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28/01/2021 | FRANCE | N°19/041031

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12, 28 janvier 2021, 19/041031


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 51A

12e chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 28 JANVIER 2021

No RG 19/04103 - No Portalis DBV3-V-B7D-TH2O

AFFAIRE :

SARL TRANSPORTS [O] FRERES

C/
Société [O] LOCATION

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 13 Mai 2019 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
No Chambre :
No Section :
No RG : 16/10700

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :

Me Anne-laure DUMEAU
Me Franck LAFON,

R

ÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT ET UN,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 51A

12e chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 28 JANVIER 2021

No RG 19/04103 - No Portalis DBV3-V-B7D-TH2O

AFFAIRE :

SARL TRANSPORTS [O] FRERES

C/
Société [O] LOCATION

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 13 Mai 2019 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
No Chambre :
No Section :
No RG : 16/10700

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :

Me Anne-laure DUMEAU
Me Franck LAFON,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT ET UN,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SARL TRANSPORTS [O] FRERES
No SIRET : 423 709 930
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Anne-laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - No du dossier 42597
Représentant : Me Olivier FOURGEOT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1369 -

APPELANTE
****************

Société [O] LOCATION
No SIRET : 508 769 478
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - No du dossier 20190316
Représentant : Me Chantal TEBOUL ASTRUC, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0235 - par Me BELIN

INTIMEE
****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Décembre 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MULLER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,
Mme Véronique MULLER, Conseiller,
Monsieur Bruno NUT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

EXPOSE DU LITIGE

La société Transports [O] Frères (ci-après société Transports [O]) a pour objet le transport de marchandises. Son capital social était initialement détenu par Messieurs [Y] et [A] [O].

Aux termes d'un acte sous seing privé du 1er juin 1999, la société Simsar a donné à bail commercial, à titre précaire, à la société Transports [O] des locaux se trouvant à [Localité 1] ([Localité 1]) dans la zone Industrielle du Val de Seine au [Adresse 1]. Plusieurs baux précaires ont ensuite été signés entre les parties.

La société Simsar s'est rapprochée de son locataire pour lui proposer la vente des locaux. Les consorts [O] ont constitué une société civile immobilière dénommée société [O] Location en vue de cette acquisition.

Par acte authentique du 8 décembre 2009, la société Simsar a vendu à la société [O] Location les lots [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] d'une superficie totale de 3588 m2 dépendant de l'ensemble immobilier sis [Adresse 1], moyennant paiement d'un prix de 1.165.000 euros HT, financé par deux prêts bancaires conclus sous la condition d'une cession de loyers au profit de la banque Oseo Financement.

La société Transports [O] a continué d'occuper les lieux.

Par "avenant au bail commercial" du 3 août 2011 (faisant suite à un simple projet de bail daté de février 2009), les sociétés [O] Location et Transports [O] ont prévu que le loyer annuel serait porté à compter du 1er janvier 2011 à la somme de 234.100 euros, soit un loyer mensuel de 19.508 euros, pour la totalité des lots.

Aux termes d'un protocole de cession de parts sociales du 11 octobre 2012, les consorts [O] ont cédé l'intégralité des parts sociales qu'ils détenaient dans la société [O] Location à Madame [W] [W] et Monsieur [R] [W].

Le 1er novembre 2012, deux baux commerciaux ont été régularisés dans les conditions suivantes:
- un premier bail pour 9 ans du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2022 et portant sur les lots no[Cadastre 1] et [Cadastre 2] de l'immeuble moyennant un loyer annuel de 50.000 euros hors taxes et hors charges.
- un second bail d'une même durée, portant sur les mêmes lots, moyennant un loyer annuel de 111.000 euros hors taxes et hors charges.

Le 23 juin 2016, la société Transports [O] a adressé à son bailleur, par l'intermédiaire de son conseil, un courrier portant mise en demeure d'avoir à procéder au remboursement de la somme totale de 127.100 euros HT soit 152.400€ TTC, correspondant, selon elle, à une somme indûment réglée à raison de 5.084 euros par mois sur la période du 1er février 2014 au 1er février 2016. A l'appui de sa demande, la société Transports [O] a invoqué le bail commercial stipulant un loyer annuel de 50.000 euros.

Le 5 juillet 2016, le conseil de la société [O] Location a répondu en se prévalant du second bail commercial conclu pour un loyer annuel de 111 .000 HT.

La société [O] Location a fait délivrer par exploits d'huissier en date du 11 juillet 2016 deux commandements de payer visant la clause résolutoire
- l'un portant sur l'impayé locatif dû au titre du bail commercial du 1er novembre 2012 (Celui portant sur un loyer annuel de 111.000 euros) pour un montant total de 31.404,78 euros,
- l'autre portant sur l'impayé locatif dû au titre d'un bail précaire du 31 décembre 2015 (lot no[Cadastre 3]) pour un montant de 8.881,36 euros.

Par acte du 31 août 2016, la société Transports [O] a assigné la société [O] Location devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins de voir dire et juger que les parties sont liées par un bail fixant à la somme de 50.000 euros annuels le montant du loyer hors taxes, prononcer la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire (en ce qu'il a pour fondement le bail commercial du 1er novembre 2012 fixant le montant du loyer à 111 000 euros), et condamner la société [O] Location au paiement d'une somme de 152.400 euros au titre de la répétition de l'indu.

Par jugement du 13 mai 2019, le tribunal de grande instance de Nanterre a :
- Débouté la société Transports [O] de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture ;
- Débouté la société Transports [O] de sa demande de dire et juger nul et de nul effet le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 11 juillet 2016 ;
- Constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail liant les parties sont réunies ;
- Rejeté la demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire;
- Dit que la société Transports [O] devra libérer de sa personne et de ses biens ainsi que de tous occupants de son chef les lieux qu'elle occupe à [Localité 1] ([Localité 1]) dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement,
- Dit que faute par la société Transports [O] de quitter les lieux dans le délai, la société [O] Location pourra faire procéder à son expulsion avec l'assistance de la force publique si besoin est,
- Rappelé que le sort des meubles trouvés dans les lieux est régi par l'article L 433-1 du code des procédures civiles d'exécution,
- Condamné la société Transports [O] à payer à la société [O] Location :
- en deniers ou quittances la somme de 214.871 euros arrêtée au 18 août 2016 avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 11 juillet 2016 sur la somme de 31.404,78 euros et à compter de la décision pour le surplus ;
- une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer contractuel et des charges majorée de 50% jusqu'à libération effective des lieux,
- Dit que la société [O] Location conservera le montant du dépôt de garantie prévu au bail ;
- Condamné la société Transports [O] à payer à la société [O] Location la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont distraction en application de l'article 699 du code de procédure civile.
- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- Prononcé l'exécution provisoire de la décision.
Par déclaration du 5 juin 2019, la société Transports [O] a interjeté appel du jugement.

Par ordonnance du 21 décembre 2019, le premier président de cette cour a ordonné la suspension de l'exécution provisoire.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 16 novembre 2020, la société Transports [O] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions
- Dire et juger que les parties sont liées par le bail no1 en date du 1er novembre 2012 conformément à la commune intention des parties fixant à 50.000 € annuel le montant du loyer HT,
- Dire et juger que le bail no2 est inexistant et ne saurait opérer novation à défaut d'être conforme à l'intention des parties et d'être signé par le gérant,
- Dire et juger que le loyer de 50 000 € correspond au montant des loyers appliqués pour des locaux identiques dans le proche voisinage sur [Localité 1],
- Désigner tout expert judiciaire avec la mission de donner son avis sur le montant de la valeur locative des locaux donnés en location objet des baux no1 et no2,
- Condamner la société [O] Location à restituer la somme de 152 400 TTC indûment perçue,
- Condamner la société [O] Location à réaliser les travaux de toiture afin d'assurer le clos et le couvert sous astreinte de 1 000 € par jour de retard.

Vu l'article L145-1 du code de commerce :
- Requalifier en bail commercial la convention du 31 décembre 2015,
- Dire et juger que le local no15, objet de la convention du 31 décembre 2015, constitue un local accessoire du local no14,
- Dire et juger que le local no15 est un local commercial objet de la convention du 31 décembre 2015 qui sera soumis au statut des baux commerciaux,
- Ordonner la réintégration au sein du local no15 sous astreinte de 1 000 € par jour de retard,

Sur les demandes de la société Mardhok Location
- Prononcer la nullité du commandement de payer du 11 juillet 2016, lequel a pour fondement le bail no2,
- Débouter la société Mardhok de toutes ses demandes fins et conclusions au titre de l'acquisition de la clause résolutoire et des demandes financières,
- Dire et juger mal fondé l'appel incident ayant pour objet la condamnation financière au paiement d'une indemnité équivalente à 10% de l'arriéré locatif à titre de clause pénale et par voie de conséquence débouter le bailleur de toutes ses demandes financières,
- Condamner la société [O] Location au paiement d'une somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 18 novembre 2020, la société [O] Location demande à la cour de :

- Juger la société Transports [O] mal fondée en ses demandes, si ce n'est irrecevables
L'en débouter
En conséquence et confirmant partiellement le jugement déféré :
- Juger que le bail commercial stipulant un loyer annuel d'un montant HT/HC de 111.000 euros HT, produit par la bailleresse, est le seul faisant la loi et applicable entre les parties,

En conséquence,
- Rejeter la demande d'annulation du commandement de payer visant la clause résolutoir,
- Rejeter la demande de condamnation à l'encontre de la société [O] Location d'avoir à régler la somme de 152.400 euros TTC sur le fondement de la répétition de l'indu,

Plus généralement :
- Rejeter toutes demandes fins et conclusions de la société appelante, que ce soit à titre principal, ou à titre subsidiaire
- En particulier, considérant les clauses du bail produit par la société [O] Location, les obligations contractuelles du preneur, et la renonciation à recours également contractuelle,
- Débouter la société appelante de sa demande d'exécution de travaux sous astreinte comme non fondée ni justifiée si ce n'est irrecevable,
- Débouter la société appelante de sa demande d'expertise sur la valeur locative,
En tout état de cause :
- Débouter la société appelante de ses demandes concernant le lot [Cadastre 3] comme nouvelles en cause d'appel et dès lors irrecevables
- Plus subsidiairement la débouter de ses demandes concernant le lot [Cadastre 3] comme prescrites, et dès lors irrecevables,
- La débouter en tout état de cause de sa demande de réintégration dans ledit lot [Cadastre 3],
A titre reconventionnel :
- Déclarer acquise à la date du 11 août 2016 la clause résolutoire du bail commercial consenti à la société Transports [O] moyennant un loyer annuel HT/HC de 111.000 euros, ce par l'effet du commandement de payer signifié le 11 juillet 2016,
- Subsidiairement prononcer la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de la société Transports [O],

En conséquence :
- Ordonner la libération immédiate par la société Transports [O] et par tous occupants de son chef des locaux sis [Adresse 1]) – lots no[Cadastre 1] et [Cadastre 2], et ce, en faisant droit à l'appel incident de la bailleresse, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
- Autoriser la société [O] Location à faire procéder à l'expulsion de la société Transports [O] et de tous occupants de son chef des lieux et ce avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier le cas échéant ;
- Statuer sur le sort des meubles conformément aux dispositions du code des procédures civiles d'exécution
- Fixer l'indemnité d'occupation mensuelle due par la société Transports [O] depuis le 11 août 2016 jusqu'à la libération effective des lieux, conformément aux clauses du bail, sur la base du loyer global de la dernière année de location majoré de 50%, charges et taxes en sus.
- Juger que le dépôt de garantie d'un montant de 27.750 euros reste acquis au bailleur,
- Condamner la société Transports [O] à payer à la société [O] Location la somme globale en principal de 414.897,51€ correspondant à l'arriéré de loyers et indemnités d'occupation depuis le 1er mars 2016 jusqu'au 30 septembre 2020 avec intérêts à compter du commandement du 11 juillet 2016 sur 31.148€, du jugement sur le surplus, soit 193.723€, des conclusions du 3 décembre 2019 sur 93.671€ et des présentes conclusions sur le surplus.

Et ce sans préjudice de la demande ci-dessus formée pour la majoration au titre de l'indemnité d'occupation,
- Condamner la société Transports [O] à payer à la société [O] Location une somme égale à 10% du montant de l'arriéré objet de la condamnation principale, à titre de clause pénale, en faisant droit à l'appel incident de la bailleresse, soit en l'état 41.490€
- Condamner la société Transports [O] à payer à la société [O] Location la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce inclus les frais
d'huissier comprenant les frais de signification du commandement de payer avec distraction en application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 novembre 2020.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 - Sur le bail applicable, et la demande principale en répétition de l'indû

Les parties s'opposent quant au bail applicable à leurs relations contractuelles, la société locataire soutenant que le bail portant sur un loyer de 50.000 euros HT est seul applicable, tandis que le bailleur se prévaut du second bail portant sur un loyer de 111.000 euros HT.

Pour une compréhension plus aisée, le bail d'un montant de 50.000 euros sera appelé bail numéro 1, et l'autre sera appelé bail numéro 2.

Il convient de rappeler que la société [O] Location est propriétaire de 4 lots contigüs dans un ensemble immobilier (lots [Cadastre 1],[Cadastre 2],[Cadastre 3] et [Cadastre 4]), ces différents lots étant toutefois autonomes.

Il est constant que la société Transports [O] occupait initialement, à titre précaire, les 4 lots, donnant parfois le lot no[Cadastre 4] en sous-location à un tiers. A compter de janvier 2013 (baux litigieux du 1er novembre 2012), la société Transports [O] a limité son occupation aux seuls lots [Cadastre 1] et [Cadastre 2]. A compter de janvier 2016, elle occupera également le lot numéro [Cadastre 3], au terme d'un bail précaire, pour un loyer non contesté de 72.000 euros (6.000 euros par mois).

La société Transports [O] soutient que seul le bail numéro 1 correspond à la commune intention des parties, relevant les circonstances suivantes :
- le montant annuel de 50.000 euros (soit 4.166 euros mensuel) est en corrélation avec le montant de 6.000 euros facturé par le bailleur pour le lot numéro [Cadastre 3] (qui dispose d'une surface plus importante en sous-sol),
- les loyers mensuels des 4 lots peuvent être évalués à 17.066 euros ce qui correspond plus ou moins à l'échéance du prêt souscrit par le bailleur pour l'achat du bien (18.000 euros),
- la valeur locative est conforme au prix du marché,
- elle a réglé un loyer mensuel de 5.852,84 euros TTC (correspondant à 4.166 euros HT) sur la période d'octobre 2012 à janvier 2014, ce qui ressort des éléments comptables,
- le bail numéro 2 n'est pas signé par le gérant de la société Transports [O].

La cour observe en premier lieu que le bail numéro 2 comporte le tampon de la société Transports [O] ainsi qu'une signature dont il n'est pas démontré qu'elle n'est pas celle de son gérant.

Il convient de rappeler que l'occupation des locaux a varié dans le temps :

- de 1999 à 2009 : occupation des 4 lots [Cadastre 1],[Cadastre 2],[Cadastre 3] et [Cadastre 4] par la société Transports [O], le bailleur étant alors la société Simsar,
- à compter du 8 décembre 2009 : la société [O] Location devient propriétaire, la société Transports [O] restant locataire d'une partie ou totalité des locaux (projet de bail non signé en février 2009)
- 3 août 2011 : "avenant au bail", permettant d'établir que la société Transports [O] est locataire des 4 lots moyennant un loyer global de 234.100 euros HT,
- 1onovembre 2012 : la société Transports [O] n'est plus locataire (à compter du 1ojanvier 2013) que des lots [Cadastre 1] et [Cadastre 2] pour un loyer de 50.000 euros ou de 111.000 euros, ce qui est l'objet du litige,
- 31 décembre 2015 : bail précaire consenti à la société Transports [O] pour le lot no[Cadastre 3] pour un loyer de 72.000 euros HT.

Il est constant qu'à compter du 3 août 2011et jusqu'en octobre 2012, la société Transports [O] a réglé la somme de 234.100 euros, soit un loyer mensuel de 19.508 euros pour les 4 lots.

A compter de janvier 2013, la société Transports [O] n'occupait plus que les lots [Cadastre 1] et [Cadastre 2] ainsi que cela ressort des baux signés en novembre 2012.

En partant d'un loyer global de 234.100 euros pour les 4 lots, chacune des parties cherche à démontrer - en reconstituant la valeur des loyers des lots [Cadastre 3] et [Cadastre 4] - que le montant du loyer des lots [Cadastre 1] et [Cadastre 2] peut être fixé, soit à 50.000 euros, soit à 111.000 euros.

S'agissant du lot [Cadastre 3], les parties s'accordent à évaluer le loyer à un montant de 72.000 euros annuel (soit 6.000 euros par mois), ainsi que cela ressort du bail précaire conclu entre elles en décembre 2015.

S'agissant du lot [Cadastre 4], les parties se fondent sur la pièce 22 de la société Transports [O] (facture établie par cette société au titre d'une sous-location en 2012) qui fournit des données cependant contradictoires, le loyer étant tantôt évalué à 4.166 euros HT (50.000 HT euros annuel), tantôt à 5.853 euros HT(70.236 euros HT annuel).

Ces données permettent d'établir le tableau suivant :

avenant août 2011 Selon Transports [O]
à compter de janvier 2013selon [O] Location
à compter de janvier 2013
loyer mensuel HTloyer annuel HTloyer mensuel HTloyer annuel HT
loyer lots [Cadastre 1] et [Cadastre 2]

4.16650.0009.250111.000
loyer lot 156.00072.0006.00072.000
loyer lot 165.85370.2364.16650.000
total234.10016.019192.23619.416233.000
Si l'on devait suivre la thèse de la société Transports [O] - bien que le loyer sur le lot numéro [Cadastre 4] soit probablement surévalué - cela signifierait que le montant total des loyers des 4 lots serait fixé à la somme de 192.236 euros seulement, aboutissant ainsi à une diminution d'environ 42.000 euros de loyer (234.100 euros en août 2011 - 192.236 euros en janvier 2013), soit environ 20%, dont on peine à croire qu'elle ait pu être acceptée par le bailleur.

Si l'on suit au contraire la thèse de la société [O] Location, le loyer global des 4 lots est très proche en novembre 2012 (233.000 euros) du loyer accepté en août 2011 (234.100 euros).

Il est également intéressant de constater que la société [O] Location a, en garantie de l'emprunt souscrit pour l'acquisition du bien, procédé à une cession des loyers au profit de la banque, l'acte de vente précisant que les loyers seront d'un montant de 17.000 euros pour les 4 lots. Si l'on devait suivre la thèse de la société Transports [O], les loyers mensuels seraient insuffisants (16.019 euros) pour couvrir la garantie donnée à la banque, ce qui risquait d'aboutir à une exigibilité immédiate du prêt (comme prévu à l'acte), ce que la société [O] Location n'aurait surement pas risqué.

Il apparait ainsi que la thèse d'un loyer à hauteur de 50.000 euros n'est pas crédible, en ce que ce dernier est nettement sous-évalué par rapport, d'une part à la cession de loyers consentie au profit de la banque, d'autre part au montant du loyer que la société Transports [O] avait initialement accepté de régler lorsqu'elle occupait les 4 lots.

* sur la clause du bail relative à la compensation de l'ancien dépôt de garantie avec les loyers futurs

La cour observe que les deux baux litigieux, dont les clauses sont quasiment identiques, comprennent une clause par laquelle le bailleur restitue au preneur le dépôt de garantie de l'ancien bail (celui précédant l'avenant du 3 août 2011) d'un montant de 102.000 euros, cette somme étant compensée avec les loyers futurs à compter de janvier 2013, de sorte que l'année 2013 ne connaîtra ainsi qu'un loyer très réduit.

Il apparaît ainsi que, si comme l'observe la société Transports [O] le loyer de l'année 2013 était réduit, ce n'est pas tant parce que le loyer a été fixé à la somme de 50.000 euros, mais parce que le bailleur a opéré, sur cette année 2013, une compensation avec l'ancien dépôt de garantie.

Le bail numéro 2 précise en page 15 que l'ancien dépôt de garantie (d'un montant de 102.000 euros pour les 4 lots loués de 2009 à 2012) est recrédité au profit du locataire, pour 25.000 euros sur le nouveau dépôt de garantie (d'un montant en réalité de 27.750 euros), et pour 77.000 au titre des loyers futurs. Cette compensation est ainsi mathématiquement exacte, dès lors que l'on compense 102.000 euros avec 77.000 euros + 25.000 euros. Cela signifie que - pour cette année 2013 - le locataire ne devait finalement régler que : 111.000 euros -77.000 euros = 34.000 euros de loyers HT. En réalité, la somme due est même moindre du fait d'une remise de loyers accordée à hauteur de 9.000 euros sur l'année, soit un loyer annuel dû de 25.000 euros (2.083 euros par mois).

Le bail numéro 1 contient la même précision (cette fois en page 14) sur la restitution du dépôt de garantie à hauteur de 102.000 euros, indiquant que cette somme viendra en "compensation des loyers dûs au titre des présentes, ce à due concurrence à (sic) six mois de loyer". Cette clause apparaît cette fois totalement invraisemblable, car elle signifie que l'on compense 102.000 euros avec 24.996 euros (6 mois de loyer x 4.166 euros de loyer mensuel), le locataire perdant ainsi un crédit de près de 77.000 euros, ce qui n'est pas réaliste.

Il ressort ainsi de la comparaison des deux contrats litigieux, que le bail numéro 2 comporte une clause de restitution de l'ancien dépôt de garantie tout à fait cohérente, tandis que le bail numéro 1 comporte une clause similaire, mais dépourvue de toute cohérence, ce qui conduit à penser qu'il ne s'agit pas du véritable contrat liant les parties, ainsi que le soutient le bailleur.

Pour le surplus, la cour note qu'il ressort du bilan de la société Transports [O] pour la période de juillet 2012 à juin 2013 que celle-ci a réglé un montant total HT au titre des loyers de 111.200 euros devant correspondre à : 4 mois de juillet à octobre 2012 x (19.508 euros de loyer pour les 4 lots + 2.000 euros de charges) = 86.032 euros + 6 mois de janvier à juin 2013 x (2.083 euros de loyer + 1.687 euros de charges) = 22.620 euros = total de 108.652 euros, correspondant à 2.000 euros près à ce qui a été versé (111.200 euros), la différence devant correspondre à un reliquat de charges. Il apparaît ainsi que le bilan de juillet 2012 à juin 2013 est parfaitement en adéquation avec le montant de 111.200 euros de loyers après déduction de la somme de 9.000 euros au titre de la franchise, et 77.000 euros correspondant à l'ancien dépôt de garantie.

Il en est de même pour le bilan 2013/2014 faisant ressortir des paiements de la société Transports [O] pour 87.200 euros HT, ce qui correspond aux 6 derniers mois de 2013 pour 22.620 euros et à 6 mois en 2014 pour : 9.250 euros + charges 1.687 = 10.937 euros x 6 = 65.622 euros, soit un total réglé de 88.242 euros très proche du règlement effectif de 87.200 euros.

En parallèle, les comptes produits par la société Transports [O] ne tiennent aucun compte de la spécificité de l'année 2013 (qui selon le bail qu'elle invoque devaient aboutir à un défaut de paiement de loyer pendant 6 mois), ce qui permet d'établir leur caractère totalement erroné.

Enfin, si l'on devait suivre l'argumentation de la société Transports [O], cela signifierait qu'elle a réglé un loyer de 4.166 euros HT durant 13 mois entre janvier 2013 et janvier 2014 (alors même que selon le bail dont elle se prévaut, elle ne devait rien durant 6 mois de janvier à juin 2013), puis qu'elle a subitement augmenté ses versements à hauteur de 9.250 euros HT, alors qu'elle bénéficiait des mêmes locaux, sans que cette augmentation de loyer, de plus du double, ne soit explicitée. On peine ainsi à croire que la société Transports [O] ait acccepté de multiplier subitement ses charges locatives par plus de deux, sans s'interroger sur cette soudaine augmentation très significative, étant au surplus observé que ces versements à hauteur de 9.250 euros HT, soit 12.787 euros TTC ont perduré durant deux années de février 2014 à février 2016.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, et principalement de l'incohérence de la clause du bail numéro 1 relative à la restitution de l'ancien dépôt de garantie et à son imputation, la cour confirmera le jugement en ce qu'il a dit que le bail numéro 2 était seul applicable, la demande formée par la société Transports [O] d'une expertise sur la valeur locative étant au surplus rejetée.

La demande en répétition de l'indû formée par la société Transports [O], en ce qu'elle est uniquement fondée sur le bail numéro 1 sera rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.

La société Transports [O] forme enfin une demande de réalisation de travaux de toiture sous astreinte, se prévalant d'un constat d'huissier ayant relevé des infiltrations d'eau. La société [O] Location s'oppose à cette demande, indiquant que le locataire ne l'a jamais informée des prétendues infiltrations, et qu'il ne justifie d'aucune déclaration à son assureur, ajoutant qu'il a renoncé à tous recours à ce titre.

Le constat d'huissier produit aux débats est insuffisant à démontrer si les infiltrations constatées relèvent d'un manque d'entretien imputable au preneur, ou de l'obligation du bailleur relative aux grosses réparations, de sorte que la demande de "réalisation de travaux de toiture" au demeurant très imprécise sera rejetée, d'autant que la société locataire doit quitter les lieux ainsi qu'il sera vu plus avant.

2 - sur la demande reconventionnelle en acquisition de la clause résolutoire, expulsion et paiement des loyers arriérés

* sur la demande d'acquisition de clause résolutoire et d'expulsion

La société [O] Location sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail à la suite du commandement délivré le 11 juillet 2016, et ordonné l'expulsion de la société Transports [O].

La société Transports [O] conclut à la nullité du commandement au seul motif qu'il se fonde sur le bail numéro 2 fixant à 111.000 euros le montant du loyer annuel. Elle sollicite également le rejet des demandes financières au même motif.

Il a été démontré que le bail numéro 2 était seul applicable, de sorte que le commandement fondé sur ce bail est régulier, la cour observant pour le surplus que la société Transports [O] ne conteste pas le défaut de paiement des loyers tel qu'il ressort du décompte produit par le bailleur faisant apparaître un paiement très irrégulier à partir de mars 2016. Les causes du commandement n'ayant pas été réglées dans le délai d'un mois, c'est à bon droit que le premier juge a constaté l'acquisition de la clause résolutoire et ordonné la libération des lieux par la société Transports [O], et à défaut son expulsion, sauf à ajouter, conformément à la demande de la société [O] Location que la société Transports [O] devra libérer les lieux sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard pendant une durée de 3 mois, cette astreinte commençant à courir à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.

Il convient en outre de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que l'indemnité d'occupation devait être fixée au montant du loyer contractuel et des charges majorés de 50% jusqu'à libération des lieux conformément aux clauses contractuelles figurant tant le bail numéro 2, mais également dans le bail numéro 1 dont se prévaut le locataire. Il convient en outre de préciser que cette indemnité est due à compter du 11 août 2016.

De même, en application des clauses contractuelles, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le dépôt de garantie resterait acquis au bailleur.

* sur les demandes en paiement des loyers arriérés

La société [O] Location sollicite paiement d'une somme de 414.897,51 euros correspondant à l'arriéré de loyers pour la période de mars 2016 à septembre 2020. Elle produit à ce titre un décompte locatif qui n'est pas discuté par la société Transports [O] qui continue de régler approximativement un loyer annuel de 50.000 euros, alors même que le loyer s'élève en principal HT et HC à la somme de 111.000 euros.

Il convient donc de faire droit à la demande de la société [O] Location et de condamner la société Transports [O] au paiement de la somme de 414.897,51 euros au titre des loyers et charges arriérés au 19 octobre 2020 (loyer septembre 2020 inclus) outre intérêts au taux légal: à compter du 11 juillet 2016 sur la somme de 31.148 euros, à compter du jugement sur la somme de 193.723 euros et à compter du 18 novembre 2020, date des dernières conclusions sur le solde.

La société [O] Location sollicite en outre paiement d'une somme complémentaire de 41.490 euros au titre de la clause pénale (soit 10% du montant des loyers arriérés). Cette clause paraît toutefois manifestement excessive en ce qu'elle fait double emploi avec la demande en majoration des indemnités d'occupation à hauteur de 50%, de sorte que cette demande sera rejetée.

3 - sur les demandes relatives au lot numéro [Cadastre 3]

Il résulte de l'article 564 et suivants du code de procédure civile qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce, la société Transports [O] demande à la cour de requalifier la convention d'occupation précaire du 31 décembre 2015 relative au lot numéro [Cadastre 3] en bail commercial, sollicitant en outre sa réintégration dans ce local dont elle a toutefois rendu les clés le 28 juillet 2020.

La société [O] Location soulève l'irrecevabilité de cette demande, d'une part en ce qu'il s'agit d'une demande nouvelle en appel, d'autre part en ce qu'elle est prescrite dès lors qu'elle n'a été formée pour la première fois que dans une instance distincte (référé) par conclusions du 23 décembre 2018.

La société Transports [O] n'a pas répondu sur les irrecevabilités soulevées.

Il est constant que le premier juge n'était pas saisi d'une demande de requalification de la convention concernant le lot numéro [Cadastre 3]. En effet, la société Transports [O] avait bien présenté cette demande, mais uniquement dans des conclusions postérieures à la clôture, de sorte qu'elles ont été rejetées par le premier juge qui n'en était pas saisi.

Cette demande de requalification est en outre distincte du présent contentieux qui concerne uniquement le bail portant sur les lots [Cadastre 1] et [Cadastre 2], de sorte qu'elle n'est ni l'accessoire, ni la conséquence ou le complément nécessaire des prétentions principales.

Il convient donc de déclarer la société Transports [O] irrecevable en ses prétentions relatives au lot numéro [Cadastre 3].

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

La société Transports [O] qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel.

Il est équitable d'allouer à la société [O] Location une indemnité de procédure de 10.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 13 mai 2019 en toutes ses dispositions sauf :
- à préciser que l'indemnité d'occupation est due à compter du 11 août 2016,
- en ce qu'il a condamné la société Transports [O] au paiement d'une somme de 214.871 euros au titre de l'arriéré de loyers, le jugement étant ainsi infirmé de ce chef,

Et statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la société Transports [O] à payer à la société [O] Location la somme de 414.897,51 euros au titre des loyers et charges arriérés au 19 octobre 2020 (loyer septembre 2020 inclus), outre intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2016 sur la somme de 31.148 euros, à compter du jugement sur la somme de 193.723 euros et à compter du 18 novembre 2020 sur le solde,

Et y ajoutant,

Dit que l'obligation de quitter les lieux est assortie d'une astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard pendant une durée de 3 mois, cette astreinte commençant à courir à compter de la signification du présent arrêt,

Déclare la société Transports [O] irrecevable en ses prétentions relatives au lot numéro [Cadastre 3],

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société Transports [O] à payer à la société [O] Location la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Transports [O] aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés directement par les avocats qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Monsieur François THOMAS, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12
Numéro d'arrêt : 19/041031
Date de la décision : 28/01/2021
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2021-01-28;19.041031 ?
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