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27/10/2020 | FRANCE | N°19/00840

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 27 octobre 2020, 19/00840


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





1ère chambre 1ère section





ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE

Code nac : 39E





DU 27 OCTOBRE 2020





N° RG 19/00840

N° Portalis DBV3-V-B7D-S6CM





AFFAIRE :



SAS FMAD

C/

SAS SUNSTAR FRANCE





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Décembre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 1

N° Section :

N° RG :

17/00223



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-Me Nathalie HOLLIGER,



-l'AARPI NMCG AARPI





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT SEPT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Ver...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 39E

DU 27 OCTOBRE 2020

N° RG 19/00840

N° Portalis DBV3-V-B7D-S6CM

AFFAIRE :

SAS FMAD

C/

SAS SUNSTAR FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Décembre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 1

N° Section :

N° RG : 17/00223

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-Me Nathalie HOLLIGER,

-l'AARPI NMCG AARPI

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SEPT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS FMAD

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Nathalie HOLLIGER, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : B0311

APPELANTE

****************

SAS SUNSTAR FRANCE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Thomas MELEN substituant Me Laurent COURTECUISSE de l'AARPI NMCG AARPI, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : L0007 - N° du dossier SUNSTAR

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Septembre 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Alain PALAU, Président chargé du rapport et Madame Nathalie LAUER, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, Président,

Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

Vu le jugement en date du 13 décembre 2018 du tribunal de grande instance de Nanterre qui a statué ainsi :

Rejette l'intégralité des demandes de la société FMAD sur le fondement de la contrefaçon, de la concurrence déloyale et du parasitisme ;

Rejette la demande reconventionnelle de la société Sunstar France au titre de la procédure abusive ;

Rejette la demande de la société FMAD au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la société FMAD payer la société Sunstar France la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du de procédure civile

Condamne la société FMAD supporter les entiers dépens de l'instance.

Vu la déclaration d'appel de la SAS FMAD en date du 6 février 2019.

Vu les dernières conclusions en date du 25 février 2020 de la société FMAD qui demande à la cour de :

Réformer le jugement en ces chefs expressément critiqués, à savoir :

'Rejette l'intégralité des demandes de la société FMAD sur le fondement de la contrefaçon, de la concurrence déloyale et du parasitisme ;

Rejette la demande de la société FMAD au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la société FMAD à payer à la société Sunstar France la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société FMAD à supporter les entiers dépens de l'instance.'

Statuant à nouveau :

Juger que Sunstar France a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur ainsi que des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à l'encontre de l'agence FMAD.

Rejeter toutes les demandes, fins et prétentions de la société Sunstar.

Interdire à Sunstar France la poursuite de tels actes illicites, et ce sous une astreinte de 1.000 euros par infraction constatée et de 10.000 euros par jour de retard, lesdites astreintes devant être liquidées par le tribunal de céans.

Condamner la société Sunstar France à lui verser la somme de 42.000 euros correspondant au montant qu'elle aurait dû percevoir pour l'utilisation de sa campagne publicitaire.

Condamner la société Sunstar France à lui verser la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts au titre de la contrefaçon de droits d'auteur.

Condamner la société Sunstar France à lui verser la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts au titre des faits distincts de concurrence déloyale et parasitaire. Ordonner à titre de complément de dommages et intérêts, la publication d'extraits ou du dispositif du jugement à intervenir, aux frais avancés de Sunstar France, dans trois journaux professionnels au choix de l'agence FMAD, et ce dans la limite d'un budget de 5.000 euros HT par publication ;

Condamner Sunstar France à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de remboursement des

peines et soins du procès, en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner la société Sunstar France aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Nathalie Holliger, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions en date du 30 juillet 2019 de la SAS Sunstar France qui demande à la cour de :

Déclarer recevable et bien fondé son appel incident,

Confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'intégralité des demandes de la société FMAD sur le fondement de la contrefaçon, de la concurrence déloyale et du parasitisme,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de la société FMAD au titre des frais de l'article 700 et des frais irrépétibles,

Infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande reconventionnelle au titre de la procédure abusive,

Et, statuant à nouveau :

Condamner la société FMAD à lui payer la somme de 5.000 euros en réparation de la présente procédure abusive ;

En toute hypothèse :

Condamner la société FMAD à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

**************************

FAITS ET PROCÉDURE

La société Sunstar France (ci-après Sunstar), spécialisée dans la distribution et la fabrication de produits d'hygiène bucco-dentaire, a émis en octobre 2014 un appel d'offres auprès de plusieurs agences de communication, dont la société FMAD sous la forme d'un cahier des charges intitulé « brief de campagne 2015 » afin de réaliser une campagne publicitaire sur un bain de bouche anti-septique dénommé Paroex.

Après plusieurs échanges entre la société Sunstar et la société FMAD afin d'affiner ce cahier des charges et la soumission par cette dernière, le 1er décembre 2014, de trois propositions de campagne, la société Sunstar a annoncé avoir pré-sélectionné deux agences la société FMAD ainsi que la société Canal 55.

L'une des propositions formulées par société FMAD, intitulée Jackpot, reprend l'idée d'une bonne combinaison de symboles afin de souligner les avancées du produit tenant au taux de concentration du principe actif et à son absence d'alcool.

Elle se présente ainsi :

Après de nouveaux échanges entre les deux sociétés début décembre 2014, la société Sunstar a indiqué à l'agence, selon un courriel en date du 9 décembre 2014, que cette proposition ne convenait pas à l'image du produit, la notion aléatoire suggérée étant contraire à l'idée que la bonne combinaison Paroex est un choix, bien réfléchi, une combinaison logique.

Le 9 décembre 2014 la société FMAD a adressé un devis à société Sunstar pour un montant de 25.000 euros ht compte tenu d'une remise commerciale de 10.000 euros pour la réalisation de sa campagne.

La société Sunstar n'a pas poursuivi les relations engagées avec la société FMAD.

La société FMAD affirme s'être aperçue en avril 2016 de la diffusion par la société Sunstar d'une campagne publicitaire reprenant, selon elle, les caractéristiques de sa proposition.

Par courrier adressé le 21 juin 2016, elle a mis en demeure la société Sunstar de lui payer une indemnité de 60.000 euros en raison de la reprise et de l'exploitation sans autorisation de son travail de création publicitaire.

Par courrier en réponse du 6 juillet 2016, la société Sunstar a contesté toute activité créatrice dans la campagne de la société FMAD.

Par acte d'huissier du 20 décembre 2016, la société FMAD a fait assigner la société Sunstar France devant le tribunal de grande instance de Nanterre qui a prononcé le jugement dont appel.

Aux termes de ses écritures précitées, la société FMAD expose qu'elle est une agence de conseil en communication fondée en 2012 qui s'est spécialisée majoritairement dans les compagnes publicitaires «online et offline» des professionnels de la santé avec une communication décalée pour interpeller et qu'elle est devenue très rapidement une agence de référence sur le marché de la communication santé, étant l'une des agences les plus primées en France par la profession.

Elle indique que la campagne du produit Paroex était en place depuis septembre 2012 et que la société Sunstar France a souhaité renouveler la communication de son bain de bouche, lançant en novembre 2014 un appel d'offres auprès de plusieurs agences, dont elle-même, pour sa campagne publicitaire pour les bains de bouche Paroex, sur la base d'un document intitulé «brief de campagne 2015».

Elle précise que ce document rédigé par l'annonceur est la première pierre sur laquelle se construit une campagne de communication et a pour but de définir le cadre de l'intervention de l'agence de communication, les informations nécessaires à la conception et à la réalisation de la campagne publicitaire étant ainsi transmises aux agences en lice.

Elle décrit ce brief qui met l'accent sur la défense de la « juste concentration » du produit.

Elle déclare que les éléments à inclure dans la campagne à la demande de Sunstar France étaient le logo, le flacon Paroex, l'évocation du patient (confort d'utilisation, simplicité, satisfaction) et le logo « remboursé à 15% ».

Elle ajoute que le brief indique les attentes de la société Sunstar France, les propositions devant être remises au plus tard durant la semaine du 17 novembre.

Elle souligne qu'elle ne revendique ni le code couleur rose et vert ni la concentration du bain de bouche, imposés par l'annonceur.

Elle rappelle que sa campagne du jackpot avec le slogan « combinaison gagnante » adressée fin novembre 2014 a été rapidement refusée par la société Sunstar France.

Elle déclare que la notion d'aléatoire ne convenait alors pas à la société Sunstar France, ainsi qu'il résulte de son courriel.

Elle indique qu'elle a toutefois fait partie des deux agences présélectionnées en décembre 2014 et qu'à la demande de la société, elle a travaillé sur d'autres propositions afin de montrer à l'annonceur une combinaison logique et non aléatoire. Elle affirme qu'elle n'a plus eu de nouvelles de la société Sunstar France et qu'elle a découvert plus tard dans le « Quotidien du Médecin », que la société avait en réalité repris à titre de campagne publicitaire pour sa nouvelle campagne, une représentation pour le bain de bouche Paroex le symbole phare de son 'uvre publicitaire, à savoir la combinaison de l'image d'une machine à sous avec le même code couleur et le slogan « 0,12% CHX + SANS ALCOOL La Combinaison Gagnante ».

Elle fait état de la diffusion de la campagne d'avril 2016 à, au moins, 2017.

Elle relate les courriers échangés.

Elle invoque la contrefaçon de la campagne publicitaire imaginée par elle.

Elle considère qu'en reprenant pour son compte sa création publicitaire, la société Sunstar France a commis des actes de contrefaçon de droit d'auteur.

Elle rappelle que les 'uvres publicitaires, comme toutes les 'uvres de l'esprit, peuvent accéder à la protection du droit d'auteur avant même d'être achevées, toutes propositions d''uvres publicitaires pouvant être investies du droit d'auteur.

Elle reproche au tribunal d'avoir méconnu le caractère original de la campagne publicitaire « Jackpot » pour le bain de bouche Paroex imaginée par elle et son travail créatif.

Elle soutient que la création publicitaire « Jackpot » bénéficie de la protection par le droit d'auteur.

Elle fait grief au jugement d'avoir retenu qu'il n'y avait aucun processus créatif particulièrement construit et issu de choix personnels mais une simple idée pertinente, et dès lors non appropriable.

Elle excipe de l'empreinte de sa personnalité.

Elle soutient qu'elle a créé une 'uvre publicitaire originale, qui par le choix qu'elle traduit du visuel décalé et du message afin de mettre en avant le produit à promouvoir, témoigne d'un réel travail intellectuel et présente une valeur économique indéniable. Elle rappelle, se prévalant d'un arrêt de cour d'appel, qu'en matière publicitaire, le critère de l'originalité ne peut s'apprécier qu'au regard de la combinaison de plusieurs éléments qui, pris isolément, ne présentent pas en eux-mêmes un caractère intrinsèque d'originalité mais qui, par la combinaison de choix esthétiques assurant l'efficacité publicitaire, constituent une création originale.

Elle ajoute que le brief d'un annonceur et les consignes données à une agence ne peuvent pas priver l'auteur de la campagne publicitaire, qui les respecte, de toute protection au titre du droit d'auteur.

Elle considère que c'est à l'agence de traduire les souhaits de l'annonceur et affirme qu'à suivre le raisonnement de l'intimée, l'annonceur n'aurait aucun intérêt à faire appel à une agence et que la présentation d'un brief et les échanges postérieurs sur des pistes données priveraient une campagne publicitaire de protection au titre du droit d'auteur.

Elle souligne que la « simple piste » de la notion de « bonne combinaison » donnée par l'annonceur a généré la présentation de plusieurs campagnes, respectant les consignes imposées, différentes, s'agissant d'une bouche stylisée, d'un gâteau de mariage ou encore de la machine à sous.

Elle fait valoir que le choix d'associer arbitrairement dans une 'uvre publicitaire une machine à sous et un slogan novateur « la combinaison gagnante » pour un bain de bouche, en respectant les codes couleur rose et vert du logo et la composition du produit imposés par l'annonceur, permet de surprendre le consommateur par une association inédite «(notion de gain/machine à sous/bain de bouche) ».

Elle déclare que cette campagne fait prendre conscience au consommateur, grâce à une disposition spécifique du slogan « Combinaison gagnante » placé au côté de la machine à sous, que tenter sa chance en achetant le bain de bouche Paroex entraîne à coup sûr un gain, bénéfique pour sa santé buccale.

Elle affirme que cette association, fruit d'un réel travail intellectuel, reflète la personnalité de

l'agence.

Elle soutient que le visuel ainsi créé par elle, en tenant compte des contraintes imposées par l'annonceur (la composition et le code couleur) incite à prêter une attention toute particulière au résultat positif de la machine à sous qui est détournée de son contexte naturel des jeux de hasard.

Elle indique que le « jackpot », « la combinaison gagnante », est celle composant le bain de bouche Paroex, et donc l'utilisation du produit.

Elle rappelle, citant des auteurs, que les travaux préparatoires (ébauches, esquisses, brouillons) sont susceptibles d'être protégés dès lors qu'ils parviennent à une précision suffisante.

Elle fait valoir, en tout état de cause, qu'en l'espèce, il ne s'agissait pas de simples croquis élémentaires présentés par elle mais bien d'une présentation de campagne publicitaire aboutie.

Elle affirme que la campagne imaginée par elle n'a rien de banal ni de purement descriptif pour respecter l'objectif de l'annonceur- défendre la « juste concentration», la « bonne combinaison» de Paroex- et qu'elle a fait montre d'imagination quant au message à transmettre pour le produit et à la façon de le transmettre.

Elle en infère que la mise en scène d'une machine à sous, avec la combinaison gagnante (faisant référence à la formule du produit) pour un bain de bouche est originale.

Elle soutient que l'impact du message original élaboré par elle pour cette campagne publicitaire du bain de bouche Paroex, à contre-courant des messages des concurrents pour ce type de produit, est indéniable.

Elle conclut que sa création publicitaire, décalée, porte l'empreinte de sa personnalité. Elle excipe de son activité créative

Elle considère que l'association du slogan, de la machine à sous et du code couleur révèle d'un réel effort créateur.

Critiquant le jugement, elle affirme que les choix d'association au sein de cette 'uvre publicitaire n'avaient rien de nécessaire ni de purement descriptif.

Elle fait valoir qu'il n'y a rien de commun à utiliser un tel slogan et une machine à sous pour commercialiser des bains de bouche.

Elle souligne que les machines à sous ont trait à la notion de casino, de luxe et de festivité alors

que les bains de bouche sont souvent perçus comme des produits austères.

Elle observe que l'intimée communique des images de machines à sous qui ne sont jamais associées à un produit d'hygiène buccodentaire.

Elle fait valoir qu'en innovant et en se mettant en opposition avec les campagnes publicitaires déjà existantes portant sur des bains de bouche, elle a créé une 'uvre publicitaire originale fruit d'un réel travail intellectuel.

Elle affirme que cette approche innovante avait d'ailleurs déstabilisé dans un premier temps la société Sunstar France qui avait rejeté cette campagne, craignant que l'association imaginée infuse un message lié à l'idée d'aléatoire, contraire à un choix logique.

Elle conclut que cette réaction démontre que le slogan « combinaison gagnante » n'est pas le slogan « bonne combinaison » et que l'association du slogan avec une machine à sous pour promouvoir un bain de bouche est bien originale.

Elle se prévaut donc de la surprise qu'il a provoqué chez l'annonceur et du refus de la société Sunstar France.

Elle reproche au tribunal d'avoir considéré que la notion de « bonne combinaison » a été suggérée par la société Sunstar France aux différentes agences, le tribunal méconnaissant le processus de création publicitaire qui commence toujours par un brief et des orientations claires de l'annonceur et la stratégie de création publicitaire présentant la particularité d'être le fruit d'une étroite collaboration entre l'agence et l'annonceur.

Elle soutient que le brief, qui a pour rôle d'orienter les agences, mettait uniquement en avant l'objectif de défendre « une juste concentration », un « juste dosage ».

Elle soutient également que l'intimée a donné des impressions et des indications après la présentation du brief initial aux agences en lice ce qui explique que les visuels proposés par elle étaient en rapport avec les indications de Sunstar France dès fin novembre 2014.

Elle conteste que la société Sunstar France lui ait transmis les instructions pour le slogan «combinaison gagnante», laissant entendre que l'association avec une machine à sous en découlait.

Elle affirme qu'elle ne lui jamais donné d'instruction concernant l'accroche «combinaison gagnante» et qu'il ne s'agissait donc pas d'un texte imposé.

Elle souligne que l'accroche «combinaison gagnante» n'est pas «juste combinaison » ni «bonne combinaison».

Elle se prévaut des propositions de campagnes publicitaires très différentes proposées par elle.

Elle fait valoir qu'il est «plus que troublant» d'apprendre que la société Sunstar France a échangé avec l'autre agence en lice, Canal 55, sur l'axe «combinaison idéale/gagnante » après avoir réceptionné la campagne du jackpot proposée par elle et l'avoir refusée sans ambiguïté car la notion d'aléatoire était antinomique avec « un choix bien réfléchi, une combinaison logique ».

Elle relève que l'échange communiqué avec Canal 55 est postérieur à l'envoi de la campagne « jackpot » adressée par l'agence FMAD et qu'aucune publicité de l'agence Canal 55 prouvant son travail créatif n'est transmise avec ce courriel du 10 décembre 2014.

Elle en infère que cette pièce est inopérante et que la société ne démontre pas, ainsi, que l'autre agence aurait imaginé de façon fortuite une campagne similaire à celle imaginée par FMAD.

Elle s'étonne que l'intimée ait rejeté sa proposition de campagne « jackpot », la trouvant totalement inadéquate pour promouvoir son produit fin 2014 alors qu'elle a, début 2015, retenu une campagne similaire.

Elle s'étonne également que la chef de produit ne l'ait pas informée qu'une création analogue ait été trouvée.

Elle indique enfin qu'elle a dû relancer la société de nombreuses fois début 2015 pour avoir une réponse, alors qu'elle était jusque-là très « réactive » et l'a fait travailler de nombreuses fois pendant la compétition.

Elle estime que ce comportement témoigne d'une certaine gêne.

Elle affirme, par ailleurs, que la capture d'écran communiquée par la société Sunstar ne correspond pas à une simple recherche mais s'apparente en réalité à un tri très sélectif d'images.

Elle déclare qu'en tapant les mots « Combinaison gagnante » sur le moteur de recherche Google, les images de machines à sous n'apparaissent pas instantanément mais après plusieurs pages de recherches ce qui démontre que de telles images de machines à sous n'apparaîtraient pas avec la formule indiquée par Sunstar soit « bonne combinaison ».

Elle soutient donc que la campagne publicitaire proposée par elle n'était pas un simple croquis mais bien l'assemblage original d'une accroche trouvée par elle et d'un jackpot, qui ne s'imposait pas.

Elle conclut que sa création publicitaire est protégeable.

La société invoque des actes de contrefaçon.

Elle soutient que conformément notamment aux articles L.111-1 , L 111-2, L 122.4 et s., L 335.2 et suivants du code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle de cette 'uvre, faite sans le consentement préalable de l'agence FMAD, est illicite.

Elle rappelle que l'auteur dispose sur son 'uvre de droits patrimoniaux qui lui permettent de s'opposer à toute reproduction et toute représentation de cette 'uvre faite sans son autorisation et, citant des arrêts, que les quelques différences que peut proposer le contrefacteur ne suffisent pas à le faire échapper au grief de contrefaçon. Elle ajoute que la bonne ou mauvaise foi du contrefacteur est inopérante mais estime que « la toute particulière mauvaise foi et l'attitude parasitaire de la société Sunstar France » doivent par ailleurs être sanctionnées.

Elle conclut qu'elle jouit sur son 'uvre publicitaire, la « campagne Jackpot » du bain de bouche Paroex, notamment d'un droit de propriété incorporel exclusif, opposable à tous, lui conférant un droit exclusif d'exploitation sur cette 'uvre sous quelque forme et à quelque titre que ce soit.

Elle fait grief à la société d'avoir reproduit pour son propre compte tous les éléments

caractéristiques et protégeables de son 'uvre publicitaire soit la machine à sous et le slogan « la combinaison gagnante ».

Elle réitère que cette mise en scène pour un bain de bouche est originale.

Elle compare la campagne proposée par elle et celle retenue.

Elle réitère, citant un arrêt de la cour d'appel de Paris du 21 septembre 2007, que la contrefaçon s'apprécie par les ressemblances et non les différences et que la société Sunstar France a décliné le concept original imaginé par elle pour sa campagne du bain de bouche Paroex.

Elle fait valoir qu'il ressort de l'impression d'ensemble qui se dégage des deux visuels publicitaires une reprise des léments essentiels combinés dans la première campagne

publicitaire imaginée par elle qui en font l'originalité dans la deuxième campagne sélectionnée par l'intimée.

Elle cite, outre les codes couleur, la machine à sous, à laquelle est associée la formule de la composition du bain de bouche Paroex représentant la combinaison gagnante et le slogan «combinaison gagnante », ce qui donne une impression extrêmement positive au lecteur de l'affiche.

Elle qualifie ces ressemblances d'indiscutables et estime qu'il ne peut s'agir d'une reprise fortuite, la société Sunstar France ayant eu connaissance de son 'uvre publicitaire.

Elle observe qu'elle a déposé la nouvelle campagne Paroex à l'agence du médicament dès janvier 2015 soit seulement un mois après la présentation faite par FMAD.

Elle conclut que c'est en pleine connaissance de cause et avec une particulière mauvaise foi que la société a utilisé son 'uvre publicitaire.

Elle déclare qu'aucune idée de campagne publicitaire associant le jackpot avec le bain de bouche et sa mise en forme, antérieure à la sienne, n'est démontrée.

Elle réitère que l'intimée n'a pas justifié que la société Canal 55 a réellement créé la campagne publicitaire litigieuse, l'annexe de sa pièce n°5 n'ayant pas été communiquée.

L'appelante invoque également une concurrence déloyale et un parasitisme.

Elle affirme que la société, outre la contrefaçon, a purement et simplement parasité la campagne proposée par elle en négociant à la baisse « selon toute vraisemblance » avec une autre agence.

Elle rappelle que la Cour de cassation, dans un arrêt du 26 janvier 1999 a défini le parasitisme économique comme : « l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin d'en tirer profit sans rien dépenser de ses efforts et de son savoir-faire ».

Elle souligne que la société « détenait » sa campagne « jackpot ».

Elle soutient que le fait pour elle d'utiliser à son profit une de ses propositions de campagnes publicitaires -qui n'a été communiquée qu'en perspective de relations contractuelles- constitue un fait distinct des actes de contrefaçon qui justifie son action en concurrence déloyale.

Elle fait valoir que la contrefaçon existe du seul fait de l'atteinte au droit privatif, la création, indépendamment de toute faute ou préjudice mais que sa seconde demande repose sur le comportement particulièrement déloyal de la société envers elle soit sur un fondement différent et qui peut se cumuler.

Elle soutient que l'intimée qui était en relation d'affaires avec elle, par des échanges de courriels et des réunions, a détourné à son profit une 'uvre publicitaire qui lui a été communiquée à l'occasion de cette relation.

Elle affirme qu'après avoir refusé la campagne publicitaire proposée par elle dans le cadre de leur relation d'affaires, la société a décidé, en toute déloyauté et mauvaise foi, de reprendre pour son compte cette 'uvre publicitaire, sans la rémunérer.

Elle estime que ces actes de parasitisme ont entrainé une réduction notable des investissements matériels et intellectuels de l'intimée, un gain de temps et une prise de risque limitée, la société ayant manifestement profité des investissements conséquents engagés par elle pour négocier une campagne similaire.

Elle réitère que la société Sunstar France ne produit aucune preuve de la concomitance des travaux des deux agences alors qu'elle démontre, par le courriel du 9 décembre 2014, l'antériorité de la campagne « jackpot » proposée par elle et refusée par l'intimée. Elle reproche à celle-ci d'avoir continué à faire travailler ses équipes en pure perte sans la tenir spontanément au courant de l'issue de l'appel d'offre.

Elle considère que l'intimée reste particulièrement silencieuse sur sa volte-face, en quelques jours, concernant la notion d'aléatoire soit la référence au jackpot.

Elle conclut qu'elle démontre la déloyauté de l'intimée qui s'est appropriée sa campagne publicitaire.

Elle fait état d'une faute constituée par un agissement contraire à la morale des affaires et excipe d'un arrêt d la Cour de cassation.

Elle ajoute que la précédente campagne du produit Paroex (représentée par un nageur avec le slogan « plongez dans un bain d'efficacité ») était en place depuis septembre 2012 et en infère que la nouvelle campagne va durer plusieurs années.

Elle souligne que le brief indique que le devis comprend une cession des droits sur 3 ans, durée de vie probable de la campagne publicitaire utilisée.

L'appelante réclame la réparation de ses préjudices.

Elle expose qu'elle est une société innovante dans un secteur de plus en plus concurrentiel et qu'elle a donc encore besoin de faire ses preuves sur ce marché même si elle a déjà une importante clientèle auprès d'enseignes prestigieuse dans le domaine de la santé.

Elle affirme qu'elle met en 'uvre des moyens considérables en développement afin d'être à la pointe de l'innovation, qu'elle embauche un personnel hautement qualifié et qu'elle doit également assumer de lourds frais de fonctionnement.

Elle sollicite le paiement de la somme qu'elle aurait dû percevoir pour cette campagne.

Elle rappelle qu'elle a adressé un devis de 35.000 euros ht couvrant le travail effectivement accompli par elle soit la recherche de plusieurs concepts, la rédaction des messages, la proposition de plusieurs pistes créatives, les allers retour pour validation et estime que les « offres commerciales » de l'époque -une remise de 10.000 euros-ne peuvent plus être prises en compte.

Elle fait valoir que la somme de 25.000 euros ne correspondait pas à la valeur marchande réelle de ces prestations.

Elle ajoute que ce devis comprenait une cession des droits sur 3 ans et que la campagne a été diffusée depuis janvier 2015 et l'était encore en janvier 2017.

Elle réclame donc le paiement d'une somme de 42.000 euros ttc.

Elle sollicite l'indemnisation des actes de contrefaçon de droit d'auteur.

Elle réclame le paiement d'une somme forfaitaire de 10.000 euros notamment pour les actes de contrefaçon, l'avilissement de la campagne de publicité et l'exploitation sans autorisation.

Elle sollicite, enfin, le paiement d'une somme de 10.000 euros au titre des actes de concurrence déloyale et de parasitisme en réparation de la captation de ses efforts et de son travail et du préjudice moral causé de ce fait par l'atteinte à sa réputation et à son image auprès de la profession et de sa clientèle.

Elle réclame enfin la publication de la décision afin que ses clients puissent avoir connaissance de sa paternité sur cette campagne publicitaire innovante et que ses efforts créatifs soient reconnus par ses pairs et ses clients.

Elle conteste, se prévalant du jugement, toute procédure abusive.

Aux termes de ses conclusions précitées, la société Sunstar France expose que, spécialisée dans la distribution et la fabrication de produits destinés à l'hygiène bucco-dentaire, et avec un grand nombre de références à son catalogue, elle est coutumière des campagnes publicitaires et des pratiques publicitaires, traitant avec de nombreuses agences commerciales et recourant à des appels d'offres à chaque lancement de nouveau produit.

Elle déclare que la société FMAD connait parfaitement les attentes des professionnels de santé ou des laboratoires pharmaceutiques et est habituée à régler le sort de ses droits de propriété intellectuelle avant tout travail.

Elle expose que, dans le cadre du lancement d'une nouvelle campagne publicitaire pour un de ses produits phares, le Paroex, elle a, début octobre 2014, lancé un appel d'offres auprès de plusieurs agences de communication dont FMAD, toutes les agences approchées se voyant remettre un brief, cahier des charges initial présentant les pistes envisagées, des pistes de réflexion ayant été évoquées avec les différentes agences dont la société Canal 55 et une multitude d'échanges ayant eu lieu.

Elle indique que le brief insiste notamment sur la notion de juste concentration du produit, avec un CHX à 0,12% l'absence d'alcool et les codes couleurs de la marque Paroex (rose, rouge et vert).

Elle précise que, dans la dynamique des échanges avec la société FMAD, elle a affiné son « brief » initial pour l'aiguiller sur une piste qui n'avait pas encore été explorée, Mme [Z]- de la société FMAD- accusant réception le 20 novembre 2014 de nouvelles instructions de Mme [V] -de la société Sunstar France- relatives à l'utilisation d'un slogan.

Elle souligne que, dans ce courriel, la société FMAD a indiqué être en train de travailler sur l'idée de Mme [V] de « bonne combinaison ».

Elle conclut que le slogan relatif à la combinaison émane d'instructions non équivoques de sa part et reproche à l'appelante de tenter de s'arroger un droit sur ce slogan.

Elle ajoute que les mêmes instructions ont été transmises à l'agence Canal 55, ce que n'ignore pas l'appelante, informée de l'appel d'offres.

Elle indique que, suivant ses différentes instructions, la société FMAD lui a transmis plusieurs propositions de publicité dont celles basées sur l'idée de « combinaison gagnante » début décembre 2014.

Elle indique également qu'en parallèle, la société Canal 55 lui a adressé diverses propositions en décembre 2014 portant sur l'idée de combinaison idéale/gagnante.

L'intimée ajoute qu'aucun contrat ne prévoit la rémunération des parties, le devis évoqué- non signé par elle- lui ayant été adressé le 11 décembre 2014 et la société sachant qu'elle ne serait pas rémunérée en cas de non-validation de son projet.

Elle rappelle les échanges entre les parties postérieurement à la mise en demeure du 21 juin 2016 et la procédure.

Elle invoque l'absence d'originalité de la proposition de la société FMAD.

Elle conteste que le brief se soit contenté d'indiquer comme piste « une juste concentration » et un « juste dosage » et rappelle les termes de celui-ci.

Elle soutient que la protection demandée par la société FMAD sur le slogan : « 0,12% CHX + Sans Alcool La Combinaison gagnante » Alcool La Combinaison gagnante et sur le visuel ne peut être accueillie sous couvert d'originalité.

S'agissant des termes 0,12 %+ Sans alcool, elle indique qu'il a été demandé aux agences, dans le brief, d'intégrer ces notions et fait état d'un usage dans toutes les campagnes publicitaires de ce genre de produits.

Elle conclut à l'absence de droit « créatif » sur l'adjonction d'un signe « + », utilisé par ailleurs dans la campagne publicitaire d'un concurrent transmis à la société FMAD dans le brief ou sur l'utilisation de lettres capitales également présentes dans une campagne concurrente, également transmise dans les instructions initiales.

Elle excipe d'un arrêt de la Cour de cassation jugeant que la séparation de deux termes par un signe mathématique ne manifeste nullement un apport personnel.

Elle ajoute que ces termes étaient déjà repris dans ses anciennes publicités.

Elle rappelle, citant des auteurs, que la protection du droit d'auteur est accordée en considération de la seule existence des choix personnels exercés par l'auteur au cours de l'élaboration de son 'uvre.

Elle soutient que la société FMAD, n'ayant fait que reprendre les éléments présents dans le brief, n'a en réalité fait aucun choix personnel dans l'élaboration de sa campagne publicitaire, et plus précisément dans l'utilisation des termes « 0,12% + Sans alcool », puisqu'elle s'est bornée à suivre les éléments donnés par elle.

Elle ajoute que le « + » n'apparait pas sur la campagne publicitaire proposée par la société Canal 55.

S'agissant de la notion de « Combinaison gagnante », elle fait valoir que la jurisprudence et la doctrine considèrent que le critère d'originalité doit être apprécié avec une extrême exigence et qu'il existe un seuil d'activité créative en deçà duquel l''uvre ne peut donner prise au droit d'auteur.

Elle rappelle que la seule idée n'est pas protégeable et ajoute que celle-ci n'est pas originale, la notion de « bonne combinaison » ayant été avancée par elle ce que reconnait l'appelante dont elle cite les deux courriels du 20 novembre 2014, le dernier faisant état de propositions de visuels pour « traduire la bonne combinaison » de Paroex. »

Elle souligne l'importance du mot « traduire », les nouvelles propositions annoncées étant donc l'expression de la « bonne combinaison », idée de la société Sunstar.

Elle ajoute que l'appelante n'avait pas, alors, cherché à s'approprier le slogan la « bonne combinaison » puisque dans un courriel du 26 novembre 2014, elle indiquait qu'il s'agissait bien d'une piste et non d'une proposition créative de sa part.

Elle estime que le terme « piste » doit être utilisé dans son sens primaire, d'indications, d'indices, de présomptions qui orientent les recherches de quelqu'un lancé à la poursuite de quelque chose.

Elle considère donc que la société FMAD a orienté ses travaux par rapport aux indications de la société Sunstar qui lui a livré « la piste de la bonne combinaison ». Elle conclut que le caractère original ne peut être reconnu à une idée qui en tout état de cause est la sienne.

Elle fait en outre valoir que le slogan de « combinaison gagnante » à partir de la notion de « bonne combinaison » est dépourvu d'originalité et excipe des termes du jugement.

Elle ajoute qu'une recherche sur internet de « Combinaison gagnante » amène un grand nombre de résultats.

Elle invoque donc l'absence d'originalité et de nouveauté.

Elle estime non transposable l'arrêt du 21 septembre 2007 et réitère que la société FMAD n'a fait que reprendre des instructions claires, sans équivoque et sur la base d'éléments simples habituellement utilisés.

S'agissant des couleurs, elle fait valoir, citant un arrêt de cour d'appel, qu'en l'absence de choix de couleurs, l'originalité des couleurs retenues ne peut être démontrée.

Elle souligne que les couleurs utilisées sont exactement celles du brief, puisqu'elles représentent l'identité de Paroex ainsi qu'il résulte de précédentes publicités.

S'agissant du choix de la machine à sous, elle soutient, citant des auteurs et arrêts, qu'un dessin élémentaire proposé par une agence publicitaire sans recherches approfondies s'appelle un « roughs », dont la protection n'est pas admise par la doctrine.

Elle affirme que, les instructions ayant été données par elle, il ne s'agissait plus pour la société FMAD que de trouver une illustration à insérer entre les textes imposés.

Elle conteste que l'utilisation d'une machine à sous permette de qualifier l''uvre publicitaire, celle-ci ne reflétant pas la personnalité de l'agence FMAD.

Elle cite des visuels de machines à sous affichés après une simple recherche, sur Google, « Combinaison gagnante ».

En réponse à l'appelante, elle relève que celle-ci ne conteste pas que ces images apparaissent et relève qu'il suffit de descendre la page.

Elle ajoute que c'est en procédant à la même recherche que la société Canal 55 lui a également proposé un visuel de machine à sous, la notion de combinaison faisant forcément référence au jeu, à la victoire.

Elle se prévaut des termes du jugement et conclut à l'absence de choix personnels faits par la

société FMAD dans l'élaboration de sa proposition de campagne publicitaire.

Elle soutient que celle-ci ne peut donc prétendre à aucune protection au regard de l'utilisation d'une machine à sous dans la publicité, le caractère « inédit » invoqué à titre principal ne fondant pas l'originalité.

Elle ajoute qu'elle avait déjà utilisé le thème de la victoire- et donc du jeu- dans une campagne précédente, présentant un nageur professionnel en compétition.

Elle fait donc valoir qu'aucune violation de droit d'auteur n'est caractérisée, à défaut d'élément protégeable et à défaut d''uvre originale.

Elle conteste toute concurrence déloyale et tout parasitisme.

Elle rappelle que le fondement de ces actions, l'article 1240 du code civil, suppose l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux, que le demandeur doit établir.

Elle invoque la concomitance des travaux des deux agences qui ont été sollicitées en même temps et qui ont reçu toutes deux le même degré d'information.

Elle réfute donc avoir repris le travail de FMAD.

Elle soutient que l'appelante ne caractérise pas la faute.

Elle expose que le visuel de la société Canal 55 lui convenait mieux, retraçant plus ses attentes et notamment la présence de flacon de bain de bouche en milieu de visuel, ainsi que la visibilité du 0.12 % de CHX et du Sans alcool.

Elle affirme que la société FMAD qui n'a pas demandé de dédit- et ainsi admis que sa prestation soit gratuite-ne peut lui faire supporter son erreur.

Elle rappelle que les deux projets ont été rendus au mois de décembre 2014 et fait valoir qu'elle ne peut être condamnée pour une idée que deux agences publicitaires ont eue.

Elle affirme, avec le tribunal, que les similitudes entre les deux publicités des agences FMAD et Canal 55 prouvent seulement que les deux sociétés ont travaillé à partir des mêmes éléments donnés par elle et ne caractérisent aucunement un quelconque acte de contrefaçon.

Elle soutient que l'appelante ne peut se retrancher derrière le parasitisme, aucune qualité originale n'existant et permettant de démontrer une reprise parasitaire.

Elle ajoute, citant un arrêt de la Cour de cassation, qu'il ne peut y avoir de parasitisme sans effort et investissement.

Elle affirme que le prétendu effort créatif de l'appelante est banal et n'est donc pas susceptible de protection ou de valorisation.

Elle souligne que la société FMAD ne fait pas état d'investissements particuliers engagés pour parvenir à la publicité proposée.

Elle l'explique par le fait que les termes de « combinaison gagnante » sont fréquemment utilisés et associés à un visuel de machine à sous, comme le démontrent notamment les recherches sur Internet.

Elle s'étonne, par ailleurs, d'avoir été assignée en justice pour une publicité qu'elle n'a pas réalisée mais qu'elle a achetée à la société Canal 55.

Elle fait valoir qu'il ne peut lui être reproché d'avoir profité du travail de l'appelante sans bourse délier dès lors qu'elle a payé à la société Canal 55 le prix correspondant à sa publicité et que la société FMAD n'a en tout état de cause pas dépensé pour réfléchir au projet.

Elle conteste s'être enrichie du travail de la société FMAD, celle-ci n'ayant tout simplement pas été retenue et n'ayant sollicité aucune rémunération et aucun dédit lorsqu'elle a été écartée du marché. Elle réitère qu'elle a régulièrement payé la société Canal 55.

Elle conclut que les actes de parasitisme ne pourraient être imputés qu'à leur auteur qui serait la société Canal 55.

Elle rappelle, en tout état de cause, sans qu'il en soit ainsi en l'espèce, que la déloyauté ne se présume pas du seul fait qu'un projet publicitaire aurait été transmis par un client à une autre agence publicitaire.

L'intimée conteste les préjudices invoqués.

Elle rappelle qu'elle n'a pas signé le devis invoqué et que celui-ci se monte à 25.000 euros ht et non à 35.000 euros.

Elle affirme qu'il est d'usage d'évoquer pour attirer le client un montant qui aurait normalement dû être plus élevé pour faire croire à un geste commercial.

Elle ajoute que la somme de 10.000 euros n'est justifiée par aucun travail supplémentaire de la part de l'appelante.

Elle affirme, par ailleurs, que la cession des droits pendant trois ans n'apparaît ni dans le devis ni dans les échanges de courriels et estime cet argument non pertinent, la campagne diffusée ayant été celle de la société Canal 55.

Elle soutient également qu'aucun préjudice ne peut exister en l'absence d'originalité de l'affiche transmise.

Elle dément tout préjudice relatif à sa réputation, nullement justifié.

Elle affirme que le préjudice au titre du parasitisme n'est pas démontré, la société ne produisant notamment aucun état financier d'une campagne similaire, basé sur un même budget et démontrant la marge brute rapportée par un tel contrat.

L'intimée invoque le caractère abusif de la procédure.

Elle fait état de la nécessité pour elle de s'attacher à ce litige plutôt qu'à la vie de ses affaires et du risque pour sa réputation.

Elle réitère que la société appelante aurait dû assigner la société Canal 55 puisqu'elle considère finalement que c'est cette dernière qui a repris son « travail ».

Elle en infère à sa mauvaise foi et à son intention de nuire à l'intimée, l'appelante ayant préféré l'assigner plutôt que la concurrente qui a selon elle repris son travail.

Elle ajoute que ses demandes sont excessives et non étayées.

************************

Sur les actes de contrefaçon

Considérant qu'en application de l'article L 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une 'uvre de l'esprit jouit sur cette 'uvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial ;

Considérant qu'en application de l'article L 112-1 du même code, ce droit appartient à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination ;

Considérant que celui qui revendique le bénéfice de la protection du droit d'auteur doit rapporter la preuve de l'existence d'un apport original, le droit d'auteur protégeant les oeuvres qui portent la trace d'un effort personnel, de création et de recherche esthétique dans la combinaison de leurs éléments caractéristiques ;

Considérant que, comme l'a rappelé le tribunal, la protection d'une 'uvre de l'esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable ou la seule exécution d'instructions ;

Considérant qu'il incombe à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue ;

Considérant que la société FMAD doit ainsi démontrer qu'elle a créé une 'uvre publicitaire originale qui porte l'empreinte de sa personnalité compte tenu de choix opérés par elle ;

Considérant que cette originalité doit être appréciée au regard de la combinaison de plusieurs éléments même si ceux-ci, pris isolément, ne présentent pas par eux-mêmes un tel caractère ;

Considérant que la société FMAD souligne qu'elle ne revendique ni le code couleur ni la concentration du bain de bouche ;

Considérant qu'elle invoque « le choix d'associer arbitrairement' une machine à sous et un slogan novateur 'la combinaison gagnante'' pour un bain de bouche » dans le respect du code couleur et de l'indication de la composition du produit, imposés par l'annonceur « afin de surprendre le consommateur par » l'association inédite de « gain/machine à sous/bain de bouche » ;

Considérant que la création invoquée se présente comme une machine à sous de couleur rouge, rose et vert vif sur fond vert pâle dont le bras est surmonté d'une bouche et affichant comme résultat la formule « 0.12% CHX + SANS ALCOOL », l'ensemble étant assorti du slogan suivant « 0, 12 % CHX +sans alcool, la combinaison gagnante pour une bouche saine », le produit et la marque étant reproduits en bas du visuel ;

Considérant que l'emploi des termes « 0,12% de CHX et sans alcool » était requis par le brief ; que l'adjonction du signe + ne manifeste pas un apport personnel et figurait dans des publicités transmises dans le brief ; qu'il en est de même de l'utilisation de lettres capitales ;

Considérant que la notion de « bonne combinaison » a été proposée par la société Sunstar elle-même ainsi que l'indique la société FMAD dans un premier courriel du 20 novembre 2014 ;

Considérant, d'une part, que la société FMAD a indiqué, dans un second courriel du 20 novembre 2014, qu'elle adressait des propositions de visuels « pour traduire » 'la bonne combinaison'' ; que l'emploi par elle de ce terme démontre que sa proposition ne constitue qu'une traduction de l'idée de la société Sunstar ;

Considérant, également, que dans un courriel du 26 novembre, la société FMAD a déclaré que « pour les 2 autres pistes créatives (l'annonce typo' et la piste combinaison), ses équipes travaillaient ; que l'emploi du mot « pistes » témoigne qu'elle travaillait au regard des indications de la société Sunstar ;

Considérant que la société FMAD a donc travaillé à partir d'une idée- non protégée en tant que telle- qui était celle de la société Sunstar ;

Considérant, d'autre part, que le rapprochement des termes « combinaison » et « gagnante » est fréquent et ne peut à lui seul caractériser une originalité soit l'existence d'un choix exprimant une personnalité ;

Considérant que le slogan « combinaison gagnante » ne peut, en conséquence et au regard de la proposition de « bonne combinaison » émanant de l'annonceur, permettre une protection par le droit d'auteur ;

Considérant, enfin, que l'association des termes « combinaison gagnante » à une machine à sous est banale ; qu'une simple recherche à partir des termes précités sur un moteur de recherches fait apparaître une machine à sous ;

Considérant que si cette image n'apparaît pas instantanément en premier résultat, elle apparaît rapidement sur la page ;

Considérant que cette utilisation d'une machine à sous ne revêt donc pas un caractère original justifiant sa protection par le droit d'auteur ;

Considérant que cette association ne révèle pas, ainsi, comme l'a retenu le tribunal, d'un processus créatif issu de choix personnels ;

Considérant, par conséquent, que la substitution du terme « gagnant » au terme « bonne » et l'association de ces termes à une machine à sous ne caractérisent pas l'existence d'une 'uvre originale même au regard du produit concerné ;

Considérant que, pris isolément ou dans leur combinaison, les éléments invoqués par la société FMAD, même concernant une publicité pour un bain de bouche, ne portent donc pas l'empreinte de sa personnalité justifiant la protection par le droit d'auteur ;

Considérant que le courriel de la société Canal 55 du 22 décembre 2014 ne peut, au regard de ces développements et de son contenu, établir l'existence d'une 'uvre originale de la part de la société FMAD ;

Considérant que, n'étant pas fondée à se prévaloir de la protection au titre du droit d'auteur, la société FMAD ne peut exciper d'actes de contrefaçon ;

Considérant que ses demandes formées à ce titre seront rejetées ;

Sur les actes de concurrence déloyale et de parasitisme

Considérant que la société FMAD doit, conformément à l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable, rapporter la preuve d'une faute commise par la société Sunstar, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre cette faute et ce préjudice ;

Considérant que les similitudes entre les projets des deux sociétés ne peuvent démontrer à elles seules une faute de l'annonceur étant rappelé qu'elles ont toutes deux travaillé sur la base d'un même brief et d'instructions ultérieures ;

Considérant que la faute ne peut pas davantage, pour ce motif, s'induire du courriel de la société Canal 55 en date du 22 décembre 2014 annonçant transmettre sa proposition ;

Considérant que la société FMAD ne rapporte pas la preuve que l'interruption des échanges entre les parties caractérise une faute de la société Sunstar ; qu'elle ne démontre pas, en outre, le préjudice causé par cette interruption ;

Considérant, par ailleurs, que la société FMAD ne verse aux débats aucune pièce lui permettant de justifier de ses efforts et de ses investissements, le devis produit étant au surplus insuffisant et dépourvu de détails ;

Considérant qu'elle ne démontre pas davantage que la société Sunstar- l'annonceur- a tiré profit de son travail et s'est, de ce chef, enrichie ;

Considérant que la société ne rapporte donc pas la preuve d'actes de concurrence déloyale ou de parasitisme qui auraient été commis par l'annonceur et qui lui auraient causé un préjudice ;

Considérant que les demandes formées à ce titre seront rejetées ;

Sur les autres demandes

Considérant que la procédure, mal fondée, ne revêt pas un caractère abusif ;

Considérant que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant que la société FMAD devra payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que, compte tenu du sens du présent arrêt, sa demande aux mêmes fins sera rejetée ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition ;

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

CONDAMNE la SAS FMAD à payer à la SAS Sunstar la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE les demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société FMAD aux dépens ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 19/00840
Date de la décision : 27/10/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°19/00840 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-27;19.00840 ?
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