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03/11/2020 | FRANCE | N°19/07138

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 03 novembre 2020, 19/07138


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 00A



13e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 03 NOVEMBRE 2020



N° RG 19/07138 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TP3I



AFFAIRE :



Société ECLAIR CINEMA

...



C/

S.E.L.A.R.L. [H] [F]







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Juillet 2019 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2017F02071
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Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 03.11.2020



à :



Me Eric PLANCHOU



Me Oriane DONTOT



TC de NANTERRE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TROIS NOVEMBRE DEUX M...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 00A

13e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 03 NOVEMBRE 2020

N° RG 19/07138 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TP3I

AFFAIRE :

Société ECLAIR CINEMA

...

C/

S.E.L.A.R.L. [H] [F]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Juillet 2019 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2017F02071

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 03.11.2020

à :

Me Eric PLANCHOU

Me Oriane DONTOT

TC de NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TROIS NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société ECLAIR CINEMA

[Adresse 4]

[Localité 6]

SELAS ALLIANCE

[Adresse 2]

[Localité 7]

SELARL BCM prise en la personne de Maître [I] [E] ès qualités d'administrateur judiciaire de la société ECLAIR CINEMA

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentées par Maître Eric PLANCHOU, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 114 - et par Maître Olivier GROC, avocat plaidant au barreau de PARIS

APPELANTES

****************

S.E.L.A.R.L. [H] [F] prise en la personne de Maître [H] [F], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ECLAIR GROUP.

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Maître Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20190908 et par Maître Olivier PECHENARD, avocat plaidant au barreau de PARIS sustitué par Maître Augustin BILLOT, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Septembre 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie VALAY-BRIÈRE, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN,

La société Eclair Group, créée en 1971, avait pour activité les prestations techniques et de services à destination de l'industrie des contenus cinématographiques et audiovisuels.

À la suite de difficultés financières, elle a bénéficié en 2009 d'une procédure de sauvegarde puis d'un plan de sauvegarde.

Par jugement du 18 juin 2015, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert à son égard une procédure de redressement judiciaire qui a été convertie, le 28 juillet 2015, en liquidation judiciaire, la Selarl [H] [F], mission conduite par maître [H] [F], étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Par jugement du 31 juillet 2015, le tribunal de commerce de Nanterre a ordonné la cession des actifs et activités de la société Eclair Group à la société Ymagis à laquelle, avec l'autorisation du tribunal, se sont substituées les sociétés Eclair média et Eclair cinéma ; cette dernière, créée pour la reprise des activités de post-production et de restauration, est devenue par la suite Eclair classics.

Après accomplissement des formalités de cession et l'entrée en jouissance du repreneur, les sociétés Eclair group et Eclair cinéma se sont rapprochées pour procéder à l'établissement et l'apurement des comptes prorata.

Conformément aux termes du jugement qui indiquait qu'un état contradictoire sur ces comptes et encours serait établi par un expert désigné par le liquidateur judiciaire, la Selarl [H] [F], ès qualités, a désigné le cabinet AGP Conseil, expert-comptable, qui a conclu que la société Eclair cinéma devait la somme de 339 909 euros à la société Eclair group.

Par courrier daté du 13 avril 2016, la société Eclair cinéma a contesté ces conclusions et réclamé le paiement d'un montant de 257 941,75 euros correspondant à des règlements opérés par erreur au profit de la société Eclair group.

Sur requête de la Selarl [H] [F], ès qualités, le juge-commissaire désigné dans la liquidation de la société Eclair group, a par ordonnance rendue le 15 septembre 2016, nommé M. [L] [X] en qualité de technicien.

Aux termes de son rapport daté du 23 juin 2017, M. [X] a conclu que la société Eclair cinéma était débitrice envers la société Eclair group de la somme de 241 800 euros HT, soit 290 160 euros TTC.

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 2 octobre 2017, reçue le 4 octobre suivant, la Selarl [H] [F], ès qualités, a mis en demeure la société Eclair cinéma de lui régler ce montant, en vain.

Par acte du 18 octobre 2017, la Selarl [H] [F], ès qualités, a alors fait assigner la société Eclair cinéma devant le tribunal de commerce de Nanterre, qui par décision contradictoire assortie de l'exécution provisoire du 26 juillet 2019, rectifiée le 2 octobre 2019, a :

- déclaré le rapport du technicien M. [X], daté du 23 juin 2017, opposable à la société Eclair cinéma, prise en la personne de la Selas Alliance, mission conduite par maître [Y], en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Eclair cinéma, et en la personne de la Selarl BCM, mission conduite par maître [E], en sa qualité d'administrateur de la société Eclair cinéma ;

- dit n'y avoir lieu d'ordonner une expertise sur le fondement de l'article 143 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu d'ordonner une expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à réouverture des opérations de M. [X] ;

- dit n'y avoir lieu d'ordonner le renvoi de l'affaire devant le juge-commissaire ;

- dit n'y avoir lieu d'ordonner un sursis à statuer ;

- constaté que la Selarl [H] [F], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Eclair group, détient, à l'encontre de la société Eclair cinema, une créance de 290 160 euros ;

- fixé la créance de la Selarl [H] [F], ès qualités, au passif du redressement judiciaire de la société Eclair cinéma à la somme de 290 160 euros à titre chirographaire ;

- débouté la société Eclair cinéma de sa demande reconventionnelle ;

- condamné la SAS Eclair cinéma à payer à la Selarl [H] [F], ès qualités, la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Eclair cinéma aux entiers dépens de l'instance.

La société Eclair cinéma, la Selas Alliance et la Selarl BCM en leur qualité respective de mandataire et d'administrateur judiciaires désignés par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 20 novembre 2018 ayant ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Eclair cinéma, ont interjeté appel de cette décision le 10 octobre 2019.

Dans leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 10 janvier 2020, elles demandent à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau,

- leur dire et juger inopposable le rapport de M. [X] désigné sur le fondement de l'article L.621-9 du code de commerce ;

en tout état de cause,

- déclarer nul et de nul effet le rapport de M. [N] pour défaut d'impartialité et d'objectivité ;

- débouter la Selarl [H] [F] de l'intégralité de ses demandes ;

avant dire droit,

- ordonner une mesure d'expertise en application de l'article 143 du code de procédure civile avec pour mission :

* d'entendre les parties en leurs explications et le cas échéant tous sachants ;

* se faire remettre tous documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission ;

* donner son avis sur les comptes prorata en application de l'acte de cession du 22 décembre 2015 ;

* recueillir les observations des parties ;

* rapporter toutes constatations utiles à l'examen des prétentions des parties ;

* dire que l'expert devra adresser une note de synthèse de ses opérations, impartir aux parties un délai d'un mois pour adresser leurs dires, y répondre et déposer son rapport définitif au greffe ;

subsidiairement,

- ordonner la réouverture des opérations d'expertise confiées à M. [X] avec pour mission d'indiquer la méthode film par film qu'il a retenue pour déterminer l'avancement des travaux et en déduire les comptes prorata ; entendre les parties sur la méthode retenue par M. [X] et dire que l'expert devra adresser aux parties une note de synthèse de ses opérations, leur impartir un délai d'un mois pour lui adresser leurs dires y répondre et déposer son rapport définitif au greffe ;

- condamner maître [F], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Eclair group à leur payer la somme de 160 155,66 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir ;

- condamner maître [F], ès qualités, à payer à la société Eclair cinéma la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner maître [F], ès qualités, aux entiers dépens dont distraction au profit de maître Desjardins conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 24 mars 2020, la Selarl C.[F], ès qualités, demande à la cour de :

- débouter la société Eclair cinéma, prise en la personne de son mandataire judiciaire, maître [Y], et de son administrateur judiciaire, maître [E], de l'intégralité de ses demandes

en conséquence,

- confirmer, en toutes ses dispositions, le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 26 juillet 2019, en ce comprise sa rectification par jugement du même tribunal en date du 2 octobre 2019 ;

en tout état de cause,

- condamner la société Eclair cinéma, prise en la personne de son mandataire judiciaire, maître [Y], et de son administrateur judiciaire, maître [E], à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Eclair cinéma, prise en la personne de son mandataire judiciaire, maître [Y], et de son administrateur judiciaire, maître [E], aux dépens qui seront recouvrés par maître Dontot, Aarpi-JRF avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 septembre 2020.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

1- Sur le rapport de M. [X], la demande d'une nouvelle expertise et subsidiairement de réouverture de la mesure menée par M. [X]

Les appelantes prétendent en premier lieu que le liquidateur judiciaire ne pouvait pas solliciter du juge-commissaire la désignation d'un expert par requête non contradictoire sur le fondement de l'article L.621-9 du code de commerce et qu'il aurait dû saisir le tribunal de commerce de Nanterre sur le fondement de l'article L.145 (sic) du code de procédure civile, expliquant que s'il existe une contestation entre le cessionnaire et les organes de la procédure de liquidation judiciaire, une mesure d'expertise judiciaire avant tout procès doit être ordonnée suivant une procédure contradictoire et que les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile doivent s'appliquer lorsque la partie adverse n'a joué aucun rôle dans la survenance de l'état de cessation des paiements de la société en liquidation judiciaire. Elles considèrent que la compétence du juge-commissaire est limitée aux contestations nées de la procédure collective de sorte qu'il n'est pas compétent pour désigner un expert lorsque le litige se serait présenté de la même manière si la société n'avait pas été soumise à une procédure collective. Elles précisent que la qualité de cessionnaire ne conférant pas la qualité de partie concernée par la procédure collective, le juge-commissaire, qui ne pouvait pas désigner un expert judiciaire sur requête, a excédé ses pouvoirs de sorte que l'expertise ne leur est pas opposable.

Elles soutiennent en deuxième lieu que M. [X] ne pouvait pas agir avec objectivité et impartialité, conformément à l'article 237 du code de procédure civile, puisqu'intervenant à la demande du liquidateur judiciaire pour recouvrer une créance auprès du CNC, il avait des intérêts avec la liquidation judiciaire en sorte que le rapport est entaché de nullité.

En troisième lieu, elles invoquent le caractère non contradictoire et imprécis du rapport d'expertise dès lors que M. [X] a mené ses opérations et déposé son rapport sans recueillir préalablement les observations de la société Eclair cinéma. Si elles ne contestent pas avoir participé à des réunions d'expertise, elles expliquent que M. [X] a rejeté leurs comptes sans leur fournir d'élément leur permettant d'en apprécier les motifs, qu'il ne leur a donné aucune indication sur la méthodologie retenue qu'elles critiquent en invoquant un rapport établi par le Cabinet Finexsi, expert et conseil financier, que ses comptes-rendus de réunions sont laconiques, qu'il ne leur a pas restitué avant le dépôt de son rapport les réponses des sociétés Gaumont et Pathé, et qu'il a déposé son rapport sans fournir la moindre note de synthèse ou pré-rapport préalable, de sorte que la société Eclair cinema n'a pas été en mesure de débattre contradictoirement des travaux de M. [X] et de ses conclusions.

Les appelantes ne développent pas d'autre moyen au soutien de leurs demandes d'expertise et subsidiairement de réouverture de la mesure menée par M. [X] que les critiques développées à l'encontre du rapport déposé par ce dernier et les éléments tirés du rapport Finexsi.

Après avoir rappelé les dispositions des articles L.621-9 alinéa 2 et R.621-21 du code de commerce ainsi que la jurisprudence applicable, la Selarl [H] [F], ès qualités, affirme qu'elle était fondée à saisir le juge-commissaire d'une requête en application de celles-ci et que ce dernier avait une compétence exclusive pour désigner un technicien au regard du litige en lien avec la procédure collective de sorte que le rapport est parfaitement opposable aux appelantes.

Elle fait valoir ensuite que le respect du contradictoire ne s'impose pas pour l'établissement du rapport du technicien désigné et qu'il importe seulement que ce document ait été débattu contradictoirement ce qui a été le cas en l'espèce, étant souligné que la société Eclair cinéma a participé à toutes les réunions d'expertise, a pu communiquer des pièces, que les comptes-rendus détaillent avec précision les différentes étapes ainsi que les échanges, les méthodes et objectifs poursuivis par l'expert, que M. [X] a répondu à chacune des observations de la société Eclair cinéma et expliqué pourquoi il écartait certaines pièces. Elle ajoute que M. [X] a été choisi par le juge-commissaire sans qu'elle ait proposé un nom, que sa désignation n'a pas été contestée par la société Eclair cinéma à qui la décision a été notifiée et que c'est la première fois qu'un conflit d'intérêt est évoqué. Elle conclut quoi qu'il en soit à l'irrecevabilité de la demande de nullité du rapport formulée pour la première fois en cause d'appel.

Elle critique ensuite l'analyse non contradictoire du cabinet Finexsi en comparaison des diligences accomplies par M. [X].

La Selarl [H] [F] indique enfin que les demandes d'une nouvelle expertise ou de réouverture des opérations effectuées par M. [X] sont d'une part irrecevables dès lors que le juge-commissaire est seul compétent pour désigner un technicien, ce qu'il a déjà fait, et pour ordonner la réouverture de l'expertise d'un technicien qu'il a préalablement désigné et d'autre part dilatoires.

Selon l'article L.621-9, alinéa 2, du code de commerce applicable à la liquidation judiciaire par renvoi de l'article L.641-11, lorsque la désignation d'un technicien est nécessaire, seul le juge-commissaire peut y procéder en vue d'une mission qu'il détermine, sans préjudice de la faculté pour le tribunal prévue à l'article L.621-4 de désigner un ou plusieurs experts.

Il ne peut être sérieusement soutenu que le litige est sans lien avec la procédure collective de la société Eclair group alors que celui-ci est né de la cession des activités de celle-ci à la société Eclair cinéma et que la désignation d'un expert par le liquidateur judiciaire pour l'établissement contradictoire des comptes prorata entre le cédant et le cessionnaire a été prévue par le tribunal.

Le juge-commissaire était donc seul compétent pour procéder à cette désignation et c'est à juste titre que la Selarl [H] [F] lui a présenté une requête à cette fin au visa de l'article L.621-9 du code de commerce sans saisir le président du tribunal d'une requête fondée sur l'article 145 du code de procédure civile.

La demande d'annulation du rapport, bien que nouvelle en cause d'appel, est recevable par application de l'article 565 du code de procédure civile en ce qu'elle tend aux mêmes fins que les demandes tendant à faire écarter ce rapport présentées aux premiers juges

Alors que la société Eclair cinéma ne s'est pas opposée à la désignation de M. [X] bien qu'il résulte de l'ordonnance du juge-commissaire qu'elle lui a été notifiée, les appelantes affirment, sans être contredites sur ce point, que M. [X] aurait par ailleurs été chargé par le liquidateur judiciaire de l'aider à recouvrer une créance auprès du CNC. Elles ne démontrent toutefois pas en quoi cela l'aurait empêché d'accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité et ce d'autant que le mail qu'elles produisent montre que la société Eclair cinéma était également invitée à participer à la réunion fixée dans les locaux du CNC.

Il n'y a aucune raison par conséquent d'annuler le rapport.

Il convient de rappeler d'une part que la mission qui a été confiée à M. [X] par le juge-commissaire n'est pas une mission d'expertise judiciaire soumise aux règles prévues par le code de procédure civile pour une telle expertise et d'autre part que le rapport de celui-ci a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire.

Il résulte de ce document qu'en accord avec les parties sa mission a porté sur 126 films, que la société Eclair cinema a été présente ou représentée à chacune des réunions organisées par le technicien, qu'elle a pu lui communiquer des pièces, que les observations de la société Eclair cinéma suite aux comptes-rendus de la réunion du 13 avril 2017 ont été prises en compte par M. [X] qui y a répondu, que celui-ci a entendu des salariés des deux sociétés ainsi que le cabinet AGP, qu'il s'est fait communiquer l'ensemble des factures adressées aux clients avec l'information de leurs stades de règlements par la société Eclair cinéma et a interrogé des clients.

Il se déduit suffisamment de ces éléments que, contrairement à ce qui est affirmé, la société Eclair cinéma a été en mesure de débattre contradictoirement des travaux de M. [X] et de ses conclusions.

En outre, les critiques formulées par le Cabinet Finexsi, qui n'a examiné que 15 films sur les 126 en litige et qui a procédé à une analyse non contradictoire du rapport de M. [X], ne permettent pas d'établir le caractère prétendument imprécis de celui-ci.

Les demandes d'une nouvelle expertise ou de réouverture des opérations effectuées par M. [X], présentées aux premiers juges qui les ont rejetées, ne sont pas nouvelles en cause d'appel. Elles sont néanmoins irrecevables en ce qu'elles ne ressortent pas des pouvoirs de la cour d'appel saisie, non pas sur appel d'une décision du juge-commissaire de désignation ou de réouverture des opérations mais sur appel d'une décision statuant sur une demande en paiement.

Dans ces conditions le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré le rapport de M. [X] opposable aux appelantes mais infirmé en ce qu'il a rejeté les demandes d'expertise ou de complément de la mission confiée à M. [X].

2- Sur la demande de la Selarl [H] [F], ès qualités

S'appuyant sur les conclusions du rapport de M. [X], la Selarl [H] [F], ès qualités, sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a fixé la créance de la société Eclair group au passif de la société Eclair cinéma.

Les appelantes s'y opposent compte tenu des critiques formulées à l'encontre du rapport de M. [X].

Le rapport du Cabinet Finexsi indique en conclusion que 'les explications et la documentation présentées dans le rapport [X] ne permettent pas de comprendre, ni de justifier les montants de comptes prorata exposés dans ses conclusions, tant pour des raisons méthodologiques, que pour des problèmes de mise en oeuvre de ses calculs' . Toutefois en dépit de ses critiques il décrit en page 13 de son rapport la méthode utilisée par le technicien montrant ainsi que malgré les réserves exprimées, il l'a comprise. Au demeurant, il ne formule pas de contre-proposition sur les sommes qui seraient dues entre les parties et ce même sur les quinze films qu'il a analysés.

Il résulte des comptes-rendus de réunion figurant en annexe du rapport de M. [X] que la méthodologie retenue par ce dernier a été exposée aux parties et qu'en accord avec celles-ci il a élaboré un nouveau tableau afin de vérifier la véracité des stades d'avancement de tous les films puis interrogé les clients pour vérifier les informations.

Il convient par conséquent de retenir que la créance de la société Eclair group est suffisamment établie par ce rapport.

Il est justifié que la Selarl [H] [F], ès qualités, a déclaré une créance chirographaire de 300 160 euros, dont 241 800 euros hors taxes soit 290 160 euros TTC au titre des comptes prorata entre les mains de la Selas Alliance ès qualités, par lettre recommandée avec avis de réception du 7 décembre 2018.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a fixé la somme de 290 160 euros TTC au passif de la société Eclair cinéma.

3- Sur la demande reconventionnelle

Invoquant des erreurs de paiement faites par certains de ses clients qui auraient payé à tort certaines factures sur le compte de la liquidation judiciaire de la société Eclair group et réciproquement des règlements effectués à tort sur le compte de la société Eclair cinéma, les appelantes sollicitent, au visa de l'article 1235 du code civil, le paiement de la somme de 160 155,66 euros.

La Selarl [H] [F], ès qualités, réplique pour l'essentiel qu'aucun élément de preuve n'est apporté au soutien de la demande, relevant des montants différents entre la demande formulée dans les écritures et dans le courrier officiel du conseil de la société Ymagis.

Selon l'ancien article 1235, devenu 1302,du code civil, tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à répétition.

Au soutien de leur demande, les appelantes produisent :

- une pièce n°4 constituée d'un tableau intitulé 'Règlements reçus sur sociétés Eclair', dont l'auteur n'est pas précisé, mentionnant notamment des 'règlements reçus sur Eclair group qui concernent Sté cinéma' pour un montant global de 160 155,66 euros ;

- trois pièces numérotées 6,7 et 8, intitulées première, deuxième et troisième colonne comportant notamment des relevés de comptes extraits de grands livres des comptes sans autre précision, relatifs entre autres à des opérations intervenues depuis août 2015 sur les comptes 512600- Banque Populaire Eclair group, 512100-OBC Emédia, 512110 Natixis Emédia, Société générale Paris Etoile, des avis de paiement ou de remise sur différents comptes, des factures à l'en-tête Eclair média, et des échanges de mails notamment avec le service comptable de la société Eclair group ;

- une lettre datée du 13 avril 2016 adressée par le conseil de la société Eclair cinéma à son confrère conseil de la société Eclair group mentionnant des règlements effectués par erreur sur le compte du redressement judiciaire de la société Eclair group à hauteur d'une somme de 305 178,67 euros et à l'inverse des paiements faits sur les comptes des sociétés Eclair média et Eclair cinéma en règlement de factures émises par la société Eclair group pour une somme globale de 47 236,92 euros et réclamant après compensation le paiement au profit de la société Ymagis de la somme de 257 941,75 euros.

Ces pièces, dont il n'est pas précisé si elles ont été présentées à M. [X], témoignent d'une confusion opérée entre les sociétés Eclair group, Eclair média, Eclair cinéma par leurs interlocuteurs.

Si certaines d'entre elles montrent que des paiement ont effectivement été effectués par erreur au profit de la société Eclair group (ex : mails de [A] [K] à [S] [D] du 8 octobre 2015, de [S] [D] à [T] [C] du 23 décembre 2015, de [S] [D] à [J] du 16 février 2016...), ces documents non visés par un professionnel du chiffre, sans explication détaillée ni lien fait entre elles, ne rapportent pas la preuve de la réalité et de la certitude de la somme réclamée, étant observé de surcroît que celle-ci ne correspond ni à la somme demandée dans le courrier susvisé du 13 avril 2016 ni à 'l'état des comptes', visé en page 12 des écritures mais non communiqué, selon lequel maître [F], ès qualités, serait débiteur de la somme de 207 689,48 euros.

Dans ces conditions, le jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle.

Il ne peut pas y avoir recouvrement direct des dépens par l'avocat de l'intimé compte tenu de l'ouverture de la procédure collective.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du 26 juillet 2019, rectifié le 2 octobre 2019, sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu ni à expertise sur le fondement des articles 143 et 145 du code de procédure civile ni à réouverture des opérations de M. [L] [X] ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

Déclare irrecevables les demandes d'expertise et de réouverture des opérations de M. [L] [X] formées par la société Eclair Cinéma, devenue Eclair classics, la Selas Alliance, ès qualités, et la Selarl BCM, ès qualités ;

Y ajoutant,

Déboute la société Eclair Cinéma, devenue Eclair classics, et les organes de sa procédure collective de leur demande de nullité du rapport de M. [X] ;

Dit n'y avoir lieu à indemnité procédurale ;

Condamne la société Eclair Cinéma, devenue Eclair classics, aux dépens de la procédure d'appel qui seront recouvrés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sophie VALAY-BRIÈRE, Présidente et par Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 19/07138
Date de la décision : 03/11/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 13, arrêt n°19/07138 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-03;19.07138 ?
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