4] à payer à Mme [C] [O] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE la société Clinique [4] de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel,
CONDAMNE la Société Clinique [4] aux dépens de première instance et d'appel.
- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Carine DJELLAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,