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03/11/2020 | FRANCE | N°20/02100

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 03 novembre 2020, 20/02100


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 4ID



13e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 03 NOVEMBRE 2020



N° RG 20/02100 - N° Portalis DBV3-V-B7E-T3CK



AFFAIRE :



[E] [O]

...



C/

[X] [S] [P]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Mars 2020 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre :

N° Section :

N° RG : 2019L01555





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Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 03.11.2020

à :

Me Martine DUPUIS



Me Stéphanie TERIITEHAU



TC de [Localité 6]



PÔLE ÉCOFI



ÉXÉCUTION DES PEINES



MP



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TROIS NOVEMBRE ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4ID

13e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 03 NOVEMBRE 2020

N° RG 20/02100 - N° Portalis DBV3-V-B7E-T3CK

AFFAIRE :

[E] [O]

...

C/

[X] [S] [P]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Mars 2020 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre :

N° Section :

N° RG : 2019L01555

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 03.11.2020

à :

Me Martine DUPUIS

Me Stéphanie TERIITEHAU

TC de [Localité 6]

PÔLE ÉCOFI

ÉXÉCUTION DES PEINES

MP

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TROIS NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [E] [O]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 10] (Turquie) de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 7]

S.A.S.U. GROUPE ORION agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentés par Maître Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 2063720 et par Maître Mathilde ROUSSEAU et Maître Nassim GHALIMI, avocats plaidant au barrea de PARIS

APPELANTS

****************

Maître [X] [S] [P] pris en sa qualité de liquidateur à la liquidationjudiciaire de la Sté ORION CABLING

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Maître Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 732 - N° du dossier 20200165 et par Maître Isilde QUENAULT, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Septembre 2020, Madame Sophie VALAY-BRIÈRE, présidente, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIÈRE, Présidente,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN

En la présence du Ministère Public, représenté par Monsieur Henri GENIN, Avocat Général, l'avis du Ministère Public du 19 juin 2020 ayant été transmis le 22 juin 2020 au greffe par la voie électronique.

Le groupe de sociétés Orion était spécialisé dans l'installation et la maintenance de réseaux de télévision, téléphone et service internet en milieu hospitalier. Jusqu'en 2016, il intervenait dans le cadre de conventions de délégation de service public conclues par la société OHM, anciennement Orion Holding, dirigée par M. [E] [O], et entièrement détenue par la SAS Groupe Orion, détenue et dirigée par M. [O].

La SAS Orion Cabling, filiale de la société OHM créée en septembre 2009, était dirigée par M. [E] [O] jusqu'au 20 novembre 2015 puis par la société Groupe Orion. Elle réalisait des prestations de support pour les six sociétés opérationnelles du groupe, qu'elle détenait à 100 %, chacune étant affectée à un ou plusieurs établissements hospitaliers déterminés auxquelles elle facturait ses services ; elle organisait l'exploitation temporaire de la gestion d'une concession jusqu'à son déploiement complet et sa transmission à une société filiale dédiée ; et elle exploitait dans le cadre de conventions de gérance-mandat conclues avec la société OHM à compter des 5 mars 2011 et 1er décembre 2014, les conventions d'occupation des hôpitaux Anne de Ticheville à [Localité 8] et [Z] [Y] à [Localité 9].

Le 22 février 2016, la société OHM a résilié les conventions de gérance-mandat [Localité 8] et [Localité 9] avec effet au 30 avril 2016.

Sur assignation de l'Urssaf d'Ile de France aux fins d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire et, subsidiairement de redressement judiciaire, en date du 18 mars 2016, le tribunal de commerce de Nanterre, après avoir ordonné une enquête le 13 avril 2016, par jugement du 1er juin 2016, a ouvert un redressement judiciaire à l'égard de la société Orion cabling, fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 2 décembre 2014 et désigné la Selarl FHB, prise en la personne de maître [C] [R], et maître [S] [P], en qualité respective d'administrateur et de mandataire judiciaires. Par jugement du 26 juillet 2016, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire.

Par arrêt du 16 mars 2017, la cour d'appel de Versailles a annulé le jugement de conversion.

Selon jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 6 avril 2017, devenu définitif, le redressement judiciaire a de nouveau été converti en liquidation judiciaire, maître [S] [P] étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire de la société Orion cabling.

Considérant que les opérations de la procédure collective avaient mis en évidence des fautes de gestion imputables à M. [O] et à la société Groupe Orion, maître [S] [P], ès qualités, les a attraits en responsabilité pour insuffisance d'actif et sanctions personnelles devant le tribunal de commerce de Nanterre.

Par décision contradictoire assortie de l'exécution provisoire du 20 mars 2020, le tribunal a :

- condamné solidairement M. [O] et la société Groupe Orion à payer à maître [S] [P], ès qualités, la somme de 200 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement et capitalisation, au titre de l'insuffisance d'actif de la société Orion cabling ;

- prononcé à l'égard de M. [O], une interdiction de gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci pour une durée de 5 ans ;

- condamné solidairement M. [O] et la société groupe Orion à payer à maître [S] [P] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné solidairement M. [O] et la société Groupe Orion aux dépens, à l'exception des frais de greffe qui seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

À l'appui de sa décision, le tribunal a retenu une l'insuffisance d'actif de 1 978 064,31 euros, les griefs de défaut de déclaration de cessation des paiements du Groupe Orion dans le délai légal de quarante-cinq jours et de manquement aux obligations fiscales et sociales de la société à l'encontre de M. [O] en son nom personnel et ès qualités de dirigeant de la société Groupe Orion mais rejeté le grief de gestion contraire à l'intérêt de la société en l'absence de lien de causalité avec l'insuffisance d'actif.

M. [O] et la société Groupe Orion ont interjeté appel de cette décision le 4 mai 2020.

Par ordonnance de référé du 9 juillet 2020, le magistrat délégué par le premier président a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire formée par les appelants.

Dans leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 4 septembre 2020, M. [O] et la société Groupe Orion demandent à la cour de :

- dire maître [S] [P], ès qualités, mal fondé en son appel incident formé contre le jugement rendu ; l'en débouter ;

- les dire recevables en leur appel, et bien fondés ;

- infirmer, en toutes ses dispositions, le jugement rendu ;

et, statuant à nouveau,

- débouter maître [S] [P], ès qualités, de l'ensemble de ses demandes à leur encontre ;

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 17 juillet 2020, maître [S] [P], ès qualités, demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé une mesure d'interdiction de gérer de cinq ans à l'encontre de M. [O] ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de M. [O] et de la société Groupe Orion sur les fautes liées à l'absence de dépôt de la déclaration de cessation des paiements dans le délai légal, le non paiement des cotisations sociales et fiscales et en ce qu'il les a condamnés au paiement des frais irrépétibles ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de la faute de gestion liée à la gestion contraire à l'intérêt social et sur le quantum de la condamnation ;

en conséquence,

- condamner solidairement la société Groupe Orion et M. [O] à lui payer la somme de 1 978 064,31 euros avec intérêts au taux légal de droit conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil ;

- dire que les intérêts se capitaliseront, pour ceux échus depuis une année entière au moins, en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

- condamner solidairement la société Groupe Orion et M. [O] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le (sic) condamner aux entiers dépens dont distraction est requise au profit du cabinet Minault-Teriitehau, avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans son avis du 19 juin 2020, notifié aux parties par RPVA le 22 juin 2020, le ministère public demande à la cour de confirmer en tous points le jugement considérant que la sanction patrimoniale est proportionnée et juste au regard de l'insuffisance d'actif et qu'il en est de même pour la sanction personnelle. Il ajoute que les griefs retenus par le tribunal, à savoir le défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours et le défaut de règlement des obligations fiscales et sociales sont établis.

S'agissant du grief relatif à la gestion contraire à l'intérêt de la société, il précise que si l'insuffisance d'actif a pour origine le défaut de paiement de redevances dans le cadre de la délégation de service public, ainsi que la convention de mandat-gérance permettant l'exploitation de cette délégation, la résiliation de cette dernière le ler décembre 2014 (sic) a mis fin à l'activité de la société Orion Cabling et ainsi évité une augmentation de son passif.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 septembre 2020.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

En l'absence de moyen soulevé ou susceptible d'être relevé d'office, il convient de déclarer l'appel de M. [E] [O] et de la société Groupe Orion recevable.

1- Sur la responsabilité pour insuffisance d'actif

L'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 9 décembre 2016, applicable immédiatement aux procédures collectives et aux instances en responsabilité en cours, dispose notamment que 'lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut pas être engagée'.

Il résulte des extraits du registre du commerce et des sociétés de Nanterre versés aux débats que la présidence de la société Orion Cabling a été assurée par M. [E] [O] jusqu'au 20 novembre 2015 puis à compter de cette date par la SAS Groupe Orion, elle-même présidée par M. [E] [O], la publication étant réalisée au Bodacc le 27 novembre suivant.

Selon l'article L.227- 7 du code de commerce, lorsqu'une personne morale est nommée président ou dirigeant d'une société par actions simplifiée, les dirigeants de ladite personne morale sont soumis aux mêmes conditions et obligations et encourent les mêmes responsabilités civile et pénale que s'ils étaient président ou dirigeant en leur nom propre, sans préjudice de la responsabilité solidaire de personne morale qu'ils dirigent.

La SAS Groupe Orion est donc dirigeante de droit au sens de l'article L651-1 du code de commerce à compter du 20 novembre 2015 et sa responsabilité pour insuffisance d'actif peut être engagée, comme celle de M. [E] [O], tant en son nom personnel qu'en sa qualité de dirigeant de la SAS Groupe Orion, sur le fondement de l'article L. 651-2.

* L'insuffisance d'actif

Les appelants soutiennent que le tribunal a retenu à tort une insuffisance d'actif de 1 978 064,31 euros considérant qu'il convient d'en déduire la créance intra-groupe détenue à hauteur de 1 387 289,39 euros par la société OHM qui n'a pas été déclarée au passif de la société liquidée. Invoquant les dispositions de l'article L.622-24 du code de commerce, ils en déduisent que lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il n'est présumé avoir déclaré cette créance pour le compte du créancier que tant que celui-ci n'a pas formellement déclaré sa créance dans les délais et formalités légales et qu'à défaut la présomption édictée tombe en sorte que la créance, qui n'est pas opposable, n'a pas à figurer au passif. Ils rappellent qu'en l'espèce la société OHM n'a ni déclaré sa créance au passif de la société Orion cabling ni ratifié la créance portée à la connaissance du mandataire judiciaire. Ils précisent en réponse aux affirmations du liquidateur judiciaire que le texte instaure une présomption de déclaration mais pas une présomption d'admission et que le créancier n'est pas dispensé de justifier de sa créance pour que celle-ci soit admise. Ils font également observer que maître [S] [P] n'a pas contesté cette créance ce qui lui permet de s'en prévaloir pour augmenter artificiellement le montant de ses demandes.

Maître [S] [P], ès qualités, indique d'une part que l'actif réalisé est nul, le compte étant même débiteur de la taxe d'appel de 225 euros, d'autre part que le passif admis à titre définitif est de 1 978 064,31 euros, soit une insuffisance d'actif du même montant. Se prévalant de plusieurs décisions de justice, il fait valoir qu'en l'absence de déclaration de créance par le créancier, la créance déclarée pour le compte du créancier et portée à la connaissance du mandataire judiciaire par le débiteur doit être admise au passif sous réserve d'une contestation. Il précise qu'en l'espèce, la créance portée à sa connaissance par M. [O] n'a pas été contestée par la société Groupe Orion invitée à procéder à la vérification du passif de sorte que la créance a été portée sur l'état des créances signé par le juge-commissaire, publié au Bodacc le 28 septembre 2017 et revêtu de l'autorité de la chose jugée.

L'insuffisance d'actif est égale à la différence entre le montant du passif antérieur admis définitivement et le montant de l'actif réalisé de la personne morale débitrice. Elle s'apprécie à la date à laquelle le juge statue.

L'article L.622-24 du code de commerce, applicable à la liquidation judiciaire par renvoi de l'article L.641-3 du même code, prévoit, en son troisième alinéa, que lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n'a pas adressé la déclaration de créance prévue au premier alinéa.

Selon la synthèse établie par le liquidateur judiciaire le 6 mai 2019 le passif échu admis à titre définitif s'élève à la somme totale de 1 978 064,31 euros dont une créance présumée déclarée pour le compte de la société OHM à hauteur de 1 387 289,39 euros.

Bien que non produite, il est reconnu par les appelants que cette créance figurait sur la liste des créanciers que la société Orion cabling a transmise au liquidateur judiciaire pour un montant de 1 387 289,39 euros. Contrairement à ce qu'ils soutiennent, il ne résulte d'aucun texte que cette présomption cesse en l'absence de déclaration ou de ratification faite par le créancier lui-même, le texte précité énonçant au contraire qu'elle perdure 'tant que' le créancier n'a pas adressé sa propre déclaration.

En outre, en l'absence de déclaration, de demande de relevé de forclusion ou de contestation de la part de la société OHM, comme de toute contestation de la part du liquidateur judiciaire, la créance a été admise sur la liste des créances, qui a été signée par le juge-commissaire et l'état des créances a été publié le 28 septembre 2017. Il n'est justifié d'aucune réclamation formée à son encontre.

Il n'y a pas lieu par conséquent de retrancher la créance de la société OHM du montant du passif admis définitivement.

L'absence d'actif mentionnée dans le rapport du liquidateur judiciaire en date du 23 novembre 2018 n'est pas contestée.

L'insuffisance d'actif s'établit donc à la somme de 1 978 064,31 euros.

Il se déduit de l'ancienneté des cotisations impayées de l'Urssaf et des tentatives de recouvrement qu'elle a engagées dès janvier 2014 que l'insuffisance d'actif existait déjà de manière certaine au 20 novembre 2015, date à laquelle M. [O] a cessé ses fonctions de dirigeant.

* Les fautes de gestion

o L'absence de déclaration de l'état de cessation des paiements

Après avoir mis en perspective les articles L.651-2 et L.653-8 du code de commerce, M. [O] et la société Groupe Orion soutiennent que la faute de gestion consistant à ne pas avoir déclaré la cessation des paiements doit, en l'absence d'une simple négligence, être faite 'sciemment', c'est à dire de mauvaise foi et que la preuve de celle-ci, qui ne se confond pas avec la seule connaissance de l'état de cessation des paiements, doit être rapportée par le liquidateur judiciaire.

M. [O] qui reconnaît de pas avoir procédé à la déclaration de cessation des paiements dans le délai légal affirme que cette omission n'est pas due à sa mauvaise foi et qu'il incombe à maître [S] [P] de la démontrer. Il rappelle que la société Orion cabling était, dans le cadre de l'exploitation de ses activités, en charge d'une mission de service public et soumise à ce titre à une stricte obligation de continuité, le non respect de celle-ci pouvant entraîner la résiliation anticipée des conventions d'occupation du domaine public [Localité 8] et [Localité 9]. Il explique également qu'en raison de la suspension du remboursement des créances intragroupes, il n'avait pas conscience de la nécessité de régulariser une déclaration de cessation des paiements, en sorte que cette absence de régularisation ne peut résulter que d'une simple négligence de sa part.

Les appelants font valoir en outre que les éléments invoqués par le liquidateur judiciaire, en particulier les bilans sociaux, sont insuffisants à démontrer la prétendue connaissance qu'ils auraient eu de l'état de cessation des paiements de la société Orion cabling, la volonté délibérée de M. [O] d'échapper à l'ouverture d'une procédure collective et donc la mauvaise foi exclusive d'une simple négligence.

Après avoir rappelé que ce sont des facteurs étrangers à leur gestion qui ont causé les difficultés de la société, ils prétendent que cette faute n'a pas contribué à l'insuffisance d'actif car les créances déclarées au passif seraient également nées si son dirigeant avait régularisé la déclaration de cessation des paiements dans le délai légal puisque l'activité aurait alors été poursuivie dans le cadre d'une période d'observation qui aurait été prolongée comme maître [R] l'a sollicitée dix-huit mois plus tard dans l'attente de l'issue de la procédure en référé initiée contre l'AP-HP.

Maître [S] [P] fait valoir que M. [O] et la société Groupe Orion, qui n'ont pas déclaré la cessation des paiements de la société Orion cabling, malgré un état de cessation des paiements avéré, ont commis une faute de gestion qui a contribué à l'insuffisance d'actif en ce qu'elle a permis la poursuite abusive de l'activité déficitaire de la société. Il ajoute qu'il s'agit d'un manquement du chef d'entreprise à ses obligations légales et qu'en l'espèce le retard apporté à la déclaration de cessation des paiements a aggravé l'insuffisance d'actif en ce que l'Urssaf a été impayée de ses cotisations sur cette période pour un montant de 107 528 euros. Il considère que la responsabilité de M. [O], qui était dirigeant sur toute la période, et celle de la société Groupe Orion à compter de fin novembre 2015, période sur laquelle plus de 50 000 euros de cotisations Urssaf n'ont pas été réglées, sont engagées. Il précise que cette faute ne peut pas être qualifiée de simple négligence, qu'elle ne peut-être assimilée au 'sciemment' prévu par l'article L.653-8 du code de commerce qui est exclusivement applicable à cet article et qu'il ne s'agit pas de prouver la mauvaise foi. Il fait observer également que les dirigeants avaient parfaitement connaissance de l'état de cessation des paiements puisque les disponibilités étaient nulles au 31 décembre 2014 et au 31 décembre 2015 et que, dans le même temps, les cotisations de l'Urssaf, qui étaient impayées depuis 2012, étaient de l'ordre de 27 000 euros puis 85 000 euros ; que les échéances dues à France titrisation étaient impayées depuis le mois de mai 2015 ; que l'impôt sur les sociétés n'a pas été payé de 2012 à 2014 ; que les dirigeants ont légitimé eux-mêmes la résiliation de la convention de gérance-mandat par la gravité, l'importance et la persistance des difficultés financières de la société Orion cabling ; que l'obligation de continuité du service public ne prévaut pas sur l'obligation du dirigeant étant relevé que l'activité pouvait se poursuivre dans le cadre d'un redressement judiciaire et qu'il ne peut être tiré argument du fait que l'administrateur judiciaire aurait sollicité la poursuite de la période d'observation alors qu'une première conversion de la procédure en liquidation judiciaire avait été prononcée deux mois après l'ouverture de la procédure en raison de l'absence d'activité.

Il indique, par ailleurs, que le lien de causalité avec l'insuffisance d'actif est incontestable au regard des dettes de l'Urssaf.

Le défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours s'apprécie au regard de la date de cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture ou dans un jugement de report. L'existence de cette faute de gestion n'est pas subordonnée à la preuve d'une quelconque mauvaise foi de la part du dirigeant et n'est pas soumise aux conditions visées par l'article L.653-8 du code de commerce applicable en matière de sanction personnelle.

En l'espèce, le jugement d'ouverture, devenu définitif, a fixé la date de cessation des paiements au 2 décembre 2014. La procédure ayant été ouverte sur assignation de l'Urssaf en date du 18 mars 2016, l'absence de déclaration de cessation des paiements par les dirigeants successifs est établie.

Les déclarations de créance montrent que le passif a augmenté à tout le moins, entre le 17 janvier 2015 et le 20 novembre 2015, de 52 723 euros au titre des cotisations Urssaf impayées des mois de janvier à octobre 2015 puis, entre le 20 novembre 2015 et le 1er juin 2016, de 149 euros au titre de la CFE 2015 exigible en décembre 2015 et de 33 431 euros hors taxations d'office au titre des cotisations Urssaf impayées de novembre 2015 à mai 2016.

Dans le même temps, l'actif n'a pas été renforcé.

Il ne peut être sérieusement soutenu qu'il en aurait été de même dans le cadre d'une période d'observation en sorte que cette faute serait sans lien avec l'insuffisance d'actif puisque dans un tel cadre le juge-commissaire et les organes de la procédure auraient veillé à l'absence de création d'un nouveau passif.

Il ressort du bordereau de pièces joint par l'Urssaf à son assignation qu'elle a initié en vain, entre le procès-verbal de saisie-attribution du 21 janvier 2014 et le procès-verbal de sursis à saisie-vente du 21 septembre 2015, de nombreuses mesures d'exécution pour obtenir le paiement de sa créance. En outre le jugement rendu le 11 octobre 2017 par le tribunal de commerce de Paris dans le litige opposant notamment la société Orion cabling à la SAS France titrisation montre que les échéances dues à cette dernière étaient impayées depuis le mois de mai 2015. Il s'en déduit que M. [O] ne pouvait pas ignorer que la société Orion cabling était en état de cessation des paiements, de sorte que sa responsabilité peut être retenue au titre de cette faute.

L'état de cessation des paiements ne pouvait pas plus être ignoré de la société Groupe Orion, dirigeante de la société Orion cabling à compter du 20 novembre 2015, puisqu'elle-même était dirigée par M. [O] qui en était informé. En outre, il convient de relever que l'assignation a été délivrée par l'Urssaf plus de deux mois avant l'ouverture de la procédure collective, de sorte que la société Groupe Orion aurait pu régulariser la situation.

L'absence de déclaration de cet état dans le délai légal constitue de ce fait non une négligence mais une faute de gestion concernant tant M. [O] en son nom personnel qu'en sa qualité de dirigeant de la SAS Groupe Orion à compter du 20 novembre 2015 que la société Groupe Orion elle-même à compter de cette date, sans que l'exigence de service public invoquée soit de nature à les exonérer de leur responsabilité.

Tant la faute de gestion que ses conséquences sur l'insuffisance d'actif sont donc démontrées.

o Le non paiement des créances sociales et fiscales

Les appelants soutiennent qu'il ne peut pas être reproché à M. [O] d'avoir enfreint délibérément les obligations sociales et fiscales de la société Orion cabling puisqu'il correspondait régulièrement avec l'Urssaf pour s'acquitter des dettes sociales malgré les difficultés, montrant ainsi sa bonne foi. Ils précisent qu'il a obtenu en 2014 la main levé des pénalités et privilèges inscrits par l'Urssaf et que la vérification de comptabilité dont la société Orion cabling a fait l'objet n'a révélé aucune irrégularité dans la comptabilité, la rectification opérée n'étant due qu'au fait d'avoir opté pour l'intégration fiscale du groupe Orion à compter du 1er janvier 2014 alors que la société Orion cabling et la société OHM avaient des dates de clôture d'exercice différentes. Ils considèrent que si des manquements devaient être avérés à cet égard, il ne pourrait s'agir que de simples négligences insusceptibles d'engager leur responsabilité et ce d'autant qu'ils n'ont pas contribué à l'insuffisance d'actif.

Maître [S] [P] affirme que la société Orion cabling n'a pas respecté ses obligations sociales et fiscales, notamment déclaratives, puisqu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité et de redressements, que l'administration fiscale a déclaré à titre définitif une somme de 113 422 euros au titre de l'impôt sur les sociétés 2013 et 2014, que Pro BTP a déclaré une créance supérieure à 35 000 euros et que l'Urssaf, systématiquement impayée à compter du quatrième trimestre 2014, a déclaré une créance de 135 364 au titre de cotisations impayées à compter de 2012. Il explique que la responsabilité de M. [O] est engagée pour la totalité de cette faute de gestion et celle de la société Groupe Orion à compter de sa prise de gestion.

Il est constant qu'en 2016 la société Orion cabling a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les impôts et taxes du 1er octobre 2012 au 31 décembre 2014 et prorogée en matière de TVA jusqu'au 31 décembre 2015. Au-delà de l'erreur sur la date à partir de laquelle l'intégration fiscale de la société pouvait être réalisée, il en est résulté que la société Orion cabling n'a pas remis ses déclarations au titre de l'impôt sur les sociétés du 1er octobre 2012 au 31 décembre 2014 avant le 28 juin 2016 et n'a pas payé l'impôt sur les sociétés soit 1 671 euros le 30 septembre 2013, 22 215 euros le 30 septembre 2014 et 83 628 euros le 31 décembre 2014.

Le PRS des Hauts de Seine a déclaré une créance de 113 422 euros à ce titre.

La créance de l'Urssaf a été admise à hauteur de 135 364 euros correspondant à des cotisations impayées de 2012 à mai 2016.

Les créances échues de Pro BTP ont été admises à hauteur de 36 090 euros, sans autre précision, en l'absence de production des déclarations de créance, sur la période considérée, étant relevé toutefois que dans son rapport du 10 février 2017, l'administrateur judiciaire mentionne cinq inscriptions de privilèges prises entre le 12 novembre 2014 et le 24 mai 2016.

L'ancienneté et la récurrence de ces défauts de déclarations et de paiements, avant comme après le 20 novembre 2015, démontrent qu'il ne s'agit pas d'une simple négligence mais caractérisent une faute de gestion imputable tant à M. [O], jusqu'au 20 novembre 2015, qu'à la société Groupe Orion et à son dirigeant, à compter de cette date, qui a contribué à l'insuffisance d'actif à hauteur à tout le moins des sommes susvisées.

o La gestion contraire à l'intérêt de la société Orion cabling

Les appelants expliquent qu'il est usuel pour le titulaire d'une délégation de service public d'en confier l'exploitation à une société dédiée de sorte que le schéma contractuel adopté au sein du groupe Orion ne présente aucune originalité et contestent que la conclusion des conventions de gérance-mandat [Localité 8] et [Localité 9] soit contraire à l'intérêt social de la société Orion cabling ou que leurs dispositions contractuelles soient déséquilibrées. Ils précisent que l'article 3.7, qui interdit notamment la souscription de nouveaux emprunts, est une stipulation courante qui a pour objet de prévenir un accroissement de l'endettement de la société Orion cabling et ainsi préserver le service public dont elle a la charge ; que l'article 6, qui prévoit une résiliation de plein droit en cas de cession par la société Orion cabling de son fonds de commerce à un tiers, est justifié par le caractère intuitu personae de ce contrat confié par sa société mère ; que l'article 9 constitue une simple clause de non rétablissement à l'expiration de la convention qui est très courante et limitée dans le temps ; enfin que l'article 11, qui permet à la société OHM de résilier la convention de gérance-mandat sans préavis et indemnité relève simplement du droit commun du mandat. Ils ajoutent que les conventions, qui ne présentent aucun caractère anormal ou exorbitant du droit commun, sont équilibrées en ce qu'elles prévoient une rémunération au bénéfice de la société Orion cabling et la reprise de la charge d'exploitation et notamment des salariés par la société OHM en cas de résiliation des conventions, et sont justifiées par la nature de la mission de service public. Ils font également valoir qu'il n'est pas démontré que les restrictions contenues dans ces conventions ont été mises en oeuvre et ont généré un quelconque passif pour la société Orion cabling ou que la conclusion de ces conventions aurait généré un quelconque passif pour la société. S'agissant de la résiliation de ces contrats, ils soutiennent qu'il s'agit d'un acte juridique distinct dont il est résulté une réorganisation du groupe, qui ne saurait caractériser une faute de gestion, précisant qu'il est le fait non de M. [O] en sa qualité de dirigeant de la société Orion cabling mais celui de la société OHM. Ils ajoutent que même à qualifier cette résiliation d'acte de gestion de la société Orion cabling, il ne pourrait s'agir que d'une bonne décision qui n'a pas contribué à l'insuffisance d'actif puisqu'elle a arrêté l'accroissement du passif comme l'a relevé le tribunal, l'octroi d'un préavis de deux mois écartant d'autant plus la caractérisation d'une faute de gestion.

Maître [S] [P] soutient en premier lieu que M. [O] a fait preuve d'une incompétence manifeste, contraire à l'intérêt social de la société Orion cabling, en signant la convention de gérance-mandat dont il considère qu'elle est déséquilibrée au détriment de la société Orion cabling. Il souligne d'une part qu'en vertu de l'article 3, la société Orion cabling ne pouvait en aucun cas souscrire d'emprunt ou des effets de commerce ou donner le fonds de commerce en nantissement ; d'autre part, qu'en application de l'article 6, en cas de cession du fonds au cours du contrat de gérance, la convention serait automatiquement résiliée de plein droit par la société OHM, ce qui signifie qu'elle ne dispose d'aucun fonds de commerce valorisable ; de troisième part, que l'article 9 prévoit une interdiction de se rétablir sans indemnisation en contrepartie ; enfin, qu'il n'existe aucune sécurité juridique dès lors que l'article 11 prévoit une résiliation possible par la société OHM à tout moment, sans motif et sans indemnisation notamment pour compenser les achats de matériels nécessaires à l'exploitation de la délégation de service public et que du fait de la résiliation, la société Orion cabling a perdu tout bénéfice des installations qui ont été transférées à la société OHM sans indemnisation. Il explique que ce contrat permettait à M. [O] de continuer librement l'activité en isolant les passifs créés par la société Orion cabling et ses filiales, tout en conservant toute l'activité et ce sans devoir la moindre indemnisation aux sociétés qui exploitaient la délégation de service public et qui perdaient leurs investissements. Il prétend que cette faute est à l'origine de l'insuffisance d'actif puisqu'en raison du déséquilibre manifeste de ce contrat et de la possibilité de le résilier sans indemnisation, sans préavis et sans motif, cela a privé la société d'un plan de cession, d'une réalisation d'actifs ou d'un plan de continuation. Il en conclut que la responsabilité de M. [O], qui était dirigeant de la société Orion cabling lors de la signature du contrat, et signataire de la résiliation le 22 février 2016, alors qu'il n'était pourtant plus dirigeant de la société OHM, est engagée de ce chef.

Il est constant que les 5 mars 2011 et 1er décembre 2014, la SAS Orion Holding, devenue la société OHM, et la SAS Orion cabling, toutes deux représentées par M. [O], ont signé deux conventions de gérance-mandat aux fins d'exploitation par la seconde des délégations de service public relatives aux hôpitaux Anne de Ticheville de Bernay et [Z] [Y] de Châtellerault. Ces conventions stipulent aux articles :

- 3.6 et 3.7, que 'Les ventes de service de la délégation de service public ne pourront avoir lieu qu'au comptant, sauf autorisation expresse de la SASU Orion holding. La SASU Orion cabling ne pourra en aucun cas souscrire un emprunt ni des effets de commerce, ni à plus forte raison donner le fonds en nantissement',

- 6, qu'en cas de cession du fonds au cours du contrat de gérance, la convention sera résiliée automatiquement de plein droit par la société Orion holding,

- 8, une rémunération et un remboursement des dépenses au profit de la société Orion cabling,

- 9, une interdiction de rétablissement dans un fonds de commerce similaire durant cinq années,

- 11, que la société Orion holding peut résilier le contrat en cas de faute grave ou de manquement par la société Orion cabling à ses obligations mais également à tout moment et sans avoir à motiver sa décision.

Comme l'ont relevé l'administrateur et le liquidateur judiciaires dans leur rapport du 10 février 2017 et du 23 novembre 2018 ces contrats nécessitent des investissements importants pour l'exploitant qui notamment, lors de la phase de déploiement est tenu d'exploiter les anciens équipements selon la tarification initiale, induisant une activité déficitaire reconnue par les appelants.

Ces dispositions contractuelles, qui ne prévoient en outre aucune contrepartie à l'exception de la rémunération prévue, particulièrement en cas de résiliation pour cession du fonds ou de décision unilatérale de la société OHM, démontrent l'existence d'un déséquilibre au détriment de la société Orion cabling.

La résiliation de ces conventions est intervenue à l'initiative de la société OHM, selon lettres simples datées du 22 février 2016, à effet du 30 avril 2016, privant par conséquent la société Orion cabling de toute activité sans contrepartie.

Par l'effet de ces dispositions contractuelles, la société Orion cabling a perdu le bénéfice des sommes figurant à son actif au titre des installations techniques, matériels et outillages industriels d'un montant de 156 085 euros au 31 décembre 2015, selon le bilan versé aux débats.

Si la résiliation, intervenue à l'initiative de la société OHM, ne peut être reprochée à M. [O] et à la société Groupe Orion, tel n'est pas le cas de la souscription de ces contrats.

Cette faute est imputable à M. [O], dirigeant à la date de signature de chacun des contrats, qui ne peut pas s'analyser en une simple négligence au regard notamment de sa qualité de dirigeant de la société Orion holding. Elle a contribué à l'insuffisance d'actif en ce qu'elle a entraîné la perte du prix de vente de ces actifs.

* Sur le quantum de la condamnation

Invoquant le principe de proportionnalité et la nécessité de justifier chacune des fautes, les appelants sollicitent une réduction de la condamnation prononcée en première instance dans l'hypothèse où la cour retiendrait une des fautes alléguées.

Maître [S] [P] critique le quantum de la condamnation alloué par le tribunal considérant qu'il représente 10% de l'insuffisance d'actif ce qui est particulièrement faible au regard du nombre et de la gravité des fautes de gestion.

M. [O] n'a donné aucun élément sur sa situation patrimoniale et personnelle. De même, aucun élément comptable sur la situation de la société Groupe Orion n'a été versé aux débats.

La solidarité est de droit entre la société Groupe Orion et son dirigeant pour les fautes commises à compter du 20 novembre 2015. Elle ne se justifie pas pour la période antérieure.

Compte tenu du nombre et de la gravité des fautes ayant contribué à l'insuffisance d'actif imputables à M. [O] tant en son nom personnel qu'en sa qualité de dirigeant de la société Groupe Orion, et à cette dernière, mais également de la durée de leur gestion respective, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu le principe de leur responsabilité pour insuffisance d'actif mais l'infirmant sur le quantum de condamner M. [O] au paiement de la somme de 200 000 euros et solidairement M. [O] et la société Groupe Orion au paiement de la somme de 100 000 euros.

* Sur la sanction personnelle

Les appelants soutiennent que le tribunal n'a ni suffisamment motivé, notamment au regard de la gravité des fautes et de la situation personnelle de M. [O], ni suffisamment caractérisé les conditions légales de la sanction, de sorte qu'elle devra être infirmée. Ils reprochent également au tribunal de n'avoir pas respecté le principe d'individualisation de la sanction en n'identifiant pas les sociétés dirigées par M. [O], les secteurs d'activité concernés et les participations détenues par celui-ci au sein de personnes morales. S'agissant plus particulièrement du retard apporté à la déclaration de cessation des paiements, ils prétendent que la preuve n'est pas rapportée par le liquidateur judiciaire de la connaissance de l'état de cessation des paiements de la débitrice par son dirigeant ni que l'omission résulte d'une volonté délibérée de sa part. Ils ajoutent d'une part que le défaut de respect des obligations fiscales et sociales retenu par les premiers juges n'est pas un cas de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer et, d'autre part, qu'il n'est pas démontré que M. [O] aurait fait des biens ou du crédit de la société Orion cabling un usage contraire à celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale dans laquelle il serait intéressé.

Maître [S] [P], qui fonde sa demande sur l'article L.653-8 du code de commerce réplique pour l'essentiel que le jugement est parfaitement motivé ; que l'argumentation de M. [O] est étonnante puisqu'il a refusé de comparaître devant le tribunal et de donner la moindre indication sur sa situation personnelle ; que la connaissance de l'état de cessation des paiements de la société par M. [O] a été reconnue par celui-ci lors de l'ouverture de la procédure collective ; enfin, qu'elle ressortait en outre de la comparaison entre l'actif disponible et le passif exigible ainsi que de l'absence de paiement des cotisations Urssaf et des échéances dues à France titrisation.

Aux termes de l'article L.653-8 dernier alinéa du code de commerce, l'interdiction de gérer peut être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L.653-1 qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.

Il résulte des éléments analysés ci-dessus que M. [O] puis la société Groupe Orion, dirigeants de droit, qui n'ont pas demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation, ont nécessairement omis sciemment de déclarer l'état de cessation des paiements de la société Orion cabling compte tenu des difficultés financières de la société qu'ils connaissaient, étant rappelé que les cotisations Urssaf et Pro BTP ainsi que les mensualités de France titrisation étaient impayées depuis de nombreux mois.

En revanche, et contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, les articles L.653-8 alinéa 1 et L.653-4, 3° du même code, prévoient qu'une mesure d'interdiction de gérer peut également être prononcée pour avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle le dirigeant était intéressé directement ou indirectement mais pas pour non respect des obligations fiscales et sociales. Or la faute prévue par ces dispositions n'est pas reprochée aux appelants par le liquidateur judiciaire à l'appui de sa demande de sanction personnelle.

M. [O], qui n'a donné aucun élément sur sa situation personnelle, ne peut pas reprocher aux premiers juges de ne pas avoir effectué des recherches qu'il ne leur appartenait pas de faire sur sa situation.

Il convient dans ces conditions de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé une sanction personnelle mais d'en réduire la durée à trois années.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Déclare l'appel formé par M. [E] [O] et la SAS Groupe Orion recevable ;

Confirme le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité pour insuffisance d'actif de M. [E] [O] et de la SAS Groupe Orion, prononcé une mesure d'interdiction de gérer à l'encontre de M. [E] [O] et condamné solidairement M. [O] et la société Groupe Orion au paiement d'une indemnité procédurale ;

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne M. [E] [O] à payer à maître [S] [P], ès qualités, la somme de 200 000 euros ;

Condamne solidairement M. [E] [O] et la SAS Groupe Orion à payer à maître [S] [P], ès qualités, la somme de 100 000 euros ;

Dit que les intérêts échus depuis une année entière produiront intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil ;

Prononce à l'égard de M. [E] [O], né le [Date naissance 1] 1968 à Istambul (Turquie), de nationalité française, demeurant [Adresse 4]) une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer, ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole, toute personne morale pour une durée de trois ans ;

Condamne solidairement M. [E] [O] et la SAS Groupe Orion à payer à maître [S] [P], ès qualités, la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne solidairement M. [E] [O] et la SAS Groupe Orion aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement au profit du cabinet Minault-Territehau , avocats, pour les frais dont il aurait fait l'avance, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

Dit qu'en application des articles 768 et R.69-9° du code de procédure pénale, la présente décision sera transmise par le greffier de la cour d'appel au service du casier judiciaire après visa du ministère public ;

Dit qu'en l'application des articles L.128-1 et suivants et R.128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au Fichier national automatisé des interdits de gérer, tenu sous la responsabilité du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce auprès duquel la personne inscrite pourra exercer ses droits d'accès et de rectification prévus par les articles 15 et 16 du règlement (UE) 20/6/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sophie VALAY-BRIÈRE, Présidente et par Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 20/02100
Date de la décision : 03/11/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 13, arrêt n°20/02100 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-03;20.02100 ?
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