COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 AVRIL 2022
N° RG 20/00474
N° Portalis DBV3-V-B7E-TYLB
AFFAIRE :
[U] [N] épouse [H]
C/
Société SOCULTUR
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Janvier 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Versailles
N° Section : Encadrement
N° RG : 16/00005
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
- Me Yoann SIBILLE
- Me Martine DUPUIS
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant fixé au 05 janvier 2022 puis prorogé au 26 janvier 2022 puis prorogé au 02 mars 2022 puis prorogé au 06 avril 2022 puis prorogé au 20 avril 2022 les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :
Madame [U] [N] épouse [H]
née le 11 Septembre 1981 à [Localité 5] (02), de nationalité française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Yoann SIBILLE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 664
APPELANTE
****************
Société SOCULTUR
N° SIRET : 519 780 795
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et par Me Charlotte VUEZ de la SELARL ELLIPSE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX, vestiaire : 864 substitué par Me Thomas FROMENTIN, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 novembre 2021, Régine CAPRA, présidente ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Régine CAPRA, Présidente,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Perrine ROBERT, Vice-président placé,
qui en ont délibéré,
Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL
FAITS ET PROCÉDURE,
Mme [U] [N] épouse [H] a été engagée à compter du 21 mai 2013 par la société Socultur en qualité de chef de secteur, statut cadre, niveau VII, coefficient 300, moyennant un salaire mensuel brut de 2 400 euros pour 213 jours de travail par an et une prime forfaitaire de résidence région parisienne de 360 euros. Elle exerçait ses fonctions en tant que chef de secteur service au sein du magasin Cultura de Plaisir/ Les Clayes-sous-Bois (78).
Les relations entre les parties sont soumises à la convention collective nationale des commerces de détail de papeterie, fournitures de bureau, de bureautique et informatique et de librairie.
Mme [N] a été absente de l'entreprise pour congés payés du 24 février au 2 mars 2014, pour congé maladie du 6 au 25 mai 2014, en raison d'une intervention chirurgicale, et pour congés payés du 28 juillet au 10 août 2014.
Victime d'un accident du travail le 6 janvier 2015, elle a été en arrêt de travail pour accident du travail du 6 janvier 2015 au 13 janvier 2015. Elle a été en arrêt de travail ininterrompu pour maladie du 14 janvier au 15 juillet 2015, puis en congés payés du 16 au 28 juillet 2015.
Par courrier du 11 mars 2015, la salariée a sollicité une rupture conventionnelle de son contrat de travail. Une convention de rupture a été signée le 25 mai 2015, suivie d'une rétractation de l'employeur le 9 juin 2015. Une nouvelle convention de rupture ayant été signée le 16 juin 2015, homologuée par l'inspecteur du travail, le contrat de travail a pris fin le 28 juillet 2015. La salariée a perçu une indemnité spécifique de rupture conventionnelle de 1 332,78 euros.
Contestant la rupture conventionnelle de son contrat de travail et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, Mme [N] a saisi le 5 janvier 2016 le conseil de prud'hommes de Versailles afin d'obtenir le versement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Par jugement du 29 janvier 2020, auquel la cour renvoie pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Versailles a :
- débouté Mme [N] de l'intégralité de ses demandes,
- débouté la société Socultur de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, - condamné Mme [N] aux éventuels dépens.
Mme [N] a interjeté appel de cette décision le 19 février 2020.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 22 septembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens, Mme [N] demande à la cour d'infirmer le jugement en entrepris en ce qu'il l'a débouté de l'intégralité de ses demandes, et, statuant à nouveau, de :
- annuler le forfait-jours,
- juger que la rupture conventionnelle signée entre les parties est nulle,
- condamner la société Socultur à lui payer les sommes suivantes :
. 4 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des fonctions prévues dans le contrat de travail,
. 42 508,06 euros au titre des heures supplémentaires effectuées,
. 4250,81 euros au titre des congés afférents,
. 11 291,40 euros à titre de dommages et intérêts pour non octroi des contreparties en repos,
. 20 148,42 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
. 4 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des temps de repos minimum,
. 15000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité,
. 47 012,98 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, .
10 074,21 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 1 007,42 euros au titre des congés payés afférents,
. 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 15 juillet 2020, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens, la société Socultur demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, de débouter Mme [N] de l'ensemble de ses demandes, de condamner Mme [N] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux entiers dépens, qui pourront être directement recouvrés par la Selarl Lexavoué Paris-Versailles conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 6 octobre 2021.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le non-respect des fonctions prévues dans le contrat de travail
Selon la fiche de fonction, le chef de secteur service a, au sein du magasin et sous la responsabilité du directeur de magasin, les missions suivantes :
- veiller à tout instant à la qualité de l'accueil et de la satisfaction des clients,
- assurer le traitement des flux de marchandises entrants et sortants,
- animer l'équipe qui lui est confiée, en terme de suivi individuel, de formation, d'information et d'organisation du travail,
- assurer la maintenance du magasin et la sécurité des biens et des personnes au niveau magasin,
- garantir le suivi administratif dans les règles et le respect de la loi : paie, gestion sociale...
- garantir les résultats en terme de productivité, de tenue des frais et de lutte contre la démarque,
- établir, maintenir et mettre en valeur une gamme de services et de produits conformes à la politique commerciale de l'entreprise.
Il y est décrit comme un homme de terrain, proche de ses clients et de ses équipes, dont l'objectif n°1 est de satisfaire chaque client et d'être le meilleur spécialiste de son domaine sur sa zone de chalandise. Il est responsable d'une équipe de conseillers de vente. Il organise, coordonne et contrôle les activités au sein de son secteur.
Au titre des activités communes, et plus particulièrement dans le cadre des permanences du magasin, il prend en charge la coordination du magasin au niveau des équipes, du fonctionnement des caisses, de la sécurité générale des clients, des collaborateurs et des biens se trouvant dans le bâtiment. Ces permanences s'exercent selon le planning établi par le directeur de magasin, durant les plages 7h30-9h00 (réalisation des opérations relatives à l'ouverture du magasin), ou 19h00-20h30 (réalisation des opérations relatives à la fermeture du magasin), étant précisé que durant la plage 12h00-14h00, le chef de secteur de permanence assure la gestion de la fluidité du service accueil, la réalisation des fermetures de caisses planifiées et la gestion des prestataires extérieurs.
Mme [N] soutient que la société Socultur n'a pas respecté les fonctions définies par son contrat de travail, en lui confiant des tâches d'exécution ne relevant pas de sa qualification. Toutefois, s'il peut arriver, en période de forte activité, au chef de secteur, de venir aider ses équipes à mener à bien leurs tâches d'exécution, cela ne suffit pas à caractériser un non-respect de ses fonctions. Mme [N] ne rapporte pas la preuve du non-respect des fonctions contractuellement définies qu'elle invoque, en l'absence d'élément précis et circonstanciés à l'appui de cette allégation.
En l'absence de faute commise par l'employeur à cet égard, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect des fonctions.
Sur la validité de la convention de forfait en jours
En application de l'article L. 3121-45 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2008-789 du 20 août 2008, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires. La convention de forfait en jours sur l'année est nulle si l'accord collectif ne prévoit pas de garanties suffisantes pour assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés.
L'avenant du 13 juillet 2001 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail à 35 heures dans les commerces de détail de papeterie, fournitures de bureau, de bureautique et informatique stipule que cet accord de branche ne s'applique que dans les seules entreprises qui, à la date de son entrée en vigueur, n'ont pas encore conclu d'accord de réduction du temps de travail et que ses dispositions ne remettent pas en cause les accords d'entreprises signés antérieurement.
La société Socultur a conclu le 8 février 2001, antérieurement à l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2002, de l'accord de branche, un accord relatif à la réduction du temps de travail, intitulé accord sur l'aménagement du temps de travail de l'encadrement. L'accord de révision de cet accord d'entreprise en date du 18 décembre 2014, entré en vigueur le 1er février 2015, n'est pas applicable au litige, qui concerne une période antérieure. Il s'ensuit que seul l'accord d'entreprise sur l'aménagement du temps de travail de l'encadrement du 8 février 2001 est applicable à la convention de forfait en jours conclue par la société Socultur avec Mme [U] [N].
L'accord d'entreprise sur l'aménagement du temps de travail de l'encadrement du 8 février 2001, produit par la société Socultur, stipule que, dans le cas du forfait en jours, les cadres ne sont pas soumis aux durées maximales journalières et hebdomadaires, que l'amplitude de leur journée de travail ne pourra excéder 13 heures, rappelle qu'ils bénéficient des dispositions réglementaires régissant le repos quotidien et le repos hebdomadaire et ne peuvent être occupés plus de six jours consécutifs, fixe comme période de référence pour le décompte des jours de travail, la période du 1er juin au 31 mai de l'année suivante et prévoit que chaque cadre fera part de ses souhaits d'organisation et répartition de ses jours de travail, jours de repos et congés payés pour le semestre à son responsable hiérarchique, que ce planning fera l'objet d'un accord de la direction, que celui-ci vérifiera la cohérence des plannings et procédera, en concertation avec les intéressés, à une éventuelle adaptation afin de garantir le bon fonctionnement du magasin ou du service concerné et que la réalisation sera suivie mensuellement par le service du personnel.
Les stipulations de cet accord, qui n'instituent pas de suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail du salarié concerné, et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé de celui-ci. Il en résulte que la convention individuelle de forfait en jours conclue par la société Socultur avec Mme [U] [N] est nulle.
Sur la demande en paiement d'heures supplémentaires
La convention de forfait en jours étant nulle, Mme [N] peut prétendre au paiement des heures supplémentaires qu'elle a, le cas échéant, réalisées, dont il appartient à la cour de vérifier l'existence et le nombre.
Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée du travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Mme [N] produit un tableau récapitulatif suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies, jour par jour, du 1er juillet 2013 au 6 janvier 2015. La société Socultur, qui, tenue d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées, s'est abstenue, en violation de l'obligation qui lui était faite, de procéder à l'enregistrement de l'horaire accompli par la salariée, ne verse aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par celle-ci. La preuve de l'accomplissement d'heures supplémentaires est dès lors rapportée, dont il appartient à la cour d'évaluer l'importance, peu important que la salariée n'en ait pas fait état avant la saisine du conseil de prud'hommes et qu'elle ait indiqué lors de l'entretien annuel du 17 juin 2014 à propos de l'articulation entre activités professionnelles et vie personnelle et familiale 'Pour l'instant RAS'.
Selon l'article L. 3121-22 du code du travail, constituent des heures supplémentaires toutes les heures de travail effectuées au-delà de la durée hebdomadaire du travail fixée par l'article L. 3121-10 du code du travail ou de la durée considérée comme équivalente. Cette durée du travail hebdomadaire s'entend des heures de travail effectif et des temps assimilés.
Les jours fériés, les jours de congés payés, les jours de RTT et les jours d'arrêt maladie ne peuvent, en l'absence de dispositions légales ou conventionnelles, être assimilées à du temps de travail effectif, de sorte qu'ils ne sauraient être pris en compte dans la détermination de l'assiette de calcul des droits à majoration pour heures supplémentaires.
Selon l'article L. 3121-22, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L. 3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25% pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50%. Une convention ou un accord de branche étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir un taux de majoration différent. Ce taux ne peut être inférieur à 10%.
Les éléments de rémunération dont les modalités de fixation permettent leur rattachement direct à l'activité personnelle du salarié doivent être intégrés dans la base de calcul des majorations pour heures supplémentaires.
Il y a lieu de relever que les règles de calcul appliquées par la salariée sont inexactes dès lors :
- qu'elle revendique le paiement de la somme de 459,87 euros pour 14 heures supplémentaires, dont 8 heures supplémentaires au taux majoré de 25% et 6 heures au taux majoré de 50%, pour la semaine du 24 février au 2 mars 2014, sur la base d'un temps de travail de 7 heures par jour durant 7 jours, alors qu'elle n'a pas travaillé durant cette semaine et a perçu une indemnité de congés payés ;
- qu'elle inclut dans l'assiette de calcul des droits à majoration pour heures supplémentaires :
* des heures correspondant à des jours d'absence, comme les 7 heures de récupération qu'elle indique avoir prises le 18 octobre 2013, 7 heures par jour de RTT pris ou 7 heures par jour férié non travaillé (25 décembre 2013, 1er janvier 2014, 21 avril 2014, 1er mai 2014, 25 décembre 2014, 1er janvier 2015) ;
* des heures correspondant à des semaines durant lesquelles elle a travaillé moins de 35 heures, comme les 4,5 heures effectuées au-delà de 7 heures le lundi 5 mai 2014, alors qu'elle n'a pas travaillé les autres jours de la semaine, étant en arrêt de travail pour maladie, ou comme les 11,5 heures effectuées au total au-delà de 7 heures par jour le lundi 5 et le mardi 6 janvier 2015, alors qu'elle n'a pas travaillé les autres jours de la semaine, étant en arrêt de travail pour accident du travail ;
- qu'au lieu de retenir pour le calcul du taux horaire majoré un taux horaire de base de 2 400 euros/151,67 heures, soit 15,82 euros, et d'ajouter au rappel de salaire majoré les accessoires de salaire éventuellement dus, comme la majoration pour dimanche travaillé, elle retient le taux horaire résultant de son salaire mensuel brut moyen incluant notamment la prime forfaitaire de résidence région parisienne, qui n'est pas directement rattachée à son activité personnelle.
Il est établi que pour mener à bien les tâches qui lui ont été confiées, la salariée a accompli du 1er juillet 2013 au 6 janvier 2015 des heures de travail qui ne lui ont pas été rémunérées, qu'il convient d'évaluer à la somme de 12 551,40 euros.
La société Socultur est bien fondée à faire valoir qu'il convient de tenir compte, dans le calcul des droits de la salariée, des jours de réduction du temps de travail dont celle-ci a bénéficié. En effet, lorsque la convention de forfait est déclarée nulle, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de cette convention devient indu.
Mme [N] ayant perçu en l'espèce des indemnités de RTT d'un montant de 1 335,50 euros pour les 10 jours de RTT qu'elle a pris, les 12 juillet 2013, 17 janvier 2014, 21 février 2014, 24 avril 2014, 13 juin 2014, 25 juillet 2014, 12 septembre 2014, 17 octobre 2014, 5 décembre et 31 décembre 2014, et ayant perçu en juillet 2015 la somme de 2 152,34 euros au titre du solde de ses droits à RTT, a perçu indûment la somme totale de 3 487,84 euros au titre des RTT, qu'il convient de déduire du montant des heures de travail effectuées qui n'ont pas donné lieu à rémunération.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Socultur à payer à Mme [N], après déduction des jours de RTT dont elle a bénéficié, la somme de 9 063,56 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires ainsi que la somme de 906,36 euros au titre des congés payés afférents.
Sur la demande d'indemnité pour absence de contreparties obligatoires en repos
La société Socultur emploie plus de 20 salariés. Pour les entreprises de plus de 20 salariés, les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent ouvrent droit à une contrepartie obligatoire en repos égale à 100%, soit 1 heure par heure supplémentaire effectuée au-delà du contingent.
Au vu des éléments soumis à son appréciation, la cour constate que Mme [N] n'a pas accompli d'heures supplémentaires au-delà du contingent annuel de 220 heures par an en 2013 et 2015 mais en a accompli en 2014. Il y a lieu d'évaluer l'indemnité due à la salariée pour la perte des contreparties obligatoires en repos auxquelles lui ouvraient droit les heures supplémentaires accomplies à la somme de 2 854,62 euros.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Socultur à payer ladite somme à Mme [N] à titre d'indemnité pour perte des contreparties obligatoires en repos.
Sur la demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé
Le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite.
Il n'est pas établi que la société Socultur a, de manière intentionnelle, omis de mentionner sur les bulletins de salaire les heures réellement effectuées par la salariée. Cette dernière sera en conséquence déboutée de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé sur le fondement de l'article L. 8223-1 du code du travail et le jugement confirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts pour non-respect des temps de repos minimum
La preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur.
La société Socultur ne justifie pas du respect du repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives dont Mme [N] devait bénéficier.
Le seul constat du non-respect des temps de repos minimum ouvre droit à réparation.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Socultur à payer à Mme [N] la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des temps de repos minimum.
Sur la demande de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité
Au soutien de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité, Mme [N] invoque l'absence de règlement intérieur porté à la connaissance des salariés entre le 21 mai 2013 et le 16 juin 2015, l'absence de document unique d'évaluation des risques professionnels, une surcharge de travail, le port de charges lourdes, le stress subi et le non-respect des arrêts maladie.
Selon l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale qu'aucune action en réparation des accidents et maladies mentionnés par le présent livre ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit.
Il en résulte que l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale.
Si sous le couvert d'une demande indemnitaire fondée sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, la salariée ne peut demander à la juridiction prud'homale la réparation par l'employeur d'un préjudice né de son accident du travail, elle est en revanche bien fondée à solliciter la réparation du préjudice résultant du manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité étranger à son accident du travail.
L'article L4121-1 du code du travail dispose :
'L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.'
L'article L4121-2 du code du travail dispose :
'L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.'
En dehors de la déclaration relative à l'accident du travail du 6 janvier 2016, mentionnant un blocage du dos consécutif à un port de charge à l'occasion de la réception de marchandises et des certificats d'arrêts de travail pour accident du travail délivrés par le médecin urgentiste pour la période du 6 janvier au13 janvier 2015 (certificat initial du 6 janvier 2015, certificat de prolongation du 8 janvier 2015 et certificat final du 13 janvier 2015), Mme [N] produit :
- les horaires de travail qu'elle prétend avoir effectués du 1er juillet 2013 au 6 janvier 2015 ;
- une attestation du 22 septembre 2017 de son adjointe au sein de l'entreprise, Mme [Z], complétée par une attestation du 7 décembre 2018 concernant son licenciement intervenu le 22 août 2017 pour faute grave pour absence sans justification depuis le 17 juillet 2017.
- les avis d'arrêt de travail pour maladie destinés au service médical de la sécurité sociale délivrés par son médecin généraliste concernant la période du 8 janvier 2015 au 15 juillet 2015, mentionnant les raisons médicales successives suivantes :le 8 janvier 2015 : surmenage, hypertension artérielle de novo ; le 15 janvier 2015 : surmenage, dysthyroïdie ; le 30 janvier 2015 : état de stress aigu ; le 4 mai 2015 : repos suite S.A.T, attente rupture conventionnelle ; le 18 mai 2015 : convalescence suite syndrome dépressif (épuisement professionnel) ; le 16 juin 2015 : S.A.T. attente rupture conventionnelle ;
- le courrier en date du 15 janvier 2015 aux termes duquel le médecin généraliste requiert l'expertise d'un confrère en lui indiquant que l'intéressée présente un état de surmenage professionnel intense, qu'il n'y a pas d'idées suicidaires mais une autodépréciation injustifiable et rappelle la dysthyroïdie constatée ;
- les courriers qu'elle a adressés à son employeur le 11 mars 2015 et le 20 mai 2015 pour obtenir une rupture conventionnelle, dans lesquels elle indique que la désorganisation des conditions de travail a affecté son état de santé, qui a été mis à une telle épreuve qu'il ne lui est plus possible de retourner travailler sur le magasin de [Localité 6], sans préciser en quoi consistait la désorganisation des conditions de travail qu'elle évoquait ;
- l'attestation établie le 17 mars 2018 par son mari, M. [H], selon laquelle il a constaté la dégradation de l'état de santé de son épouse et sa perte de confiance en ses capacités à être une personne efficace et sûre ;
- un courrier du 30 juin 2017 de son médecin généraliste au médecin du travail et le courrier adressé le 11 juillet 2017 par le médecin du travail au médecin généraliste suite à une visite de pré-reprise, relatifs à son état de santé après reprise d'un autre emploi.
Quand M. [H] évoque l'étendue démesurée de la plage horaire d'activité de sa femme (6h00-21h00), l'impossibilité pour elle de poser des RTT et des refus de pose de congés payés ou le fait que si elle utilisait en cachette leur ordinateur personnel pendant que tout le monde dormait, c'était pour travailler, il ne fait que rapporter les dires de sa femme, qui ne sont corroborés par aucun élément extérieur. S'il fait état d'une sollicitation abusive de celle-ci par téléphone durant ses jours de repos et ses congés payés et des coups de téléphones répétés la nuit pendant son arrêt de travail suite aux déclenchements de l'alarme du magasin , il ne rapporte aucun fait précis et circonstancié permettant à la cour d'en apprécier la fréquence et l'importance.
Mme [Z], qui ne peut attester d'horaires de travail qui n'étaient pas les siens et se borne à énumérer les missions confiées à Mme [N], porte une appréciation subjective sur la charge de travail de l'intéressée et la pression importante à laquelle celle-ci aurait eu à faire face qu'elle évoque n'est corroborée par aucun élément précis et circonstancié.
Il ressort du compte-rendu d'entretien individuel du 13 février 2014, du compte-rendu de l'entretien annuel du 17 juin 2014, du compte-rendu d'entretien individuel du 9 septembre et de l'attestation de M. [W], directeur de magasin, que Mme [N] a rencontré des difficultés dans l'acquisition des fondamentaux de son métier, dans le domaine du management et dans celui de la maîtrise des flux de marchandises, ce qui l'a conduit à lui proposer un accompagnement particulier, et qu'à la fin de l'année 2014, les résultats de la salariée en matière de maîtrise des flux et d'organisation logistique n'étaient pas conformes aux attentes. M. [D], chef de secteur, atteste que les rapports entre Mme [N] et le directeur du magasin étaient bons et cordiaux, que Mme [N] rencontrait des difficultés dans sa mission, et qu'elle a fait l'objet en conséquence, comme lui-même, qui était également nouveau dans l'entreprise, d'un accompagnement personnalisé par le directeur de magasin. Mme [P], ancien chef de secteur, atteste que Mme [N] avait des difficultés professionnelles, qui ont amené le directeur du magasin à mettre en place un suivi personnalisé pour l'aider dans sa mission, et que l'ensemble de l'équipe encadrement a essayé d'épauler Mme [N] dans son travail, qu'ils ont toujours travaillé dans une bonne ambiance. Ces éléments établissent que Mme [N] a reçu l'aide nécessaire pour mener à bien ses missions.
Le fait pour le directeur du magasin de contacter la salariée par mail durant son arrêt de travail pour maladie le 9 janvier 2015, après réception de la prolongation de son arrêt de travail jusqu'au 13 janvier, pour lui demander de l'appeler, le 27 janvier 2015 pour qu'elle contacte le service paie pour un éclaircissement concernant son dossier et le 2 février 2015, après réception de la prolongation de son arrêt de travail jusqu'au 28 février, pour lui demander de l'appeler, ne caractérise aucun manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.
Il ne résulte d'aucun élément qu'avant le 15 mars 2015, la salariée ait alerté son employeur, qui n'a pas connaissance de la raison médicale de l'avis d'arrêt de travail qu'il reçoit, de la dégradation de son état de santé psychologique et il est établi qu'à compter de cette date, elle a affirmé et réaffirmé avec constance sa volonté de conclure une rupture conventionnelle, excluant ainsi toute autre action de la part de son employeur. Mme [N] ne peut donc imputer à faute une inaction à la société Socultur.
Il n'en demeure pas moins que la société Socultur ne justifie ni avoir accompli les diligences attestant de l'existence d'un règlement intérieur opposable aux salariés entre le 21 mai 2013 et le 16 juin 2015, ni avoir établi le document unique d'évaluation des risques professionnels, ni avoir pris les dispositions nécessaires de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail de la salariée restaient raisonnables et assuraient une bonne répartition, dans le temps, du travail et donc à assurer la protection de la santé du salarié, le seul fait d'avoir interrogé l'intéressée sur l'organisation de son forfait jour lors de l'entretien annuel d'évaluation du 17 juin 2014 étant insuffisant à cet égard . L'employeur a dès lors manqué à son obligation de sécurité.
Le préjudice subi par la salariée du fait du non-respect des temps de repos minimum a été ci-dessus indemnisé.
La preuve d'un lien de causalité au moins partiel entre l'activité professionnelle de la salariée depuis le 21 mai 2003 et le surmenage, puis le stress, puis l'état dépressif successivement constatés par le médecin-généraliste après son accident du travail du 6 janvier 2015 n'est pas rapportée.
Mme [N] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice résultant pour elle des manquements de l'employeur à l'obligation de sécurité ci-dessus retenus comme établis, distinct des conséquences de son accident du travail. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.
Sur la rupture du contrat de travail
Mme [N] soutient que la rupture conventionnelle est nulle pour vice du consentement et fraude à la loi.
L'état de santé de la salariée ne suffit pas à démontrer que son consentement a été vicié.
Mme [N] ne rapporte pas la preuve d'une erreur, d'un dol ou d'une violence ayant altéré son consentement.
Elle ne rapporte pas non plus la preuve de la fraude à la loi qu'elle invoque, aucun élément n'établissant que la société Socultur a éludé les règles applicables au licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle. L'inaptitude alléguée par la salariée n'a pas été constatée et il ne peut être fait grief à l'employeur de ne pas avoir saisi le médecin du travail pour faire pratiquer un examen médical de reprise, dès lors que l'arrêt de travail pour maladie de l'intéressée était prolongé et qu'un tel examen peut avoir lieu au plus tard dans les 8 jours de la reprise du travail.
En l'absence de fraude ou de vice du consentement, la rupture conventionnelle est valide. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [N] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul ou pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents.
Sur les dépens et l'indemnité de procédure
La société Socultur qui succombe à l'instance, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et sera déboutée de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Il convient de la condamner à payer à Mme [N] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire,
INFIRME partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Versailles en date du 29 janvier 2020 et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
DÉCLARE nulle la convention individuelle de forfait en jours conclue par la société Socultur avec Mme [U] [N],
CONDAMNE la société Socultur à payer à Mme [U] [N] les sommes suivantes :
- 9 063,56 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires,
- 906,36 euros au titre des congés payés afférents,
- 2 854,62 euros à titre d'indemnité pour perte de contreparties obligatoires en repos,
- 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des temps de repos minimum,
CONFIRME pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ;
Y ajoutant :
CONDAMNE la société Socultur à payer à Mme [U] [N] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE la société Socultur de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Socultur aux dépens de première instance et d'appel.
- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Carine DJELLAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,