COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 50G
13e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 19 AVRIL 2022
N° RG 21/06157
N° Portalis
DBV3-V-B7F-UY2N
AFFAIRE :
[E] [A]
C/
[L] [W]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Mars 2018 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 2016F00642
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Martine DUPUIS
Me Oriane DONTOT
TC PONTOISE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
DEMANDEUR devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 27 mai 2021 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 14 mai 2019
Monsieur [E] [A]
né le 31 Janvier 1975 à [Localité 5] ([Localité 5])
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 2167216
Représentant : Me Tomas GURFEIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1959
****************
DEFENDEUR DEVANT LA COUR DE RENVOI
Monsieur [L] [W] ([Localité 5])
né le 16 Mars 1951 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20210927
Représentant : Me Pierre-Alain MARQUET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Mars 2022, Madame Marie-Andrée BAUMANN, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN
M. [E] [A] s'est rapproché de M. [L] [W] en vue d'acquérir 100 % des parts des sociétés [W] précisions et [W] précision médicale (les sociétés GP et GPM), spécialisées dans la mécanique de précision médicale dentaire, que M. [W] souhaitait céder.
Une lettre d'intention d'acquisition, au prix initialement fixé à 1 800 000 euros et prévoyant des compléments de prix, a été signée entre eux le 11 juillet 2014, suivie de pourparlers auxquels il a été définitivement mis fin le 6 mai 2015 sans que les parties parviennent à un accord.
Par acte du 9 septembre 2016, M. [A] et la société AIM CP, société holding créée par ce dernier en vue de l'acquisition, ont assigné M. [W] en réparation de leurs préjudices devant le tribunal de commerce de Pontoise ; la société STJ Holding s'est substituée à la société AIM CP par voie d'intervention volontaire.
Par jugement du 9 mars 2018, le tribunal de commerce de Pontoise a :
- déclaré irrecevable l'intervention de la société STJ Holding ;
- déclaré irrecevables les demandes de la société AIM CP ;
- débouté les sociétés AIM CP et STJ Holding de toutes leurs demandes en ce compris leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté M. [A] de ses demandes d'indemnisation des préjudices financiers personnels prétendument subis du fait de la décision prise par M. [W] de mettre un terme aux pourparlers concernant le projet de cession des sociétés GP et GPM ;
- débouté M. [W] de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts ;
- condamné M. [A] à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté M. [A] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [A] aux dépens de l'instance.
Par déclaration du 3 avril 2018, M. [A] et la société STJ Holding ont interjeté appel du jugement.
Par arrêt contradictoire du 14 mai 2019, la présente cour a :
- infirmé en toutes ses dispositions le jugement ;
Et statuant à nouveau,
- dit que M. [W] a commis une faute en manquant à son obligation de bonne foi et de loyauté à l'égard de M. [A] et de la société STJ Holding, dans le cadre des pourparlers ayant pour objet l'acquisition des sociétés GP et GPM ;
- condamné M. [W] à verser à M. [A] la somme de 39 795,78 euros à titre de remboursement de frais ;
- condamné M. [W] à verser à la société STJ Holding la somme de 56 040,30 euros TTC à titre de remboursement de frais ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- condamné M. [W] aux dépens de première instance et d'appel ;
- condamné M. [W] à verser la somme 2 000 euros à M. [A] et la même somme à la société STJ Holding sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 16 juillet 2020, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la liquidation judiciaire de la société STJ holding.
Par arrêt du 27 mai 2021, la chambre commerciale de la Cour de cassation, sur pourvoi de M. [W], a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la présente cour en raison d'une difficulté relative à la composition de la cour, renvoyé les parties devant la cour d'appel autrement composée et condamné M. [A] et la société STJ Holding aux dépens et à verser à M. [W] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 11 octobre 2021, M. [A] a de nouveau saisi la cour.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 9 février 2022, il demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il :
* l'a déclaré mal fondé en ses demandes d'indemnisation des préjudices financiers personnels subis du fait de la décision prise par M. [W] de mettre un terme aux pourparlers concernant le projet de cession des sociétés GP et GPM, et l'en a débouté ;
* l'a condamné à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
* l'a débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamné aux dépens ;
Et, statuant à nouveau,
- le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes ;
- condamner M. [W] à lui verser la somme de 30 795,78 euros au titre des frais engagés dans le cadre du projet d'acquisition des sociétés GP et GPM ;
- condamner M. [W] à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice ;
- débouter M. [W] de l'intégralité de ses demandes ;
- condamner M. [W] à lui verser la somme de 10 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [W] aux entiers dépens.
M. [W], dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 14 février 2022, demande à la cour de :
In limine litis,
- constater que la société STJ Holding n'a pas interjeté appel du jugement du tribunal de commerce de Pontoise du 9 mars 2018 faute de déclaration d'appel ;
En tout état de cause,
A titre principal,
- juger que la rupture des pourparlers entre les parties intervenue le 8 mai 2015 n'est pas abusive;
En conséquence,
- débouter M. [A] de toutes ses demandes ;
A titre subsidiaire,
- constater qu'il ne peut être tenu responsable de l'intégralité du préjudice allégué par M. [A];
En toute hypothèse,
- condamner M. [A] au paiement d'une somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel dont distraction au profit de maître Oriane Dontot conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 février 2022.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
La société STJ holding dont M. [W] a justifié de la liquidation judiciaire n'est plus partie à la présente instance.
La cour qui, en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, précise qu'elle ne statuera pas sur les phrases des conclusions introduites par les verbes 'constater' et 'juger' qui ne sont pas des prétentions au sens de l'article 4 du même code et ne constituent que le rappel des moyens invoqués.
Sur la faute dans la rupture des pourparlers :
M. [A], après avoir rappelé la chronologie des pourparlers avec M. [W] et insisté notamment sur leur durée 'anormalement longue', de mai 2014 à mai 2015, au regard de la taille des entreprises en cause et sur l'existence d'une lettre d'intention qui engage les parties à réaliser les négociations de bonne foi, fait état du comportement fautif et 'énigmatique' de M. [W] durant la durée des pourparlers et des postures contradictoires qu'il a affichées comme en témoignent les événements déterminants survenus de façon inattendue lors des pourparlers. Il évoque la remise en question par M. [W] du périmètre de la cession et le différend inattendu sur la conclusion d'une clause de non-concurrence rendue nécessaire par la volonté de l'intimé de poursuivre son activité au cours des négociations ; il fait aussi état du 'revirement inattendu' concernant le complément de prix relatif à la trésorerie en faisant valoir qu'il n'avait pas été convenu dans les différentes lettres d'intention mais qu'il a toujours accepté de dialoguer et que les compléments de prix ont été déterminés entre eux au vu du compte-rendu de la réunion tenue le 29 avril 2015 ; il fait enfin état du 'revirement inattendu' relatif à la clause de tutorat, estimant que 'de toute évidence' l'équipe des conseils entourant M. [W] n'était pas animée par la volonté de converger unanimement vers le succès de ce projet de cession et insistant sur le délai pris par l'avocat de M. [W] pour faire, à la veille de la cession, des observations sur le protocole alors même que les projets ont été rédigés par les deux conseils des parties. Il reproche à l'intimé d'avoir ainsi remis en cause, la veille de la cession, son engagement initial sur la chose et le prix.
Il en conclut que M. [W] a fait durer les négociations durant un an et demi dans le cadre d'une lettre d'intention et de ses avenants sans intention ferme de céder ses deux entreprises comme en témoignent ces revirements non justifiés par une raison tangible de sorte qu'il est démontré qu'il n'a fait preuve ni de loyauté ni de bonne foi dans la négociation des accords d'acquisition et que sa responsabilité est engagée sur le fondement de l'article 1382 du code civil.
Il ajoute que contrairement à l'argument 'surprenant' invoqué artificiellement par l'intimé pour tenter de justifier la rupture brutale des pourparlers, le financement de l'opération était 'bouclé' depuis plusieurs semaines au travers des différents accords de financement qu'il liste dans ses écritures, peu important que le plan de financement, initialement prévu dans la première lettre d'intention, ait évolué dès lors qu'aucune difficulté de financement n'a été révélée.
M. [W] reprend également, dans le rappel des faits de ses conclusions, la chronologie des pourparlers en soutenant que les premiers se sont déroulés du 11 juillet 2014 au 8 décembre 2014, date à laquelle il a refusé l'offre de M. [A] faite le même jour, puis qu'ils n'ont repris, jusqu'au 6 mai 2015, que le 12 février 2015, date à laquelle ils ont signé la nouvelle lettre d'intention transmise le 10 février ; il estime que les démarches entreprises par M. [A] entre décembre 2014 et février 2015 se sont déroulées en dehors de tout cadre précontractuel et que par conséquent les négociations, initiées le 12 février 2015, ont duré moins de trois mois.
Après avoir rappelé les principes juridiques qui régissent les négociations précontractuelles, il réplique que c'est le comportement précontractuel de l'appelant ainsi que les désaccords persistants entre les parties dans un climat de défiance mutuelle qui ont causé légitimement la rupture des négociations. Il évoque à cet égard en premier lieu la tentative par M. [A] de lui imposer une sanction financière au titre du prêt personnel, mentionnée à l'article 12 du projet de promesse de cession des actions envoyé le 30 avril 2015 alors que lors de la réunion de la veille, les parties, en présence de M. [M] et de M. [F], avaient semblé trouver un accord quant à l'abandon de cette sanction, indiquant que ce sujet, parmi d'autres, a été la source d'importantes crispations entre eux ; en deuxième lieu, le désaccord persistant sur le traitement de la trésorerie nette des sociétés, observant que les parties, après un accord de principe dans la note manuscrite du 12 février 2015, ne sont pas parvenues à en déterminer les modalités malgré plusieurs échanges à ce sujet entre le 18 mars 2015 et le 8 avril 2015, que là encore il n'a pas été stipulé par M. [A] dans le projet de promesse ce qui avait été convenu lors de la réunion du 29 avril 2015 à propos notamment des créances sur Implant diffusion et que le fait que celui-ci soit revenu sur leurs accords, dans un contexte de forte tension entre eux, est à l'origine d'une réticence, fort légitime, de sa part ; en troisième lieu, il conteste toute modification du périmètre de cession en observant que l'objet de la vente est resté inchangé même si au cours des pourparlers, les parties ont beaucoup échangé à propos de la société Porte que M. [W] a souhaité reprendre, reprise qui n'est intervenue que postérieurement à la rupture des seconds pourparlers et fait enfin état des discussions à propos de la clause de non- concurrence, source 'de nouveaux débats, peu rationnels et constructifs de part et d'autre' alors même que leur attention avait été attirée, le 13 avril 2015, sur la nécessité pour chacun de 'calmer le jeu' des négociations entre eux.
M. [W] en conclut que sa perte de confiance, résultant des ajouts unilatéraux de M. [A] dans un contexte tendu entre les parties lié à des désaccords persistants entre elles sur des points structurants de l'opération projetée, légitime parfaitement la rupture des pourparlers, soutenant que c'est l'appelant qui en a en réalité pris l'initiative, par sms, de sorte que toute faute de sa part est exclue.
La liberté contractuelle impliquant celle de ne pas contracter, les pourparlers préalables à la conclusion d'un contrat peuvent être rompus sans engager la responsabilité de celui qui est à l'initiative de la rupture ; les partenaires ne sont pas pour autant dispensés de participer loyalement aux négociations et de coopérer de bonne foi à l'élaboration d'un projet de sorte que seules les circonstances de la rupture peuvent constituer une faute donnant lieu à réparation.
Pour apprécier le caractère fautif de la rupture, il convient de prendre en considération notamment la durée et l'état d'avancement des pourparlers, le caractère très soudain et imprévisible de la rupture, l'existence ou l'absence d'un motif légitime attaché à cette rupture, le fait pour l'auteur de la rupture d'avoir suscité chez son partenaire la croyance légitime et la confiance en la conclusion du contrat ou encore le degré d'expérience professionnelle respectif des participants à la négociation précontractuelle.
Il appartient donc à la cour d'examiner le déroulement des relations précontractuelles qui se sont nouées entre les parties et leur évolution jusqu'à la rupture des négociations, étant précisé qu'outre MM. [A] et [W] puis leurs avocats est intervenu dès le début de ces négociations, au soutien des intérêts de M. [W], M. [B] [F], associé de la société Eurallia finance, conseil en cession/acquisition, lequel a mis les parties en contact.
Il est constant que M. [A], qui avait pour objectif d'acquérir la totalité des parts d'une entreprise dans le 'secteur industriel manufacturier orienté fabrication de produits techniques ou de transformation' comme précisé dans sa lettre de motivation datée du 5 mai 2014 adressée à M. [F], a manifesté, par une lettre d'intention datée du 11 juillet 2014 et contresignée par M. [W], l'intérêt porté à l'acquisition de la totalité des parts des sociétés GP et GPM ; il y est indiqué le périmètre de l'acquisition, son prix comprenant une part fixe de 1 800 000 euros à laquelle devaient s'ajouter un complément dépendant du montant de la trésorerie et un complément de prix d'un montant total de 300 000 euros défini selon trois critères, les conditions du paiement, les modalités de financement, trois conditions suspensives 'prises alternativement', le sort du bail commercial de la société GP, une garantie d'actif et de passif à hauteur de 450 000 euros, le principe d'un accompagnement du vendeur avec proposition d'une convention de tutorat, la durée de l'offre, une clause d'exclusivité et de confidentialité ; cette proposition qualifiée de préliminaire indique en outre qu'elle n'a pas de valeur contractuelle. Un avenant a été établi le 23 octobre 2014 et une nouvelle lettre d'intention, également qualifiée d'avenant sur le document daté du 26 décembre 2014, a été signée par MM. [A] et [W], qui ont confirmé cet accord en février 2015, date à laquelle il a été complété par une note manuscrite. Il a été notamment convenu dans ce dernier document une baisse de la part fixe du prix à 1 500 000 euros.
Il est également constant que les pourparlers ont été rompus le 6 mai 2015, les parties étant d'avis contraires sur celui qui en est à l'origine.
Si M. [W] soutient que les pourparlers ont cessé entre le 8 décembre 2014 et le 12 février 2015 alors que selon M.[A] ils se sont poursuivis sans interruption en décembre 2014 et janvier 2015, il ressort des éléments versés aux débats que des difficultés sont effectivement survenues dans l'avancée de ces négociations à la suite notamment d'une nouvelle offre de M. [A] qui a proposé le 8 décembre 2014 une diminution du prix au vu de la baisse du chiffre d'affaires et de la chute des marges ; les pourparlers n'ont cependant pas été rompus et se sont poursuivis. En effet, d'après les mails adressés au cours du mois de janvier 2015 par M. [A] à M. [F], l'appelant a proposé différentes 'mises à jour' de son offre et si sa baisse de prix n'a pas été acceptée dans un premier temps par M. [W], les négociations se sont poursuivies quand bien même M. [W] n'était pas en copie des mails, M. [A] écrivant notamment le 27 janvier 2015 : 'Il nous faut valider l'accord de [L] cette semaine'. Si M. [W] n'a pas accepté l'offre alors proposée par M. [A] puisque dans un mail du 28 janvier 2015, ce dernier écrit 'tout le monde est assommé par la position de [L]', l'appelant, par les termes employés dans ce message, entendait bien poursuivre les pourparlers, écrivant qu'avec ses investisseurs il était 'toujours autant motivé et sûr de cette acquisition', espérant que '[L]' accepterait son offre et soulignant que M. [F] avait 'tous les éléments pour le convaincre'. Si le 29 janvier 2015, ce dernier l'a informé que M. [W] n'entendait pas 'changer d'avis à court terme', ce mail ne peut être analysé comme une rupture des pourparlers de la part de l'intimé dans la mesure où M. [F] indique aussi que celui-ci 'ne veut pas couper les ponts' et qu'il s'agit d'une décision temporaire, expliquant que 'pour le moment, il ne veut pas avancer avec toi' ; M. [A], s'il a été relativement ébranlé par cette position de M. [W], celui-ci écrivant notamment qu'à 'un moment donné, on ne peut pas renverser les montagnes, on ne peut que les gravir!' et envisageant
la possibilité d'une nouvelle rencontre pour discuter avec M. [F] de 'nouveaux dossiers', n'a cependant pas renoncé à cette négociation puisqu'il écrit 'Aussi respectons la demande de [L] et nous verrons, comme il a pu me le dire, à son retour de vacances'.
L'accord des parties, intervenu le 12 février 2015 sur le dernier avenant à la lettre d'intention, daté du 26 décembre 2014 et complété d'une note manuscrite du 12 février 2015 relative à différents points concernant la cession (sort de la voiture en leasing, décalage possible du complément de prix en fonction des résultats de l'année 2015, contrepartie financière du tutorat convenu en complément de prix, montant de la trésorerie comprenant des créances à recouvrer et éventualité pour M. [W] d'en prélever une part et émission de billets à ordre en remboursement du prêt personnel), démontre que les négociations, dans un bref délai, se sont poursuivies favorablement et ont progressé ; en outre, un avenant signé tant par l'appelant que par l'intimé, en date du 10 avril 2015, mentionne que la période d'exclusivité applicable aux pourparlers a débuté 'à compter de la première lettre d'intention' datée du 11 juillet 2014 de sorte qu'il est ainsi confirmé, contrairement à ce que prétend l'intimé, que les pourparlers n'ont pas été interrompus mais ont en revanche duré près de dix mois, ce qui est une durée relativement longue au regard de la taille des entreprises, le projet ne présentant pas d'éléments de complexité comme l'ont d'ailleurs souligné les partenaires financiers de M. [A], ceux-ci évoquant 'un deal de cette taille très modeste'.
Au 12 février 2015, MM. [A] et [W], qui avaient prévu une date de transaction au plus tard le 30 avril 2015 après levée des conditions suspensives au plus tard le 15 avril 2015, s'étaient entendus sur l'essentiel des modalités de l'accord de la promesse de cession de parts ; le périmètre de la cession, dans la lettre d'intention et ses avenants, n'a toujours porté que sur les sociétés GP et GPM, quand bien même il ressort du dossier qu'il a été évoqué également à compter du début de l'année 2015 la cession de la société Porte que M. [W] a souhaité acquérir, celle-ci ayant une activité similaire de celle des sociétés cédées ; selon un mail du 9 avril 2015, il a été confirmé par M. [A] que le 'dossier de reprise de la société Porte serait étudié en détail exclusivement et ultérieurement à la date de réalisation' de la cession initialement prévue, étant souligné que M. [W] qui avait fait le 24 mars 2015 une offre qu'il a améliorée à l'audience du 5 mai 2015, n'a effectivement acquis cette société qu'en juin 2015 selon le plan de cession arrêté par jugement du 10 juin 2015.
Ces discussions autour du périmètre de la cession ont néanmoins nécessairement ralenti les négociations ; en outre, la décision de M. [W], au cours des négociations, d'acquérir une nouvelle société intervenant dans le même domaine que les sociétés cédées a donné lieu à une nouvelle discussion concernant la mise en place d'une clause de non-concurrence, ce qui a eu également un impact sur la durée de ces pourparlers.
Après le 12 février 2015, les discussions se sont poursuivies pour faire évoluer les termes de l'accord, notamment s'agissant d'un complément de prix en lien avec la trésorerie existante à la date de la cession, celui-ci ayant été évoqué, en termes imprécis dans la note manuscrite ; d'après les pièces versées aux débats ces discussions se sont intensifiées à compter de la fin du mois de mars 2015 et du début du mois d'avril suivant, le calendrier prévu dans le dernier avenant du 10 avril 2015 reportant de quinze jours la date de signature de la transaction finalement fixée au plus tard le 15 mai 2015 avec une levée des conditions suspensives prévues au plus tard le 30 juin 2015.
Une certaine crispation transparaît de certains des mails échangés, M. [A], dans un message électronique daté du 3 avril 2015, se plaignant des délais, observant qu'il faisait 'tout pour tenir les délais, [L] [W] et ses conseils font tout pour bloquer' après avoir indiqué dans un mail adressé la veille et le matin du même jour à M. [F] qu'il n'avait 'aucun retour de maître [P]', avocate de M. [W], et qu'il attentait 'la validation' de cette dernière 'sur le protocole'.
Par deux messages successifs des 8 avril après-midi et 9 avril 2015 à 10 heures 21, intitulés respectivement 'RE :Trésorerie' et 'dernière proposition', M. [A] a transmis ce qu'il a qualifié d' 'offre définitive' en donnant son accord sur certains points (véhicule conservé par M. [W] pendant la période d'accompagnement, remboursement de frais, complément de prix basé sur la trésorerie), celui-ci ayant amendé le lendemain sa proposition pour le calcul du complément de prix basé sur la trésorerie ; par message du 9 avril 2015 à 15 heures 20, M. [F] lui a répondu en ces termes, avec copie M. [S] [M], intervenant dans le financement de l'acquisition,: 'Messieurs,
Je pense que nous allons pouvoir accepter votre proposition.
Toutefois :
- sur la trésorerie, je pense que nous sommes d'accord ;
- sur la clause de non-concurrence, nous pouvons la signer telle quelle, après en avoir parlé à Me [P] et à PG' (M. [W]).'Nous n'exclurons pas Porte qui n'est pas concurrente de [W] et qui est de toute façon une éventualité, pas une certitude ;
- Il faudra retarder la signature du protocole sans doute la fin de la semaine prochaine ;
- et la cession définitive ne pourra se faire que dans les tous premiers jours de mai, pas au 30 avril ;
Si cela vous convient nous pouvons avancer.'
Le même jour, à 16 heures 36, M. [A] a confirmé à M. [F] que 'le protocole à signer est notre version et exclusivement notre version et qui rejoint les éléments sur lesquels tu viens de nous donner l'accord de ton client'. Il s'est plaint ensuite de l'attitude de l'avocate de M. [W] en lui imputant des modifications qu'il n'entendait pas accepter, M. [A] se montrant dans ce mail impatient que l'accord puisse aboutir en le concluant en ces termes 'Merci de voir avec elle pour que ce quiproquo cesse et qu'elle puisse se mettre au travail. Ceci continue à nous faire perdre un temps précieux'. M. [F] a de son côté relevé, dans un mail du 13 avril 2015, que le seul point de blocage depuis la semaine précédente était que les avocats ne parvenaient pas à travailler ensemble.
Si dans un mail du 13 avril 2015, les partenaires financiers de M. [A] se sont dits inquiets de l'avancement des négociations, ceux-ci s'interrogeant alors sur 'la capacité de l'équipe du cédant à franchir la dernière étape', les négociations se sont cependant poursuivies dans un sens constructif puisque dans un mail du 15 avril 2015, M. [F] a confirmé que les documents nécessaires à la cession seraient élaborés entre les avocats respectifs des parties et que l'objectif était de signer ce document le 28 avril pour un 'closing vers le 15 mai'. Il n'est pas discuté que l'avocate de M. [W], maître [H] [P], a participé avec les conseils de l'acquéreur à l'élaboration du projet de promesse de cession et de la garantie d'actif et passif.
Le 29 avril 2015, s'est tenue une réunion à laquelle ont participé outre les parties, M. [M], et M. [F] qui en a adressé le compte-rendu à MM. [A] et [M] le jeudi 30 avril 2015 en précisant l'avoir transmis à l'un des avocats de M. [W], maître [Y] [J] [P].
Il y est indiqué que 'l'essentiel des discussions a porté sur des aspects opérationnels, notamment sur le projet commun de MM. [W] et [A] après la reprise : transmission, développements envisagés et gestion de la société Porte' et que les points de divergence qui subsistaient ont été résolus, en particulier le complément de prix fondé sur la trésorerie, le complément performance économique, le tutorat et l'absence de sanction financière en cas de non versement du prêt, seule la question de la clause de non-concurrence restant 'à régler'.
Dans un courriel du même jour, cette fois adressé aux avocats du vendeur, M. [F] a précisé que 'la partie adverse' attendait la convention de tutorat et la ventilation du prix entre les deux sociétés ainsi que la rémunération du tutorat, étant également précisé que 'la signature'a été fixée au 7 mai avec un 'closing le 21 mai au plus tard' et la vérification de la trésorerie par l'expert-comptable de l'acquéreur le 6 mai.
Le 30 avril 2015, il a été transmis à l'ensemble des parties, par l'avocate de l'appelant, le projet de protocole de cession dont il n'est pas discuté qu'il a été établi par les avocats respectifs de chacune des parties.
L'envoi de ce projet n'a suscité aucune réaction immédiate, le week-end du 1er mai ayant débuté le vendredi ; le 4 mai 2015, un protocole d'investissement a été passé entre la société Investeam qui devait investir des fonds dans le projet d'acquisition de l'appelant et la société STJ Holding constituée pour cette opération, cet accord permettant le financement de l'acquisition par M. [A].
Ce n'est qu'à la suite d'un mail du mardi 5 mai 2015 à 7 heures 50 de M. [M] demandant à ce qu'il soit confirmé 'qu'il n'y a plus de point à discuter sur le protocole' qu'à 9 heures 02, le même jour, M. [F] a fait savoir qu'après entretien avec l'avocate du vendeur, il y avait 'plusieurs points à finaliser sur la promesse de vente', écrivant que 'le principal est le point concernant les sanctions financières en cas de non versement' et qu'il laissait l'avocate répondre sur les autres points 'qui resteraient en suspens', ajoutant qu'il pensait que 'la convention de tutorat pose aussi un problème, notamment la rémunération de la clause de non- concurrence' et qu'il faudrait 'traiter le point dans la journée', se disant 'en mesure de travailler sur le sujet aujourd'hui pour aider à la finalisation si nécessaire'.
Par retour de mail, à 9 heures 19, l'avocate de l'appelant a adressé un mail à MM. [F] et [M] ainsi qu'à sa consoeur pour indiquer que son client, en copie du mail, était 'd'accord pour retirer la clause relative à la prise en charge des frais de cession en cas de non versement du prêt si ce contrat prévoit un engagement ferme et définitif d'octroyer le prêt, sur la base d'un financement bancaire ou sur le prix de cession perçu' en précisant qu'il s'agissait d'une 'condition indispensable pour que les banques débloquent l'argent', celles-ci voulant éviter 'tout aléa'. Elle y écrivait également 'nous avons compris que nos clients respectifs ont convergé' sur la convention de tutorat dont elle n'avait pas pris connaissance et qu'enfin il avait été prévu une rémunération au titre de la clause de non-concurrence 'pour préserver sa validité, eu égard à la jurisprudence fluctuante en la matière', ajoutant qu'elle souhaitait 'comprendre les raisons du blocage sur ce point'.
Le même jour, l'une des deux avocates de M. [W], maître [Y] [J] [P], a adressé à ses confrères, conseils de l'acquéreur, une lettre de sept pages commentant en détail le projet de promesse de cession envoyé par ces derniers le 30 avril précédent, avec pour phrase introductive : ' En vue de la signature de la promesse de cession, je vous transmets ci-après mes observations sur votre dernier projet du 30 avril écoulé...'
Ces observations portent cependant sur des points essentiels : demande de réécriture de la clause de complément de prix dans son intégralité car elle est 'peu compréhensible' ; introduction, à propos du complément de prix basé sur la performance économique, de la notion de 'charges constantes' dans le calcul 'du résultat d'exploitation donnant droit au complément de prix pour éviter le caractère potestatif' avec proposition de réécriture de la clause sur ce point ; discussion sur la contrepartie financière de l'accompagnement à hauteur de 100 000 euros versés 'en tant que complément de prix et non pas en tant que rémunération du tutorat'; discussion sur la nécessité d'une contrepartie financière à la clause de non-concurrence ; refus d'une sanction financière attachée au non versement du prêt par le vendeur à l'acquéreur 'quelle que soit la manière dont vous la présentez'.
Par courriel du lendemain, à 10 heures 26, qui mentionne qu'il s'agit d'une 'lettre officielle', les avocats de M. [A] ont répondu que leurs clients étaient parvenus à un accord définitif hors la présence des avocats et qu'il avait été convenu que le projet de promesse de cession ne devait plus évoluer, rappelant aussi que celui-ci avait 'beaucoup évolué au fil des réunions tenues avec son confrère, maître [H] [P]' et déplorant que la lettre de sept pages de leur consoeur ait modifié 'substantiellement' de nombreux points à la veille de la signature. Dans ce mail adressé postérieurement aux sms échangés entre MM. [A] et [F], les avocats de l'appelant y ont précisé que leur client souhaitait avoir par retour, le jour même avant midi, le contrat de prêt et la convention d'accompagnement et ont souhaité également avoir confirmation que le protocole resterait en l'état sous réserve de la clause de prise en charge des frais de cession qui serait levée si le contrat de prêt faisait figurer 'un engagement ferme et définitif' de M. [W], ajoutant qu'à défaut leur client comprendrait que 'M. [W] se retire unilatéralement du projet de cession'.
Le même jour, comme prévu dans les accords intervenus entre les parties, il a été procédé par un expert-comptable désigné par M. [A] à un audit portant notamment sur la trésorerie des sociétés, objet des négociations.
Postérieurement au courriel des avocats de l'appelant, maître [Y] [J] [P], dans un mail du même jour à 12 heurs 45 intitulé également 'lettre officielle', a observé que contrairement à ce que son confrère indiquait, le projet 'ne reflète pas leurs accords et ne permet pas la protection des intérêts de son client'. Elle y a aussi précisé que 'dès lors que l'ordonnancement essentiel des conventions de prêt et d'accompagnement ne recueille pas l'accord de votre client dans le cadre de la promesse, l'envoi des actes subséquents s'avère à l'évidence inutile'.
Suite à ce mail, ces deux conventions n'ont pas été transmises par M. [W], le refus de leur transmission ayant entraîné la fin des négociations entre les parties ; par courrier officiel du 21 mai 2015 de son avocat, maître [Z], M. [A] a pris acte de la volonté de M. [W] de mettre fin unilatéralement aux pourparlers.
Il se déduit de l'ensemble de ces échanges que les parties, après avoir longuement négocié, sont parvenues le mercredi 29 avril 2015 à un accord de principe, hors la présence de leurs avocats respectifs mais en étant chacune assistée des conseils intervenus à leurs côtés au cours des pourparlers. Le fait qu'au cours de cet entretien, 'l'essentiel des discussions' a porté sur des aspects opérationnels relatifs à la poursuite du projet commun après la reprise a pu convaincre M. [A] et ses conseils que la cession s'effectuerait à la date fixée entre les parties au 7 mai 2015, le compte-rendu de cette réunion mentionnant que les points de divergence avaient été résolus.
L'appelant a d'ailleurs finalisé le 4 mai 2015 l'accord de financement de son projet d'acquisition et organisé avec le vendeur, la veille de la signature de l'acte, la vérification de la trésorerie des sociétés à céder afin d'arrêter le complément de prix basé sur son montant.
Il n'est pas contestable, à leur lecture comparée, qu'il existe des divergences entre le protocole transmis par l'avocat de M. [A] avec le dernier état de l'accord intervenu lors de la réunion du 29 avril 2015. Ainsi :
- alors que lors de cette réunion, il n'a pas été contesté que les parties, à propos du complément de prix fondé sur la trésorerie, avaient convenu que les chèques reçus en règlement de 'la créance implants diffusion'seront sans doute 'à encaisser après le closing mais feront bien partie de la trésorerie', il est indiqué dans le projet que '(toutes les créances sur Implant diffusion non encaissées à la veille de la signature ne donneront pas lieu à un complément de prix ultérieur)' ;
- alors qu'il a été aussi convenu le 29 avril que le 'non versement du prêt ne donne pas lieu à sanction financière ', s'agissant du prêt que M. [W] devait consentir à M. [A] à hauteur de 200 000 euros, il est en revanche précisé au protocole qui mentionne ce prêt à titre de condition suspensive que 'A défaut de l'octroi de ce prêt par M. [L] [W] à M. [E] [A] causant la non réalisation de la cession des sociétés au profit de l'acquéreur, les vendeurs s'engagent à prendre en charge la totalité des frais engagés par l'acquéreur en vue de réaliser cette opération de cession' ; cette clause est complétée du commentaire suivant, mentionné en marge de l'accord, 'Notre client maintient cette clause.'
Nous avons toutefois fixé ce prêt en tant que condition suspensive.
Notre client demande à M. [W] qu'il s'engage dans le cadre du contrat de prêt fermement et indépendamment du financement. En cas de refus du prêt par sa banque, M. [W] devra effectuer ce prêt sur le prix de cession.
Nous vous informons que cette condition est indispensable à la réalisation de la cession puisque les banques ne pourront lever les fonds sans ce prêt. En conséquence notre client ne peut courir un quelconque aléa'.
Néanmoins, la cour constate également que :
- le protocole, conformément à la demande évoquée par M. [W] dans la note manuscrite du 12 février 2015 et aux négociations intervenues après cette date, mentionne 'un complément de prix basé sur l'excédent de trésorerie sur lequel les parties conviennent du versement de 100 % de l'excédent de trésorerie, au delà de 420 000 euros, au promettant', ce protocole reprenant ensuite le détail mentionné dans la 'dernière proposition' de M. [A] en date du 9 avril 2015 sur laquelle M. [F] avait d'abord confirmé l'accord des parties avant qu'il ne soit ensuite évoqué la précision relative à 'la créance sur Implant diffusion' ;
- l'avocate de M. [A] a immédiatement indiqué, dès réception du mail de M. [F] qui indiquait que la principale question portait sur les sanctions financières en lien avec le prêt à accorder par le vendeur, que leur client se disait prêt à supprimer la clause relative à cette sanction si M. [W] prenait par écrit un engagement ferme et définitif d'accorder le prêt de 200 000 euros;
- M. [W] qui a accepté le principe d'un apport de 200 000 euros dès le mois de novembre 2014, comme il l'avait précisé dans un mail du 6 novembre 2014, n'a cependant pas transmis le contrat de prêt sollicité par les avocats de M. [A] ;
- s'agissant de la question de la convention de tutorat, outre qu'elle n'a pas été transmise au candidat cessionnaire et à ses avocats comme l'a sollicité M. [F] le 29 avril 2015, le protocole prévoit, conformément à la dernière lettre d'intention et au compte-rendu de la réunion du 29 avril 2015, faisant état d'un 'accord pour que le complément soit versé à l'issue d'une période de 12 mois, par tous moyens de paiement valide', le paiement d'une somme de '100 000 euros au titre d'une convention d'accompagnement, de tutorat' payé au terme de l'exécution de cette convention; s'il a été rajouté dans le protocole que ce montant comprenait '15 000 euros alloués au titre de l'engagement de non-concurrence' et s'il est exact qu'aucun accord n'avait pu intervenir sur ce dernier point à l'issue de la réunion du 29 avril 2015, ce protocole a été élaboré après plusieurs réunions de travail entre les avocats de chacune des parties de sorte qu'ils ont nécessairement abordé la question de la clause de non-concurrence, étant souligné que celle-ci n'était pas un point déterminant de la négociation dès lors que M. [F], dans le mail du 9 avril précité, avait indiqué que la clause de non-concurrence pourrait 'être signée telle quelle'.
Il s'en déduit que ces seuls points de divergence ne pouvaient à eux seuls justifier la rupture des pourparlers ; le commentaire de M. [F], dans son mail du 5 mai 2015 adressé à propos de la promesse de cession, qui évoque uniquement 'plusieurs points à finaliser' et propose son aide pour 'aider à la finalisation' ne sont pas le reflet de difficultés majeures et ont conforté M. [A] et ses avocats dans la conviction que la signature de la promesse de cession allait pouvoir se réaliser conformément aux négociations entreprises.
Il ressort cependant des longues observations de maître [Y] [J] [P], transmises l'avant veille de la date convenue entre les parties pour signer l'accord de cession que celle-ci, alors même qu'il n'est pas discuté que sa consoeur, maître [H] [P], a participé à la rédaction du protocole d'accord sur la cession des sociétés, est revenue sur la rédaction elle-même de ce protocole en demandant notamment, à propos du complément de prix basé sur la trésorerie de 'réécrire la clause dans son intégralité car elle est peu compréhensible en l'état' alors même que le texte, comme indiqué précédemment, reprend la dernière proposition de M. [A] à la seule exception des chèques remis par Implant diffusion, cette difficulté de compréhension n'ayant jamais été évoquée dans les mails précédents ; de même, elle a sollicité une réécriture de la clause relative au complément de prix basé sur la performance économique alors même que la clause a été établie conformément aux dispositions convenues dans la dernière lettre d'intention, ayant été simplement mentionné par M. [F] dans le compte-rendu précité que ' le résultat d'exploitation sera calculé à charges constantes : on retient la rédaction que j'ai faite sur le sujet ; on ne modifie pas les seuils actuels, déjà négociés depuis longtemps' . Il n'est pas démontré que la clause écrite dans le protocole ne soit pas conforme à ce compte-rendu.
L'avocate de M. [W] revient également sur la clause d'accompagnement alors même qu'elle ne transmet pas la convention qui y est relative en observant notamment que 'le paiement de ce complément de prix doit intervenir par billet à ordre établi par le cessionnaire et remis au cédant le jour de la réalisation de la cession' ; or les parties avaient convenu, d'après le compte-rendu de M. [F], que le règlement pouvait être versé 'par tous moyens de paiement valide (pas obligatoirement par billets à ordre)'.
Cette remise en cause tardive et substantielle de la rédaction du protocole, alors même que les parties ont très longuement négocié, qu'il n'est pas discuté que les avocats des parties ont respectivement collaboré à sa rédaction et que l'avocat de M. [A] se disait prêt à dialoguer sur les dispositions relatives au contrat de prêt, associée au refus de transmettre les conventions de prêt et d'accompagnement, caractérisent l'absence de bonne foi et de loyauté de la part du vendeur dans l'exécution de la négociation des accords tendant à la cession des sociétés que M. [A] souhaitait acquérir.
La faute de M. [W] dans la rupture des relations précontractuelles est ainsi suffisamment démontrée et il convient d'ajouter au jugement de ce chef.
Sur l'appréciation du préjudice :
M. [A] fait valoir qu'il a engagé, tant à titre personnel qu'au travers de sa holding animatrice, de nombreux frais qu'il énumère en vue d'acquérir les sociétés GP et GPM ; il détaille les factures et le montant des frais qu'il a personnellement payés à hauteur de 30 795,78 euros, le paiement du surplus ayant été assuré par la société qu'il a constituée.
Il ajoute ensuite que le décompte opéré à hauteur de la somme de 30 795,78 euros n'inclut pas les frais et le temps passé, soulignant que sans rechercher d'autre projet d'acquisition, il s'est entièrement consacré au projet litigieux, que ces pourparlers ont nécessité un travail considérable de préparation à l'acquisition puis qu'il a passé beaucoup de temps à prendre connaissance de chaque détail de l'opération, à s'impliquer dans la préparation du montage sociétaire et des audits juridiques et comptables ainsi que dans les démarches auprès des banques en vue de l'obtention d'un prêt et auprès des fonds d'investissement. Il fait état d'un préjudice personnel dans la mesure où il s'est trouvé sans aucun revenu, ses droits au chômage s'étant épuisés sans qu'il puisse reprendre une autre activité professionnelle compte tenu de ce projet de reprise ; il demande, à titre de réparation, l'équivalent de la rémunération qu'il aurait perçue durant les 12 mois qu'ont duré les pourparlers (8 333,33 euros x 12 mois).
M. [W] qui rappelle que le dommage réparable en cas d'abus dans la rupture de pourparlers ne peut être que celui de la perte subie, c'est-à-dire essentiellement des frais inutilement exposés à cette occasion, demande à la cour de débouter l'appelant de sa demande indemnitaire à hauteur de 100 000 euros en exposant qu'outre la durée réduite des pourparlers, M. [A] qui omet de préciser qu'il a perçu des indemnités de chômage jusqu'au 20 décembre 2014, n'établit pas avoir consacré tout son temps au projet de cession des sociétés alors même que le 30 janvier 2015 il a déclaré effectuer d'autres activités ; il conteste de surcroît tout lien causal entre la rupture des pourparlers et le manque à gagner dont se plaint l'appelant.
Il fait valoir ensuite, à propos des frais que l'appelant prétend avoir exposés, que ce dernier n'a jamais invoqué ni démontré de faute à l'occasion des pourparlers intervenus entre le 11 juillet 2014 et le 8 décembre 2014 de sorte que les frais intervenus au cours de cette période, d'un montant total de 30 840,30 euros, supérieur à celui désormais sollicité par l'appelant, sont décorrélés de la rupture des seconds pourparlers et donc non indemnisables.
La réparation du préjudice en matière délictuelle, laquelle doit être intégrale, suppose la démonstration d'un lien de causalité entre la faute commise et le préjudice subi.
Les éléments communiqués par M. [A], à savoir les factures de son avocat, le cabinet [Z], datées des 23 mars 2015, 22 avril 2015 et 26 mai 2015, toutes relatives à l'affaire '[W] précisions-[W] précision médicale', les factures et une attestation de l'expert-comptable ECE ainsi que les relevés du compte personnel de l'appelant, justifient qu'il a personnellement assuré le paiement des frais en lien avec la cession litigieuse pour un montant total de 30 596,94 euros sans qu'il y ait lieu de rajouter les sommes de 148,92 euros et 49,92 euros dont il ressort qu'elles sont comprises dans les factures de l'expert-comptable, comme le mentionnent les écritures de l'appelant.
S'agissant de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 100 000 euros, l'appelant ne démontre pas avoir consacré la totalité de son temps, pendant toute la durée des pourparlers, à l'opération d'acquisition litigieuse de sorte qu'il lui sera alloué une somme de 20 000 euros au titre du temps qu'il y a nécessairement consacré.
Compte tenu de la faute imputée à M. [W] dans la rupture des pourparlers, celui-ci sera condamné, au titre des dommages et intérêts en lien direct avec cette faute, au paiement de la somme totale de 50 596,94 euros, le jugement étant infirmé de ce chef.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement du 9 mars 2018 sauf en ce qu'il a débouté M. [L] [W] de sa demande de dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau,
Dit que M. [L] [W] a commis une faute lors de la rupture des pourparlers relatifs à la cession des sociétés [W] précisions et [W] précision médicale ;
Condamne M. [L] [W] à payer à M. [E] [A] la somme de 50 596,94 euros à titre de dommages et intérêts ;
Condamne M. [L] [W] à payer à M. [E] [A] la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [L] [W] aux dépens de première instance et d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,La PRESIDENTE,