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14/01/2021 | FRANCE | N°19/08685

France | France, Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 14 janvier 2021, 19/08685


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 35Z



14e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 JANVIER 2021



N° RG 19/08685 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TUPT



AFFAIRE :



Société WIPRO LIMITED









C/

COMITÉ D'ENTREPRISE (CSE) DE LA SOCIÉTÉ WI PRO LIM...







Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 02 Octobre 2019 par le Président du TGI de NANTERRE

N° RG : 19/01453
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Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Christophe DEBRAY



Me Claire RICARD



TJ NANTERRE



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATORZE JANVIER DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 35Z

14e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 JANVIER 2021

N° RG 19/08685 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TUPT

AFFAIRE :

Société WIPRO LIMITED

C/

COMITÉ D'ENTREPRISE (CSE) DE LA SOCIÉTÉ WI PRO LIM...

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 02 Octobre 2019 par le Président du TGI de NANTERRE

N° RG : 19/01453

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Christophe DEBRAY

Me Claire RICARD

TJ NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE JANVIER DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société WIPRO LIMITED société de droit indien, ayant son siège social DODDAKANNELLI SARJAPUR, ROAD BANGALORE (INDE) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social de sa succursale en France

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 19541

Assistée de Me Sarah MUSTAPHA, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

COMITÉ SOCIAL ET ECONOMIQUE venant aux droits du COMITE D'ENTREPRISE DE LA SOCIÉTÉ WI PRO LIM pris en la personne de Monsieur [Y] [W], membre dûment habilité, domicilié en ette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

ET

Syndicat CFDT BETOR PUB pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentés par Me Claire RICARD, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2190869

Assistés de Me Ingrid GIUILLY, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 novembre 2020, Madame Marie LE BRAS, conseiller ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Nicolette GUILLAUME, président,

Madame Marie LE BRAS,conseiller,

Madame Marina IGELMAN, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sophie CHERCHEVE

EXPOSÉ DU LITIGE,

La société Wipro Limited est une société de droit indien exerçant une activité de conseil et de fourniture de prestations en systèmes informatiques. Sa succursale en France est située à [Localité 4] (92) et emploie plus de 150 salariés.

En exécution de l'obligation légale faite à certaines entreprises depuis le 1er mai 2008 de mettre en place la participation des salariés à leurs résultats, la société Wipro Limited a signé en application des articles L. 3324-1 et L. 3324-2 du code du travail un premier accord de participation le 24 juin 2013 avec le comité d'entreprise de sa succursale française.

Cet accord qui a été régulièrement déposé auprès des services de la DIRECCTE, a notamment prévu les modalités de calcul de la réserve spéciale de participation (RSP) au titre à la fois des exercices passés (2008 à 2012) et des exercices 2012-2013 et suivants, en adoptant en son article 4.1 la formule de calcul suivante : 'RSP = 1/2 (B - 5% C) x (S / VA)', 'B' correspondant au bénéfice net réalisé en France et 'C' aux capitaux propres.

Le comité d'entreprise (le CE) a constaté une très forte baisse du montant global de la réserve spéciale de participation au fil des années.

Dans le cadre de ses attributions économiques, il a fait procéder à un audit des comptes arrêtés au 31 mars 2015 par le cabinet Syndex qui lui a remis un rapport le 19 mai 2016 aux termes duquel cet expert, se référant au 'Guide de l'épargne salariale' publié en juillet 2014, a relevé que la participation calculée en application de l'accord de 2013 au titre des exercices précédents était en fait inférieure à ce qui devrait résulter de la formule légale.

A la suite de ce premier rapport et du suivant déposé le 16 mars 2017, la société et le CE se sont principalement opposés sur la détermination des 'capitaux propres' à retenir dans la formule de calcul pour, comme en l'espèce, une succursale française d'une société étrangère.

Le CE a voté lors de sa réunion ordinaire du 11 juillet 2017 la dénonciation de l'accord de participation d'avril 2013 après que la direction a annoncé que le montant de la réserve spéciale pour l'exercice 2016-2017 serait de 0 euro.

Dans ce contexte et en l'absence de négociation d'un nouvel accord, le CE, par acte en date du 28 mai 2018, a fait assigner la société Wipro Limited devant le tribunal de grande instance de Nanterre statuant au fond afin d'obtenir le versement d'un complément à la réserve spéciale des exercices 2014/2015 à 2016/2017.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 20 juin 2019, le tribunal de grande instance de Nanterre a fait droit aux demandes du CE condamnant la société Wipro Limited à verser au titre de la réserve spéciale de participation les sommes suivantes :

- 2014/2015 : 488 565 euros

- 2015/2016 : 484 991 euros

- 2016/2017 : 386 234 euros.

A la suite de l'appel interjeté par la société Wipro Limited, l'affaire est actuellement pendante devant cette cour.

Parallèlement à cette procédure, par acte en date du 24 juillet 2019, le CE et le syndicat CFDT Betor Pub ont fait assigner en référé au visa des articles 808 et 809 du code de procédure civile la société Wipro Limited aux fins de lui voir ordonner d'appliquer la formule légale de la participation pour l'exercice 2017-2018 ainsi que pour les exercices à venir et de la voir condamnée sous astreinte à verser sur les comptes bancaires :

- les sommes correspondantes,

- le surplus de la réserve spéciale de participation pour l'exercice 2017-2018, à savoir la somme de 332 657 euros, avec intérêts,

- la somme de 10 000 euros à titre de provision à valoir sur le préjudice subi.

Par ordonnance contradictoire rendue le 2 octobre 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre a :

- dit que l'action est recevable,

- ordonné à la société Wipro Limited d'appliquer la formule légale de la participation pour l'exercice 2017/2018 et pour les exercices à venir et notamment de verser les sommes correspondantes sur les comptes bancaires,

- condamné la société Wipro Limited à verser sur les comptes bancaires le surplus de la réserve spéciale de participation pour 2017/2018, la somme de 332 657 euros avec intérêts légaux à compter de l'assignation, et sous astreinte de 150 euros par jour de retard dans les 15 jours suivant la signification de la décision,

- condamné la société Wipro Limited à verser au CE la somme de 3 000 euros à titre de provision à valoir sur le préjudice,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- rappelé que la présente ordonnance est exécutoire,

- condamné la société Wipro Limited à payer au CE la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Wipro Limited aux entiers dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 16 décembre 2019, la société Wipro Limited a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.

Le Comité social et économique (le CSE) s'est constitué en qualité d'intimé aux droits du CE.

Dans ses dernières conclusions déposées le 27 octobre 2020 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Wipro Limited demande à la cour, au visa des 809 du code de procédure civile, L. 3324-1 et D. 3324-4 du code du travail, de :

- infirmer l'ordonnance de référé ;

-In limine litis, déclarer les demandes du CSE et du syndicat CFDT Betor Pub irrecevables ;

à titre subsidiaire,

- juger, notamment au vu des conclusions du rapport de l'expert [L] & Associés, qu'il n'y a pas lieu à référé en l'absence de 'trouble manifestement illicite' et, en conséquence, débouter le CSE et le syndicat CFDT Betor Pub de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour d'appel en référé devait confirmer l'ordonnance de première instance :

- expliquer comment calculer les capitaux propres selon le guide de l'épargne salariale de juillet 2014 pour sa succursale française car, comme démontré, il n'est pas possible d'appliquer ledit guide d'un point de vue pratique et technique ;

- déclarer que toute condamnation ne pourrait être versée que sur les supports prévus par l'accord de participation signé entre les parties et à destination des seuls salariés bénéficiaires présents lors des exercices concernés ;

- débouter le CSE et le syndicat Betor Pub de leur demande tendant à ce qu'un délai de 30 jours après la signification de l'arrêt à intervenir lui soit imparti pour qu'elle procède à l'affectation ou le versement de la condamnation au titre de l'exercice 2017-2018, et de fixer un délai plus raisonnable au vu de la complexité des opérations à réaliser par la société Wipro dans cette hypothèse ;

- débouter le CSE et le syndicat Betor Pub de leur demande tendant à ce qu'elle présente au CSE un rapport concernant la répartition des droits et leur versement ou affectation sous un délai de 45 jours à compter de la signification de l'arrêt ;

- rejeter la demande adverse tendant à ce que : 'le montant de la participation sur les exercices à venir, soit affecté par la société Wipro Limited, selon l'option choisie par le bénéficiaire, sur le compte ouvert au bénéficiaire au titre de chacun des exercices concernés ou directement sur le compte bancaire du bénéficiaire' dès lors qu'une telle affectation pour les exercices à venir ne pourrait se faire que par la signature d'un avenant lors d'une nouvelle négociation sur la participation, dans le cadre des dispositions légales ;

à titre reconventionnel :

- condamner le CSE à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner le CSE aux entiers dépens dont distraction au bénéfice de Maître Debray, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 26 octobre 2020 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, le CSE, venant désormais aux droits du CE de la société Wipro Limited, et le syndicat CFDT Betor Pub demandent à la cour, au visa des articles 809, 122, 31 et 416 du code de procédure civile et des articles L. 3323-5, L. 3324-1, L. 3324-2 et D. 3324-4 du code du travail, de :

- in limine litis, déclarer recevables leurs demandes ;

- juger qu'il y a bien lieu à référé en raison d'un trouble manifestement illicite ;

- juger bien fondées leurs demandes ;

en conséquence,

- confirmer l'ordonnance rendue par le tribunal de grande instance de Nanterre, formation référés, le 2 octobre 2019,

y ajoutant, s'agissant des modalités de versement des condamnations sur les 'comptes' des bénéficiaires et les modalités d'application du guide de l'épargne salariale :

- ordonner que le montant des condamnations précitées, prononcées sur l'exercice 2017-2018, soit affecté par la société Wipro Limited, selon l'option choisie par le bénéficiaire, au plan d'épargne d'entreprise sur le compte ouvert au bénéficiaire au titre de chacun des exercices concernés ou directement sur le compte bancaire du bénéficiaire, la répartition individuelle du montant des condamnations étant effectuée conformément à l'accord de participation du 24 juin 2013 à partir de la liste des salariés inscrits à l'effectif de l'entreprise pendant l'exercice considéré qu'ils soient encore présents dans l'entreprise ou partis, l'affectation ou le versement devant intervenir dans un délai de trente jours après la date de signification de l'arrêt de la cour, sachant que passé ce délai, s'y ajoute une astreinte de 150 euros par jour de retard pendant un délai de trois mois ;

- ordonner à la société Wipro Limited de présenter au CSE un rapport concernant la répartition des droits et leur versement ou affectation sous un délai de 45 jours à compter de la signification de l'arrêt ;

- ordonner que la valorisation des capitaux propres soit effectuée conformément au calcul et la méthode réalisés par le cabinet Syndex ;

- ordonner que le montant de la participation sur les exercices à venir soit affecté par la société Wipro Limited, selon l'option choisie par le bénéficiaire, sur le compte ouvert au bénéficiaire au titre de chacun des exercices concernés ou directement sur le compte bancaire du bénéficiaire, la répartition individuelle du montant des condamnations étant effectuée conformément aux dispositions légales ;

- débouter la société Wipro Limited de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société Wipro Limited à verser au CSE une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Wipro Limited aux entiers dépens, dont distraction au bénéfice de Maître Claire Ricard, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 novembre 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION,

- sur la recevabilité des demandes du CSE et du syndicat CFDT Betor Pub :

Rappelant que le représentant d'un CE doit justifier d'un mandat exprès et spécial pour agir en justice, la société Wipro Limited prétend que le mandat dont se prévaut M. [W] au cas d'espèce pour représenter le CE puis le CSE n'est pas assez précis dans la mesure où la délibération du comité en date du 12 novembre 2018 sur laquelle il repose ne mentionne ni l'identité de la personne visée par l'action, ni la nature civile ou pénale de l'action, ni la sanction demandée, ni enfin la nature de la juridiction devant être saisie.

L'appelante s'estime d'autant plus fondée à soulever ce moyen d'irrecevabilité que le CSE a tenté de régulariser a posteriori le mandat donné à M. [W] par une nouvelle délibération lors d'une réunion extraordinaire.

La société Wipro Limited soutient également que le CSE ne justifie pas d'un intérêt à agir dans la mesure où d'une part, il ne tient d'aucune disposition légale le pouvoir d'exercer une action en justice au nom des salariés pour la défense de leurs droits propres découlant du régime de participation aux résultats, ceci ne relevant pas de sa mission telle que définie par l'ancien article L. 2323-1 du code du travail et où d'autre part, il ne dispose d'aucune compétence en matière de négociation et de conclusion d'accord de participation et ne peut dès lors invoquer une quelconque atteinte à ses intérêts, patrimoine ou prérogatives, et revendiquer une non-application de l'accord de 2013 qu'il a de surcroît validé et signé en son temps.

S'agissant de la recevabilité de l'action du syndicat CFDT Betor Pub, l'appelante fait valoir que celui-ci ne précise pas la profession qu'il représente et l'atteinte qui est susceptible d'avoir été portée à l'intérêt collectif de celle-ci par l'application de l'accord de participation du 24 juin 2013.

Elle prétend également, comme pour le CSE, que le secrétaire général du syndicat CFDT Betor Pub ne justifie pas d'un pouvoir spécial pour représenter ce dernier dans le cadre de la présente instance.

La société Wipro Limited fait enfin valoir qu'en tout état de cause, il existe une contestation sérieuse quant à la recevabilité de l'action des intimés, qui ne pourra être tranchée que par le juge du fond.

Les intimés lui répondent qu'aucune disposition légale ne prévoit de procédure spécifique concernant la représentation du CE et désormais du CSE en justice, la seule exigence posée par la jurisprudence étant que le mandat, sans être nécessairement nominatif, ait fait l'objet d'une délibération préalable du comité afin qu'il n'y ait de doute ni sur le contexte dans lequel elle a été adoptée, ni sur son contenu.

Se référant à l'ordre du jour et au procès-verbal de la réunion du CE du 12 novembre 2018, les intimés soutiennent ainsi qu'il y est clairement fait mention d'un mandat donné au secrétaire du CE pour le représenter 'dans le cadre de l'action en justice au nom du CE de Wipro à l'encontre de la société relative au calcul de la RSP pour l'exercice 2017-2018", après rappel du contexte de l'action déjà menée pour les exercices précédents.

Ils ajoutent que par délibération du 16 janvier 2020, le CSE a donné un nouveau mandat à M. [W] pour poursuivre en son nom l'action judiciaire devant la cour.

Les intimés font également valoir que le CE, conformément à l'article L. 3322-6 du code du travail, peut comme en l'espèce être partie à l'accord de participation et qu'il tient des dispositions réglementaires du code du travail mais aussi de l'accord litigieux un rôle de contrôle du calcul de la RSP à travers le rapport annuel que doit lui présenter l'employeur, de sorte qu'il a nécessairement intérêt à agir en cas de litige sur l'application de l'accord et sur son articulation avec les dispositions légales.

S'agissant de la recevabilité de l'action du syndicat CFDT Betor Pub, les intimés prétendent justifier du vote favorable du bureau du syndicat à une intervention volontaire aux côtés du CE pour poursuivre son action judiciaire en vue d'un recalcul de la RSP.

Ils soutiennent également qu'il a intérêt à agir en son nom propre pour défendre l'intérêt collectif de la profession qu'il représente dans le cadre d'un litige sur la constitution d'une RSP dès lors que son action ne concerne pas les intérêts individuels de salariés nommément désignés.

Sur ce,

L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Selon l'article 31 du même code, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

L'article 32 dudit code dispose également qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

Il sera dès à présent rappelé que le juge des référés et la cour à sa suite, ont le pouvoir en application de l'article 122 du code de procédure civile de trancher les contestations, même sérieuses, relatives à la recevabilité des demandes dont ils sont saisis, et plus particulièrement de statuer sur l'intérêt et la qualité à agir du demandeur.

*s'agissant du CSE venant aux droits du CE :

Aux termes de l'article L. 3322-6 du code du travail, les accords de participation sont conclus selon l'une des modalités suivantes :

1° Par convention ou accord collectif de travail ;

2° Par accord entre l'employeur et les représentants d'organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ;

3° Par accord conclu au sein du comité social et économique ;

4° A la suite de la ratification, à la majorité des deux tiers du personnel, d'un projet de contrat proposé par l'employeur. S'il existe dans l'entreprise une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ou un comité social et économique, la ratification est demandée conjointement par l'employeur et une ou plusieurs de ces organisations ou ce comité.

Selon l'article D. 3323-13 du même code, l'employeur présente, dans les six mois qui suivent la clôture de chaque exercice, un rapport au comité social et économique ou à la commission spécialisée éventuellement créée par ce comité.

Ce rapport comporte notamment :

1° Les éléments servant de base au calcul du montant de la réserve spéciale de participation des salariés pour l'exercice écoulé ;

2° Des indications précises sur la gestion et l'utilisation des sommes affectées à cette réserve.

L'article D. 3323-14 précise que lorsque le comité social et économique est appelé à siéger pour examiner le rapport relatif à l'accord de participation, les questions ainsi examinées font l'objet de réunions distinctes ou d'une mention spéciale à son ordre du jour. Le comité peut se faire assister par l'expert-comptable prévu à l'article L. 2325-35.

Il est en l'espèce constant ainsi que le confirme le document produit par les parties que l'accord de participation litigieux a été signé le 24 juin 2013 par la succursale française de la société Wipro Limited d'une part et le CE de l'entreprise d'autre part. (Pièce 3 de l'appelante).

En son article 12 relatif au règlement des différends, il est en outre stipulé que 'tout différend concernant l'application du présent accord est d'abord soumis à l'examen des parties signataires en vue de rechercher une solution amiable. A défaut d'accord, le différend est porté devant la juridiction compétente'.

En tant que partie à l'accord, le CSE venant aux droits du CE a ainsi nécessairement intérêt à agir en justice dans le cadre du différend opposant les 2 signataires sur son application globale et sa conformité aux dispositions légales, ce litige ne portant pas sur des revendications individuelles de salariés au titre de la réserve spéciale de participation.

En outre, il résulte du compte-rendu de la réunion du CE en date du 12 novembre 2018 (pièce 32 des intimés) que ses membres, au vu de l'ordre du jour qui leur avait été soumis, ont approuvé par un vote unanime :

-'le principe d'engager une action en justice, au nom du comité d'entreprise Wipro Limited France et à l'encontre de la société relative au calcul du montant de la RSP pour l'exercice 2017-2018",

- la désignation de M. [Y] [W] 'pour représenter le CE dans le cadre de cette action', celui-ci étant le secrétaire élu de l'instance représentative,

- la désignation du cabinet de Maître [K] [J], pour 'agir au nom du comité d'entreprise dans le cadre de cette action'.

Le mandat donné par le CE à M. [W] pour le représenter en justice apparaît ainsi parfaitement régulier dès lors qu'il le désigne précisément, que l'objet et la nature de l'action, nécessairement civile dès lors qu'elle porte sur le calcul de la RSP, sont suffisamment déterminés par les éléments susvisés et qu'il n'est pas exigé que soient détaillées, au stade de la délibération, les prétentions qui devront être soumises au juge.

Enfin, le CSE a également adopté une délibération le 16 janvier 2020 donnant mandat à M. [W] de le représenter à hauteur d'appel.

Celui-ci justifie donc, par ces deux mandat spéciaux, de son droit à agir au nom du CE puis du CSE dans le cadre du présent litige.

Les moyens d'irrecevabilité soulevés par la société Wipro Limited ne peuvent donc, au vu de l'ensemble de ces éléments, prospérer. L'ordonnance entreprise sera confirmée sur ce point.

*s'agissant du syndicat CFDT Betor Pub :

L'article L. 2132-3 du code du travail dispose que les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice.

Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

Le pouvoir d'une personne d'agir en justice comme représentant d'un syndicat peut résulter soit des statuts, soit d'un mandat spécial.

Il sera en premier lieu relevé que conformément à l'article 16 de ses statuts qui donne au bureau du syndicat le pouvoir de décider des actions en justice à mener, le syndicat CFDT Betor Pub justifie en sa pièce 29 de la décision prise par son bureau en sa délibération du 11 mars 2019, ce point n'étant pas discuté par l'appelante, d'intervenir volontairement aux côtés du CE de la société Wipro Limited dans 'le litige qui l'oppose à la société concernant le calcul de la participation'.

En outre, les statuts du syndicat CFDT Betor Pub (pièce 29) prévoient en ce même article 16 que son secrétaire général est mandaté de plein droit pour le représenter dans toute action en justice, de sorte qu'il dispose d'un mandat permanent et exprès pour agir en son nom dans le cadre de l'action en justice décidée par le bureau, sans qu'il soit nécessaire que le bureau lui confie un mandat spécial.

Enfin, il résulte des statuts que le syndicat CFDT Betor Pub regroupe en vue d'assurer la défense de leurs intérêts individuels et collectifs 'les salariés des bureaux d'études, des activités informatiques, des organismes de réalisation, de conseil, de publicité, des cabinets d'expertise-comptable, des cabinets ou bureaux d'urbanisme, des activités de services en direction des entreprises et de toute activité similaire ou connexe' sur la région Ile-de-France.

La demande du syndicat CFDT Betor Pub aux côtés du CSE tendant à condamner la société Wipro Limited à appliquer un mode de calcul de la RSP suivant la formule légale, et non à défendre les intérêts propres de salariés nommément désignés, son action relève bien de la défense de l'intérêt collectif de la profession susvisée qu'il représente au sein de la la société Wipro Limited.

Le syndicat CFDT Betor Pub justifie, au vu de l'ensemble de ces éléments, du droit et d'un intérêt à agir aux côtés du CSE. Il convient en conséquence de rejeter les moyens d'irrecevabilité soulevés par la société Wipro Limited et de confirmer l'ordonnance de ce chef.

- sur le trouble manifestement illicite allégué par les intimés :

Dénonçant l'absence d'urgence pour les intimés à saisir le juge des référés et rappelant qu'une procédure similaire relative aux exercices antérieurs est actuellement pendante devant le juge du fond, la société Wipro Limited soutient surtout que le trouble prétendument illicite invoqué par les intimés n'est pas établi de manière flagrante, en l'absence de violation évidente d'une règle de droit.

Elle fait ainsi valoir que l'accord du 24 juin 2013, dont elle conteste par ailleurs la régularité de la dénonciation par le CE, prévoit une formule de calcul de la RSP strictement identique à la formule légale définie par l'article L. 3324-1 du code du travail, et que le litige porte uniquement sur les modalités de fixation des capitaux propres à y intégrer.

L'appelante explique que le mode de calcul desdits capitaux donné par l'article D. 3324-4 du code du travail ne vaut que pour les sociétés françaises et non pour les succursales de sociétés étrangères situées en France, qui n'ont ni personnalité juridique, ni capital social, ni capitaux propres, de sorte qu'il existerait pour ces dernières un vide textuel que l'accord litigieux du 24 juin 2013 a justement eu pour objectif de combler, ses signataires s'étant accordés en son article 4-1 C sur la définition des capitaux propres à insérer à la formule de calcul de la RSP.

La société Wipro Limited précise que cet accord s'est appuyé pour y parvenir sur un avis du Centre d'études des Revenus et des Coûts (le CERC) du 1er février 1986 qui avait à l'époque pour mission d'émettre des avis 'ayant autorité auprès de tous grâce à leur valeur technique, à leur impartialité et à la qualité de leurs auteurs' sur la validité des accords de participation.

S'appuyant sur un rapport d'analyse établi en mars 2020 à sa demande par le cabinet [L]&Associés concernant les modalités de détermination des capitaux propres tirées de l'accord du 24 juin 2013, la société Wipro Limited affirme que le choix arrêté par les signataires de cet accord de se baser sur l'avis du CERC est régulier et cohérent, eu égard au silence de la loi en la matière.

Elle ajoute que la DIRECCTE auprès de laquelle l'accord de juin 2013 a été déposé n'a d'ailleurs émis aucune observation sur la légalité de son contenu.

La société Wipro Limited conteste enfin la valeur légale et contraignante du Guide de l'épargne salariale paru en 2014 sur lequel les intimés se fondent pour réclamer une révision du mode de calcul des capitaux propres et invoquer l'existence d'un trouble manifestement illicite, faisant valoir qu'il ne s'agit que d'un recueil des positions doctrinales de l'administration fiscale conçu comme un outil opérationnel à l'usage des employeurs et des représentants des salariés dans le cadre d'éventuelles négociations, mais qu'il n'a aucune valeur normative en l'absence de publication au BOFIP (Bulletin Officiel des FinancesPubliques-Impôts) de ses dispositions relatives à la détermination des capitaux propres.

L'appelante considère ainsi qu'il ne peut lui être reproché d'avoir violé une règle de droit en ayant refusé d'adopter la méthode de calcul proposé par ce Guide non contraignant qu'elle estime au surplus techniquement inapplicable au cas d'espèce.

Elle fait enfin observer qu'il ne peut y avoir un trouble manifestement illicite tiré de son refus d'engager de nouvelles négociations avec le CE, dès lors d'une part qu'elle conteste la régularité de la dénonciation de l'accord du 24 juin 2013 dans le cadre de l'affaire au fond, en l'absence de notification à la DIRECCTE et que d'autre part le CE ne dispose aux termes de l'article L. 3322-6 du code du travail d'aucun droit propre à exiger la négociation d'un nouvel accord.

En réponse, les intimés rejettent en premier lieu les moyens tirés de l'absence d'urgence et de l'existence d'une contestation sérieuse, inopérants en présence d'un trouble manifestement illicite.

Ils soutiennent en second lieu que ce trouble découle du refus de la société Wipro Limited d'une part d'entreprendre de nouvelles négociations avec le CE à la suite de la dénonciation en juillet 2017 de l'accord de juin 2013 et d'autre part d'appliquer pour l'exercice 2017-2018 et les suivants, la formule légale de calcul de la RSP plus avantageuse, du fait des règles de détermination des capitaux propres définies dans le Guide de l'épargne salariale de juillet 2014, que celle définie dans l'accord dénoncé.

Ils s'appuient sur un rapport réalisé le 29 avril 2020 à la demande du CE par le cabinet d'audit et d'expertise-comptable OCA pour critiquer la note du cabinet [L] avancée par l'appelante, relevant en substance :

- l'absence de contrôle des données financières utilisées par la société Wipro Limited pour asseoir ses calculs de la RSP qui s'avéreraient selon eux erronés (exemple : notion de chiffres d'affaires inapropriée aux normes françaises)

- la rédaction d'une analyse juridique et non technique, hors du champ de compétence habituelle d'un expert-comptable.

Sans toutefois saisir la cour d'une demande de communication de pièces, ils font en outre grief à la société Wipro Limited de ne pas avoir communiqué au cabinet OCA malgré leurs demandes, les justificatifs des chiffres d'affaires, et capitaux propres du groupe et le chiffre d'affaires de la succursale française pour contrôler le calcul fait du montant de la RSP et sa conformité à la formule légale.

La règle de l'équivalence des avantages reprise par l'article L. 3324-2 du code du travail étant d'ordre public, ils exposent également que tout accord qui, comme celui de 2013, déroge à la formule légale de calcul de la RSP, doit offrir des avantages soit identiques, soit supérieurs, et qu'il appartient au juge de s'en assurer.

Les intimés dénoncent ainsi, sur la base du rapport d'expertise du cabinet Syndex, le fait que la définition des capitaux propres prévue dans l'accord de juin 2013 déroge de manière

désavantageuse à celle qui en est donnée par l'article D. 3324-4 du code du travail et surtout par le Guide de l'épargne salariale, dans la mesure où elle ne serait pas juridiquement valable.

Admettant que 'la question de la détermination des capitaux propres dans le cas d'une succursale n'est pas précisé par un texte de loi, ni par un décret', les intimés se référent à l'expertise précitée pour faire valoir que le Guide de l'épargne salariale qui est le seul à avoir donné une réponse claire pour ce type d'hypothèse, a une valeur juridique certaine et représente la doctrine de l'administration fiscale en la matière dans la mesure où il s'agit d'un guide interministériel de référence, co-signé par la DLF (direction de la législation fiscale), diffusé sur le site internet du ministère du travail et établi à partir de textes publiés au BOFIP. Il serait en outre opposable à l'administration fiscale en cas de contrôle.

Les intimés insistent également sur le fait que la notion de capitaux propres au sein d'une succursale retenue par le Guide se base sur des dispositions approchantes déjà publiées au BOFIP concernant 'le ratio d'endettement des établissements stables', expliquant que ces deux documents divergent uniquement, en fonction des situations, sur la prise en compte ou pas dans les capitaux propres du résultat de l'exercice.

Postérieur à l'accord de juin 2013 et plus favorable, l'application de ce Guide, dont la valeur juridique aurait déjà été retenue par d'autres juridictions, s'impose donc selon les intimés pour la définition des capitaux propres à inclure au calcul de la RSP à partir des exercices 2014-2015.

Ils contestent enfin la pertinence de l'avis du CERC de 1986 invoqué par l'appelante, faisant valoir qu'il concernait l'homologation d'un calcul de participation pour une autre entreprise et ne saurait dès lors constituer une référence pour toutes les situations, et ce d'autant plus que des précisions ministérielles plus récentes ont depuis été données.

Sur ce,

Le nouvel article 835 du code de procédure civile applicable à l'espèce dispose que le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite résulte de 'toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit' dont la preuve incombe à celui qui le dénonce, étant rappelé que la règle de droit se caractérise par sa valeur normative et contraignante à l'égard de ceux auxquels elle a vocation à s'appliquer.

De l'existence d'un tel trouble découle la situation d'urgence qui justifie l'intervention du juge des référés, de sorte que le moyen avancé par l'appelante tiré de l'absence d'urgence est inopérant.

En outre, le fait qu'une procédure parallèle soit actuellement pendante devant cette cour statuant au fond pour le calcul de la RSP relative aux exercices antérieurs à 2017 ne fait pas obstacle à l'examen du présent litige, l'arrêt à intervenir, eu égard à son caractère provisoire et à l'absence d'autorité de la chose jugée au principal, n'étant pas de nature à créer une contradiction de décisions de justice.

Selon l'article L. 3324-1 du code du travail, la réserve spéciale de participation des salariés est constituée comme suit :

1° Les sommes affectées à cette réserve spéciale sont, après clôture des comptes de l'exercice, calculées sur le bénéfice réalisé en France métropolitaine et en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, à La Réunion, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, tel qu'il est retenu pour être imposé à l'impôt sur le revenu ou aux taux de l'impôt sur les sociétés prévus au deuxième alinéa et au b du I de l'article 219 du code général des impôts et majoré des bénéfices exonérés en application des dispositions des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 undecies et 208 C du code général des impôts. Ce bénéfice est diminué de l'impôt correspondant qui, pour les entreprises soumises à l'impôt sur le revenu, est déterminé dans les conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat ;

2° Une déduction représentant la rémunération au taux de 5 % des capitaux propres de l'entreprise est opérée sur le bénéfice net ainsi défini ;

3° Le bénéfice net est augmenté du montant de la provision pour investissement prévue à l'article L. 3325-3. Si cette provision est rapportée au bénéfice imposable d'un exercice déterminé, son montant est exclu, pour le calcul de la réserve de participation, du bénéfice net à retenir au titre de l'exercice au cours duquel ce rapport a été opéré ;

4° La réserve spéciale de participation des salariés est égale à la moitié du chiffre obtenu en appliquant au résultat des opérations effectuées conformément aux dispositions des 1° et 2° le rapport des salaires à la valeur ajoutée de l'entreprise.

L'article L. 3324-2 du même code précise que l'accord de participation peut établir un régime de participation comportant une base de calcul et des modalités différentes de celles définies à l'article L. 3324-1. Cet accord ne dispense de l'application des règles définies à cet article que si, respectant les principes posés par le présent titre, il comporte pour les salariés des avantages au moins équivalents. La base de calcul retenue peut ainsi être le tiers du bénéfice net fiscal. La réserve spéciale de participation peut être calculée en prenant en compte l'évolution de la valeur des actions ou parts sociales de l'entreprise ou du groupe au cours du dernier exercice clos.

S'agissant plus précisément de la détermination des capitaux propres, l'article D. 3324-4 dudit code dispose qu'ils comprennent le capital, les primes liées au capital social, les réserves, le report à nouveau, les provisions qui ont supporté l'impôt ainsi que les provisions réglementées constituées en franchise d'impôts par application d'une disposition particulière du code général des impôts. Leur montant est retenu d'après les valeurs figurant au bilan de clôture de l'exercice au titre duquel la réserve spéciale de participation est calculée. Toutefois, en cas de variation du capital au cours de l'exercice, le montant du capital et des primes liées au capital social est pris en compte à due proportion du temps. La réserve spéciale de participation des salariés ne figure pas parmi les capitaux propres.

Pour les sociétés de personnes et les entreprises individuelles, la somme définie ci-dessus est augmentée des avances en compte courant faites par les associés ou l'exploitant. La quotité des avances à retenir au titre de chaque exercice est égale à la moyenne algébrique des soldes des comptes courants en cause tels que ces soldes existent à la fin de chaque trimestre civil inclus dans l'exercice considéré.

Le montant des capitaux propres auxquels s'applique le taux de 5 % prévu au 2° de l'article susmentionné est obtenu en retranchant des capitaux propres définis aux alinéas précédents ceux qui sont investis à l'étranger calculés à due proportion du temps en cas d'investissement en cours d'année.

Le montant de ces capitaux est égal au total des postes nets de l'actif correspondant aux établissements situés à l'étranger après application à ce total du rapport des capitaux propres aux capitaux permanents.

Le montant des capitaux permanents est obtenu en ajoutant au montant des capitaux propres, les dettes à plus d'un an autres que celles incluses dans les capitaux propres.

Enfin, s'agissant de la dénonciation de l'accord de participation, l'article D. 3323-8 du code du travail précise que la partie qui dénonce un tel accord notifie aussitôt cette décision à la DIRECCTE et que la dénonciation d'un accord conclu au sein d'un CE ou CSE doit être constatée au procès-verbal de la séance au cours de laquelle cette dénonciation a eu lieu.

Il est en l'espèce constant que l'accord du 24 juin 2013 a été dénoncé unilatéralement par le CE en sa délibération du 11 juillet 2017 mais que cela n'a pas fait l'objet d'une notification à la DIRECCTE comme prévu par les dispositions susvisées. Il sera également observé que ni l'accord, ni la délibération portant dénonciation ne précisent, s'agissant d'un accord à durée indéterminée, la date à laquelle celle-ci doit prendre effet et la durée du préavis.

Aussi, à supposer comme le prétendent les intimés que l'absence de notification de cette dénonciation à la DIRECCTE n'entache pas sa régularité, il n'en demeure pas moins que n'est pas établie avec l'évidence requise en référé la date à laquelle cette dénonciation a pris effet et par voie de conséquence son incidence sur le calcul de la RSP pour la période litigieuse, cette question relevant de l'appréciation du juge du fond.

En outre, l'article L. 3322-6 du code du travail dispose que les accords de participation sont conclus selon l'une des modalités suivantes :

1° Par convention ou accord collectif de travail ;

2° Par accord entre l'employeur et les représentants d'organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ;

3° Par accord conclu au sein du comité social et économique ;

4° A la suite de la ratification, à la majorité des deux tiers du personnel, d'un projet de contrat proposé par l'employeur. S'il existe dans l'entreprise une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ou un comité social et économique, la ratification est demandée conjointement par l'employeur et une ou plusieurs de ces organisations ou ce comité,

Il s'en déduit que si l'employeur est tenu de mettre en place un régime de participation, il n'a pas l'obligation d'engager une négociation à cet effet avec le seul CSE, de sorte qu'en l'espèce, celui-ci ne justifie pas avec évidence d'un droit propre à revendiquer la mise en place de négociations en vue d'un nouvel accord de participation à la suite de la dénonciation du précédent.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, les intimés échouent à caractériser l'existence d'un trouble manifestement illicite qui résulterait de l'abstention de la société Wipro Limited à entreprendre de nouvelles négociations avec le CSE en vue d'un nouvel accord.

Ils soutiennent cependant qu'en tout état de cause, la règle d'ordre public de l'équivalence des avantages impose que la société Wipro Limited applique la formule légale et non celle plus désavantageuse résultant de l'accord litigieux.

Or, il est constant que la formule de calcul de la RSP définie à l'article 4-1 de l'accord du 24 juin 2013, RSP = 1/2 (B - 5% C) x (S / VA), et appliquée par la société Wipro Limited, est strictement identique à celle qui résulte de l'article L. 3324-1 précité, ainsi que l'ont constaté à la fois le

cabinet [L] (pièce 46 de l'appelante page 8) et le cabinet OCA (pièce 52 des intimés page 10 et 11).

Le litige porte en fait uniquement sur la détermination de la valeur 'C' qui correspond aux capitaux propres.

Les parties et les experts qu'elles ont chacune sollicités s'accordent en effet pour dire que la définition qui en est donnée par l'article D. 3324-4 précité n'est pas transposable aux succursales situées en France de sociétés étrangères comme la société Wipro Limited.

L'appelante invoque un vide textuel et juridique que l'accord du 24 juin 2013 aurait régulièrement pallié en sa clause 4-1 C tandis que les intimés, renvoyant à l'analyse du cabinet d'expertise Syndex, reconnaissent pour leur part en page 49 de leurs dernières conclusions que 'la question de la détermination des capitaux propres dans le cas d'une succursale n'est pas précisée par un texte de loi, ni par un décret' mais considèrent que la société Wipro Limited se devait dès lors d'appliquer la définition donnée par le document référentiel que constitue en la matière le Guide de l'épargne salariale paru en juillet 2014.

Comme rappelé plus haut, cette cour, statuant en tant que juridiction d'appel du juge des référés, n'a le pouvoir de constater l'existence d'un trouble manifestement illicite que si la violation d'une règle de droit est évidente.

Il incombe dès lors aux intimés de démontrer de façon indiscutable que les dispositions du Guide de l'épargne salariale relatives aux capitaux propres ont une valeur normative et contraignante qui s'imposait à la société Wipro Limited, étant rappelé que le CE a en son temps validé la notion de capitaux propres retenue par celle-ci en signant l'accord de juin 2013.

Si le Guide invoqué par les intimés n'a pas été versé aux débats en son intégralité, il résulte des extraits produits et de la documentation fournie à son sujet par les parties que :

- il a été rédigé par la direction générale du travail, la direction de la sécurité sociale, la direction générale du trésor et la direction de la législation fiscale,

- il précise en son introduction que son objet est 'de rappeler les principes fondamentaux régissant l'intéressement, la participation et les plans d'épargne salariale et d'intégrer les changements législatifs intervenus depuis la publication de la circulaire du 14 septembre 2005, ainsi que l'évolution de la jurisprudence et les diverses pratiques nées de l'appropriation par les acteurs des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'épargne salariale'.

- il se définit comme 'un guide juridique' intégrant 'l'ensemble de ces modifications législatives et réglementaires, afin d'établir un état de la réglementation qui puisse ainsi être utilisé comme un outil opérationnel à la disposition des services des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), des employeurs, des salariés et de leurs représentants désirant négocier ou s'informer sur ce thème, mais aussi des professionnels de l'épargne salariale'.

Ce n'est donc ni un texte législatif ou réglementaire, ni même une circulaire. Il n'est en outre pas contesté par les intimés que ce Guide n'a pas été publié dans un bulletin officiel, ni sur le site internet 'circulaires.legifrance.gouv.fr' qui reprend l'ensemble des circulaires et des instructions en vigueur, sa mise à disposition sur le site du ministère du travail, simple publication, ne lui conférant pas de valeur normative.

Contrairement à ce que soutiennent les intimés, son caractère normatif ne peut non plus résulter de manière évidente du fait que le Guide ne ferait que reprendre une définition de la notion de capitaux propres déjà publiée au BOFIP le 29 mars 2013 dans un document concernant 'les situations de sous-capitalisation' et 'le ratio d'endettement des établissements stables'.

En effet, ce document définit la notion de capitaux propres uniquement dans le but de calculer le ratio d'endettement 'des établissements stables' et comme l'indiquent eux-mêmes les intimés, il diverge du Guide sur la prise en compte ou pas dans ces 'quasi-fonds propres' du résultat de l'établissement pour l'exercice concerné.

Enfin, si comme l'a relevé le cabinet Syndex dans son expertise et M. [I], chargé d'étude à la participation financière au ministère du travail dans un courriel du 9 avril 2020, ce Guide 'a une valeur juridique certaine' et 'peut être considéré comme représentatif de la doctrine fiscale française' concernant l'interprétation et l'adaptation de la notion de capitaux propres à intégrer au calcul de la RSP pour les succursales de sociétés étrangères, cet avis ne suffit pas à établir avec évidence sa valeur normative effective et contraignante à l'égard des employeurs tels que la société Wipro Limited.

La position du cabinet Syndex est d'ailleurs contredite par le cabinet [L] dont l'analyse est d'une force probante équivalente, étant observé que le cabinet OCA s'est quant à lui abstenu de prendre partie sur cette question, se bornant uniquement à rappeler les thèses en présence.

Il sera au surplus observé que contrairement à ce qui est allégué par les intimés, les décisions émanant d'autres juridictions judiciaires versées aux débats n'ont nullement reconnu que ce guide référentiel aurait 'force de loi' à l'égard des employeurs.

Pour l'ensemble de ces raisons, eu égard au silence de la loi sur la définition de la notion de capitaux propres transposables aux succursales en France de sociétés étrangères, la preuve n'étant par ailleurs pas rapportée que le Guide de l'épargne salariale constituerait la disposition normative qui s'imposerait à tous et plus particulièrement à la société Wipro Limited, il n'est pas démontré par les intimés que celle-ci n'aurait pas respecté la règle de l'équivalence des avantages de nature en continuant à appliquer la formule de calcul définie dans l'accord du 24 juin 2013 et validée en son temps par le CE.

Le trouble manifestement illicite allégué par les intimés n'étant ainsi pas caractérisé avec l'évidence requise en référé, l'ordonnance entreprise sera en conséquence infirmée de ce chef et les intimés déboutés de l'ensemble de leurs demandes, y compris de celle portant sur une provision à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice causé par les démarches et relances ayant dû être accomplies.

- sur les demandes accessoires :

La société Wipro Limited étant accueillie en son recours, l'ordonnance sera infirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Parties perdantes, le CSE et le syndicat CFDT Betor Pub ne sauraient prétendre à l'allocation de frais irrépétibles. Ils devront en outre supporter les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés, s'agissant des dépens d'appel, avec distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande.

L'équité commande en revanche de débouter la société Wipro Limited de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME l'ordonnance entreprise en date du 2 octobre 2019 sauf en ses dispositions déclarant recevable l'action du comité d'entreprise de la société Wipro Limited aux droits duquel vient le comité social et économique de ladite société ainsi que celle du syndicat CFDT Betor Pub ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

DIT n'y avoir lieu à référé sur les demandes du comité social et économique de la société Wipro Limited et du syndicat CFDT Betor Pub ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

DIT que le comité social et économique de la société Wipro Limited et le syndicat CFDT Betor Pub supporteront les dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés, s'agissant des dépens d'appel, avec distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Nicolette GUILLAUME, président et par Madame Sophie CHERCHEVE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 19/08685
Date de la décision : 14/01/2021

Références :

Cour d'appel de Versailles 14, arrêt n°19/08685 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-14;19.08685 ?
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