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16/02/2021 | FRANCE | N°19/02871

France | France, Cour d'appel de Versailles, 16 février 2021, 19/02871


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES




Code nac : 51C


1re chambre 2e section


ARRET No


CONTRADICTOIRE


DU 16 FEVRIER 2021


No RG 19/02871 - No Portalis DBV3-V-B7D-TET5


AFFAIRE :


[H] [S] - DCD le 20/02/20
...


C/
[E] [M]








Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Avril 2019 par le Tribunal d'Instance d'ASNIERES SUR SEINE
No chambre :
No Section :
No RG : 11-18-0020


Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies

livrées le : 16/02/21
à :






Me Arnaud JAGUENET




Me Frédérique
THUILLEZ


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


LE SEIZE FEVRIER DEUX MILLE VINGT ET UN,
La cour d'appel de Versailles a rend...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 51C

1re chambre 2e section

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 16 FEVRIER 2021

No RG 19/02871 - No Portalis DBV3-V-B7D-TET5

AFFAIRE :

[H] [S] - DCD le 20/02/20
...

C/
[E] [M]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Avril 2019 par le Tribunal d'Instance d'ASNIERES SUR SEINE
No chambre :
No Section :
No RG : 11-18-0020

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 16/02/21
à :

Me Arnaud JAGUENET

Me Frédérique
THUILLEZ

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE FEVRIER DEUX MILLE VINGT ET UN,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [H] [S] - DCD le 20/02/20
né le [Date naissance 1] 1926 à [Localité 1]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]

Madame [I] [Q] veuve [S]
née le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 2]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]

APPELANTS ayant pour Représentant : Me Arnaud JAGUENET, Plaidant/ Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 536 - No du dossier 2018/22

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2019/007527 du 05/06/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

****************

Monsieur [E] [M]
né le [Date naissance 3] 1950 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]

Représentant : Me Frédérique THUILLEZ, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 513 - Représentant : Me Florence BOURDON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0470

INTIME
****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Janvier 2021, Madame Gwenael COUGARD, Conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,
Madame Gwenael COUGARD, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Catherine SPECHT
EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé du 20 janvier 1988, à effet au 1er février 1988 et pour une durée de trois ans renouvelable, Mme [S] [I], ayant pour mandataire la SA Demeure, a donné à bail à M. [H] [S] et Mme [I] [Q] époux [S] des locaux à usage d'habitation, situés à [Adresse 1], au rez-de-chaussée, outre une cave no30 au sous-sol, moyennant le paiement d'un loyer mensuel, révisable annuellement, payable d'avance, de 2 350 Frs, outre un droit au bail de 58,75 Frs et une provision mensuelle pour charges de 500 Frs et le versement d'un dépôt de garantie correspondant à deux mois de loyer principal.

Suite au décès de Mme [I], survenu le [Date décès 1] 2015, son mari, M. [E] [M] a hérité du bien immobilier loué aux époux [S].

Par exploit d'huissier du 18 juillet 2017, M. [M] a fait délivrer aux locataires un congé pour vente, sur le fondement de l'article 15-II de la loi du 6 juillet 1989, mentionnant un prix de vente de 300 000 euros, avec effet au 31 janvier 2018.

Par courrier recommandé adressé le 4 décembre 2017, au service du logement de la ville d'Asnières sur Seine, les époux [S] ont signalé l'état de non décence de leur logement.

Le 26 janvier 2018, le service d'hygiène et sécurité de la ville d'Asnières a rendu un rapport sur l'état des lieux loués qui constate une « défectuosité de l'équipement sanitaire de toilette occasionnant nuisances et risques de transmission de bactéries ›› et qui « sollicite l'application de la procédure d'urgence prévue par l'article L. 311-4 du code de la santé publique ››, estimant que « cette situation compromet la salubrité du bien, sa jouissance et porte atteinte à la santé des occupants ››.

Un second rapport établi par ce même service, le 12 février 2018, conclut en ces termes :
« Compte tenu de ce qui précède et, considérant le logement [Adresse 1], il sera demandé au bailleur dans un délai de 2 mois de réaliser les travaux suivants :
- renforcer l'isolation thermique des murs extérieurs,
- reprendre les parois endommagées par l'humidité et la moisissure,
- remettre en bon état de marche le radiateur du séjour,
- supprimer les fuites d'air au niveau des ouvrants ou replacer les fenêtres,
- faire vérifier l'installation électrique de toutes les pièces du logement. ››

Suivant acte d'huissier du 15 novembre 2018, les époux [S] ont fait assigner M. [M] à comparaître devant le tribunal d'instance d'Asnières aux fins de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- constater que l'appartement situé au [Adresse 1] est indécent,
- les autoriser à consigner les loyers entre les mains de la Caisse de dépôt et de consignation, à compter du prononcé du jugement à intervenir jusqu'à parfaite réalisation des travaux constatée par le service d'hygiène et sécurité de la ville d'Asnières sur Seine,
- condamner M. [M] à réaliser, dans délai de 2 mois à compter de la signification du jugement à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, le tribunal se réservant la faculté de liquider l'astreinte, les travaux suivants :
- la réfection des sanitaires,
- le renforcement de l'isolation thermique des murs extérieurs,
- la reprise des parois endommagées par l'humidité et la moisissure,
- la remise en bon état du radiateur du séjour,
- la suppression des fuites d'air au niveau des ouvrants ou remplacer les fenêtres,
- la vérification de l'installation électrique dans toutes les pièces,
- la remise en état de fonctionnement de l'installation sanitaire des wc,
- condamner M. [M] au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice matériel subi par les époux [S] du fait de la non-conformité de leur logement, avec compensation avec les loyers à devoir,
- condamner M. [M] à remettre les quittances de loyers et ce, sous astreinte journalière de 50 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, le tribunal se réservant la faculté de liquider l'astreinte,
- déclarer nul le congé délivré le 18 juillet 2017, en toutes ses dispositions,
- dire que le bail s'est renouvelé pour une nouvelle période de trois ans à compter du mois de février 2018,
- condamner M. [M] au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi, avec compensation avec les loyers à devoir,
- condamner M. [M] à produire les arrêtés de charges sur les cinq dernières années et ce, sous astreinte journalière de 50 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, le tribunal se réservant la faculté de liquider l'astreinte,
- condamner M. [M] aux dépens.

Par jugement contradictoire du 2 avril 2019, le tribunal d'instance d'Asnières a:
- constaté la validité du congé pour vente délivré par M. [M] le 18 juillet 2017, à effet au 1er février 2018,
- dit que les époux [S] sont déchus de tout titre d'occupation des locaux loués et occupants sans droit ni titre des lieux situés à [Adresse 1], rez-de-chaussée, outre la cave no30 au sous-sol, depuis le 1er février 2018,
- ordonné l'expu1sion des lieux loués des époux [S] et de tous occupants de leur chef, au besoin avec le concours de la force publique, passé un délai de deux mois, suivant la signification du commandement d'avoir à quitter les lieux, conformément aux dispositions des articles L. 412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

- rappelé que le sort des meubles est régi par les articles L. 412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
- dit n'y avoir lieu à accorder d'office aux époux [S] des délais pour quitter les lieux,
- fixé l'indemnité mensuelle d'occupation due à compter du 1er février 2018 et jusqu'à la libération effective des lieux, au montant des loyers et charges éventuellement révisés qui auraient été payés si le bail avait continué et a condamné les époux [S] à son paiement,
- condamné M. [M] à remettre aux époux [S] des quittances d'indemnités d'occupation pour les périodes réglées depuis le 1er février 2018,
- dit n'y avoir lieu à prononcer une astreinte,
- condamné M. [M] à payer aux époux [S] la somme de 1 708,84 euros en remboursement du trop-perçu sur les charges entre 2013 et 2017,
- condamné les époux [S] à payer à M. [M] la somme de 382 euros au titre des taxes d'ordures ménagères pour les années2017 et 2018,
- ordonné la compensation entre les sommes de 1 708,84 euros et 382 euros,
- dit n'y avoir lieu à constater le caractère indécent des lieux dont le bail est résilié depuis le 1er février 2018,
- débouté les époux [S] de leur demande en réalisation sous astreinte de travaux à la charge de M. [M],
- ordonné aux époux [S] de remettre à M. [M] les attestations d'entretien des appareils équipant le logement dont le chauffe-eau, au cours des cinq dernières années,
- dit n'y avoir lieu à prononcer une astreinte,
- débouté les époux [S] de leurs demandes en indemnisation au titre des préjudices matériel et moral,
- débouté M. [M] de sa demande en dommages et intérêts pour le préjudice moral subi,
- débouté M. [M] de sa demande accessoire en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné les époux [S] aux dépens de l'instance, à l'exclusion du coût de l'acte de congé délivré le 18 juillet 2017, et qui comprendront, notamment, le coût du procès-verbal de constat du 5 février 2018.

Par déclaration reçue au greffe en date du 18 avril 2019, les époux [S] ont relevé appel de ce jugement.

Selon l'acte de décès du 20 février 2020, M. [S] est décédé le [Date décès 2] 2020.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 1er octobre 2020, Mme [S] demande à la cour de :

-la déclarer recevable et bien fondée en ses moyens et prétentions,
en conséquence :
- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a prononcé la validité du congé vente délivré le 18 avril 2018, prononcé la résiliation judiciaire du contrat de bail en date du 20 janvier 1988 et prononcé son expulsion des lieux [Adresse 1],
- débouter M. [M] de sa demande de condamnation au paiement de l'article 700 du code de procédure civile,
- laisser la charge des dépens aux parties.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 10 octobre 2019, M. [M] demande à la cour de :
- déclarer recevables et bien fondés ses conclusions,
- confirmer le jugement du 2 avril 2019 en ce qu'il a :
- constaté la validité du congé pour vente délivré le 18 juillet 2017,
- dit que les époux [S] sont déchus de tout titre d'occupation des locaux loués et occupant sans droit ni titre des lieux situés à [Adresse 1], rez-de-chaussée outre la cave no 30 au sous-sol depuis le 1er février 2018,
- ordonné l'expulsion des époux [S] et de tous les occupants de leur chef au besoin avec le concours de la force publique passé un délai de deux mois suivant la signification du commandement de quitter les lieux conformément aux dispositions des articles L. 412-1 du code des procédures civiles d'exécution,
- dit n'y avoir lieu à accorder d'office aux époux [S] des délais pour quitter les lieux,
- fixé l'indemnité d'occupation au montant des loyers et charges,
- condamné à remettre aux époux [S] des quittances d'indemnités d'occupation pour les périodes réglées depuis février 2018,
- condamné à payer 1 708,84 euros en remboursement des charges pour la période de 2013 à 2017,
- condamné les époux [S] à lui payer la somme de 382 euros au titre des taxes d'ordures ménagères pour les années 2017 et 2018,
- ordonné la compensation des sommes de 1 708,84 euros et 382 euros,
- débouté les époux [S] de leur demande de réalisation de travaux sous astreinte,
- condamné les époux [S] à lui remettre les attestations d'entretien des appareils équipant le logement dont chauffe-eau au cours des cinq dernières années,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les époux [S] à payer les entiers dépens de première instance,
- condamner les époux [S] à verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de la procédure d'appel,
- condamner les époux [S] à payer les entiers dépens d'appel conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 3 décembre 2020.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour constate le décès de [H] [S], survenu en cours d'instance le [Date décès 2] 2020.

Mme [S] fait valoir, au soutien de son appel, qu'elle limite à la contestation de la validité du congé pour vente, de la résiliation judiciaire du bail et du prononcé de l'expulsion des lieux qu'elle occupe, que :
- M. [M], qui a acquis le bien litigieux par succession, a entendu délivrer congé pour vendre dans la première période de reconduction où il s'est trouvé mis en copropriété, en violation de l'article 15 qui prescrit dans une telle hypothèse la nécessité d'attendre le terme du premier renouvellement du bail en cours ; la loi ne précise pas la nature de l'acquisition du bien ; un tel congé délivré de façon prématurée est nul ;
- M. [M], qui a prétendu ne pas pouvoir assurer la charge de ce bien, aurait dû vendre le bien à un tiers au cours du bail ou refuser la succession ;
- les revenus de chacun des époux [S] sont inférieurs à ceux de M. [M] ; la différence de revenus dans le cas présent n'était pas suffisante pour justifier de valider le congé, compte tenu de l'âge et des revenus des locataires, et de la situation de M. [M] qui aurait pu renoncer à la succession ; le congé n'a pas été délivré de bonne foi ,
- la protection offerte par l'article 15 III joue lorsque les ressources de l'un des colocataires sont inférieures au plafond, les ressources devant s'apprécier de façon séparée pour chacun des locataires
- l'acte de décès de M. [S] a été notifié depuis lors et les revenus de Mme [S] s'élèvent désormais à 9 532,08 euros, lesquels doivent être pris en compte par la cour, et sont inférieurs au plafond légal prévu par l'article 15 III de la loi précitée,
- sa situation financière, son grand âge, la perte récente de son époux justifient particulièrement de débouter M. [M] de sa demande de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [M], qui demande la confirmation du jugement entrepris, réplique que
- le congé délivré est régulier en la forme et en toutes ses dispositions ; les donataires testamentaires ou successoraux conservent la possibilité de dégager du crédit dans des délais raisonnables, et rien ne justifie de faire application de l'article 15 III au congé donné consécutivement à la transmission du bien par voie successorale ;

- compte tenu de sa situation personnelle et financière, et de son âge, il ne se trouvait pas dans l'obligation de notifier une proposition de relogement aux locataires ; il risque de voir une procédure de saisie immobilière engagée à son encontre sur le bien d'Asnières-sur-Seine, et il appartient au juge de respecter un juste équilibre entre deux revendications contraires en veillant à ce que l'atteinte au droit du propriétaire soit proportionnée et justifiée par la sauvegarde des droits du locataire ;
- le juge des référés avait le pouvoir de confirmer la validité du congé pour vendre
- l'article 15 III de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi Alur du 24 mars 2014 est applicable, protège à la fois le locataire âgé de plus de 65 ans et ayant des ressources inférieures à un certain plafond, mais également le bailleur, lequel ne doit remplir que l'une ou l'autre des conditions, d'âge ou de ressources inférieures à un certain plafond ; l'appréciation des ressources des locataires n'a aucune incidence sur la validité d'un congé dès lors que le bailleur est âgé de plus de 65 ans, comme dans son cas ; il n'était donc pas tenu de formuler une offre de relogement à Mme [S] ; en dépit des délais de la procédure, Mme [S] n'a toujours pas quitté les lieux.

– sur la validité du congé

Selon l'article 15 I de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi Alur du 24 mars 2014, modifiée par la loi Macron du 6 août 2015, applicable à la date de délivrance du congé, «lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant. A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise ainsi que la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire. Lorsqu'il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise. Le délai de préavis applicable au congé est de six mois lorsqu'il émane du bailleur.
En cas d'acquisition d'un bien occupé :
- lorsque le terme du contrat de location en cours intervient plus de trois ans après la date d'acquisition, le bailleur peut donner congé à son locataire pour vendre le logement au terme du contrat de location en cours ;
- lorsque le terme du contrat de location en cours intervient moins de trois ans après la date d'acquisition, le bailleur ne peut donner congé à son locataire pour vendre le logement qu'au terme de la première reconduction tacite ou du premier renouvellement du contrat de location en cours ;

- lorsque le terme du contrat en cours intervient moins de deux ans après l'acquisition, le congé pour reprise donné par le bailleur au terme du contrat de location en cours ne prend effet qu'à l'expiration d'une durée de deux ans à compter de la date d'acquisition.
En cas de contestation, le juge peut, même d'office, vérifier la réalité du motif du congé et le respect des obligations prévues au présent article. Il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n'apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes.»

Le congé pour vendre adressé à M. et Mme [S] le 18 juillet 2017 à la requête de M. [M], a été délivré alors que ce dernier avait reçu l'usufruit de ce bien à la suite du décès de son épouse, feue [S] [I], intervenu le 2 avril 2015.

La disposition précitée réglementant les conditions dans lesquelles un congé pour vendre peut être délivré dans l'hypothèse où le bien a fait l'objet d'une acquisition au cours du bail, ne saurait trouver application, comme l'a à juste titre jugé le premier juge, dans l'hypothèse où ce bien a été reçu par voie de transmission successorale, comme dans le cas présent. En effet, la dévolution successorale, qui intervient par l'effet des règles légales, sans autre manifestation de volonté que l'acceptation de la succession, et non par l'effet d'une décision délibérée de la personne faisant l'acquisition du bien, exclut que les conditions particulières réglementant la délivrance d'un congé par un bailleur devenu propriétaire en cours de bail s'appliquent, alors que ces dispositions spécifiques ont pour finalité d'éviter les acquisitions purement spéculatives.

M. [M] était en conséquence en droit de délivrer ce congé, alors même qu'il était devenu propriétaire du bien litigieux au cours de l'exécution du bail, sans attendre sa reconduction ou son renouvellement.

L'article 15 III, dans sa rédaction applicable à la date de délivrance du congé, comme issue de la loi Alur du 24 mars 2014, énonce que « le bailleur ne peut s'opposer au renouvellement du contrat en donnant congé dans les conditions définies au paragraphe I ci-dessus à l'égard de tout locataire âgé de plus de soixante-cinq ans et dont les ressources annuelles sont inférieures à un plafond de ressources en vigueur pour l'attribution des logements locatifs conventionnés fixé par arrêté du ministre chargé du logement, sans qu'un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités lui soit offert dans les limites géographiques prévues à l'article 13 bis de la loi no 48-1360 du 1er septembre 1948 précitée. Le présent alinéa est également applicable lorsque le locataire a à sa charge une personne de plus de soixante-cinq ans vivant habituellement dans le logement et remplissant la condition de ressources précitée et que le montant cumulé des ressources annuelles de l'ensemble des personnes vivant au foyer est inférieur au plafond de ressources déterminé par l'arrêté précité.

Toutefois, les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables lorsque le bailleur est une personne physique âgée de plus de soixante-cinq ans ou si ses ressources annuelles sont inférieures au plafond de ressources mentionné au premier alinéa.
L'âge du locataire, de la personne à sa charge et celui du bailleur sont appréciés à la date d'échéance du contrat ; le montant de leurs ressources est apprécié à la date de notification du congé.»

Il résulte de ce texte que, dans l'hypothèse où le bailleur est âgé de plus de 65 ans ou s'il dispose de ressources annuelles inférieures à un plafond défini par le même texte, il retrouve la liberté de s'opposer au renouvellement du bail, même à l'égard d'un locataire âgé de plus de 65 ans et dont les ressources annuelles sont inférieures au plafond défini par ce même texte, sans être tenu d'une obligation de proposer un relogement à son locataire.

Dans la présente hypothèse, il est constant que M. [M] était âgé de plus de 65 ans à la date d'effet du congé le 31 janvier 2018, comme né le [Date naissance 3] 1950, soit 67 ans. Il se trouvait à cette date en droit de délivrer ce congé, sans obligation de proposer un relogement aux locataires, et ce quel que soit l'âge des dits locataires et leurs ressources.

Le congé, dont les autres conditions de délivrance ne sont pas en débat, a donc été régulièrement délivré et sera validé. Le jugement est en conséquence confirmé.

– sur la résiliation judiciaire du bail et l'expulsion

En l'absence d'autre contestation, Mme [S] est déchue de tout titre d'occupation depuis la date d'effet du congé, soit le 1er février 2018, et son expulsion est ordonnée. Le jugement est également confirmé de ces chefs.

– sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement statuant sur les dépens et l'indemnité de procédure sont confirmées.

L'équité commande de rejeter la demande d'indemnité de procédure présentée par M. [M].

Mme [S] supportera la charge des dépens de l'instance d'appel, qui seront recouvrés selon les règles applicables en matière d'aide juridictionnelle, qui a été accordée à Mme [S] à 25 %, et qui seront recouvrés, conformément à l'article 699 du code de procédure civile, par Me Frédérique Thuilliez, qui en a fait la demande.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

CONSTATE le décès de [H] [S] survenu en cours d'instance le [Date décès 2] 2019,

CONSTATE qu'aucune prétention n'est formée de son chef en cause d'appel,

DEBOUTE M. [M] de ses demandes formées contre M. [H] [S],

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y AJOUTANT

DEBOUTE M. [M] de sa demande d'indemnité de procédure,

CONDAMNE Mme [S] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux règles sur l'aide juridictionnelle accordée à l'appelante à hauteur de 25 %, et conformément à l'article 699 du code de procédure civile, par Me Frédérique Thuilliez, qui en a fait la demande.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Mme SPECHT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 19/02871
Date de la décision : 16/02/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-02-16;19.02871 ?
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