La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/11/2020 | FRANCE | N°18/02266

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 18 novembre 2020, 18/02266


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



15e chambre



ARRET N°





RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE





DU 18 NOVEMBRE 2020





N° RG 18/02266



N° Portalis DBV3-V-B7C-SMCI





AFFAIRE :





SARL S2R SRMBTP





C/





[R] [N]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Mars 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Pontoise

N° S

ection : Industrie

N° RG : F15/00812



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





- Me Florence GAUDILLIERE



- Monsieur [R] [N]





le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT,



La cour d'appel d...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRET N°

RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

DU 18 NOVEMBRE 2020

N° RG 18/02266

N° Portalis DBV3-V-B7C-SMCI

AFFAIRE :

SARL S2R SRMBTP

C/

[R] [N]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Mars 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Pontoise

N° Section : Industrie

N° RG : F15/00812

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

- Me Florence GAUDILLIERE

- Monsieur [R] [N]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SARL S2R SRMBTP

N° SIRET : 524 876 745

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Florence GAUDILLIERE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0951

APPELANTE

****************

Monsieur [R] [N]

né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 6] (27), de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

Non comparant, non représenté

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 octobre 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Isabelle MONTAGNE, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Madame Isabelle MONTAGNE, Présidente,

Madame Perrine ROBERT, Vice-présidente placée,

Greffier, lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

FAITS ET PROCEDURE,

[R] [N] a été embauché par la société S2R suivant un contrat de travail à durée indéterminée en date du 8 mars 2011, avec une prise d'effet au même jour, en qualité de foreur, moyennant une rémunération mensuelle nette de 2 000 euros pour 151,67 heures de travail, outre des indemnités de déplacement et de restauration.

La société S2R emploie habituellement moins de onze salariés et les relations de travail étaient soumises aux dispositions de la convention collective du bâtiment et des travaux publics.

Le 9 août 2012, [R] [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire du contrat de travail avec effet au 19 février 2012 et de lui faire produire les effets d'un licenciement, ainsi que la condamnation de l'employeur à lui payer un rappel de salaire et diverses indemnités tant au titre de l'exécution que de la rupture du contrat de travail.

Après radiation puis réenrôlement de l'affaire, cette juridiction a, par jugement mis à disposition au greffe le 27 mars 2018, auquel la cour renvoie pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties :

- rejeté l'exception de péremption d'instance,

- constaté la rupture du contrat de travail à la date du 25 juin 2013 et dit qu'elle emporte les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société S2R à verser à [R] [N] les sommes suivantes :

- 15 274,80 euros net au titre des dommages et intérêts pour rupture abusive,

- 15 274,80 euros brut au titre du rappel de salaire,

- 1 527,48 euros brut au titre des congés payés y afférents,

- 2 545,80 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 254,80 euros brut au titre des congés payés y afférents,

- 1 000 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que les condamnations emportent intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation par la partie défenderesse en ce qui concerne les créances salariales et à compter du jugement en ce qui concerne les créances indemnitaires,

- ordonné à la société S2R de délivrer à [R] [N] les documents sociaux de fin de contrat (attestation Pôle emploi, certificat de travail, bulletin de paie récapitulatif), conformes à la décision,

- débouté [R] [N] du surplus de ses demandes,

- rappelé l'exécution provisoire de droit en application de l'article R. 1454-28 du code du travail et mis les dépens à la charge de la société S2R.

Le 15 mai 2018, la société S2R a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions d'appel remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 29 mai 2018, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société S2R demande à la cour d'infirmer le jugement,

In limine litis, de constater que l'instance est périmée,

À titre principal, de constater qu'[R] [N] ne s'est plus présenté à son poste à compter du 17 février 2012, qu'il a démissionné, qu'en cas de démission, la convention collective applicable fixe la durée du préavis à deux semaines, de débouter [R] [N] de l'intégralité de ses demandes, et de le condamner à lui verser la somme de 1 420 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

À titre subsidiaire, de constater qu'[R] [N] justifie de onze mois d'ancienneté, qu'en cas de licenciement de 6 mois à 2 ans d'ancienneté, la convention collective fixe la durée du préavis à un mois, que le quantum de la demande de dommages et intérêts pour rupture abusive n'est pas justifié, que la demande de rappel de salaire n'est pas fondée dans son quantum et qu'elle a versé à [R] [N] l'intégralité des salaires dus, de débouter celui-ci de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive, de fixer l'indemnité compensatrice de préavis conformément à la convention collective applicable, de minorer le quantum de la demande de dommages et intérêts pour rupture abusive et de fixer une somme correspondant au préjudice réellement subi, de débouter [R] [N] de sa demande au titre des rappels de salaire et de le condamner à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et et aux entiers dépens.

Par acte d'huissier du 26 juin 2018, la société S2R a fait signifier sa déclaration d'appel, ses conclusions et son bordereau de communication des pièces à [R] [N]. L'huissier a constaté que l'adresse est confirmée par la personne rencontrée au domicile et a signifié l'acte à tiers présent au domicile.

[R] [N] n'a pas constitué avocat, ni remis de conclusions au greffe.

La clôture de la procédure a été prononcée le 26 février 2020.

MOTIVATION

1- Sur la péremption d'instance

La société S2R conclut dans son dispositif que l'instance est périmée. Elle ne développe pas d'argumentation au soutien de ce moyen dans le corps des conclusions.

L'article 386 du code de procédure civile dispose que l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

Les premiers juges ont exactement constaté que l'affaire a fait l'objet d'une mesure de radiation par le bureau de jugement du conseil de prud'hommes le 3 décembre 2013 et qu'[R] [N] en a sollicité le rétablissement au rôle par requête déposée au greffe le 2 décembre 2015.

La cour relève de plus que le conseil de prud'hommes n'a, dans sa décision de radiation, mis aucune diligence à la charge des parties.

L'exception de péremption d'instance n'est pas fondée. Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a rejetée.

2- Sur la rupture du contrat de travail

La société S2R expose que le salarié ne s'est plus présenté sur le lieu de travail à compter du 17 février 2012 et n'a pas justifié de ses absences continues malgré la lettre recommandée lui demandant de justifier de ses absences qu'elle lui a adressée le 1er mars 2012 ; que les divers griefs qu'il a formés à son encontre, à savoir le paiement partiel et irrégulier des salaires et le défaut de cotisations à l'indemnité journalière d'intempéries, ne sont pas fondés ; qu'elle a considéré qu'à la suite de son abandon de poste, le salarié a manifesté sa volonté claire et non équivoque de démissionner ; que les faits invoqués ne justifiant pas une prise d'acte, la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission.

La résiliation judiciaire du contrat de travail peut être prononcée à l'initiative du salarié aux torts de l'employeur lorsque sont établis des manquements de l'employeur à ses obligations suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Dans ce cas, la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il ressort des dispositions non critiquées du jugement qu'au soutien de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société S2R, [R] [N] a reproché à celle-ci le non-paiement de manière injustifiée de certaines heures de travail, certains bulletins de paie portant mention de retenues sur salaire non justifiées et les paiements des salaires étant irréguliers, et l'absence de cotisation à l'indemnité journalière d'intempérie.

Il ressort des bulletins de paie produits au dossier de la société S2R pour la période de mars 2011 à février 2012, des retenues de salaire avec la mention 'heures d'absence' à hauteur de :

- 46,67 heures soit 874,02 euros en août 2011,

- 46,67 heures soit 874,02 euros en octobre 2011,

- 39,67 heures soit 742,93 euros en décembre 2011,

- 53,67 heures soit 1 005,11 euros en janvier 2012,

- 130,67 heures soit 2447,14 euros en février 2012.

La société S2R produit une lettre datée du 1er mars 2012 et la preuve de son envoi recommandé avec avis de réception, aux termes de laquelle, après avoir indiqué au salarié qu'il est absent à son poste de travail depuis le vendredi 17 février 2012, elle demande à celui-ci de prendre contact avec le gérant et d'envoyer un justificatif d'absence dans les plus brefs délais.

L'employeur qui allègue des absences injustifiées du salarié au poste de travail les 2 et 3 janvier, 11 au 13 janvier, 30 janvier au 3 février et 6 au 10 février 2012, ne justifie pas avoir pris l'attache du salarié pour lui demander de justifier des absences alléguées.

Par ailleurs, l'employeur n'apporte aucune explication sur les retenues de salaire effectuées sur les bulletins de paie antérieurs à janvier 2012.

Alors qu'il incombe à l'employeur de payer le salaire convenu, force est de constater que la société S2R a manqué à son obligation.

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre manquement invoqué, la cour retient que le non paiement de l'intégralité du salaire sur la période considérée constitue un manquement de l'employeur suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail, aux torts de la société S2R.

Comme l'ont retenu les premiers juges, la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date retenue par le jugement, à laquelle le salarié a commencé une autre activité, est justifiée, et produit les effets d'un licenciement abusif.

Le moyen tiré de la démission du salarié n'est pas fondé. La société S2R sera déboutée de sa demande au titre de l'indemntié compensatrice de préavis.

En application des dispositions conventionnelles applicables, le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis ainsi qu'à une indemnité compensatrice de congés payés incidents. Les dispositions du jugement seront confirmées sur le principe et le montant des sommes allouées.

L'article L. 1235-5 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige prévoit que le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Compte tenu de l'ancienneté du salarié, du montant du salaire, de la taille de l'entreprise, des conséquences de la rupture sur la situation du salarié, de sa capacité à trouver un nouvel emploi, le préjudice résultant de la rupture abusive doit être fixé à la somme de 10 000 euros. Le jugement sera infirmé sur le montant des dommages et intérêts alloués en réparation du préjudice causé par la rupture abusive.

3- Sur le rappel de salaire

La société S2R expose qu'elle a payé au salarié tous les salaires qu'elle lui devait et que la demande de celui-ci au titre du rappel de salaires est donc infondée.

La société S2R justifie, par la production de relevés bancaires de mars, mai, décembre 2011 et janvier, février et mars 2012, avoir payé la somme globale de 27 181,28 euros au titre des salaires pour la période comprise entre mars 2011 et février 2012 figurant sur les bulletins de paie.

Au regard des retenues injustifiées sur salaire pour la période antérieure à la lettre du 1er mars 2012, la société S2R doit au salarié la somme globale de 5 943,22 euros.

Le jugement sera infirmé sur le montant du rappel de salaire et de l'indemnité compensatrice de congés payés incidents alloués. La société S2R sera condamnée à payer à [R] [N] la somme de 5 943,22 euros à titre de rappel de salaire et de 594,32 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés incidents.

Les autres dispositions du jugement qui ne sont pas critiquées seront confirmées.

4- Sur les intérêts au taux légal

Les créances de nature salariale seront augmentées des intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation par la société S2R devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise et les créances de nature indemnitaire seront augmentées des intérêts au taux légal à compter du jugement.

5- Sur les dépens

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a mis les dépens à la charge de la société S2R.

En cause d'appel, chaque partie conservera les dépens qu'elle a exposés, à sa charge.

6- Sur les frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société S2R à payer à [R] [N] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société S2R sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt réputé contradictoire mis à disposition des parties au greffe,

INFIRME le jugement sur le montant des dommages et intérêts alloués en réparation du préjudice causé par la rupture abusive et sur le montant du rappel de salaire et de l'indemnité compensatrice de congés payés incidents alloués,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

CONDAMNE la société S2R à payer à [R] [N] les sommes suivantes :

- 5 943,22 euros à titre de rappel de salaire,

- 594,32 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés incidents,

ces sommes étant augmentées des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société S2R de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise,

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

cette somme étant augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement,

CONFIRME le jugement pour le surplus des dispositions,

Y ajoutant,

DÉBOUTE la société S2R du surplus de ses demandes,

DIT que chaque partie conservera à sa charge les dépens exposés en cause d'appel.

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Carine DJELLAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 18/02266
Date de la décision : 18/11/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 15, arrêt n°18/02266 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-18;18.02266 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award