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09/08/2021 | FRANCE | N°19/04359

France | France, Cour d'appel de Versailles, 09 août 2021, 19/04359


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES




Code nac : 54Z


4e chambre


ARRET No


CONTRADICTOIRE


DU 09 AOUT 2021


No RG 19/04359 - No Portalis DBV3-V-B7D-TIPF


AFFAIRE :


ENTREPRISE DE MACONNERIE PIERRE DE TAILLE RESTAURA TION DE MONUMENTS HISTORIQUES MPR


C/


M. [O] [S]


Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Mai 2019 par le Tribunal de Grande Instance [Établissement 1]
No chambre : 4ème


No RG : 18/07047


Expéditions exécutoires
Expédi

tions
Copies
délivrées le :
à :


Me Martine DUPUIS


Me Marie-laure TESTAUD






RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


LE NEUF AOUT DEUX MILLE VINGT ET UN,
La cour d'appel de...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 54Z

4e chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 09 AOUT 2021

No RG 19/04359 - No Portalis DBV3-V-B7D-TIPF

AFFAIRE :

ENTREPRISE DE MACONNERIE PIERRE DE TAILLE RESTAURA TION DE MONUMENTS HISTORIQUES MPR

C/

M. [O] [S]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Mai 2019 par le Tribunal de Grande Instance [Établissement 1]
No chambre : 4ème

No RG : 18/07047

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :

Me Martine DUPUIS

Me Marie-laure TESTAUD

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF AOUT DEUX MILLE VINGT ET UN,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SOCIETE ENTREPRISE DE MACONNERIE PIERRE DE TAILLE RESTAURA TION DE MONUMENTS HISTORIQUES MPR
Ayant son siège [Adresse 1]
[Localité 1]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Maître Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant, au barreau [Établissement 1], No du dossier 1961922 - vestiaire : 625
Représentant : Maître Marie GERMAIN, avocat plaidant, au barreau de PARIS

APPELANTE
****************

Monsieur [O] [S]
né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 2]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]

Comparant

Représentant : Maître Marie-laure TESTAUD, avocat postulant, au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 483
Représentant : Maître Patrice CORNILLE de la SCP CORNILLE-FOUCHET-MANETTI SOCIETE D'AVOCATS INTER BARREAUX, avocat plaidant, au barreau de BORDEAUX, vestiaire : 761

INTIME
****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Juin 2021, Madame Valentine BUCK, conseillère, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Emmanuel ROBIN, Président,
Madame Pascale CARIOU, Conseillère,
Madame Valentine BUCK, Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMINFAITS ET PROCÉDURE

M. [S] a confié à la société MPR la réalisation du dallage extérieur de la terrasse de sa maison située [Adresse 3]. Le 3 novembre 2015, la société MPR a mis en demeure M. [S] de lui payer la somme de 34 271,51 euros. De son côté, le 2 décembre 2015, M. [S] a mis en demeure la société MPR de reprendre des malfaçons et de terminer les travaux.

Par ordonnance de référé rendue le 10 mai 2017 par le président du tribunal de grande instance de Versailles, une expertise judiciaire a été confiée à M. [W] pour examiner les désordres invoqués par M. [S]. Il a rendu son rapport le 20 mars 2018.

Par acte d'huissier délivré le 11 octobre 2018, M. [S] a fait assigner la société MPR en indemnisation.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 7 mai 2019, le tribunal de grande instance de Versailles a :

– prononcé la résiliation du marché conclu entre M. [S] et la société MPR, tel qu'il résulte du devis rectificatif d'un montant de 47 830,51 euros toutes taxes comprises, signé et accepté le 2 juillet 2015,

– condamné la société MPR à payer à M. [S],
- la somme de 28 677,76 euros au titre du coût des travaux réparatoires,
- la somme de 6 000 euros au titre du trouble de jouissance,
- la somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral,

– condamné la société MPR à payer à M. [S] la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société MPR aux dépens, comprenant les frais d'expertise judiciaire.

Pour l'essentiel, le tribunal a considéré, sur la base d'un procès-verbal de constat d'huissier et du rapport d'expertise, que la société MPR avait commis des fautes justifiant la résiliation du marché et sa condamnation à indemniser M. [S] du montant des travaux de reprise sur la base du devis de la société JB Diffusion détaillé et proche de celui initial de la société MPR, comprenant le poste étanchéité nécessaire pour la pérennité de l'ouvrage.

Le 14 juin 2019, la société MPR a interjeté appel de ce jugement.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 9 mars 2021 et l'affaire a été fixée à l'audience de la cour du 7 juin 2021, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

*

Par dernières conclusions déposées le 12 mars 2020, la société MPR demande à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation du marché ;

– reconventionnellement, condamner M. [S] à lui payer la somme en principal de 34 271,51 euros toutes taxes comprises, et ce avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 novembre 2015 jusqu'à parfait paiement ;

– débouter purement et simplement M. [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, compte tenu de l'absence de toute faute de la société MPR engageant sa responsabilité ;

– infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a mis à la charge de la société MPR la somme de 5 472,56 euros au titre des travaux d'étanchéité non contractuellement prévus ;

– à titre subsidiaire, constater que la responsabilité de M. [S] est engagée à hauteur de 10 % des désordres invoqués et celle de M. [O], Lag Architecture, à hauteur de 30 % ;

– condamner M. [S] à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Se fondant sur les conclusions de l'expert, la société MPR soutient que le choix des briques en terre cuite de Raujolles est du ressort de l'architecte et de M. [S], qui sont les deux responsables du choix et de la forme de pose. Elle ajoute que l'architecte a manqué à ses obligations du contrôle de l'exécution du chantier, que M. [S] avait une parfaite connaissance de l'existence d'un sous-traitant, tel que cela résulte d'un compte-rendu de chantier, et que ce sous-traitant a failli dans la mise en oeuvre des terres cuites de Raujolles. Elle demande de limiter l'indemnisation du trouble de jouissance de M. [S], car les désordres purement esthétiques concernent sa résidence secondaire et une terrasse utilisable l'été. Elle estime que rien ne justifie de mettre à sa charge le coût de travaux d'étanchéité qui n'étaient pas contractuellement prévus dans le devis initial.

Elle réclame le paiement de deux factures en date de juillet et août 2015. Elle soutient que l'article 567 du code de procédure civile prévoit la recevabilité des demandes reconventionnelles en cause d'appel, que selon l'article 566 du code de procédure civile sont recevables toutes les demandes qui sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des demandes principales, et que selon l'article 914 du code de procédure civile, la fin de non-recevoir tirée de la prescription relève de la seule compétence du conseiller de la mise en état. Elle considère en tout état de cause qu'en application combinée des articles 2241 et 2239 du code civil, la prescription biennale a été valablement interrompue par l'assignation en référé délivrée le 12 février 2016 et n'a commencé à courir à nouveau qu'à compter du dépôt du rapport de l'expert le 20 mars 2018.

Par dernières conclusions déposées le 3 mars 2021, M. [S] demande à la cour de :

À titre principal

– déclarer irrecevables les demandes reconventionnelles formulées par la société MPR tendant au paiement du solde de la facture d'un montant de 34 271,51 euros ;

– débouter la société MPR de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– confirmer le jugement du tribunal de grande instance [Établissement 1] en ce qu'il a prononcé la résiliation du marché de travaux conclu entre M. [S] et la société MPR ;

À titre incident

– infirmer le jugement en ce qu'il a limité la condamnation de la société MPR au titre des travaux réparatoires à la somme de 28 677,76 euros et condamner la société MPR à lui verser la somme de 50 426 euros au titre des travaux réparatoires à mettre en oeuvre ;

– infirmer le jugement en ce qu'il a limité la condamnation du trouble de jouissance subi à la somme de 6 000 euros et condamner la société MPR à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de son trouble de jouissance ;

– infirmer le jugement en ce qu'il a limité la réparation du préjudice moral à la somme de 2 000 euros et condamner la société MPR à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de son préjudice moral ;

– condamner la société MPR à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En premier lieu, M. [S] fait valoir que la demande en paiement du solde de la facture est irrecevable car nouvelle en cause d'appel. En second lieu, il soulève la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande en paiement du solde de la facture formulée par conclusions d'appelant le 16 septembre 2019, soit plus de trois ans après l'émission des factures, en ajoutant que ce moyen tend seulement à faire reconnaître irrecevable, comme prescrite, la prétention reconventionnelle tendant au paiement du solde des factures, et non à faire reconnaître l'appel irrecevable et que l'effet suspensif résultant de la désignation d'un expert judiciaire par le juge des référés ne profite qu'à celui ayant sollicité cette mesure d'expertise, que si l'assignation que la société MPR a fait délivrer le 12 février 2016 a bien interrompu la prescription biennale, celle-ci a recommencé à courir à compter de l'ordonnance du 10 mai 2017, laquelle a débouté la société MPR de sa demande de provision.

Sur la demande en paiement du solde des travaux, il oppose l'exception d'inexécution, ou de mauvaise exécution sur la base du procès-verbal d'huissier dressé le 12 mai 2016, ainsi que du rapport d'expertise de M. [W]. Il précise que la société MPR a abandonné le chantier, et n'a jamais repris les travaux, malgré la mise en demeure adressée à cette fin le 2 décembre 2015 par le maître d'oeuvre, de nombreuses briques n'étant pas scellées et des tas de gravois ayant été laissés en l'état sur la propriété, que la société MPR a eu recours à la société RSM Bat, sous-traitant, sans en l'avoir avisé et recueilli son agrément.

Enfin, il rappelle que chacun des coauteurs d'un même dommage doit être condamné in solidum à la réparation de l'entier dommage qui est conséquence de leurs fautes respectives, et que lui-même avait parfaitement la faculté de poursuivre l'un seul des coobligés pour l'intégralité de sa créance, à charge pour ce coobligé d'exercer, s'il le souhaite, des recours ultérieurs ou simultanés en contribution de la dette auprès des autres coobligés. Il soutient qu'en sa qualité de maître d'ouvrage profane en matière de construction, assisté par un maître d'oeuvre professionnel, il ne peut se voir reprocher le choix d'un matériau ou d'un procédé constructif.

Sur le trouble de jouissance, il expose que sa femme exerce son activité professionnelle à [Localité 4], y séjourne très régulièrement, y loge du personnel, y reçoit clients, fournisseurs et partenaires, qu'ils y résident ensemble le week-end, et que compte tenu de l'instabilité des briques et de la stagnation d'eaux pluviales, l'utilisation de la terrasse est impossible dans des conditions normales de sécurité. Sur le poste étanchéité des travaux réparatoires, il considère que, quand bien même le maître d'oeuvre a omis de mentionner ce chef de travaux dans son CCTP, ce n'est pas à lui de supporter le coût de cette omission. Sur le montant des travaux réparatoires, il soutient qu'il est en droit de prétendre à ce que les travaux soient repris par une entreprise de même réputation, et possédant une expérience comparable du site classé du Château [Établissement 1], que celles de la société MPR, ce qui est le cas de la société Chapelle, mais non de la société JB Diffusion.

MOTIFS

Sur la résiliation du marché

C'est par de justes motifs adoptés par la cour que le tribunal a prononcé la résiliation du marché conclu entre M. [S] et la société MPR compte-tenu des graves manquements de cette dernière.

Il convient d'ajouter que la société MPR s'était engagée, par devis révisé signé le 2 juillet 2015 d'un montant de 47 830,51 euros, à fournir et poser de la « brique mulot 28.5*5*5 vieilli rouge non gélif, des Terres cuites de Raujolles » ainsi qu'à enlever les gravois, que, selon les comptes-rendus de chantier no69 et no94 des 18 décembre 2014 et 23 juillet 2015, M. [S] avait, dans un premier temps, validé la présentation d'un échantillonnage des briques (mulots) puis, dans un second temps, indiqué de quel côté elles devaient être posées lors d'une séance d'essai.

Toutefois, selon les compte-rendus de chantier no96 et 98 des 13 août et 3 septembre 2015, M. [S] avait signalé ne pas être satisfait des marques grises à noires présentes sur la face apparente des briques après la pose effectuée dans le courant du mois d'août. Et, tant le procès-verbal de constat d'huissier du 12 mai 2016 que l'expert ont confirmé « des taches de couleur blanche en de nombreux endroits et des taches de couleur noir en quelques endroits », des « bosses ou des dénivelés au niveau des chevrons », un « mauvais alignement des joints entre eux » (page 9 du rapport). L'expert a encore constaté que « la pose des briques en terres cuites de Raujolles n'a pas été correctement faite, que les briques ont été posées de façon carrelage et non de façon brique, (...) que les joints entre les briques ne sont pas bourrés totalement », et que « les gravois du chantier n'avaient pas étés retirés » (page 9 du rapport).

L'expert a expliqué que, lors de la mise en place de la chape de pose, les pentes prévues au cahier des clauses techniques particulières n'avaient pas été respectées de sorte que le revêtement des dallages n'avait pas de pentes ni de contre pentes (pages 9 et 12 du rapport).

Il a relevé « une pente nulle voire inversée du dallage et support des briques de parement inexistantes, malgré les recommandations du cahier des clauses techniques particulières qui demandait une pente minimum de 2 %, une pose des briques de façon carrelage et non comme brique de parement, des joints insuffisamment bourrés, des étanchéités en retour le long des murs inadaptées, le côté théorique de pose non respecté.
En ce qui concerne le côté de pose non respecté, ce côté a été choisi et décidé par le maître d'oeuvre et M. [S] maître d'ouvrage.
(?) Les documentations en notre présence démontrent que les briques litigieuses peuvent se poser en parement de sol, cependant la pose nécessite un certain savoir-faire » (pages 17 et 18 du rapport).

Il a retenu le caractère inesthétique des briques posées, à la demande du maître d'oeuvre et de M. [S], à la suite d'une séance d'essai, par la société MPR d'un certain côté qui s'est révélé inadapté aux intempéries (pages 18, 19 du rapport).

Pour l'expert, « le maître d'oeuvre et M. [S] ont une très lourde part de responsabilité, M. [S] pour avoir déterminé le sens de pose des briques en terre cuite de Raujolles et sans concession, le maître d'oeuvre pour ne pas avoir contredit M. [S] sur l'erreur de varier le sens de pose, pour ne pas avoir suivi correctement les travaux, pour ne pas avoir déterminé le juste montant des situations ». Il retient également la responsabilité de la société MPR pour ne pas avoir correctement posé les briques en terre cuite de Raujolles et selon les recommandations des fiches de pose (page 19 du rapport). Il a réparti les responsabilités ainsi :
– 30 % au maître d'oeuvre
– 10 % à M. [S]
– 60 % à la société MPR.

Enfin, il ressort des comptes-rendus no100 et no103 des 24 septembre et 15 octobre 2015, du constat d'huissier de 2016 et des opérations d'expertise, que la société MPR a quitté le chantier alors qu'il n'était pas terminé et en n'enlevant pas les gravois.

Ainsi, si M. [S], maître d'ouvrage non professionnel, a choisi, pour des raisons uniquement esthétiques, un sens de pose des briques finalement inadapté, et s'il a été sur ce point mal conseillé par le maître d'oeuvre, il n'en demeure pas moins que la société MPR, entreprise spécialisée, ne l'a pas alerté sur l'inadaptation de ce sens de pose, a mal préparé la dalle support des briques, n'a pas exécuté la pente pourtant prévue au cahier des clauses techniques particulières, n'a pas mis en oeuvre les briques selon les règles de l'art et les fiches techniques des matériaux, n'a pas assuré l'étanchéité au droit des murs et de la dalle et a quitté le chantier sans le reprendre en laissant les gravois.

Ces manquements contractuels sont suffisamment graves pour justifier la résiliation du marché, sans qu'il soit nécessaire de rechercher si M. [S] avait consenti à l'exécution de la pose de ce revêtement en brique par un sous-traitant comme cela était au demeurant annoncé dans le compte-rendu no93 du 16 juillet 2015. Le jugement sera donc confirmé.

Sur la responsabilité de la société MPR

Comme l'a souligné le tribunal, les manquements contractuels de la société MPR justifiant la résiliation du marché lui imposent de réparer les préjudices subis par le maître d'ouvrage.

Pour s'exonérer de sa responsabilité, la société MPR invoque la responsabilité de M. [S] et de l'architecte.

Or, d'une part, selon l'expert, les désordres ne sont pas uniquement dus au sens de pose mais aussi à l'absence de pente du support et à une mauvaise exécution des joints ainsi que de l'étanchéité. D'autre part, il résulte des opérations d'expertise et des compte-rendus de chantier produits que M. [S] a choisi un sens de pose des briques pour des considérations essentiellement esthétiques, sans avoir été informé qu'une seule face des briques était conçue pour demeurer apparente. En tout état de cause, étant profane, M. [S] devait compter, pour le sens de la pose, sur les conseils de son architecte et sur ceux de la société MPR, entreprise spécialisée dans la restauration du patrimoine, conseils qui ne lui ont pas été prodigués. Ainsi aucune immixtion fautive, aucune acceptation des risques, ni aucune faute de M. [S] n'est démontrée justifiant de retenir une part de responsabilité dans les dommages subis et d'exonérer la société MPR de la sienne.

Par ailleurs, à l'égard du maître d'ouvrage, chacun des coauteurs d'un même dommage est tenu de le réparer intégralement, de sorte qu'à l'égard de M. [S], la société MPR est tenue de l'indemniser de tous les préjudices auxquels elle a contribué par sa faute, à charge pour elle de se retourner, le cas échéant, à l'encontre d'autres personnes qu'elle estime responsables. Dans ces conditions, il importe peu de rechercher la part de responsabilité de l'architecte, qui n'a d'ailleurs pas été attrait dans la cause.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société MPR à réparer l'intégralité du préjudice subi par M. [S].

Sur l'évaluation du préjudice

S'agissant du préjudice matériel, M. [S] est fondé à solliciter la réfection des travaux réalisés par la société MPR afin de remédier à tous les désordres constatés par l'expert. C'est par de justes motifs, adoptés par la cour, que le tribunal a retenu, pour l'évaluation du coût de la réparation des désordres, le devis de la société JB Diffusion comportant un poste étanchéité, certes non prévu au cahier des clauses techniques particulières, mais jugé indispensable par l'expert.

Par ailleurs, aucun élément de preuve ne démontre que la société JB Diffusion n'est pas en mesure d'assurer une prestation correspondant aux prévisions contractuelles initiales, alors que le coût unitaire du matériau à mettre en oeuvre est voisin de celui prévu par le devis de la société MPR, et aucun élément ne vient expliquer le montant de ce coût dans le devis établi par la société Chapelle. M. [S] est donc mal fondé à demander à la cour de retenir ce dernier devis.

C'est également par une juste appréciation que le tribunal a fixé à 6 000 euros le préjudice de jouissance subi par M. [S], lequel ne peut arguer de la persistance d'un tel trouble en 2020 alors qu'il bénéficiait d'un jugement rendu en sa faveur en mai 2019 qu'il pouvait faire exécuter.

Il en est de même du préjudice moral évalué par le tribunal à 2 000 euros, M. [S] n'apportant pas d'éléments venant remettre en cause cette appréciation.

Le jugement sera donc confirmé de ces chefs.

Sur la demande en paiement du solde des travaux

Les articles 565 et 566 du code de procédure civile sont étrangers aux conditions de recevabilité de la demande reconventionnelle présentée pour la première fois en cause d'appel qui, conformément à l'article 70 du même code, s'apprécie au regard du lien que la demande reconventionnelle présente avec les prétentions originaires.

En l'espèce, la demande en paiement du solde des travaux présentée pour la première fois en cause d'appel par la société MPR est une demande reconventionnelle au sens de l'article 64 du code de procédure civile, qui se rattache à la prétention originaire de M. [S] tendant à l'indemnisation de travaux mal effectués ou non exécutés. Elle est donc bien recevable en application des articles 70 et 567 du code de procédure civile.

La fin de non-recevoir tirée de la prescription de cette action en paiement est également recevable devant la cour. En effet, conformément à l'article 55 du décret no 2019-1333 du 11 décembre 2019, les nouvelles dispositions donnant compétence au conseiller de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir ne sont pas applicables, la déclaration d'appel étant intervenue le 14 juin 2019.

Par ailleurs, le point de départ du délai de prescription biennale prévu par l'article L. 218-2 du code de la consommation, se situe au jour où le titulaire du droit a connu, ou aurait dû connaître, les faits lui permettant d'exercer son action.

En outre, selon l'article 2240 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription, et, selon l'article 2239 du même code, la prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès.

En l'espèce, la société MPR sollicite le paiement de la somme de 9 999,02 euros hors taxes, soit 10 998,91 euros toutes taxes comprises correspondant à une demande d'acompte de 30 % no15/07/563 du 6 juillet 2015, ainsi que le règlement de 21 156,92 euros hors taxes, soit 23 272,60 euros toutes taxes comprises suivant situation F 15/08/585 du 31 août 2015 pour des travaux avancés à hauteur de 95 %. Elle connaissait donc au moins depuis cette dernière date les faits lui permettant d'exercer son action en paiement. Par assignation délivrée le 12 février 2016 à M. [S], la société MPR avait sollicité en référé le versement de ces sommes à titre provisionnel, ce qui a interrompu le délai de prescription jusqu'à la date de la décision. Cependant, par son ordonnance du 10 mai 2017, le juge des référés a rejeté la demande de provision aux motifs qu'elle se heurtait à une contestation sérieuse et a ordonné une expertise uniquement pour examiner les désordres, malfaçons et inachèvements, sans donner pour mission à l'expert de faire ensuite le compte entre les parties. Par conséquent, la mesure d'expertise n'a pas suspendu le délai de prescription de l'action en paiement.

Dès lors, la demande en paiement formulée par des conclusions d'appelant déposées le 16 septembre 2019, plus de deux ans après l'ordonnance du 10 mai 2017, se trouve prescrite et donc irrecevable.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le sens de l'arrêt commande de condamner la société MPR aux dépens exposés en cause d'appel, dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile, à payer à M. [S] la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, qui comprennent notamment les frais de constat d'huissier, et de confirmer le jugement sur les dépens et les frais exposés en première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

DÉCLARE irrecevable la demande reconventionnelle de la société MPR en paiement du prix des travaux ;

CONDAMNE la société MPR aux dépens, qui pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société MPR à payer à M. [S] la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande à ce titre

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Monsieur Emmanuel Robin, Président et par Monsieur Barry, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 19/04359
Date de la décision : 09/08/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-08-09;19.04359 ?
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