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29/09/2020 | FRANCE | N°20/01566

France | France, Cour d'appel de Versailles, 29 septembre 2020, 20/01566


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES




Code nac : 4BA


13e chambre


ARRÊT No


CONTRADICTOIRE


DU 29 SEPTEMBRE 2020


No RG 20/01566 - No Portalis DBV3-V-B7E-TZWC


AFFAIRE :


SAS P18 VOLTAIRE




C/
O... P...
...






Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Mars 2020 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
No chambre :
No Section :
No RG : 2020L00541






















Expédi

tions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 29.09.2020


à :


Me Oriane DONTOT


Me Stéphanie TERIITEHAU


TC NANTERRE


MP
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


LE VINGT NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT,
La cour d'appel de Versailles, a...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 4BA

13e chambre

ARRÊT No

CONTRADICTOIRE

DU 29 SEPTEMBRE 2020

No RG 20/01566 - No Portalis DBV3-V-B7E-TZWC

AFFAIRE :

SAS P18 VOLTAIRE

C/
O... P...
...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Mars 2020 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
No chambre :
No Section :
No RG : 2020L00541

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 29.09.2020

à :

Me Oriane DONTOT

Me Stéphanie TERIITEHAU

TC NANTERRE

MP
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS P18 VOLTAIRE agissant poursuites et diligences en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège [...]
[...]

Représentées par Maître Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et par Maître Antoine GERMAIN, avocat plaidant au barreau de PARIS

APPELANTE
****************
LE PROCUREUR GÉNÉRAL
COUR D'APPEL DE VERSAILLES
[...]
[...]

Maître O... P... pris en sa qualité de Mandataire Judiciaire au redressement judiciaire de la SAS P18 VOLTAIRE
[...]
[...]

S.E.L.A.R.L. AJRS mission conduite par Maître J... T... pris en sa qualité d'Administrateur Judiciaire au RJ de la SAS P18 VOLTAIRE
[...]
[...]

S.E.L.A.R.L. BCM mission conduite par Me K... V... pris en sa qualité d'administrateur judiciaire de la SAS P18 VOLTAIRE
[...]
[...]

Représentés par Maître Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 732 - No du dossier 20200193 et par Maître Isilde QUENAULT, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMÉS
****************
Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 31 Août 2020, Madame Sophie VALAY-BRIÈRE, présidente, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIÈRE, Présidente,
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN

En la présence du Ministère Public, représenté par Monsieur Fabien BONAN, Avocat Général dont l'avis du 11 juin 2020 a été transmis le même jour au greffe par la voie électronique.
La SAS P18 Voltaire, qui fait partie d'un groupe de sociétés exerçant leur activité sous l'enseigne Planet Sushi, exploite un fonds de commerce de restauration japonaise.

Par jugements du 8 juillet 2014 et du 13 août 2015, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de sauvegarde à son égard puis arrêté un plan de sauvegarde, lequel a été modifié par décision du 3 novembre 2017.

Par requête du 12 décembre 2019, la Selarl BCM, prise en la personne de maître K... V..., commissaire à l'exécution du plan, a demandé la résolution du plan de sauvegarde.

Parallèlement à celle-ci, la société P18 Voltaire a déposé le 16 décembre 2019 une déclaration de cessation des paiements.

Selon jugement du 8 janvier 2020, rectifié le 9 janvier 2020, le tribunal de commerce de Nanterre a notamment prononcé la résolution du plan de sauvegarde et ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société débitrice, fixé à six mois la durée de la période d'observation, les parties étant de nouveau convoquées le 4 mars 2020 afin qu'il soit statué sur la poursuite de cette période, désigné maître P... en qualité de mandataire judiciaire et la Selarl BCM, prise en la personne de maître V..., et la Selarl AJRS, prise en la personne de maître T..., en qualité de co-administrateurs judiciaires avec pour mission d'assister le débiteur pour tous les actes relatifs à la gestion.

Par décision contradictoire du 4 mars 2020, le tribunal a ordonné la poursuite de la période d'observation de la société P18 Voltaire et maintenu les organes de la procédure mais a modifié la mission d'assistance des administrateurs judiciaires en mission d'administration.

La société P18 Voltaire a interjeté appel limité de cette décision le 10 mars 2020.

Par ordonnance du 16 avril 2020, le magistrat délégué par le premier président a rejeté les demandes tendant à la nullité et à l'irrecevabilité des assignations comme à l'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 18 juin 2020, la société P18 Voltaire demande à la cour de :

à titre principal :
- annuler le jugement en ce qu'il a modifié la mission des co-administrateurs judiciaires ;
à titre subsidiaire :
- infirmer le jugement en ce qu'il a modifié la mission des co-administrateurs judiciaires ;
statuant à nouveau :
- débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes ;
- dire n'y avoir lieu à modification de la mission d'assistance des co-administrateurs judiciaires.
Par conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 28 juillet 2020, la Selarl BCM, la Selarl AJRS et maître P... , chacun ès qualités, demandent à la cour de :

- débouter la société P18 Voltaire de sa demande de nullité du jugement,
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes,
subsidiairement dans l'hypothèse où le jugement serait annulé,
- évoquer l'entier litige,
- modifier la mission des administrateurs judiciaires en mission d'administration,
- débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes,
- dire et juger que les dépens seront passés en frais privilégiés de la procédure collective "conformément à l'article 699 du code de procédure civile".

Selon avis notifié au parties le 11 juin 2020 par RPVA, le ministère public sollicite la confirmation du jugement qui, sur demande orale du parquet, a décidé de confier une mission 3 aux deux administrateurs judiciaires au regard des éléments suivants : absence de collaboration du dirigeant avec les organes de la procédure qui n'arrivent pas à obtenir des documents essentiels comme la liste des créanciers ou des informations financières sur les sociétés du groupe alors qu'il existe des flux financiers opaques ; absence d'organisation des élections professionnelles ; création d'un passif nouveau de 5 500 000 euros, en sorte que des détournements d'actifs au préjudice des créanciers sont à craindre.

Il rappelle en outre, qu'à supposer que le moyen au soutien de la demande d'annulation du jugement soit pertinent, la cour doit statuer et évoquer en application de l'effet dévolutif de l'appel prévu par les articles 561 et 562 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 août 2020.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

La société P18 Voltaire soutient à titre principal que le tribunal a décidé d'office et sans respecter le principe du contradictoire de changer la mission des administrateurs judiciaires.
Rappelant qu'il n'existe que deux modalités procédurales permettant de modifier la mission des administrateurs judiciaires, soit une requête déposée dans les conditions de l'article R. 622-1 du code de commerce, qui prévoit que le tribunal doit avoir recueilli au préalable les observations du débiteur, soit une saisine d'office, hypothèse dans laquelle, il est également tenu au respect du principe du contradictoire formulé tant à l'article 16 du code de procédure civile qu'à l'article R. 631-3 du code de commerce, elle expose qu'en l'espèce aucune requête n'a été déposée aux fins de modification de la mission des administrateurs judiciaires et qu'aucune convocation émanant du greffe et exposant les faits de nature à motiver l'exercice par le tribunal de son pouvoir d'office n'a précédé l'audience du 4 mars 2020, en sorte que ce dernier s'est saisi irrégulièrement d'office. Elle ajoute qu'en première instance le procureur de la République a simplement indiqué, à la fin des débats, qu'il s'interrogeait sur cette éventualité, sans développer davantage ses motivations ou requérir un changement de mission, que cette question n'a pas été débattue par les parties à l'audience et qu'elle n'a pas été invitée par le tribunal à présenter des observations à ce sujet.
Elle fait valoir enfin que l'effet dévolutif de l'appel ne joue pas en cas d'annulation du jugement suite à une irrégularité affectant la saisine des premiers juges.

Les intimés répondent que le tribunal a modifié la mission des administrateurs judiciaires conformément aux articles L.631-12 et R.631-3 du code de commerce, rappelant que dans une procédure orale les prétentions des parties sont présumées avoir été contradictoirement débattues. Ils considèrent qu'aucune réplique, même après la clôture des débats, n'ayant été formée en première instance par l'appelante, elle ne peut pas aujourd'hui le reprocher au tribunal de sorte qu'il n'y a pas lieu d'annuler le jugement.

Ils soutiennent que même si la cour devait annuler le jugement en raison d'une irrégularité affectant la saisine des premiers juges, il lui appartiendrait en application de l'effet dévolutif de l'appel prévu par les articles 561 et 562 du code de procédure civile, de statuer à nouveau, précisant que les trois conditions cumulatives nécessaires pour empêcher cet effet à savoir : une irrégularité relative à l'acte introductif d'instance, l'absence de conclusions au fond en instance d'appel à titre principal et l'absence de comparution du défendeur ne sont pas réunies en l'espèce puisque l'appelante était présente en première instance et que devant la cour les débats sont contradictoires sur la nécessité ou non d'une mission plénière.

L'article L.631-12 du code de commerce énonce que la mission de l'administrateur est fixée par le tribunal qui peut la modifier à tout moment sur la demande de celui-ci, du mandataire judiciaire, du ministère public ou d'office.

En application de l'article R.622-1 du même code, la demande de modification de la mission de l'administrateur judiciaire est adressée par requête au tribunal qui statue sur rapport du juge-commissaire et après avoir recueilli les observations du débiteur ainsi que de l'administrateur judiciaire, du mandataire judiciaire et du ministère public, lorsque ces personnes ne sont pas demandeurs.

Le jugement d'ouverture a confié aux administrateurs judiciaires la mission d'assister le débiteur pour tous les actes relatifs à la gestion et renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 4 mars 2020 à 9h30, sans convocation, afin uniquement de "statuer, s'il y a lieu, sur la poursuite d'activité conformément aux dispositions de l'article L.631-15 du code de commerce".

Il ne ressort ni du plumitif de l'audience du 4 mars 2020 joint au dossier transmis par le tribunal ni des mentions du jugement que la juridiction ait été saisie aux fins de modification de la mission des administrateurs judiciaires par une requête émanant du ministère public ou des organes de la procédure, le jugement indiquant seulement que "Elle [la procureure de la République] s'interroge sur [...] la modification de la mission des administrateurs".

Cette "interrogation" ne constitue nullement une requête orale, comme vainement soutenu par le ministère public, laquelle au demeurant n'est pas un mode de saisine du tribunal remplissant les conditions de l'article R.622-1 du code de commerce, et sur laquelle, en outre, ni le juge-commissaire ni le débiteur n'ont été invités par les premiers juges à présenter des observations en violation du principe de la contradiction.

Il se déduit en revanche du jugement dont appel, qui précise dans ses motifs, que " Le tribunal motive ainsi sa demande de passer en niveau 3 la mission des deux administrateurs judiciaires : ...", que le tribunal s'est saisi d'office de ce chef.
Or, d'une part, il ne résulte pas des termes du jugement du 8 janvier 2020 que cette question ait été évoquée et renvoyée à une audience ultérieure pour recueillir les observations de la débitrice, et, d'autre part, aucune convocation en vue de la modification de la mission des administrateurs judiciaires n'a été envoyée à la société objet de la procédure.

Le tribunal a ainsi modifié la mission des administrateurs judiciaires sans avoir au préalable respecté les dispositions de l'article R.631-3 du code de commerce qui prévoient que "lorsque le tribunal exerce son pouvoir d'office et à moins que les parties intéressées n'aient été invitées préalablement à présenter leurs observations, le tribunal fait convoquer le débiteur [...] à comparaître dans le délai qu'il fixe".

De surcroît, lors de l'audience du 4 mars 2020, le tribunal n'a pas invité les parties à répliquer aux observations développées oralement par le ministère public même après la clôture des débats, étant souligné qu'une note en délibéré non autorisée aurait été irrecevable.

Le jugement doit par conséquent être annulé en ce qu'il a modifié la mission des administrateurs judiciaires.

La saisine irrégulière des premiers juges s'oppose à tout effet dévolutif de l'appel, peu important à cet égard le caractère contradictoire des débats devant la cour.

Enfin, il ne peut pas y avoir évocation du litige dès lors que les conditions de l'article 568 du code de procédure civile ne sont pas remplies.

PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Annule le jugement en ce qu'il a modifié la mission d'assistance des administrateurs judiciaires en mission d'administration ;

Rejette la demande d'évocation du litige ;

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sophie VALAY-BRIÈRE, Présidente et par Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 20/01566
Date de la décision : 29/09/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-09-29;20.01566 ?
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