COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 53E
13e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 17 NOVEMBRE 2020
N° RG 19/07946 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TSCH
AFFAIRE :
SARL AUDIT BUREAUTIQUE CONSEILS
C/
SAS ITAC
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Septembre 2019 par le Tribunal de Commerce de Nanterre
N° Chambre :
N° Section :
N° RG :
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 17/11/2020
à :
Me Florence MULLER-TAILLEFER
Me Mélina PEDROLETTI
Me Martine DUPUIS
Me Arnault BENSOUSSAN
TC NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
LA SARL AUDIT BUREAUTIQUE CONSEILS
N° SIRET : 449 561 711
[...]
[...]
Représentée par Maître Florence MULLER-TAILLEFER avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 516 et par Maître Frédéric LEVADE avocat plaidant au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
LA SAS ITAC immatriculée au Registre du Commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 501 219 067 agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité
N° SIRET : 501 219 067
[...]
[...]
Représentée par Maître Mélina PEDROLETTI avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 24748 et par Maître Joseph BENAIM avocat plaidant au barreau de EVRY
LA SAS CM CIC LEASING SOLUTIONS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 352 862 346
[...]
[...]
Représentée par Maître Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1962849 et par Maître Mathieu BOLLENGIEN-STRAGIEN avocat plaidant au barreau de PARIS
LA SAS KOTEL - N° SIRET : 829 943 851
[...]
[...]
Représentée par Maître Arnault BENSOUSSAN avocat postulant au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 408 et par Maître Magali LEVY avocat plaidant au brreau du VAL D'OISE
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Octobre 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Delphine BONNET, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN,
Par contrat n° [...] du 1er août 2015, la SAS Itac, cabinet d'expertise-comptable qui a débuté son activité fin 2007, a conclu avec la société GE capital équipement finance, nouvellement dénommée la société CM-CIC leasing solutions (le CM-CIC leasing), un contrat de location de longue durée portant sur un photocopieur couleur de marque Xerox pour une durée de 65 mois.
Par contrat n°[...] du 23 juin 2017, les mêmes parties ont conclu un nouveau contrat de location pour une durée de 64 mois portant sur un photocopieur multifonctions de marque Samsung fourni par la société Audit bureautique conseils (la société ABC), livré le jour même.
Précédemment, le 29 mai 2017, la société Itac avait conclu avec la société ABC un contrat de maintenance à effet au 23 juin 2017 d'une durée de cinq ans et un trimestre, portant sur ce photocopieur de marque Samsung.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 juin 2017 adressée au CM-CIC leasing, la société Itac a sollicité la résiliation du contrat n°[...] à compter du 1er juillet 2017.
Le CM-CIC leasing a pris acte de cette demande et fait part à la société Itac de son accord pour mettre fin à la location du matériel avant son terme, moyennant le paiement d'une indemnité de 27 339,31 euros TTC, outre le loyer impayé du 1er juillet 2017. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 juillet 2017, le CM-CIC leasing a mis en demeure la société Itac de lui verser ces sommes.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 août 2017, la société Itac, prétendant exercer son droit de rétractation, a sollicité de la société ABC qu'elle procède à l'annulation immédiate du contrat de location du photocopieur Samsung, ce que la société ABC a refusé.
Par lettre du 13 septembre 2017, le conseil de la société ABC a mis en demeure la société Itac de reprendre le règlement des échéances du contrat de maintenance.
Aucun accord n'ayant été trouvé entre les sociétés Itac, ABC et CM-CIC leasing, la société Itac les a assignées ainsi que la société Kotel, apporteur d'affaires selon la société ABC, devant le tribunal de commerce de Nanterre, aux fins de voir, sur le fondement des articles L. 221-1 et suivants du code de la consommation, déclarer valable l'exercice de son droit de rétractation et juger que l'exercice de celui-ci a mis fin aux contrats de location financière et de maintenance portant sur le photocopieur Samsung.
Par jugement contradictoire du 24 septembre 2019, le tribunal a :
- prononcé la résolution du contrat n°[...] du 23 juin 2017 entre la société Itac et la société CM-CIC leasing,
- condamné la société Itac à livrer à ses frais le photocopieur Samsung à la société CM-CIC leasing,
- prononcé la résolution du contrat de maintenance du 29 mai 2017 entre la société Itac et la société ABC,
- prononcé la résolution du contrat de vente conclu entre la société CM-CIC leasing et la société ABC,
- condamné la société ABC à restituer à la société CM-CIC leasing la somme de
20 700 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2017,
- débouté la société ABC de sa demande en garantie à l'encontre de la société Kotel,
- condamné la société Itac à payer à la société CM-CIC leasing, en deniers ou quittance valable, la somme de 3 720 euros au titre des loyers impayés du contrat n°[...],
- dans l'hypothèse où aucune quittance valable ne serait produite, condamné la société Itac à payer à la société CM-CIC leasing la somme de 19 127 euros au titre des sommes dues pour la résiliation du contrat n°[...] assortie des pénalités de retard contractuelles égales au taux d'intérêt appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de dix points de pourcentage conformément à l'article L.441-6 alinéa 8 du code de commerce, à compter du 8 février 2018,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société ABC aux dépens.
La société ABC a interjeté un appel limité de cette décision le 15 novembre 2019.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 2 septembre 2020, elle demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il :
« Prononce la résolution du contrat n° [...] du 23 juin 2017 entre la SAS ITAC et la SAS CM-CIC Leasing Solution,
Prononce la résolution du contrat de maintenance du 29 mai 2017 entre elle et la SAS ITAC,
Prononce la résolution du contrat de vente conclu entre elle et la SAS CM-CIC Leasing Solution,
La condamne à restituer à la SAS CM-C1C Leasing Solution la somme de 20 700 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2017,
La déboute de sa demande en garantie à l'encontre de la SAS Kotel,
Condamne la SAS ITAC à payer à la SAS CM-CIC Leasing Solution, en deniers ou quittance valable, la somme de 3 720 euros au titre des loyers impayés du contrat n° AT 6154600,
Dans l'hypothèse où aucune quittance valable ne serait produite, condamne la SAS ITAC à payer à la SAS CM-CIC Leasing Solution la somme de 19 127 euros au titre des sommes dues pour la résiliation du contrat n° AT 6154600 assorties des pénalités de retard contractuelles égales au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage conformément à l'article L. 441-6 alinéa 8 du code de commerce, à compter du 8 février 2018,
La condamne aux dépens.»,
statuant à nouveau,
- dire et juger que la société Itac a conclu les contrats de location financière d'un photocopieur multifonctions et de maintenance de l'appareil en qualité et dans le cadre de son activité professionnelle ; qu'elle ne peut détourner les dispositions visées du code de la consommation pour prétendre se délier, sans autre motif légitime, d'un ensemble contractuel,
- dire et juger que la société Itac n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions du code de la consommation pour prétendre se rétracter desdits contrats,
- débouter la société Itac de l'ensemble de ses demandes,
à titre subsidiaire,
- dire et juger qu'elle a servi de prête-nom à la société Kotel pour lui permettre de bénéficier de conditions de locations financières auprès de la société CM-CIC leasing, ne disposant elle-même d'aucun agrément auprès d'un établissement de crédit ; que la société Kotel était le réel contractant de la société Itac et qu'elle n'avait à sa charge que la maintenance de l'appareil installé,
- condamner la société Kotel à la garantir de toutes les sommes qui pourraient être mises à sa charge au titre de la décision à intervenir et notamment les demandes de remboursement de la société CM-CIC leasing et demandes indemnitaires de la société Itac, dont celles formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
à titre très subsidiaire,
- condamner solidairement les sociétés Itac et Kotel à lui verser les sommes suivantes :
* 13 706,08 euros au titre de la rétrogradation de barème de financement auprès de la société CM-CIC leasing,
* 2 268 euros au titre du règlement du contrat de maintenance, soit 21 trimestres,
* 226 euros au titre de la clause pénale applicable en raison de la résiliation anticipée fautive de la société Itac,
* 3 000 euros au titre de son préjudice d'image,
en tout état de cause,
- débouter les autres parties de toutes leurs demandes à son encontre,
- condamner la partie succombant à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 6 août 2020, la société Itac demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
* prononcé la résolution du contrat n° [...] du 23 juin 2017 entre elle et la société CM-CIC leasing,
* prononcé la résolution du contrat de maintenance du 29 mai 2017 entre elle et la société ABC,
* prononcé la résolution du contrat de vente conclu entre la société CM-CIC leasing et la société ABC,
* condamné la société ABC à restituer à la société CM-CIC leasing la somme de 20 700 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2017,
* débouté la société ABC de sa demande en garantie à l'encontre de la société Kotel,
- débouter la société CM-CIC leasing de son appel incident,
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident et y faire droit,
- infirmer la décision pour le surplus,
statuant à nouveau,
- lui donner acte de la réaffirmation de son engagement de faire livrer à ses frais le photocopieur Samsung à la société CM-CIC leasing à telle adresse que cette dernière voudra bien préciser et ce dès que la décision à intervenir sera devenue définitive,
- dire et juger qu'elle est à jour du paiement de la totalité de ses loyers dus à la société CM-CIC leasing au titre du contrat n°[...],
- condamner, le cas échéant, indivisiblement et solidairement la ou les parties qui succombent à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par maître Pedroletti, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions d'intimée et d'appel incident déposées au greffe et notifiées par RPVA le 21 juillet 2020, le CM-CIC leasing demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en ses conclusions n°2,
- constater qu'elle a parfaitement respecté les termes du contrat de location conclu avec la société Itac,
- infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat de location n°[...] souscrit entre la société Itac et elle-même,
en conséquence,
- dire que les conditions relatives à l'exercice du droit de rétractation ne sont pas remplies,
- débouter la société Itac de l'ensemble de ses demandes dirigées à son encontre,
à titre reconventionnel,
- dire qu'elle est recevable et bien fondée dans ses demandes reconventionnelles,
- constater la résiliation du contrat de location n°[...] aux torts et grief de la société Itac,
- condamner la société Itac à restituer les matériels objet de la convention résiliée et ce dans la huitaine de la signification de la décision à intervenir et ce sous astreinte de 20 euros par jour de retard,
- condamner la société Itac à lui payer les sommes suivantes au titre du contrat n°[...]:
* loyers impayés : 3 240 euros
* pénalités contractuelles : 48 euros
* loyers à échoir : 16 200 euros
* pénalité : 1 620 euros
soit un total de 21 108 euros,
avec pénalités de retard égales au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage conformément à l'article L. 441-6 alinéa 8 du code de commerce, à compter de la date de la lettre de résiliation soit le 8 février 2018,
à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour prononçait la nullité du contrat de location n°[...] du fait de manquements avérés du fournisseur :
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société ABC à lui rembourser le prix de vente du matériel en cas de manquements avérés reconnus par la cour d'appel,
- prononcer la nullité du contrat de vente intervenu entre la société ABC et elle-même sur mandat du locataire, la société Itac,
- condamner la société ABC à lui restituer le prix de vente du matériel soit la somme de 20 700 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2017,
en tout état de cause,
- condamner tout succombant à lui payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la partie succombante aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 5 mai 2020, la société Kotel demande à la cour de :
- déclarer bien fondées et recevables ses demandes,
en conséquence,
- confirmer les dispositions du jugement en ce qu'il a débouté la société ABC de sa demande en garantie à son encontre,
- constater qu'elle n'a aucun lien contractuel avec les sociétés Itac, ABC et CM-CIC leasing,
- la mettre hors de cause du présent litige,
- débouter la société ABC de sa demande tendant à la voir condamner avec la société Itac à lui verser les sommes suivantes :
*13 706,08 euros au titre de la rétrogradation de barème de financement auprès de la société CM-CIC leasing,
*2 268 euros au titre du règlement du contrat de maintenance, soit 21 trimestres,
* 226 euros au titre de la clause pénale applicable en raison de la résiliation anticipée fautive de la société Itac,
*3 000 euros au titre du préjudice d'image de la société ABC,
*condamner la partie succombante à verser à la société ABC la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
à titre reconventionnel :
- condamner la partie succombante à la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la partie succombante aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 septembre 2020.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
1) sur l'application des dispositions du code de la consommation au contrat de location conclu entre la société Itac et le CM-CIC leasing.
La société appelante estime que c'est à tort que les premiers juges ont retenu que la société Itac pouvait bénéficier du droit de rétractation prévu par le code de la consommation et ont prononcé la résolution du contrat de location de longue durée signé le 23 juin 2017 entre la société Itac et le CM-CIC leasing ainsi que celle du contrat de maintenance. Après avoir rappelé les dispositions des articles L. 221-18, L. 221-1 2° et L. 221-3 du code de la consommation, la société ABC fait valoir que la société Itac ne démontre pas que la location financière d'un matériel de bureau n'entrait pas dans le champ de son activité principale, soulignant que le contrat comporte la mention préalable à la signature du locataire suivante : 'Le locataire après avoir pris connaissance des conditions particulières de la location et des conditions générales au verso certifie que le bien loué est destiné exclusivement aux besoins de son activité professionnelle et qu'il est en rapport direct avec celle-ci'. Elle prétend que la jurisprudence maintient son interprétation restrictive de la notion de consommateur appliqué à des professionnels et cite un arrêt de la Cour de cassation (1ère Civ., 29 mars 2017, n°16-11.207). Elle relève que la société Itac remet en cause l'impact financier du photocopieur multifonctions sur son budget, et non le produit en lui-même et qu'il n'est pas contesté que la société Itac utilise le matériel pris en location financière dans le cadre de son activité. Elle estime que la société Itac, en sa qualité de professionnel, ne saurait prétendre que le contrat de location financière n'entre pas dans son champ d'activité pour bénéficier des conditions de protection offertes par le code de la consommation, soulignant qu'il est de sa compétence première de conseiller d'autres professionnels sur la situation financière d'une entreprise et sa capacité à faire face à certains investissements, ainsi que d'en prévoir les modalités de financement. Elle prétend également que la société Itac ne remplit pas les conditions cumulatives de l'article L.221-3 du code de la consommation, ce que les premiers juges ont retenu à tort.
Elle ajoute que le CM-CIC leasing expose, à juste titre, que les contrats de location longue durée échappent au droit de la consommation et dès lors aux dispositions des articles L. 221-3 et suivants dans la mesure où l'article L.221-2-4 prévoit que les contrats portant sur 'les services financiers' en sont exclus.
Le CM-CIC leasing, après avoir rappelé les conditions du contrat de location conclu par la société Itac le 1er août 2015, qui arrivait à son terme en décembre 2020, et celui conclu le 23 juin 2017 portant sur un autre photocopieur, indique qu'elle est intervenue à titre strictement financier. A titre liminaire, elle prétend que l'article L. 221-2-4 du code de la consommation prévoit que les contrats de location longue durée échappent au droit de la consommation et donc aux dispositions de l'article L. 221-3 et suivants puisque selon cet article 'les contrats portant sur les services financiers en sont exclus'. Elle soutient qu'en tout état de cause une des deux conditions prévues à l'article L. 221-3 n'est pas remplie puisque la société Itac qui est une société d'expertise comptable a conclu le contrat dans le cadre de son activité professionnelle en faisant le choix de prendre en location un copieur, ajoutant qu'elle peut déduire fiscalement les loyers de son bénéfice justement parce qu'elle loue le copieur dans le cadre de son activité professionnelle.
Citant plusieurs arrêts de la Cour de cassation, ainsi qu'un arrêt rendu par la 1ère chambre de la présente cour le 14 janvier 2020, la société Itac, après avoir indiqué qu'il convient de distinguer les notions de 'rapport direct' et de 'champ de l'activité principale' soutient que le contrat de location longue durée d'un photocopieur ne peut en aucun cas être considéré comme entrant dans le champ de son activité principale à savoir l'expertise comptable, et ce, peu important son rapport direct avec elle, précisant qu'il s'agit d'un contrat de louage régi par les dispositions des articles 1709 et suivants du code civil, lequel est loin de l'activité d'expertise comptable. Puis, elle prétend remplir la condition relative au nombre de salariés employés et précise qu'elle communique à cette fin le livre d'entrée et de sortie du personnel ainsi que la copie de ses déclarations auprès de l'Urssaf qui montrent que, quelle que soit la date à laquelle on se situe (le 29 mai 2017 ou le 23 juin 2017), son effectif est inférieur à cinq collaborateurs, et qu'ainsi, les deux conditions posées par l'article L. 221-3 du code de la consommation, sont cumulativement remplies.
En réponse à l'argument opposé par le CM-CIC leasing relatif à l'assimilation du contrat de location de longue durée à un 'service financier', la société Itac se prévaut d'un jugement rendu par le tribunal de commerce de Saint Etienne du 10 mars 2020 et répond que le contrat de location qui est un contrat de louage régi par les dispositions des articles 1709 et suivants du code civil n'entre pas dans la définition de 'service financier' figurant à l'article 2 de la directive 2011/81/UE et qu'il n'est pas soumis à la réglementation bancaire du code monétaire et financier contrairement au crédit-bail.
La société Kotel qui conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé sa mise hors de cause, ne formule pas d'observation sur l'exercice par la société Itac de son droit de rétractation.
Il résulte de l'article L. 221-3 du code de la consommation, anciennement article L. 121-16-1 issu de la loi du 17 mars 2014, dite loi Hamon, que le professionnel employant cinq salarié au plus, qui souscrit, hors établissement, un contrat avec un autre professionnel dont l'objet n'entre pas dans le champ de son activité principale, bénéficie de certaines des dispositions protectrices du consommateur parmi lesquelles figure le droit de rétractation.
L 'article L221-2-4 prévoit que sont exclus du champ d'application du présent chapitre :
4° Les contrats portant sur les services financiers.
L'article 2 de la directive 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs, dont les dispositions ont été transposées en droit interne par la loi Hamon, définit le service financier comme étant 'tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements'.
Contrairement à ce que soutient le CM-CIC leasing, le contrat de location de longue durée qui a pour objet la mise à disposition de la société Itac d'un photocopieur en contrepartie du paiement d'un loyer n'est pas un service financier au sens du texte précité en sorte que ce moyen ne peut qu'être écarté.
Il n'est pas discuté que le contrat a été conclu hors établissement au sens de l'article L. 221-3.
La loi Hamon a supprimé la notion de 'rapport direct' avec l'activité professionnelle et lui a substitué celle de 'champ d'activité principale du professionnel', le législateur ayant souhaité qu'un professionnel qui emploie cinq salariés au plus soit considéré comme un simple consommateur à partir du moment où il contracte dans un champ de compétence qui n'est pas le sien.
En l'espèce, la société Itac exerce l'activité d'expertise-comptable ; elle dispose ainsi de toutes les compétences professionnelles pour apprécier les conditions financières d'un contrat de location portant sur un photocopieur, matériel de bureau indispensable à son activité principale.
Il ne peut, par conséquent, être considéré que le contrat de location de longue durée litigieux n'entre pas dans le champ de l'activité principale de la société Itac.
C'est donc à tort que les premiers juges ont dit que la société Itac pouvait bénéficier des dispositions protectrices du code de la consommation et du droit de rétractation prévu dans ce code. Il convient en conséquence, infirmant le jugement, de débouter la société Itac de ses demandes de résolution du contrat de location financière et du contrat de maintenance accessoire.
2) sur les demandes en paiement du CM-CIC leasing.
La société Itac prétend être à jour du paiement des loyers dus au titre du contrat n° [...].
Le CM-CIC leasing admet que la société Itac est dorénavant à jour de ses loyers au titre du contrat [...].
Les parties étant d'accord sur le fait que la société Itac est à jour du règlement des loyers relatifs au contrat n° [...], il convient d'infirmer les dispositions du jugement relatives à ce contrat de location.
Au titre du contrat n° [...], la société Itac estime avoir régulièrement usé de son droit de rétractation et donc ne rien devoir au titre de ce contrat.
La société de location s'estime fondée à demander à la cour, en application des dispositions contractuelles, de constater la résiliation du contrat aux torts de la société Itac et sa condamnation à lui restituer le matériel objet de la convention résiliée et à payer les loyers impayés et les loyers à échoir outre les pénalités.
En l'absence d'anéantissement du contrat de location financière, il convient d'en appliquer les conditions générales qui prévoient à l'article 10-1 : « Le contrat peut être résilié de plein droit par le bailleur sans adresser de mise en demeure ou à accomplir de formalité judiciaire en cas d'inexécution d'une seule des conditions de la location, notamment en cas de non-paiement d'un seul loyer... » et à l'article 10-2 : « La résiliation entraîne l'obligation pour le locataire de restituer immédiatement le matériel ».
Il est constant que la société Itac n'a pas réglé les loyers relatifs à la location du photocopieur Samsung en sorte que la société de location, qui s'est prévalue de la résiliation de plein droit du contrat, est fondée à demander la condamnation de la société Itac à lui restituer le matériel, et ce sous astreinte, dans les termes du dispositif qui suit.
De même, il convient faire droit aux demandes financières du CM-CIC, non contestées en leur quantum, et de condamner la société Itac à régler les sommes suivantes:
* loyers impayés 3 240 euros
* pénalités contractuelles (art.4.4) 48 euros
* loyers à échoir 16 200 euros
* pénalité 1 620 euros
soit un total de 21 108 euros,
avec intérêts au taux légal à compter du 8 février 2018, date de la mise en demeure, les pénalités prévues à l'article L.441-10 II (ancien article L. 441-6 alinéa 8) du code de commerce ne trouvant pas application en l'espèce, s'agissant d'un contrat de location de longue durée et non d'un contrat de vente.
Il convient en conclusion de ce qui précède d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société ABC de sa demande en garantie à l'encontre de la société Kotel, laquelle, compte tenu du sens du présent arrêt, est sans objet.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société Audit bureautique conseils de sa demande en garantie à l'encontre de la société Kotel,
Statuant de nouveau des chefs infirmés,
Déboute la société Itac de ses demandes,
Dit que le contrat de location n°[...] du 23 juin 2017 conclu entre la société Itac et la société CM-CIC leasing solutions est résilié aux torts de la société Itac,
Condamne la société Itac à restituer à la société CM-CIC leasing solutions le photocopieur multifonctions de marque Samsung objet de la convention résiliée, dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt et passé ce délai sous astreinte provisoire de 20 euros par jour de retard pendant trois mois,
Condamne la société Itac à payer à la société CM-CIC leasing solutions la somme de 21 108 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 février 2018,
Déboute la société CM-CIC leasing solutions de sa demande formée au titre des pénalités prévues à l'article L.441-10 II (ancien article L. 441-6 alinéa 8) du code de commerce,
Condamne la société Itac aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne la société Itac à payer à la société Audit bureautique conseils et à la société CM-CIC leasing solutions la somme de 2 500 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les autres demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Madame PASQUIER-HANNEQUIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, La présidente,