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11/05/2022 | FRANCE | N°16/03103

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 11 mai 2022, 16/03103


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80B



15e chambre



ARRÊT N°





RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE





DU 11 MAI 2022





N° RG 16/03103



N° Portalis DBV3-V-B7A-QZAD





AFFAIRE :





AGS CGEA IDF OUEST





C/





Me SELARL MARS - Mandataire ad'hoc de SARL EXPERT HABITAT FRANCAIS 78

...







Décision déférée à la cour : Jugement

rendu le 03 Mai 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Versailles

Section : Industrie

N° RG : 15/00766





Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





- Me Sophie CORMARY



- Me François AJE



- SELARL MARS





le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NO...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80B

15e chambre

ARRÊT N°

RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

DU 11 MAI 2022

N° RG 16/03103

N° Portalis DBV3-V-B7A-QZAD

AFFAIRE :

AGS CGEA IDF OUEST

C/

Me SELARL MARS - Mandataire ad'hoc de SARL EXPERT HABITAT FRANCAIS 78

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Mai 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Versailles

Section : Industrie

N° RG : 15/00766

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

- Me Sophie CORMARY

- Me François AJE

- SELARL MARS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 substituée par Me François GREGOIRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B873

APPELANTE

****************

SELARL MARS mission conduite par Me [I] [U] ès qualités de mandataire liquidateur de SARL EXPERT HABITAT FRANÇAIS 78

[Adresse 3]

[Adresse 3]

non comparante - non représentée

Monsieur [Z] [H]

né le 30 juillet 1975 à Kherrata (Algérie), de nationalité algérienne

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me François AJE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 413

INTIMÉS

SELARL MARS mission conduite par Me [I] [U] ès qualités de mandataire ad'hoc de SARL EXPERT HABITAT FRANÇAIS YVELINES

[Adresse 3]

[Adresse 3]

non comparante - non représentée

PARTIE INTERVENANTE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 01 mars 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Perrine ROBERT, Vice-président placé,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Carine DJELLAL

FAITS ET PROCÉDURE,

M. [H] a été engagé à compter du 23 avril 2012 par la société Expert Habitat Français 78, exploitant une activité de travaux d'isolation sous le nom commercial EHF 78, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Versailles sous le numéro 527 801 492, représentée par M. [O] [T], son gérant, en qualité d'isocombliste, catégorie ouvrier, coefficient 185, moyennant un salaire mensuel brut de base de 1 910 euros. Après avoir été promu à compter du 1er janvier 2013 à l'emploi de responsable technique, catégorie ouvrier, coefficient 270, moyennant un salaire mensuel brut de base de 2 516,47 euros, porté à 3 001,24 euros au 1er juin 2013 il a été rétrogradé à compter du 1er juillet 2014 à l'emploi de chef d'équipe, catégorie ouvrier, coefficient 250, moyennant une rémunération mensuelle brute de base de 2 100 euros.

Les relations entre les parties sont soumises à la convention collective régionale des ouvriers du bâtiment de la région parisienne.

Après entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 19 décembre 2014, la société Expert Habitat Français 78 a proposé à M. [Z] [H] le 13 janvier 2015 d'adhérer au contrat de sécurisation professionnelle et lui a notifié par lettre recommandée avec avis de réception du 19 janvier 2015 les motifs économiques de la rupture de son contrat de travail. L'intéressé ayant adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, son contrat de travail a pris fin le 3 février 2015, à l'expiration du délai de réflexion de 21 jours qui lui était imparti. Il a perçu une indemnité de licenciement de 1 381 euros.

Par jugement du 12 février 2015, le tribunal de commerce de Versailles a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Expert Habitat Français 78, puis par jugement du 12 mars 2015, a prononcé la liquidation judiciaire de celle-ci. La Selarl Mars, prise en la personne de Me [I] [U], a été désignée ès qualités de liquidateur judiciaire de la société.

Ne sachant pas si M. [H] était encore inscrit à l'effectif, la Selarl Mars, prise en la personne de Me [U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Expert Habitat Français 78, a, sous réserve de la reconnaissance de sa qualité de salarié encore inscrit à l'effectif, convoqué celui-ci par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 20 avril 2015 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 27 avril 2015, puis lui a notifié son licenciement pour motif économique par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 7 mai 2015.

Contestant le bien fondé de la rupture de son contrat de travail pour motif économique et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, M. [Z] [H] a saisi, par requête en date du 16 juin 2015, reçue au greffe le 18 juin 2015, le conseil de prud'hommes de Versailles, afin de voir fixer diverses créances au passif de la société Expert Habitat Français 78.

Par jugement du 03 mai 2016, auquel la cour renvoie pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Versailles a :

- confirmé le salaire mensuel moyen de M. [Z] [H] à la somme de 2 330,49 euros ;

- requalifié le licenciement pour motif économique de M. [Z] [H] en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- fixé la créance de M. [Z] [H] au passif de la liquidation judiciaire de la société Expert Habitat Français 78 aux sommes suivantes :

. 14 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 1 723,28 euros au titre du rappel de salaire pour la période du 6 janvier au 5 février 2015 ;

- ordonné à la Selarl Mars, prise en la personne de Me [U], en sa qualité de mandataire liquidateur, de remettre à M. [H] les documents de fin de contrat conformes au jugement : un bulletin de paie récapitulatif de salaires pour la période du 6 janvier au 5 février 2015, un certificat de travail conforme, une attestation destinée à Pôle emploi modifiée ; 

- dit qu'il n'y a pas lieu à assortir la production des documents d'une astreinte ;

- donné acte à l'AGS d'Ile-de-France de son intervention ;

- dit que le présent jugement sera commun et opposable à l'AGS d'Ile-de-France Ouest et que cet organisme viendra en garantie dans les éventuelles limites des dispositions légales ;

- dit que l'obligation de faire l'avance de fonds ne pourra s'exécuter que sur présentation, par le mandataire judiciaire, d'un relevé et des justifications de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement ;

- débouté M. [H] du surplus de ses demandes, y compris de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- fixé les dépens au passif de la liquidation judiciaire de la société Expert Habitat Français 78.

L'AGS CGEA IDF Ouest a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 10 juin 2016.

L'Unedic, Délégation AGS CGEA d'Ile de France Ouest, M. [Z] [H] et Me [I] [U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Expert Habitat Français 78, ont été régulièrement convoqués le 16 juillet 2019 à l'audience du 5 février 2020, à laquelle ils ont comparu.

L'Unedic, Délégation AGS CGEA d'Ile de France Ouest invoquant une fraude aux dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail au motif que le contrat de travail du salarié avait été transféré de plein droit à la société Expert Habitat Français Yvelines, immatriculée le 1er décembre 2014 au registre du commerce et des sociétés de Versailles sous le numéro 807 920 350, dont M. [O] [T] était le gérant, et qui avait été placée en redressement judiciaire le 6 février 2018, puis en liquidation judiciaire le 3 avril 2018, l'affaire a été renvoyée à l'audience du 13 mai 2020 pour assignation en intervention forcée du liquidateur judiciaire de la société Expert Habitat Français Yvelines ès qualités, la Selarl Mars, prise en la personne de Me [U].

L'avocat de la Selarl Mars, prise en la personne de Me [U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Expert Habitat Français 78, a informé la cour que la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'égard de la société Expert Habitat Français Yvelines avait été clôturée pour insuffisance d'actif par jugement du tribunal de commerce de Versailles du 21 novembre 2019, de sorte que le mandat de liquidateur de la Selarl Mars, prise en la personne de Me [U], était caduc et qu'il n'avait donc plus qualité pour la représenter, sauf si elle était désignée en qualité de mandataire ad'hoc.

A l'audience du 28 octobre 2020, M. [Z] [H] a sollicité le renvoi de l'affaire devant une formation collégiale. Il a également fait valoir à l'appui de sa demande de renvoi qu'il allait déposer une demande d'aide juridictionnelle et faire désigner un mandataire ad'hoc. L'affaire a été renvoyée à l'audience du 11 mai 2021.

A l'audience du 11 mai 2021, M. [Z] [H], invoquant une demande d'aide juridictionnelle en cours, a sollicité le renvoi de l'affaire. L'affaire a été renvoyée à l'audience du 21 septembre 2021.

A l'audience du 21 septembre 2021, M. [Z] [H], invoquant une demande d'aide juridictionnelle toujours en cours a sollicité le renvoi de l'affaire. L'affaire a été renvoyée à l'audience du 1er mars 2022.

Par ordonnance du 1er février 2022, le président du tribunal de commerce de Versailles a désigné la Selarl Mars prise en la personne de Me [I] [U], ès qualités de mandataire ad'hoc pour représenter, dans le cadre du présent litige, la société Expert Habitat Français Yvelines, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Versailles sous le n° 807 920 350.

L'Unedic, Délégation AGS CGEA d'Ile de France Ouest, demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et :

À titre principal, de dire qu'il y a fraude manifeste aux dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail et mettre en conséquence l'AGS hors de cause ;

Subsidiairement, de :

- ramener à de plus justes proportions la demande de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

- réduire dans de plus justes proportions le quantum des demandes ;

- fixer l'éventuelle créance allouée au salarié au passif de la société ;

- mettre hors de cause l'AGS s'agissant des frais irrépétibles de la procédure ;

- dire et juger que la demande qui tend à assortir les intérêts au taux légal ne saurait prospérer postérieurement à l'ouverture de la procédure collective en vertu des dispositions de l'article L. 622-28 du code de commerce ;

- dire que le CGEA, en sa qualité de représentant de l'AGS, ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-19 à 21 et L. 3253-17 du code du travail et dans les limites du plafond applicable ;

- dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.

M. [H] demande à la cour de :

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a 

- dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse ;

- fixé au passif de la société Expert Habitat Français 78 (EHF 78) la somme de 1 723,28 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 6 janvier 2015 au 3 février 2015 ;

- fixé la moyenne des salaires bruts à la somme de 2 330,49 euros ;

- ordonné la remise des documents de fin de contrat et d'une fiche de paye pour la période, conformes à la décision à intervenir

L'infirmer pour le surplus, et statuant à nouveau :

- fixer au passif de la société EHF 78 les sommes suivantes :

. 27 965,88 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

. 4 660,98 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions de l'article L. 1233-66 alinéa 1er du code du travail ;

. 4 660,98 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive d'une attestation Pôle emploi erronée ;

- débouter les AGS de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamner la Selarl Mars, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société EHF 78, à remettre à M. [H] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et un bulletin de paie afférent conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document ;

- fixer au passif de la société EHF 78 la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- fixer au passif de la société EHF 78 les entiers dépens ;

- dire que l'ensemble des condamnations à intervenir seront garanties par l'AGS CGEA IDF.

La Selarl Mars, prise en la personne de Me [I] [U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Expert Habitat Français 78 (registre du commerce et des sociétés Versailles 527 801 492) a accusé réception le 18 juillet 2019 de la lettre recommandée en date du 16 juillet 2019 la convoquant à l'audience du 5 février 2020, le 30 avril 2020 de la lettre recommandée en date du 17 avril 2020 la convoquant à l'audience du 28 octobre 2020, le 2 novembre 2020 l'accusé de réception de la lettre recommandée en date du 29 octobre 2020 la convoquant à l'audience du 11 mai 2021, le 17 mai 2021 l'accusé de réception de la lettre recommandée en date du 11 mai 2021 la convoquant à l'audience du 21 septembre 2021, à l'issue de laquelle l'affaire a été renvoyée à l'audience du 1er mars 2022. Elle n'était ni présente, ni représentée à l'audience du 1er mars 2022. Il n'est pas établi que la procédure de liquidation judiciaire de cette société, toujours inscrite au registre du commerce et des sociétés, ait été clôturée.

La Selarl Mars prise en la personne de Me [I] [U], ès qualités de mandataire ad'hoc de la société Expert Habitat Français Yvelines (registre du commerce et des sociétés Versailles n° 807 920 350), a accusé réception le 15 février 2022 de la lettre recommandée en date du 14 février 2022 la convoquant à l'audience du 1er mars 2022. Elle n'était ni présente, ni représentée à l'audience du 1er mars 2022. Aucune demande n'a été formée à son encontre.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens de l'Unedic, Délégation AGS CGEA d'Ile de France Ouest et de M. [Z] [H], aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience, signifiées à la Selarl Mars prise en la personne de Me [I] [U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Expert Habitat Français 78 (registre du commerce et des sociétés Versailles 527 801 492), le 22 février 2017 pour M. [H] et le 21 février 2022 (conclusions reprenant sans changement sur le fond ses conclusions du 29 décembre 2016), pour l'AGS, et pour cette dernière à la Selarl Mars prise en la personne de Me [I] [U], ès qualités de mandataire ad'hoc de la société Expert Habitat Français Yvelines (registre du commerce et des sociétés Versailles n° 807 920 350), le 21 février 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

Le CGEA expose que le gérant de la société Expert Habitat Français 78 (registre du commerce et des sociétés Versailles 527 801 492), a créé le 19 novembre 2014 la société Expert Habitat Français Yvelines (registre du commerce et des sociétés Versailles n° 807 920 350), sise à la même adresse, avec la même activité, les travaux d'isolation, et avec une dénomination choisie pour susciter la confusion entre elles. Elle fait valoir que la société Expert Habitat Français Yvelines ayant en réalité poursuivi l'activité de la société Expert Habitat Français 78, dans les mêmes locaux avec la même clientèle, il y a eu transfert d'une entité économique autonome, de sorte que le contrat de travail de M. [Z] [H] se trouvait transféré de plein droit à la société Expert Habitat Français Yvelines et que son licenciement par la société Expert Habitat Français 78 a été opéré en fraude des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail.

Il n'est toutefois ni démontré, ni même allégué que M. [Z] [H] a participé à la fraude dénoncée par le CGEA.

En l'absence de fraude du salarié, l'AGS ne dispose d'aucun droit propre en reconnaissance d'un transfert du contrat de travail de M. [Z] [H] de la société Expert Habitat Français 78 (registre du commerce et des sociétés Versailles 527 801 492) à la société Expert Habitat Français Yvelines (registre du commerce et des sociétés Versailles n° 807 920 350). Sa demande de ce chef est en conséquence irrecevable, ainsi que le soulève M. [Z] [H].

La lettre de licenciement notifiée par la société Expert Habitat Français 78 à M. [Z] [H] le 19 janvier 2015, qui fixe les limites du litige, est motivée comme suit :

'Suite à notre entretien du 19 décembre 2014, nous vous informons, à notre grand regret, que nous nous trouvons dans l'obligation de vous licencier pour motif économique en raison que la société Expert Habitat Français 78 se retrouve en liquidation judiciaire ayant pour conséquence la suppression substancielle du contrat de travail.'

Pour répondre aux exigences légales, la lettre de licenciement pour motif économique doit énoncer la cause économique du licenciement et ses conséquences sur l'emploi du salarié.

Il est établi que la cause économique énoncée dans la lettre de licenciement notifiée à M. [Z] [H] est inexacte, en l'absence de procédure de liquidation judiciaire ouverte à cette date à l'égard de la société Expert Habitat Français 78.

Il sera relevé au surplus qu'il n'est pas pas justifié de l'absence de poste disponible permettant de reclasser M. [Z] [H] au sein de la société Expert Habitat Français Yvelines (registre du commerce et des sociétés Versailles n° 807 920 350), dont l'organisation, les activités et le lieu d'exploitation permettaient la permutation de tout ou partie du personnel.

Le licenciement est en conséquence sans cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Il est établi :

- que M. [Z] [H], dont le contrat de travail a pris fin le 3 février 2016, a perçu pour la période du 4 février 2015 au 3 février 2016 l'allocation de sécurisation professionnelle au titre du contrat de sécurisation professionnelle ;

- qu'il a été admis à compter du 4 février 2016 à l'allocation de retour à l'emploi, à laquelle il pouvait prétendre durant 365 jours ;

- que sa demande d'allocation déposée le 27 février 2017 a été rejetée, en l'absence de justification d'une durée d'affiliation ou de travail suffisante ;

- qu'il a perçu au cours de la période du 1er octobre 2017 au 30 septembre 2018 l'allocation de solidarité spécifique ;

- qu'il a perçu de la caisse d'allocations familiales de septembre 2020 à août 2021, puis de novembre 2021 à janvier 2022, le revenu de solidarité active ;

- qu'il a été inscrit à Pôle emploi à partir du 30 novembre 2021.

En raison de l'âge du salarié au moment de son licenciement, 39 ans, de son ancienneté de moins de trois ans dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi ainsi que des justificatifs produits, c'est par une juste appréciation des éléments de la cause, que le conseil de prud'hommes lui a alloué, en réparation du préjudice matériel et moral qu'il a subi du fait de la perte injustifiée de son emploi, la somme de 14 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

Sur la demande de rappel de salaire pour la période du 6 janvier 2015 au 3 février 2015

Dans le courrier de notification du licenciement du 19 janvier 2015, la société Expert Habitat Français 78 a indiqué à M. [Z] [H] qu'en l'absence d'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle dans le délai de réflexion de 21 jours, il était dispensé de l'exécution du préavis d'un mois courant à compter de la date de présentation de la lettre de licenciement, qui lui serait payé. Le salarié ayant adhéré au contrat de sécurisation professionnelle qui lui a été proposé le 13 janvier 2015, son contrat de travail a pris fin le 3 février 2015. L'employeur, qui devait dès lors verser à M. [Z] [H], qui n'était pas en congés payés, son salaire du 6 janvier au 3 février 2015, ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, qu'il a rempli le salarié de ses droits.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a fixé au passif de la société Expert Habitat Français 78 (EHF 78) la somme de 1 723,28 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 6 janvier 2015 au 3 février 2015.

Sur la demande de dommages et intérêts pour violation des dispositions de l'article L. 1233-66 alinéa 1er du code du travail

Il est constant que la société Expert Habitat Français 78 n'a pas, comme elle y était tenue, proposé à M. [Z] [H] lors de l'entretien préalable, le 19 décembre 2014, mais seulement le 13 janvier 2015 le bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle.

Il est toutefois établi que M. [Z] [H] ayant adhéré au contrat de sécurisation professionnelle qui lui a été proposé par la société Expert Habitat Français 78 le 13 janvier 2015, son contrat de travail a pris fin le 3 février 2015, que le salarié a conservé ses droits à salaire jusqu'à cette date et a perçu l'allocation de sécurisation professionnelle au titre du contrat de sécurisation professionnelle à laquelle il pouvait prétendre à partir du 4 février 2015. Le salarié ne démontre pas avoir subi un préjudice consécutif au retard avec lequel la proposition de contrat de sécurisation professionnelle lui a été faite. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'intéressé de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts pour remise tardive d'une attestation Pôle emploi erronée

M. [Z] [H] ayant adhéré au contrat de sécurisation professionnelle qui lui a été proposé le 13 janvier 2015, son contrat de travail a pris fin le 3 février 2015, de sorte qu'il a conservé ses droits à salaire jusqu'à cette date. Pôle emploi l'a ensuite informé, par courrier du 18 mars 2015, après étude du dossier transmis par son employeur, qu'il allait percevoir l'allocation de sécurisation professionnelle au titre du contrat de sécurisation professionnelle à partir du 4 février 2015.

Il est établi que la société Expert Habitat Français 78 n'a délivré à M. [Z] [H] que le 4 mars 2015, soit un mois après la fin de la relation contractuelle, une attestation destinée à Pôle emploi et que l'attestation délivrée était erronée comme mentionnant que la procédure de licenciement avait été engagée le 9 janvier 2015, que M. [Z] [H] avait effectué son préavis du 12 janvier au 13 février 2015, que le dernier jour travaillé payé était le 13 février 2015 et comme ne présentant pas correctement la liste des salaires des douze derniers mois.

Toutefois, le salarié, qui, après étude par Pôle emploi du dossier directement transmis par son employeur a perçu en mars 2015, à effet rétroactif au 4 février 2015, l'allocation de sécurisation professionnelle à laquelle il pouvait prétendre, ne démontre pas avoir subi, du fait de l'attestation Pôle emploi tardive et erronée qui lui a été délivrée par son employeur, un différé d'indemnisation lui ayant causé un préjudice. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'intéressé de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.

Sur les intérêts

En application des dispositions combinées des articles L. 622-28 et L. 631-14 du code de commerce, le jugement du tribunal de commerce de Versailles en date du 12 février 2015, qui a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Expert Habitat Français 78, a arrêté le cours des intérêts légaux.

Sur les documents sociaux

C'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a ordonné à la Selarl Mars, prise en la personne de Me [U], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Expert Habitat Français 78 , de remettre à M. [H] un bulletin de paie récapitulatif de salaires pour la période du 6 janvier au 5 février 2015, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi modifiée, conformes au jugement et a débouté M. [Z] [H] de sa demande tendant au prononcé d'une astreinte. Le jugement sera confirmé de ces chefs. 

Sur la garantie de l'AGS

Le présent arrêt est opposable à l'AGS (CGEA Ile-de-France Ouest) dans la limite des dispositions des articles L. 3253-6 et suivants et D 3253-5 du code du travail, lesquelles excluent en particulier l'indemnité de procédure. Cet organisme ne doit faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement. Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

Les dépens de première instance et d'appel seront à la charge de la Selarl Mars, prise en la personne de Me [I] [U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Expert Habitat Français 78 (registre du commerce et des sociétés Versailles 527 801 492), qui succombe à l'instance.

Au vu de la situation respective des parties, il y a lieu de débouter M. [Z] [H] de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'il a exposés en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant par arrêt réputé contradictoire,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Versailles en date du 3 mai 2016 ;

Y ajoutant :

RAPPELLE que le jugement du tribunal de commerce de Versailles en date du 12 février 2015, qui a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Expert Habitat Français 78 (registre du commerce et des sociétés Versailles 527 801 492), a arrêté le cours des intérêts légaux,

DÉBOUTE M. [Z] [H] de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

MET les dépens d'appel à la charge de la Selarl Mars, prise en la personne de Me [I] [U], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Expert Habitat Français 78 (registre du commerce et des sociétés Versailles 527 801 492).

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Carine DJELLAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 16/03103
Date de la décision : 11/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-11;16.03103 ?
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