COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 72A
4e chambre 2e section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 10 MAI 2022
N° RG 19/03977 - N° Portalis DBV3-V-B7D-THRF
AFFAIRE :
Syndicat des copropriétaires LE CHATEAU, représenté par son syndic GERANCE IMMOBILIER
C/
SCI DU CHATEAU
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Mars 2019 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE
N° Chambre : 1
N° Section :
N° RG : 18/00694
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Marie-Noël LYON
Me Sophie PORCHEROT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Syndicat des copropriétaires LE CHATEAU, représenté par son syndic GERANCE IMMOBILIER
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Marie-Noël LYON de la SCP PETIT MARCOT HOUILLON ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 100 et Me Virginie FRENKIAN SAMPIC de la SELEURL FRENKIAN AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0693
APPELANT
****************
SCI DU CHATEAU prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Sophie PORCHEROT de la SELARL REYNAUD AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 177 et Me Aude GONTHIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : 395
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Mars 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Agnès BODARD-HERMANT, Président, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Agnès BODARD-HERMANT, Président,
Madame Pascale CARIOU, Conseiller,
Madame Valentine BUCK, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Kalliopi CAPO-CHICHI,
****************
Par jugement du 21 mars 2019, le tribunal de grande instance de Pontoise a débouté le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 5], de ses demandes à l'encontre de la SCI du Chateau (La SCI), copropriétaire de divers lots à usage de locaux commerciaux ou parkings et l'a condamnée aux dépens.
Le syndicat des copropriétaires a interjeté appel de ce jugement suivant déclaration du 29 mai 2019, intimant la SCI.
Il demande à la cour, par ses dernières conclusions signifiées le 16 juin 2020, au visa des dispositions des articles 10-1 et 19 de la loi du 10 juillet 1965, 35 et 36 du décret du 17 mars 1967, 1103, 1104, 1193 et 1194 du code civil, de l'infirmer le jugement entrepris et de condamner la SCI à lui payer:
- la somme de 32.795,81 euros au titre des charges, 'arriéré du 1er appel de fonds de prévoyance, 1er appel de fonds 2017 inclus au 3ème appel dotation pour créance douteuse SCI, 1er appel de fonds 2020 inclus et arrêté au 17/02/2020, avec intérêt au taux légal sur la somme de 7.267,45 euros à compter du 16 novembre 2016 et pour le surplus à compter du 11 janvier 2018' ;
- la somme de 330 euros au titre des frais de suivi contentieux 2018 et 2019 ;
- la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et de 4.000 euros en appel ainsi qu'aux dépens distraits conformément à l'article 699 du code de procédure civile;
- débouter la SCI de l'ensemble de ses demandes ;
A titre subsidiaire,
- réduire à des plus justes proportions la demande de dommages et intérêts de la SCI du Château.
La SCI demande à la cour, par ses dernières conclusions signifiées le 19 mars 2021, au visa des dispositions de la loi du 10 juillet 1965, de :
A titre principal,
- dire et juger que toute créance du syndicat des copropriétaires, antérieure à janvier 2013 est prescrite ;
- confirmer le jugement attaqué;
A titre subsidiaire,
- condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 72.150,00 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la violation de son droit de propriété au visa combiné des articles 544 du code civil et 1134 et 1147 du code civil ;
- ordonner la compensation entre les créances respectives des parties en application de l'article 1289 du code civil ;
A titre infiniment subsidiaire,
- lui accorder un délai de grâce de deux ans en application de l'article 1343-5 du code civil ;
En toutes hypothèses,
- condamner le syndicat des copropriétaires à payer 'au syndicat des copropriétaires' (sic) une indemnité de procédure de 3.000 euros et aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mars 2021.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à la décision et aux conclusions susvisées pour plus ample exposé du litige.
SUR CE LA COUR
Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription des demandes du syndicat des copropriétaires
La SCI n'identifie pas les sommes en litige qui seraient concernées par la prescription quéquénale invoquée au visa des articles 42 de la loi du 10 juillet 1965 et 2224 du code civil, comme correspondant à des charges dues depuis plus de cinq ans avant son assignation le 23 janvier 2018, ni ne conteste l'argumentaire adverse qui fait valoir que son dernier compte créditeur est daté du 12 mai 2016 et que le précédent remonte au 28 mai 2015.
Cette demande qui n'est pas utilement étayée ne peut donc être accueillie.
Sur les charges impayées
En application de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965, les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement commun en fonction de l'utilité objective que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot, ainsi qu'aux charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots.
Conformément aux dispositions des articles 10 et 42, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965, l'approbation des comptes par une décision d'assemblée générale non contestée dans les délais s'oppose à ce qu'un copropriétaire refuse de payer la quote part de charges correspondante.
Il appartient cependant au syndicat des copropriétaires de démontrer le bien-fondé de ses prétentions, en prouvant le caractère exigible, certain et liquide de sa créance.
Le syndicat des copropriétaires produit les justificatifs de sa créance, notamment en ses pièces 11 à 15 pour l'approbation des comptes, 16 à 20 et 30-31 pour les appels de fonds et 32 à 33 pour les décomptes. Il conclut au rejet de l'argumentaire adverse, faute de toute contestation des décisions prises par ces assemblées générales.
La SCI, pour contester devoir la somme de 32.795,81 euros ainsi réclamée au 17 février 2020, soutient que le syndicat des copropriétaires ne justifie pas de la réalité de sa créance faute de preuve des convocations aux assemblées générales 2015-2019 et des notifications effectives de leurs procès verbaux. Elle ne conteste pas le détail des sommes réclamées.
La cour retient ce qui suit.
Le syndicat des copropriétaires a produit les convocations et notifications litigieuses (pièces 34-43), à l'exception :
- de la convocation à l'assemblée générale de 2016, 2018 et 2019 (pièces 37, 37 et 38 ne comportant pas trace d'envoi à la SCI).
- de la notification du procès verbal d'assemblée générale de 2018, en l'absence de date sur l'AR produit (pièce 41), et de 2017.
La SCI, qui n'a pas conclu sur ces productions supplémentaires, a donc reçu notification des procès verbaux des assemblées générales 2015, 2016 et 2019 et elle ne prétend pas les avoir contestées dans le délai de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 susvisé. Le rejet de ses contestations de ces assemblées générales est donc soutenu à bon droit par le syndicat des copropriétaires.
Quant aux assemblées générales 2017-2018, la SCI ne justifie d'aucune demande de justificatifs antérieurs à la présente instance et ne s'explique, ni droit ni en fait, sur la recevabilité ainsi contestée de ses griefs les concernant. En tout état de cause, elle ne conteste pas le détail des sommes contestées à ce titre.
Au vu des pièces produites, la créance du syndicat des copropriétaires s'établit donc à la somme de 32.745,81 euros selon décompte arrêté au 17 février 2020, déduction faite d'une somme de 50 euros facturée à titre de frais.
Le jugement entrepris sera donc infirmé et la SCI condamnée au paiement de cette somme, étant observé que le syndicat des copropriétaires ne justifie pas utilement de sa demande au titre des intérêts à compter des 16 novembre 2016 et 11 janvier 2018.
Sur les frais nécessaires
Selon l'article 10-1 de la loi précitée, sont imputables au seul copropriétaire concerné les frais nécessaires exposés par le syndicat, notamment les frais de mise en demeure, de relance et de prise d'hypothèque à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d'une créance justifiée à l'encontre d'un copropriétaire ainsi que les droits et émoluments des actes des huissiers de justice et le droit de recouvrement et d'encaissement à la charge du débiteur.
Par 'frais nécessaires' au sens de cette disposition, il faut entendre les diligences efficientes qui marquent une étape indispensable dans le processus de recouvrement, comme la mise en demeure, prélude obligé à l'article 19-1 de la loi ou au cours des intérêts.
En conséquence, il convient de faire droit à la demande du syndicat des copropriétaires à hauteur de 330 euros, somme en rapport avec les exigences de recouvrement d'une dette telle que celle en litige qui remonte à 2016.
Sur la demande en dommages et intérêts pour résistance abusive
Vu l'article 1231-6 du code civil,
Comme l'observe pertinemment le syndicat des copropriétaires, l'obligation essentielle d'un copropriétaire est de régler régulièrement et intégralement les charges de copropriété afférentes à son lot. Le fait de ne pas respecter cette obligation est donc fautif et cause au syndicat des copropriétaires un préjudice distinct de celui qu'indemnisent les intérêts de retard, l'indemnité de procédure et la condamnation aux dépens.
En l'espèce, les impayés de la SCI sont constants et conséquents depuis 2016.
Ce comportement fautif contraint le syndicat des copropriétaires à accomplir des tâches de gestion visant à recouvrer les charges litigieuses impayées qui doivent être avancées par l'ensemble des copropriétaires respectueux de leurs obligations. Ce comportement fautif fragilise incontestablement par son ampleur et sa durée la situation financière de la copropriété dont elle grève sérieusement le budget et désorganise la trésorerie.
La SCI, dont la mauvaise foi est patente, doit donc être condamnés à lui payer la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Sur la demande de délai de grâce
Cette demande présentée au visa de l'article 1343-5 du code civil, n'est étayée d'aucun justificatif des difficultés de trésorerie alléguées. En l'état de la mauvaise foi de la SCI dont témoigne sa carence depuis au moins 2016, elle n'est pas sérieuse et ne peut propérer.
Sur la créance de dommages et intérêts de la SCI et la compensation
La SCI invoque une créance de dommages et intérêts à l'encontre du SDC du fait de copropriétaires non identifiés qui occuperaient sans droit ni titre ses lots de parkings 81 à 93, sans répondre à la fin de non recevoir tirée par ce dernier de son défaut de droit à défendre à cette action.
Au demeurant, elle ne justifie ni des auteurs prétendus a fortiori de leur qualité de copropriétaire, ni de l'ampleur de l'occupation alléguée, ce que l'attestation versée aux débats (pièce 5) ne suffit pas à établir.
Cette demande doit donc être rejetée, ainsi que celle, subséquente, tendant à la compensation.
Sur les demandes accessoires
Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile, le sens de l'arrêt et la défaillance de la SCI en première instance conduit à l'infirmation du jugement entrepris sur les dépens et l'indemnité de procédure.
La SCI, partie perdante, doit donc supporter les dépens de première instance et d'appel sans pouvoir prétendre à une indemnité de procédure et l'équité commande de la condamner comme suit à ce dernier titre.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription ;
Condamne la SCI du Chateau à payer au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 5]:
- la somme de 32.745,81 euros, selon décompte arrêté au 17 février 2020 ;
- la somme de 330,00 euros au titre des frais nécessaires ;
- la somme de 1.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
Condamne la SCI du Chateau aux dépens de première instance et d'appel, distraits conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne la SCI du Château à payer au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 5]) une indemnité de procédure de 6.000 euros et rejette toute autre demande.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Agnès BODARD-HERMANT, Président, et par Madame Kalliopi CAPO-CHICHI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,