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03/11/2020 | FRANCE | N°20/02090

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 03 novembre 2020, 20/02090


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 4ID



13e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 03 NOVEMBRE 2020



N° RG 20/02090 - N° Portalis DBV3-V-B7E-T3B3



AFFAIRE :



[X] [F]

...



C/

[I] [U] [C]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Mars 2020 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre :

N° Section :

N° RG : 2019L01554





Exp

éditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 03.11.2020



à :



Me Martine DUPUIS



Me Stéphanie TERIITEHAU



TC de NANTERRE



PÔLE ÉCOFI



ÉXÉCUTION DES PEINES



MP



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TROIS NOVEMBRE DE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4ID

13e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 03 NOVEMBRE 2020

N° RG 20/02090 - N° Portalis DBV3-V-B7E-T3B3

AFFAIRE :

[X] [F]

...

C/

[I] [U] [C]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Mars 2020 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre :

N° Section :

N° RG : 2019L01554

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 03.11.2020

à :

Me Martine DUPUIS

Me Stéphanie TERIITEHAU

TC de NANTERRE

PÔLE ÉCOFI

ÉXÉCUTION DES PEINES

MP

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TROIS NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [X] [F]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 7] (Turquie) de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 6]

S.A.S.U. GROUPE ORION agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentés par Maître Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 2063717 et par Maître Mathilde ROUSSEAU et Maître Nassim GHALIMI, avocats plaidant au barreau de PARIS

APPELANTS

****************

Maître [I] [U] [C] pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Sté ORION PARIS SUD

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Maître Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 732 - N° du dossier 20200164 et par Maître Isilde QUENAULT, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Septembre 2020, Madame Sophie VALAY-BRIÈRE, présidente, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIÈRE, Présidente,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN

En la présence du Ministère Public, représenté par Monsieur Henri GENIN, Avocat Général, l'avis du Ministère Public ayant été transmis le 22 juin 2020 au greffe par la voie électronique.

Le groupe de sociétés Orion était spécialisé dans l'installation et la maintenance de réseaux de télévision, téléphone et service internet en milieu hospitalier. Jusqu'en 2016, il intervenait dans le cadre de conventions de délégation de service public conclues par la société OHM, anciennement Orion Holding, dirigée par M. [X] [F], et entièrement détenue par la SAS Groupe Orion, détenue et dirigée par M. [F].

La SAS Orion Cabling, filiale de la société OHM créée en septembre 2009 et dirigée par M. [X] [F] jusqu'au 20 novembre 2015 puis par la société Groupe Orion, réalisait des prestations de support pour les six sociétés opérationnelles du groupe, qu'elle détenait à 100 %, chacune étant affectée à un ou plusieurs établissements hospitaliers déterminés auxquelles elle facturait ses services

Parmi celles-ci figurait la SAS Orion Paris Sud. Créée en mars 2010, elle avait pour activité la création et l'exploitation de réseaux internes de vidéo communication notamment auprès des hôpitaux [9] et [8] à [Localité 10] dans le cadre d'une convention de gérance-mandat avec la société OHM, titulaire d'une délégation de service public. Elle a été présidée par

M. [X] [F] puis par la société Groupe Orion, dirigée par M. [F], à compter du 2 décembre 2015.

Sur assignation de l'Urssaf du 18 mars 2016 aux fins d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire et, subsidiairement de redressement judiciaire, le tribunal de commerce de Nanterre, après avoir ordonné une enquête le 13 avril 2016, par jugement du 1er juin 2016, a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Orion Paris Sud, fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 2 décembre 2014 et désigné la Selarl FHB, prise en la personne de maître [D] [B], et maître [U] [C], en qualité respective d'administrateur et de mandataire judiciaires. Par jugement du 26 juillet 2016, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire.

Par arrêt du 16 mars 2017, la cour d'appel de Versailles a annulé le jugement de conversion.

Selon jugement du tribunal de commerce du 6 avril 2017, devenu définitif, le redressement judiciaire a de nouveau été converti en liquidation judiciaire, maître [U] [C] étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire de la société Orion Paris Sud.

Considérant que les opérations de la procédure collective avaient mis en évidence des fautes de gestion imputables à M. [F] et à la société Groupe Orion, maître [U] [C], ès qualités, les a attraits en responsabilité pour insuffisance d'actif et sanctions personnelles devant le tribunal de commerce de Nanterre.

Par décision contradictoire assortie de l'exécution provisoire du 20 mars 2020, le tribunal a :

- condamné solidairement M. [F] et la société Groupe Orion à payer à maître [U] [C], ès qualités, la somme de 110 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement et capitalisation des intérêts, au titre de l'insuffisance d'actif de la société Orion Paris Sud ;

- prononcé à l'égard de M. [F], une interdiction de gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci pour une durée de 5 ans ;

- condamné solidiairement M. [F] et la société groupe Orion à payer à maître [U] [C] la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné solidairement M. [F] et la société Groupe Orion aux dépens, à l'exception des frais de greffe qui seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

À l'appui de sa décision, le tribunal a retenu une insuffisance d'actif de 1 883 359,47 euros et, à l'encontre de M. [F] en son nom personnel et ès qualités de dirigeant de la société Groupe Orion, les griefs de défaut de déclaration de cessation des paiements du Groupe Orion dans le délai légal de 45 jours et de poursuite d'une activité déficitaire, mais rejeté le grief de gestion contraire à l'intérêt de la société en l'absence de lien de causalité avec l'insuffisance d'actif.

M. [F] et la société Groupe Orion ont interjeté appel de cette décision le 30 avril 2020.

Par ordonnance de référé du 9 juillet 2020, le magistrat délégué par le premier président a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire formée par les appelants.

Dans leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 4 septembre 2020, M. [F] et le groupe Orion demandent à la cour de :

- dire maître [U] [C], ès qualités, mal fondé en son appel incident et l'en débouter;

- les dire recevables en leur appel, et bien fondés ;

- infirmer, en toutes ses dispositions, le jugement ;

et, statuant à nouveau,

à titre principal,

- débouter maître [U] [C], ès qualités, de l'ensemble de ses demandes à leur encontre ;

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 17 juillet 2020, maître [U] [C], ès qualités, demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé une mesure d'interdiction de gérer de cinq ans à l'encontre de M. [F] ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de M. [F] et de la société Groupe Orion sur les fautes liées à l'absence de dépôt de la déclaration de cessation des paiements dans le délai légal, à la poursuite d'une activité dédicataire et en ce qu'il les a condamnés au paiement des frais irrépétibles ;

- infirmer le jugement sur le quantum de l'insuffisance d'actif, en ce qu'il l'a débouté de la faute de gestion liée à la gestion contraire à l'intérêt social et sur le quantum de la condamnation ;

en conséquence,

- condamner solidairement la société Groupe Orion et M. [F] à lui payer la somme de 2 424 993,75 euros avec intérêts au taux légal de droit conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil ;

- dire que les intérêts se capitaliseront, pour ceux échus depuis une année entière au moins, en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

- condamner solidairement la société Groupe Orion et M. [F] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner aux entiers dépens dont distraction est requise au profit du cabinet Minault-Teriitehau, avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans son avis communiqué par RPVA le 22 juin 2020, le ministère public demande à la cour de confirmer en tous points le jugement considérant que la sanction patrimoniale est proportionnée et juste au regard de l'insuffisance d'actif et qu'il en est de même pour la sanction personnelle. Il ajoute que les griefs retenus par le tribunal, à savoir le défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours et la poursuite d'une activité déficitaire sont établis.

S'agissant du grief relatif à la gestion contraire à l'intérêt de la société, il précise que si l'insuffisance d'actif a pour origine le défaut de paiement de redevances dans le cadre de la délégation de service public, ainsi que la convention de mandat-gérance permettant l'exploitation de cette délégation, la résiliation de cette dernière le 30 avril 2016 a mis fin à l'activité de la société Orion Paris sud et ainsi évité une augmentation de son passif.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 septembre 2020.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

En l'absence de moyen soulevé ou susceptible d'être relevé d'office, il convient de déclarer l'appel de M. [X] [F] et de la société Groupe Orion recevable.

1- Sur la responsabilité pour insuffisance d'actif

L'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 9 décembre 2016, applicable immédiatement aux procédures collectives et aux instances en responsabilité en cours, dispose notamment que 'lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut pas être engagée'.

Il résulte des extraits du registre du commerce et des sociétés de Nanterre versés aux débats que la présidence de la société Orion Paris sud a été assurée par M. [X] [F] jusqu'au 25 novembre 2015 puis à compter de cette date par la SAS Groupe Orion, elle-même présidée par M. [X] [F], la publication n'étant réalisée au Bodacc que le 2 décembre suivant.

Selon l'article L.227- 7 du code de commerce, lorsqu'une personne morale est nommée président ou dirigeant d'une société par actions simplifiée, les dirigeants de ladite personne morale sont soumis aux mêmes conditions et obligations et encourent les mêmes responsabilités civile et pénale que s'ils étaient président ou dirigeant en leur nom propre, sans préjudice de la responsabilité solidaire de personne morale qu'ils dirigent.

La SAS Groupe Orion est donc dirigeante de droit au sens de l'article L651-1 du code de commerce à compter du 25 novembre 2015 et sa responsabilité pour insuffisance d'actif peut être engagée, comme celle de M. [X] [F], tant en son nom personnel qu'en sa qualité de dirigeant de la SAS Groupe Orion, sur le fondement de l'article L. 651-2.

* L'insuffisance d'actif

Les appelants soutiennent que le liquidateur judiciaire fonde à tort ses demandes sur une insuffisance d'actif de 2 424 993,75 euros considérant qu'il convient d'en déduire les créances intra-groupe détenues à hauteur de 1 285 172,89 euros et 491 817,78 euros par les sociétés Orion cabling et OHM qui n'ont pas été déclarées au passif de la société liquidée. Invoquant les dispositions de l'article L.622-24 du code de commerce, ils en déduisent que lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il n'est présumé avoir déclaré cette créance pour le compte du créancier que tant que celui-ci n'a pas formellement déclaré sa créance dans les délais et formalités légales et qu'à défaut la présomption édictée tombe en sorte que la créance, qui n'est pas opposable, n'a pas à figurer au passif. Ils rappellent qu'en l'espèce les sociétés Orion cabling et OHM n'ont ni déclaré leur créance au passif de la société Orion Paris sud ni ratifié les créances portées à la connaissance du mandataire judiciaire. Ils précisent en réponse aux affirmations du liquidateur judiciaire que le texte instaure une présomption de déclaration mais pas une présomption d'admission et que le créancier n'est pas dispensé de justifier de sa créance pour que celle-ci soit admise. Ils font également observer que maître [U] [C] n'a pas contesté ces créances ce qui lui permet de s'en prévaloir pour augmenter artificiellement le montant de ses demandes.

Maître [U] [C], ès qualités, indique d'une part que l'actif réalisé est nul, le compte étant même débiteur de la taxe d'appel de 225 euros, d'autre part que le passif admis à titre définitif est de 2 424 993,75 euros, soit une insuffisance d'actif du même montant. Il critique le montant retenu par le tribunal en ce qu'il inclut une créance provisionnelle de l'administration fiscale et n'a pas pris en compte la créance de la société Atlon investissement fixée au passif par jugement du tribunal de commerce de Bobigny. Se prévalant de plusieurs décisions de justice, il fait valoir qu'en l'absence de déclaration de créance par le créancier, la créance déclarée pour le compte du créancier et portée à la connaissance du mandataire judiciaire par le débiteur doit être admise au passif sous réserve d'une contestation. Il précise qu'en l'espèce, la créance portée à sa connaissance par M. [F] n'a pas été contestée par la société Groupe Orion invitée à procéder à la vérification du passif de sorte que la créance a été portée sur l'état des créances signé par le juge-commissaire, publié au Bodacc le 28 septembre 2017 et revêtu de l'autorité de la chose jugée.

L'insuffisance d'actif est égale à la différence entre le montant du passif antérieur admis définitivement et le montant de l'actif réalisé de la personne morale débitrice. Elle s'apprécie à la date à laquelle le juge statue.

L'article L.622-24 du code de commerce, applicable à la liquidation judiciaire par renvoi de l'article L.641-3 du même code, prévoit, en son troisième alinéa, que lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n'a pas adressé la déclaration de créance prévue au premier alinéa.

Selon la synthèse établie par le liquidateur judiciaire le 6 mai 2019 le passif échu admis à titre définitif s'élève à la somme totale de 2 424 993,75 euros dont deux créances présumées déclarées pour le compte des sociétés Orion cabling et OHM à hauteur respectivement de 1 285 172,89 euros et de 491 817,78 euros.

Bien que non produite, il est reconnu par les appelants que ces créances figuraient sur la liste des créanciers que la société Orion Paris sud a transmise au liquidateur judiciaire. Contrairement à ce qu'ils soutiennent, il ne résulte d'aucun texte que cette présomption cesse en l'absence de déclaration ou de ratification faite par le créancier lui-même, le texte précité énonçant au contraire qu'elle perdure 'tant que' le créancier n'a pas adressé sa propre déclaration.

En outre, en l'absence de déclaration, de demande de relevé de forclusion ou de contestation de la part des sociétés Orion cabling et OHM, comme de toute contestation de la part du liquidateur judiciaire, les créances ont été admises sur la liste des créances, qui a été signée par le juge-commissaire et l'état des créances a été publié le 28 septembre 2017. Il n'est justifié d'aucune réclamation formée à son encontre.

Il n'y a pas lieu par conséquent de retrancher les créances des sociétés Orion cabling et OHM du montant du passif admis définitivement.

L'absence d'actif mentionnée dans le rapport du liquidateur judiciaire en date du 30 novembre 2018 n'est pas contestée.

L'insuffisance d'actif s'établit donc à la somme de 2 424 993,75 euros.

Il se déduit de l'ancienneté des cotisations impayées (2013 pour l'Urssaf, 2011 pour Humanis) et des résultats déficitaires présentés par la société de 2013 à 2015 qu'elle existait déjà de manière certaine au 25 novembre 2015, date à laquelle M. [F] a cessé ses fonctions de dirigeant.

* Les fautes de gestion

o L'absence de déclaration de l'état de cessation des paiements

Après avoir mis en perspective les articles L.651-2 et L.653-8 du code de commerce, M. [F] et la société Groupe Orion soutiennent que la faute de gestion consistant à ne pas avoir déclaré la cessation des paiements doit, en l'absence d'une simple négligence, être faite 'sciemment', c'est à dire de mauvaise foi et que la preuve de celle-ci, qui ne se confond pas avec la seule connaissance de l'état de cessation des paiements, doit être rapportée par le liquidateur judiciaire.

M. [F] qui reconnaît de pas avoir procédé à la déclaration de cessation des paiements dans le délai légal affirme que cette omission n'est pas due à sa mauvaise foi et qu'il incombe à maître [U] [C] de la démontrer. Il rappelle ensuite que la société Orion Paris sud était, dans le cadre de l'exploitation de ses activités, en charge d'une mission de service public et soumise à ce titre à une stricte obligation de continuité et par ailleurs confrontée à de nombreuses difficultés d'exploitation indépendantes de sa gestion. Il explique également qu'en raison de la suspension du remboursement des créances intragroupes, il n'avait pas conscience de la nécessité de régulariser une déclaration de cessation des paiements, en sorte que cette absence de régularisation ne peut résulter que d'une simple négligence de sa part.

Les appelants font valoir en outre que les éléments invoqués par le liquidateur judiciaire, en particulier la faiblesse des disponibilités à la clôture des exercices 2014 et 2015, sont insuffisants à démontrer la prétendue connaissance qu'ils auraient eu de l'état de cessation des paiements de la société Orion Paris sud, la volonté délibérée de M. [F] d'échapper à l'ouverture d'une procédure collective et donc la mauvaise foi exclusive d'une simple négligence.

Ils prétendent que cette faute n'a pas contribué à l'insuffisance d'actif car les créances déclarées au passif seraient également nées si son dirigeant avait régularisé la déclaration de cessation des paiements dans le délai légal puisque l'activité aurait alors été poursuivie dans le cadre d'une période d'observation qui aurait été prolongée comme maître [B] l'a sollicitée dix-huit mois plus tard dans l'attente de l'issue de la procédure en référé initiée contre l'AP-HP.

Maître [U] [C] fait valoir que M. [F] et la société Groupe Orion, qui n'ont pas déclaré la cessation des paiements de la société Orion Paris sud, malgré un état de cessation des paiements avéré, ont commis une faute de gestion qui a contribué à l'insuffisance d'actif en ce qu'elle a permis la poursuite abusive de l'activité déficitaire de la société. Il ajoute qu'il s'agit d'un manquement du chef d'entreprise à ses obligations légales et qu'en l'espèce le retard apporté à la déclaration de cessation des paiements a aggravé l'insuffisance d'actif en ce que l'Urssaf et Humanis ont été impayées de leurs cotisations sur cette période pour un montant de 39 239 euros et de 20 000 euros et que la dette à l'égard de la société OHM a augmenté de 280 000 euros. Il considère que la responsabilité de M. [F], qui était dirigeant sur toute la période, et celle de la société Groupe Orion à compter de fin novembre 2015, sont engagées. Il précise que cette faute ne peut pas être qualifiée de simple négligence, qu'elle ne peut-être assimilée au 'sciemment' prévu par l'article L.653-8 du code de commerce qui est exclusivement applicable à cet article et qu'il ne s'agit pas de prouver la mauvaise foi. Il fait observer également que les dirigeants avaient parfaitement connaissance de l'état de cessation des paiements puisque les disponibilités n'étaient que de 10 262 euros au 31 décembre 2014 et étaient nulles au 31 décembre 2015 alors que, dans le même temps, les cotisations de l'Urssaf étaient impayées depuis le deuxième trimestre 2013, soit de l'ordre de 15 000 euros puis 40 000 euros ; que les cotisations Humanis étaient impayées depuis 2011 et s'élevaient à 17 930 euros au 31 décembre 2014 ; que la société présentait des pertes de 404 000 euros au 31 mars 2013 et de 238 000 euros au 31 décembre 2014 avec des capitaux négatifs de 367 000 euros en 2013 ; que M. [F] a lui-même légitimé la résiliation de la convention de gérance-mandat par la gravité, l'importance et la persistance des difficultés financières de la société Orion Paris sud ; que l'obligation de continuité du service public ne prévaut pas sur l'obligation du dirigeant étant relevé que l'activité pouvait se poursuivre dans le cadre d'un redressement judiciaire et qu'il ne peut être tiré argument du fait que l'administrateur judiciaire aurait sollicité la poursuite de la période d'observation alors qu'une première conversion de la procédure en liquidation judiciaire avait été prononcée deux mois après l'ouverture de la procédure en raison de l'absence d'activité.

Il indique, par ailleurs, que le lien de causalité avec l'insuffisance d'actif est incontestable puisqu'il est démontré une augmentation du passif, sur cette période, de 340 000 euros.

Le défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours s'apprécie au regard de la date de cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture ou dans un jugement de report. L'existence de cette faute de gestion n'est pas subordonnée à la preuve d'une quelconque mauvaise foi de la part du dirigeant et n'est pas soumise aux conditions visées par l'article L.653-8 du code de commerce applicable en matière de sanction personnelle.

En l'espèce, le jugement d'ouverture, devenu définitif, a fixé la date de cessation des paiements au 2 décembre 2014. La procédure ayant été ouverte sur assignation de l'Urssaf en date du 18 mars 2016, l'absence de déclaration de cessation des paiements par les dirigeants successifs est établie.

Les déclarations de créance montrent que le passif a augmenté à tout le moins, entre le 17 janvier 2015 et le 25 novembre 2015, de 24 557 euros au titre des cotisations Urssaf impayées des mois de janvier à octobre 2015 et de 8 387 euros au titre des cotisations Humanis impayées pour les trois premiers trimestres 2015, puis, entre le 25 novembre 2015 et le 1er juin 2016, de 12 247 euros au titre des cotisations Urssaf impayées de novembre 2015 à mai 2016 et de 9 404 euros au titre des cotisations Humanis impayées pour les deux premiers trimestres 2016.

Il ressort également de la comparaison entre les bilans 2014 et 2015, d'une part, et la liste des créances au 5 septembre 2017, d'autre part, que la dette de la société Orion Holding, devenue OHM, qui s'élevait à la somme de 209 944 euros au 31 décembre 2014 comme au 31 décembre 2015 a ensuite augmenté pour être portée à 491 817,78 euros.

Dans le même temps, l'actif n'a pas été renforcé.

Il ne peut être sérieusement soutenu qu'il en aurait été de même dans le cadre d'une période d'observation en sorte que cette faute serait sans lien avec l'insuffisance d'actif puisque dans un tel cadre le juge-commissaire et les organes de la procédure auraient veillé à l'absence de création d'un nouveau passif.

Il ressort de la lecture des bilans que les disponibilités de la société qui s'élevaient à la somme de 10 262 euros au 31 décembre 2014 étaient inexistantes au 31 décembre 2015 ; que les résultats des deux exercices étaient déficitaires et que l'endettement global a augmenté d'un exercice à l'autre de 2 290 670 euros à 3 08 682 euros, les seules dettes fiscales et sociales passant de 45 887 euros à 86 196 euros.

Il s'en déduit que M. [F] ne pouvait pas ignorer que la société Orion Paris sud était en état de cessation des paiements, de sorte que sa responsabilité peut être retenue au titre de cette faute.

L'état de cessation des paiements ne pouvait pas plus être ignoré de la société Groupe Orion, dirigeante de la société Orion Paris sud à compter du 25 novembre 2015, puisqu'elle-même était dirigée par M. [F] qui en était informé. En outre, il convient de relever que l'assignation a été délivrée par l'Urssaf plus de deux mois avant l'ouverture de la procédure collective, de sorte que la société Groupe Orion aurait pu régulariser la situation.

L'absence de déclaration de cet état dans le délai légal constitue de ce fait non une négligence mais une faute de gestion concernant tant M. [F] en son nom personnel qu'en sa qualité de dirigeant de la SAS Groupe Orion à compter du 25 novembre 2015 que la société Groupe Orion elle-même à compter de cette date, sans que l'exigence de service public invoquée soit de nature à les exonérer de leur responsabilité.

Tant la faute de gestion que ses conséquences sur l'insuffisance d'actif sont donc démontrées.

o Sur la poursuite abusive d'une activité déficitaire ayant rendu négatifs les capitaux propres sans être reconstitués

Les appelants prétendent qu'en présence d'une raison objective, la poursuite d'une activité déficitaire n'est pas fautive. S'ils reconnaissent que l'activité de la société Paris sud était déficitaire entre le 10 janvier 2014, date de la conclusion de la convention de gérance-mandat, et sa résiliation le 22 février 2016, ils soutiennent que cette activité déficitaire est dépourvue de caractère fautif en premier lieu car l'activité de la société supposait une exploitation nécessairement déficitaire dans un premier temps en raison des investissements réalisés et de la nécessité d'exploiter les matériels antérieurs à l'ancienne tarification, en deuxième lieu car elle a par la suite été dégradée par des causes extérieures à 'sa' gestion et a donné lieu à des mesures appropriées de la part 'du dirigeant', notamment des grèves du personnel hospitalier, des retards dans la réalisation de travaux ou l'ouverture de certains services par l'AP-HP, des vols et des dégradations ainsi que par un conflit avec la société Atlon investissements, qui l'ont empêchée d'atteindre le taux de pénétration attendu, et, en troisième lieu, car elle répondait à un impératif de continuité du service public sanctionné par des pénalités financières. Ils font également valoir qu'il ne peut pas leur être reproché au visa de l'article L.651-2 du code de commerce qui ne vise que les dirigeants et non les actionnaires de ne pas avoir procédé à la recapitalisation de la société.

Ils précisent, enfin, n'avoir perçu aucune rémunération au titre du mandat social exercé de sorte que l'activité déficitaire n'a parmi aucun enrichissement corrélatif des dirigeants.

Après avoir rappelé les pertes de la société Orion Paris sud du 31 mars 2013 au 31 décembre 2015, maître [U] [C] affirme que l'activité de la société Orion Paris sud était structurellement déficitaire et que la poursuite de cette activité a rendu les capitaux propres négatifs dès 2013. Il affirme que l'absence de convocation d'une assemblée générale et de réduction du capital social ou de reconstitution des capitaux propres constitue une faute de gestion imputable principalement à M. [F] et de manière moindre à la société Groupe Orion. Il fait observer que l'argument relatif au caractère nécessairement déficitaire au démarrage de l'exploitation légitime la faute liée à la gestion contraire à l'intérêt social par la signature d'un contrat déséquilibré. Il soutient ensuite que la poursuite d'une activité déficitaire est nécessairement abusive puisque les déficits sont financés par les créanciers et non par les actionnaires. Il rappelle que le tribunal de commerce de Bobigny a écarté les demandes présentées par la société Orion Paris sud à l'encontre de la société Atlon investissements de sorte qu'il ne peut pas être soutenu que les agissements fautifs de cette dernière auraient été retenus ; que l'absence de rémunération des dirigeants est indifférente, celle-ci étant supportée au demeurant par la société OHM qui a récupéré in fine l'activité et les matériels sans la moindre indemnisation ; que l'impératif de continuité du service public n'est pas exonératoire alors au demeurant que la société Orion Paris sud aurait pu solliciter l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire et poursuivre son activité dans le cadre d'une période d'observation ; enfin, que le fait pour les dirigeants de ne pas veiller à la reconstitution des capitaux propres ou de tenter d'obtenir des actionnaires une augmentation de capital est constitutif d'une faute, étant observé en l'espèce l'identité entre actionnaires et dirigeants.

Il résulte des bilans communiqués que le résultat d'exploitation de la société Orion Paris sud était déficitaire depuis plusieurs années. Ainsi le déficit s'élevait à 404 354 euros au 31 mars 2013 pour un chiffre d'affaires net de 173 631 euros, à 85 756 euros au 31 mars 2014 pour un chiffre d'affaires net de 91 379 euros, à 238 142 euros au 31 décembre 2014 pour un chiffre d'affaires net de 301 311 euros et à 199 595 euros au 31 décembre 2015 pour un chiffre d'affaires net de 419 235 euros.

De même ces documents montrent que les capitaux propres étaient négatifs depuis 2013 à hauteur de 367 735 euros au 31 mars 2013, 453 490 euros au 31 mars 2014, 691 632 au 31 décembre 2014 et 891 226 euros au 31 décembre 2015.

Il n'est pas contesté que l'actionnaire unique, la société Orion cabling, dirigée par M. [F] jusqu'au 20 novembre 2015 puis par la société Groupe Orion, n'a ni réduit le capital social ni reconstitué les capitaux propres. En outre, il n'est justifié d'aucune convocation d'assemblée générale extraordinaire aux fins de reconstitution des capitaux propres ou de dissolution de la société et ce en violation des dispositions de l'article L.225-248 du code de commerce applicables aux sociétés par actions simplifiée par renvoi de l'article L.227-1 du même code.

Si la reconstitution des capitaux propres appartient aux actionnaires et non aux dirigeants, il appartient en revanche à ces derniers de tirer les conséquences d'un défaut de reconstitution, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce sans que les différentes difficultés rencontrées et l'obligation de continuité du service public ne puissent les exonérer de leur responsabilité et ce d'autant que c'était la société OHM, et non la société Orion Paris sud, qui était titulaire de la délégation de service public.

Cette faute, qui ne peut pas s'analyser en une simple négligence au regard de sa répétition sur plusieurs exercices, est imputable à M. [F], dirigeant de la société depuis sa création.

Elle ne l'est pas à la SAS Groupe Orion dès lors que les délais pour convoquer une assemblée générale extraordinaire ou réduire le capital social n'étaient pas expirés au jour de l'ouverture de la procédure collective en l'absence de certification des comptes 2015 par le commissaire aux comptes et d'approbation de ceux-ci. Je peux aussi motiver me semble t il en sens inverse compte tenu de la connaissance par M. [F] dirigeant de la société Groupe orion de convoquer une AG

Elle a nécessairement contribué à l'insuffisance d'actif et diminué le gage des créanciers.

o La gestion contraire à l'intérêt de la société Orion Paris sud

Les appelants expliquent qu'il est usuel pour le titulaire d'une délégation de service public d'en confier l'exploitation à une société dédiée de sorte que le schéma contractuel adopté au sein du groupe Orion ne présente aucune originalité et contestent que la conclusion de la convention de gérance-mandat soit contraire à l'intérêt social de la société Orion Paris sud ou que ses dispositions contractuelles soient déséquilibrées. Ils précisent que l'article 3.7, qui interdit notamment la souscription de nouveaux emprunts, est une stipulation courante qui a pour objet de prévenir un accroissement de l'endettement de la société Orion Paris sud et ainsi préserver le service public dont elle a la charge ; que l'article 6, qui prévoit une résiliation de plein droit en cas de cession par la société Orion Paris sud de son fonds de commerce à un tiers, est justifié par le caractère intuitu personae de ce contrat confié par la société OHM ; que l'article 9 constitue une simple clause de non rétablissement à l'expiration de la convention qui est très courante et limitée dans le temps ; enfin que l'article 11, qui permet à la société OHM de résilier la convention de gérance-mandat sans préavis et indemnité, relève simplement du droit commun du mandat. Ils ajoutent que la convention, qui ne présente aucun caractère anormal ou exorbitant du droit commun, est équilibrée en ce qu'elle prévoit une rémunération au bénéfice de la société Orion Paris sud et la reprise de la charge d'exploitation et notamment des salariés par la société OHM en cas de résiliation de la convention, et est justifiée par la nature de la mission de service public. Ils font également valoir qu'il n'est pas démontré que les restrictions contenues dans cette convention aient été mises en oeuvre et aient généré un quelconque passif pour la société Orion Paris sud ou que la conclusion de cette convention aurait généré un quelconque passif pour la société. S'agissant de la résiliation de ce contrat, ils soutiennent qu'ils s'agit d'un acte juridique distinct dont il est résulté une réorganisation du groupe, qui ne saurait caractériser une faute de gestion, précisant qu'il est le fait non de M. [F] en sa qualité de dirigeant de la société Orion Paris sud mais celui de la société OHM. Ils ajoutent que même à qualifier cette résiliation d'acte de gestion de la société Orion Paris sud, il ne pourrait s'agir que d'une bonne décision qui n'a pas contribué à l'insuffisance d'actif puisqu'elle a arrêté l'accroissement du passif comme l'a relevé le tribunal, l'octroi d'un préavis de deux mois écartant d'autant plus la caractérisation d'une faute de gestion.

Maître [U] [C] soutient en premier lieu que M. [F] a fait preuve d'une incompétence manifeste, contraire à l'intérêt social de la société Orion Paris sud, en signant la convention de gérance-mandat dont il considère qu'elle est déséquilibrée au détriment de la société Orion Paris sud. Il souligne d'une part qu'en vertu de l'article 3, la société Orion Paris sud ne pouvait en aucun cas souscrire d'emprunt ou des effets de commerce ou donner le fonds de commerce en nantissement ; d'autre part, qu'en application de l'article 6, en cas de cession du fonds au cours du contrat de gérance, la convention serait automatiquement résiliée de plein droit par la société OHM, ce qui signifie qu'elle ne dispose d'aucun fonds de commerce valorisable ; de troisième part, que l'article 9 prévoit une interdiction de se rétablir sans indemnisation en contrepartie ; enfin, qu'il n'existe aucune sécurité juridique dès lors que l'article 11 prévoit une résiliation possible par la société OHM à tout moment, sans motif et sans indemnisation notamment pour compenser les achats de matériels nécessaires à l'exploitation de la délégation de service public et que du fait de la résiliation, la société Orion Paris sud a perdu tout bénéfice des installations qui ont été transférées à la société OHM sans indemnisation. Il explique que ce contrat permettait à M. [F] de continuer librement l'activité en isolant les passifs créés par la société Orion cabling et ses filiales, tout en conservant toute l'activité et ce sans devoir la moindre indemnisation aux sociétés qui exploitaient la délégation de service public et qui perdaient leurs investissements. Il prétend que cette faute est à l'origine de l'insuffisance d'actif puisqu'en raison du déséquilibre manifeste de ce contrat et de la possibilité de le résilier sans indemnisation, sans préavis et sans motif, cela a privé la société d'un plan de cession, d'une réalisation d'actifs ou d'un plan de continuation. Il en conclut que la responsabilité de M. [F], qui était dirigeant de la société Orion Paris sud lors de la signature du contrat, et signataire de la résiliation le 22 février 2016, alors qu'il n'était pourtant plus dirigeant de la société OHM, est engagée de ce chef.

Il est constant que le 10 janvier 2014, la SAS Orion Holding, devenue la société OHM, et la SAS Orion Paris sud, toutes deux représentées par M. [F], ont signé une convention de gérance-mandat aux fins d'exploitation par la seconde des délégations de service public relatives aux hôpitaux [9] et Kremlin-Bicêtre. Cette convention stipule aux articles :

- 3.6 et 3.7, que 'Les ventes de service de la délégation de service public ne pourront avoir lieu qu'au comptant, sauf autorisation expresse de la SASU Orion holding. La SASU Orion Paris sud ne pourra en aucun cas souscrire un emprunt ni des effets de commerce, ni à plus forte raison donner le fonds en nantissement',

- 6, qu'en cas de cession du fonds au cours du contrat de gérance, la convention sera résiliée automatiquement de plein droit par la société Orion holding,

- 8, une rémunération et un remboursement des dépenses au profit de la société Orion Paris sud,

- 9, une interdiction de rétablissement dans un fonds de commerce similaire durant cinq années,

- 11, que la société Orion holding peut résilier le contrat en cas de faute grave ou de manquement par la société Orion Paris sud à ses obligations mais également à tout moment et sans avoir à motiver sa décision.

Comme l'ont relevé l'administrateur et le liquidateur judiciaires dans leur rapport du 10 février 2017 et du 30 novembre 2018 ce contrat nécessite des investissements importants pour l'exploitant qui notamment lors de la phase de déploiement est tenu d'exploiter les anciens équipements selon la tarification initiale, induisant une activité déficitaire reconnue par les appelants.

Ces dispositions contractuelles, qui ne prévoient en outre aucune contrepartie à l'exception de la rémunération prévue, particulièrement en cas de résiliation pour cession du fonds ou de décision unilatérale de la société OHM, démontrent l'existence d'un déséquilibre au détriment de la société Orion Paris sud.

La résiliation de ces conventions est intervenue à l'initiative de la société OHM, selon lettres simples datées du 22 février 2016, à effet du 30 avril 2016, privant par conséquent la société Orion Paris sud de toute activité sans contrepartie.

Par l'effet de ces dispositions contractuelles, la société Orion Paris sud a perdu le bénéfice des sommes figurant à son actif au titre des installations techniques, matériels et outillages industriels d'un montant de 1 226 488 euros au 31 décembre 2015, selon le bilan versé aux débats.

Si la résiliation, intervenue à l'initiative de la société OHM, ne peut être reprochée à M. [F] et à la société Groupe Orion, tel n'est pas le cas de la souscription de ce contrat.

Cette faute est imputable à M. [F], dirigeant à la date de signature de la convention, qui ne peut pas s'analyser en une simple négligence au regard notamment de sa qualité de dirigeant de la société Orion holding. Elle a contribué à l'insuffisance d'actif en ce qu'elle a entraîné la perte du prix de vente de ces actifs.

* Sur le quantum de la condamnation

Invoquant le principe de proportionnalité et la nécessité de justifier chacune des fautes, les appelants sollicitent une réduction de la condamnation prononcée en première instance dans l'hypothèse où la cour retiendrait une des fautes alléguées.

Maître [U] [C] critique le quantum de la condamnation alloué par le tribunal considérant qu'il représente 4,5% de l'insuffisance d'actif ce qui est particulièrement faible au regard du nombre et de la gravité des fautes de gestion.

M. [F] n'a donné aucun élément sur sa situation patrimoniale et personnelle. De même, aucun élément comptable sur la situation de la société Groupe Orion n'a été versé aux débats.

La solidarité est de droit entre la société Groupe Orion et son dirigeant pour les fautes commises à compter du 25 novembre 2015. Elle ne se justifie pas pour la période antérieure.

Compte tenu du nombre et de la gravité des fautes ayant contribué à l'insuffisance d'actif imputables à M. [F] tant en son nom personnel qu'en sa qualité de dirigeant de la société Groupe Orion, et à cette dernière, mais également de la durée de leur gestion respective, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu le principe de leur responsabilité pour insuffisance d'actif mais, l'infirmant sur le quantum, de condamner M. [F] au paiement de la somme de 200 000 euros et solidairement M. [F] et la société Groupe Orion au paiement de la somme de 100 000 euros.

* Sur la sanction personnelle

Les appelants soutiennent que le tribunal n'a ni suffisamment motivé, notamment au regard de la gravité des fautes et de la situation personnelle de M. [F], ni suffisamment caractérisé les conditions légales de la sanction, de sorte qu'elle devra être infirmée. Ils reprochent également au tribunal de n'avoir pas respecté le principe d'individualisation de la sanction en n'identifiant pas les sociétés dirigées par M. [F], les secteurs d'activité concernés et les participations détenues par celui-ci au sein de personnes morales. S'agissant plus particulièrement du retard apporté à la déclaration de cessation des paiements, ils prétendent que la preuve n'est pas rapportée par le liquidateur judiciaire de la connaissance de l'état de cessation des paiements de la débitrice par son dirigeant ni que l'omission résulte d'une volonté délibérée de sa part. Ils ajoutent, s'agissant de la poursuite d'une activité déficitaire, que celle-ci n'était ni abusive ni poursuivie dans l'intérêt personnel de M. [F] puisque ni lui ni la société Groupe Orion ne percevait de rémunération mais imposée par l'obligation de continuité du service public. Ils précisent que l'intérêt de la société OHM ne se confond pas avec l'intérêt personnel de M. [F].

Maître [U] [C] réplique pour l'essentiel que le jugement est parfaitement motivé ; que l'argumentation de M. [F] est étonnante puisqu'il a refusé de comparaître devant le tribunal et de donner la moindre indication sur sa situation personnelle ; que la connaissance de l'état de cessation des paiements de la société par M. [F] a été reconnue par celui-ci lors de l'ouverture de la procédure collective ; qu'elle ressortait en outre de la comparaison entre l'actif disponible et le passif exigible ainsi que de l'absence de paiement des cotisations Urssaf, de sorte que c'est sciemment qu'il s'est abstenu de procéder à la déclaration de cessation des paiements ; que l'intérêt personnel de M. [F] à la poursuite d'une activité déficitaire est reconnu par celui-ci et établi en ce qu'à défaut de continuité, cela exposait la société OHM à des pénalités et à la résolution des conventions alors que la société OHM, dont il avait été le dirigeant, avait pour actionnaire la société Groupe Orion dont M. [F] était l'actionnaire unique ; qu'en outre il percevait des rémunérations des sociétés OHM et Groupe Orion.

Aux termes de l'article L.653-8 dernier alinéa du code de commerce, l'interdiction de gérer peut être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L.653-1 qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.

Il résulte des éléments analysés ci-dessus que M. [F] puis la société Groupe Orion, dirigeants de droit, qui n'ont pas demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation, ont nécessairement omis sciemment de déclarer l'état de cessation des paiements de la société Orion Paris sud compte tenu des difficultés financières de la société qu'ils connaissaient, étant rappelé que les cotisations Urssaf et Humanis étaient impayées depuis de nombreux mois.

Les articles L.653-8 alinéa 1 et L.653-4, 4° du code de commerce prévoient que le tribunal peut prononcer l'interdiction de gérer de tout dirigeant de droit d'une personne morale contre lequel a été relevé le fait d'avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale.

La poursuite abusive d'une activité déficitaire est établie par les éléments rappelés ci-dessus.

Aux termes de leurs écritures, les appelants ont reconnu que la poursuite de l'activité était nécessaire pour éviter d'exposer la société OHM à l'application de lourdes pénalités voire à une résolution de la convention d'occupation et d'utilisation du domaine public et d'engager sa responsabilité vis à vis de l'AP-HP. Or, comme l'indique l'administrateur judiciaire dans son rapport, la société OHM, qui a été dirigée par M. [F] du 21 avril 2009 au 9 octobre 2015, est détenue par la société Groupe Orion, elle-même intégralement détenue par M. [F] son dirigeant.

L'intérêt personnel de M. [F] à la bonne santé financière de la société OHM, dont il ne conteste pas en outre qu'il percevait des rémunérations, et donc à la poursuite d'activité de sa sous-filiale est ainsi caractérisé.

Ces fautes sont donc établies à son encontre.

M. [F], qui n'a donné aucun élément sur sa situation personnelle, ne peut pas reprocher aux premiers juges de ne pas avoir effectué des recherches qu'il ne leur appartenait pas de faire sur sa situation.

Il convient dans ces conditions de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé une sanction personnelle d'une durée de cinq ans.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Déclare l'appel formé par M. [X] [F] et la SAS Groupe Orion recevable ;

Confirme le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité pour insuffisance d'actif de M. [X] [F] et de la SAS Groupe Orion, prononcé une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de cinq ans à l'encontre de M. [X] [F] et condamné solidairement M. [F] et la société Groupe Orion au paiement d'une indemnité procédurale ;

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne M. [X] [F] à payer à maître [U] [C], ès qualités, la somme de 200 000 euros ;

Condamne solidairement M. [X] [F] et la SAS Groupe Orion à payer à maître [U] [C], ès qualités, la somme de 100 000 euros ;

Dit que les intérêts échus depuis une année entière produiront intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil ;

Condamne solidairement M. [X] [F] et la SAS Groupe Orion à payer à maître [U] [C], ès qualités, la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne solidairement M. [X] [F] et la SAS Groupe Orion aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement au profit du cabinet Minault-Territehau, avocats, pour les frais dont il aurait fait l'avance, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

Dit qu'en application des articles 768 et R.69-9° du code de procédure pénale, la présente décision sera transmise par le greffier de la cour d'appel au service du casier judiciaire après visa du ministère public ;

Dit qu'en l'application des articles L.128-1 et suivants et R.128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au Fichier national automatisé des interdits de gérer, tenu sous la responsabilité du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce auprès duquel la personne inscrite pourra exercer ses droits d'accès et de rectification prévus par les articles 15 et 16 du règlement (UE) 20/6/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sophie VALAY-BRIÈRE, Présidente et par Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 20/02090
Date de la décision : 03/11/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 13, arrêt n°20/02090 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-03;20.02090 ?
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