La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/07/2020 | FRANCE | N°18/02901

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 09 juillet 2020, 18/02901


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



21e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 09 JUILLET 2020



N° RG 18/02901 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SPWL



AFFAIRE :



Société GROUPEMENT D'IMAGERIE MEDICALE D'EURE ET LOIR (GIM LE)





C/

[Z] [S]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 13 Juin 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHARTRES

N° Chambre : r>
N° Section : AD

N° RG : F 17//0002



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Audrey ALLAIN



Me Mathilde PUYENCHET







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE NEUF JUILLET DEUX ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 09 JUILLET 2020

N° RG 18/02901 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SPWL

AFFAIRE :

Société GROUPEMENT D'IMAGERIE MEDICALE D'EURE ET LOIR (GIM LE)

C/

[Z] [S]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 13 Juin 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHARTRES

N° Chambre :

N° Section : AD

N° RG : F 17//0002

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Audrey ALLAIN

Me Mathilde PUYENCHET

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF JUILLET DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société GROUPEMENT D'IMAGERIE MEDICALE D'EURE ET LOIR (GIM LE)

N° SIRET : 378 024 459

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Isabelle LUCAS BALOUP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0148

Représentant : Me Audrey ALLAIN, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 344

APPELANTE

****************

Madame [Z] [S]

née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 5]

de nationalité Française

BOUSSARD

[Localité 3]

Représentant : Me Mathilde PUYENCHET, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000015 - N° du dossier 841

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire était initialement appelée à l'audience publique du 08 Juin 2020 pour être débattue en application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, devant Madame Florence MICHON, Conseiller chargé du rapport, pour la cour composée de :

Monsieur Philippe FLORES, Président,

Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Au vu de l'état d'urgence sanitaire alors en vigueur, et en application de l'article 8 de l'ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020 portant, notamment, adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale, il a été décidé que la procédure susvisée se déroulerait sans audience.

Les parties en ont été avisées par le greffe le 29 avril 2020 et ces dernières ne s'y sont pas opposées.

Ces magistrats en ont délibéré conformément à la loi.

Greffier, lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU,

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [S] a été engagée le 25 août 1997 en qualité de manipulatrice en radiologie par la société Groupement d'Imagerie Médicale d'Eure et Loir (GIMEL), selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel.

L'entreprise, qui est une société civile de moyens exerçant une activité de radiologie, emploie moins de onze salariés et relève de la convention collective nationale du personnel des cabinets médicaux du 14 octobre 1981.

Le 27 janvier 2017, Mme [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Chartres pour faire reconnaître que son contrat de travail était un contrat de travail à temps plein et en obtenir la résiliation aux torts de son employeur.

Le 31 mars 2017, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

En dernier lieu, Mme [S] a demandé au conseil de prud'hommes de :

À titre principal :

- dire et juger qu'elle était embauchée au titre d'un contrat de travail à temps plein,

- condamner la société à lui verser la somme de 62 266,42 euros au titre des rappels de salaires et de congés payés à compter du mois de janvier 2014 jusqu'au mois de décembre 2016, outre la somme de 6 226,64 euros à titre de congés payés afférents,

- dire et juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société à lui verser les sommes suivantes : 27 890,25 euros à titre d'indemnité de licenciement, 6 886,48 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 688,65 euros au titre des congés payés afférents, 82 637,76 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

À titre subsidiaire, si par impossible, le contrat de travail n'était pas considéré comme étant un temps plein,

- dire et juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société à lui verser la somme de'7 944,90 euros au titre des majorations d'heures complémentaires sur la période de janvier 2014 à décembre 2016, outre la somme de 485,54 euros à titre de congés payés afférents,

- condamner la société à lui verser les sommes de : 13 751,12 euros à titre d'indemnité de licenciement, 3 395,34 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 688,65 euros au titre des congés payés afférents, 40 744,08 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 7 498,35 euros au titre de l'indemnité forfaitaire en raison du travail dissimulé,

- condamner la société aux intérêts au taux légal,

- condamner la société à remettre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir les documents sociaux afférents à la rupture du contrat de travail (solde de tout compte, attestation Pôle emploi, certificat de travail), le conseil se réservant la possibilité de liquider l'astreinte,

- condamner la société au versement de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

La société a demandé au conseil :

- d'écarter des débats les pièces adverses n° 16 à 18, couvertes par le secret professionnel,

- de débouter Mme [S] de l'intégralité de ses demandes,

- de condamner Mme [S] au paiement d'une somme de 4 600,99 euros à titre d'indemnité correspondant à son préavis non effectué,

- de condamner Mme [S] au paiement d'une somme de 5 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Mme [S] aux entiers dépens.

Par jugement rendu le 13 juin 2018, le conseil (section activités diverses) a :

En la forme,

- reçu Mme [S] en ses demandes.

- reçu la société Groupement d'Imagerie Médicale d'Eure et Loir ( GIMEL) en ses demandes reconventionnelles,

Au fond,

- dit que les pièces numéro 16 à 18 présentées par Mme [S] sont écartées des débats,

- dit que le contrat de travail de Mme [S] est requalifié en contrat de travail à temps plein,

- dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Mme [S] s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

- condamné la société Groupement d'Imagerie Médicale d'Eure et Loir ( GIMEL) à verser à Mme [S] les sommes suivantes :

59 643,50 euros à titre de rappel de salaires et de congés payés pour les années 2014, 2015 et 2016,

17 904,54 euros au titre d'indemnité de licenciement,

6 439,30 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

643,93 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

ces sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2017,

20 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

ces sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- ordonné à la société Groupement d'Imagerie Médicale d'Eure et Loir ( GIMEL) de remettre à Mme [S] les bulletins de salaire rectifiés, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes au présent jugement, sous astreinte de 10 euros par jour de retard à compter d'un délai d'un mois suivant la notification du présent jugement,

- dit que le bureau de jugement se réserve le droit de liquider l'astreinte,

- fixé la moyenne des salaires de Mme [S] à 3 219,65 euros,

- débouté Mme [S] du surplus de ses demandes,

- débouté la société Groupement d'Imagerie Médicale d'Eure et Loir ( GIMEL) de ses demandes reconventionnelles,

- ordonné l'exécution provisoire de droit,

- condamné la société Groupement d'Imagerie Médicale d'Eure et Loir ( GIMEL) aux entiers dépens qui comprendront les frais éventuels d'exécution.

Le 4 juillet 2018, la société a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Une médiation a été proposée, en vain, aux parties.

Le président ayant décidé, conformément aux dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, de procéder selon la procédure sans audience, un avis a été adressé aux parties le 29 avril 2020, la date limite de dépôt des dossiers étant fixée à la date initialement fixée pour l'audience de plaidoiries, soit le 8 juin 2020. Les parties ne se sont pas opposées à cette procédure.

Par ordonnance rendue le 8 juin 2020, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction.

Par dernières conclusions écrites du 6 mai 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :

À titre principal,

- dire et juger que la motivation du jugement de première instance fait défaut, en droit et en fait,

- en conséquence, prononcer la nullité du jugement,

Subsidiairement,

- dire et juger que le conseil n'a pas tiré les conséquences des dispositions légales et de la jurisprudence rendue en la matière en requalifiant le contrat de travail à temps partiel de Mme [S] en contrat à temps plein,

- dire et juger que Mme [S] ne produit aucune preuve qui lui incombe des faits qu'elle articule à l'appui de ses demandes, notamment en ce qui concerne un rappel de salaires et de congés payés de 62 266,42 euros et d'heures complémentaires de janvier 2014 à décembre 2016,

- dire et juger que l'employeur, la SCM GIMEL, apporte les preuves contraires,

- dire et juger que le contrat de travail de Mme [S] est un contrat de travail à temps partiel et qu'il n'y a pas lieu de le requalifier en contrat à plein temps, avec toutes conséquences de droit,

- dire et juger n'y avoir lieu à prononcer le licenciement sans cause réelle et sérieuse de Mme [S],

En conséquence,

- infirmer le jugement du 13 juin 2018 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté Mme [S] de sa demande de condamnation au titre du harcèlement moral, au titre du travail dissimulé, en ce qu'il a écarté des débats les pièces 16 et 18 dont la production viole le secret médical, et en ce qu'il a jugé que la SCM GIMEL avait respecté son obligation de sécurité,

- dire et juger que les heures complémentaires effectuées par Mme [S] dans le cadre de son contrat de travail conclu avec la société GIMEL ont été payées et que Mme [S] n'a jamais contesté ses bulletins de paie avant la saisine du conseil de prud'hommes, qu'en tout état de cause, les heures litigieuses n'ont jamais dépassé la durée maximum légale,

- débouter Mme [S] de ses demandes, fins et prétentions,

Et, statuant à nouveau,

- dire et juger que le contrat de travail de Mme [S] est un contrat de travail à temps partiel,

- dire et juger que la prise d'acte de rupture du contrat de travail de Mme [S] s'analyse en une démission, avec toutes conséquences de droit,

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les pièces adverses 16 à 18, débouté Mme [S] de ses demandes au titre du harcèlement moral, débouté Mme [S] de ses demandes fondées sur le non-respect de l'obligation de résultat en matière de sécurité au travail, débouté Mme [S] de sa demande fondée sur le travail dissimulé,

À titre reconventionnel,

- condamner Mme [S] à lui payer la somme de 2 220,24 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis qu'elle n'a pas exécuté,

- ordonner le remboursement de toutes les sommes versées en exécution du jugement par application des dispositions des articles R. 1454-14 et R. 1454-28 du code du travail avec intérêts de droit depuis la date de leur paiement,

En tout état de cause,

- condamner Mme [S] au paiement de 5 000 euros HT au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SCM GIMEL et aux entiers dépens en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions écrites du 1er février 2019, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, Mme [S] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le contrat de travail est requalifié en contrat de travail à temps plein, dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que les pièces 16 à 18 présentées par Mme [S] étaient écartées des débats, condamné la société à lui verser les sommes suivantes : 59 643,50 euros à titre de rappel de salaires et de congés payés pour les années 2014, 2015 et 2016, 17 904,54 euros au titre de l'indemnité de licenciement, 6 439,30 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 643,93 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, 20 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, débouté Mme [S] au titre de sa demande relative aux faits de harcèlement moral, débouté Mme [S] au titre de sa demande relative au non-respect par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat,

Ce faisant,

À titre principal,

- dire et juger que Mme [S] était embauchée au titre d'un contrat de travail à temps plein,

- condamner la société à lui verser la somme suivante : 62 266,42 au titre des rappels de salaires et de congés payés à compter du mois de janvier 2014 jusqu'au mois de décembre 2016, outre la somme de 6 226,64 euros à titre de congés payés afférents,

- dire et juger que sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

27 890,25 euros à titre d'indemnité de licenciement,

6 886,48 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

688,65 euros au titre des congés payés afférents,

82 637,76 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

À titre subsidiaire, si par impossible, le contrat de travail n'était pas considéré comme étant un temps plein,

- dire et juger que sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société à lui verser la somme de 7 944,90 euros au titre des majorations d'heures complémentaires sur la période de janvier 2014 à décembre 2016, outre la somme de 485,54 euros à titre de congés payés afférents,

- condamner la société à lui verser les sommes suivantes,

13 751,12 euros à titre d'indemnité de licenciement,

3 395,34 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

688,65 euros au titre des congés payés afférents,

40 744,08 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

7 498,35 euros au titre de l'indemnité forfaitaire en raison du travail dissimulé,

- condamner la société aux intérêts au taux légal,

- condamner la société à lui transmettre sous astreinte de 100 euros par jour de retard les documents sociaux,

- condamner la société au versement de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité du jugement :

La société sollicite, à titre principal, la nullité du jugement, en raison d'un défaut de motivation. Elle considère que la motivation du conseil de prud'hommes, s'agissant de la question de savoir si la rupture du contrat de travail doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, est trop générale, et ne permet pas de vérifier quels ont été les manquements suffisamment graves imputables à l'employeur pour justifier une telle décision. Elle estime que le jugement n'a manifestement pris en considération que les éléments présentés par la salariée, et a omis d'analyser les arguments développés par l'employeur, à tout le moins d'en justifier, comme de présenter un exposé conforme aux prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile.

La salariée estime, au contraire, que le jugement du conseil de prud'hommes est parfaitement motivé.

Aux termes de l'article 455 du code de procédure civile, le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé.

Le jugement critiqué par l'appelante comporte un rappel des prétentions des parties, et renvoie aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience, étant rappelé que les dispositions relatives à l'indication de la date des conclusions ne sont pas applicables à la procédure orale, les écrits auxquels se réfèrent les parties et que mentionne le juge ayant nécessairement pour date celle de l'audience.

Par ailleurs, il comporte une motivation s'agissant de la requalification de la prise d'acte, le jugement retenant que 'les manquements de l'entreprise liés au non respect des dispositions liées au contrat de travail à temps partiel sont suffisamment graves et justifient la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur', étant précisé que ces manquements ont été analysés préalablement, la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps complet étant ordonnée. Les critiques de la société portent, en réalité, sur le contenu de la motivation du jugement.

Les prescriptions de l'article 455 susvisé ayant été respectées, la demande de nullité du jugement ne peut prospérer, et l'appelante en est déboutée.

Sur le rejet des pièces n°16 à 18  de la salariée :

La salariée considère qu'elle est fondée, pour les besoins de sa défense, à produire les comptes rendus d'examens médicaux de patients pour lesquels il lui a été reproché, par le docteur [H], d'avoir mal exécuté son travail. Elle soutient qu'il ne peut lui être reproché de violer le secret médical des patients du cabinet, alors que le nom de ceux-ci est clairement cité dans la lettre du docteur [H] du 24 août 2016, et fait valoir que le seul moyen pour elle de prouver qu'elle n'a commis aucune erreur est de produire le compte rendu de chacun des examens.

La société considère que la production de ces pièces, qui sont des comptes rendus médicaux nominatifs, couverts par le secret professionnel, constitue le délit réprimé par l'article 226-13 du code pénal, et que la salariée ne pouvait en faire état à quelque titre que ce soit dans le cadre du litige, surtout sans les anonymiser. Elle fait valoir qu'aucune disposition légale ne permettait à la salariée de déroger au secret médical et de faire état de l'état de santé des patients concernés.

Une pièce couverte par le secret médical ne peut être communiquée qu'à la demande du patient intéressé.

Si la production en justice par un salarié de documents couverts par le secret professionnel peut être justifiée par l'exercice des droits de la défense, dans un litige l'opposant à son employeur, cette production est limitée aux documents strictement nécessaires à l'exercice de ces droits, ce qu'il lui appartient de démontrer. Or en l'espèce, la salariée ne justifie pas de la stricte nécessité, pour sa défense, de produire dans leur intégralité des rapports médicaux comportant l'identité complète des patients concernés, alors que la lettre du docteur [H] que la société produit en cause d'appel ne comporte plus l'identité complète des patients, mais uniquement leur prénom et les deux premières lettre de leur nom. Et elle ne démontre pas davantage que la production de ces comptes rendus dans leur intégralité, y compris en ce qui concerne le résultat de l'examen et les conclusions qu'en tire le médecin, est également nécessaire à l'exercice de sa défense. Le jugement du conseil de prud'hommes est donc confirmé en ce qu'il a écarté ces pièces des débats.

Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein :

La salariée fait valoir, au soutien de la requalification, que le contrat de travail conclu le 25 août 1997 ne prévoit aucune durée hebdomadaire ou mensuelle de travail, ni ne précise les jours travaillés, et qu'elle était contrainte, compte tenu de l'organisation en vigueur, de demeurer à la disposition de son employeur à longueur de semaine. Elle fait également valoir que, sur certaines périodes durant les années 2015 et 2016, elle a exécuté un temps plein ou au-delà. Elle sollicite en conséquence un rappel de salaire de base, de primes et de congés payés sur la base d'un contrat de travail à temps plein.

La société admet que le contrat de travail ne mentionnait ni la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue, ni la répartition de la durée du travail, ni les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir, ce qu'elle explique par le fait qu'elle n'avait pas été informée notamment de la réforme de l'article L.3123-6 du code du travail par la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, et qu'en conséquence, les parties n'ont pas complété ni modifié le contrat de travail les liant après l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions. Selon la société, la salariée ne prouve pas qu'elle aurait dépassé le temps partiel, et quant à elle, elle apporte la preuve que la durée mensuelle effectivement accomplie par la salariée correspond à un contrat de travail à temps partiel, et que les heures de travail exécutées par la salariée n'ont jamais excédé la durée légale annuelle ou hebdomadaire de travail pendant les deux années sur lesquelles porte sa communication de pièces. En outre, la salariée ne demeurait pas à la disposition de son employeur : elle exerçait effectivement une deuxième activité professionnelle d'exploitante agricole, et, contrairement à ses allégations, elle organisait son planning au gré de ses disponibilités et besoins personnels.

En vertu des articles L.212-4-3, devenu L. 3123-14, puis L.3123-6 du code du travail, applicables successivement à la cause à la suite de réformes qui si elles ont opéré une recodification ou une nouvelle numérotation du code du travail n'ont pas modifié le contenu des exigences formelles, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit qui mentionne, notamment, la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. L'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas tenu de se tenir constamment à la disposition de son employeur.

Le contrat de travail à temps partiel conclu entre les parties le 25 août 1997, alors qu'étaient déjà en vigueur les exigences susvisées, ne mentionne ni la durée de travail convenue, ni sa répartition. Il se borne à énoncer que 'les jours de travail seront déterminés en fonction des besoins de l'employeur après accord avec le salarié', et à préciser les horaires de travail : 9 heures - 12 heures 30 et 14 heures - 18 heures 30. Le contrat de travail ne répond donc pas aux exigences légales ci-dessus rappelées, de sorte que l'emploi est présumé être un emploi à temps complet. Du fait de cette présomption, il importe peu que la durée du travail réellement exécutée ait été inférieure à un temps complet, dès lors que celle-ci ne peut être renversée qu'à charge pour l'employeur de démontrer, d'une part, la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas tenu de se tenir constamment à la disposition de son employeur.

La société affirme qu'il était convenu que la salariée travaille les mercredis toute la journée ainsi que les samedis matin, et que les autres jours travaillés, notamment certains lundis, l'étaient à la demande exclusive de la salariée, mais force est de constater que les éléments qu'elle produit, et notamment les plannings, dont le plus récent est à compter du 7 avril 2014, se bornent à révéler les prévisions de travail que l'employeur devait fournir ou les horaires accomplis, et ne permettent en rien de rapporter la preuve de la durée de travail exacte, mensuelle ou hebdomadaire, convenue entre les parties lors de la conclusion du contrat de travail. Il résulte des éléments produits par la société elle-même, et notamment du tableau de synthèse qui figure dans ses conclusions (page 15) que la durée de travail de la salariée était en réalité variable, la salariée ayant exécuté entre 44 heures mensuelles et 92 heures mensuelles en 2015, et entre 45 heures et 90,75 heures mensuelles en 2016 selon l'employeur. En conséquence, l'employeur, sur qui pèse la charge de la preuve, échoue à renverser la présomption de travail à temps complet résultant des irrégularités formelles affectant le contrat de travail.

Le contrat de travail étant à temps complet, la salariée est en droit d'obtenir un rappel de salaire en conséquence. Au vu des bulletins de paie qu'elle verse aux débats, et du décompte de rappel détaillé qu'elle a établi sur la base d'un travail à temps complet, qui sont suffisamment probants, il est dû à la salariée une somme de 56 806,78 euros bruts, représentant les rappels de salaire de base, les rappels de prime d'ancienneté et les rappels de treizième mois, outre une somme de 5 459,64 euros bruts au titre des congés payés afférents. La salariée, qui a inclus cette somme de 5 459,64 euros de congés payés dans son calcul de rappel de salaire de 62 266,42 euros (cf ses conclusions page 22), ne peut en obtenir deux fois le paiement.

Le jugement déféré est infirmé en conséquence.

Sur la prise d'acte :

La salariée justifie la prise d'acte de la rupture du contrat de travail à laquelle elle a procédé par les manquements de l'employeur à ses obligations salariales, des faits de harcèlement moral et le non respect par l'employeur de son obligation de sécurité.

La société considère que la salariée ne peut se prévaloir d'aucun motif légitime de nature à justifier la requalification de la prise d'acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle souligne que la salariée, bien qu'ayant saisi le conseil de prud'hommes le 26 janvier 2017, avant même de rompre son contrat de travail par une prise d'acte, a continué de travailler pour elle jusqu'au jour de sa prise d'acte, soit le 31 mars 2017, sans la moindre difficulté, et dans les mêmes conditions de choix de ses horaires. Les manquements unilatéralement reprochés n'avaient donc aucune incidence sur la poursuite du contrat de travail. La prise d'acte doit donc être requalifiée en démission, avec toutes les conséquences de droit.

La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail. Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Comme indiqué ci-dessus, la durée du travail de la salariée n'était pas précisément définie, et en réalité, elle variait chaque mois dans des proportions très importante, la salariée invoquant, bulletins de paie à l'appui, une oscillation de son temps de travail entre 44 heures et 120 heures sur la période de janvier 2014 à décembre 2016. La salariée fait valoir à juste titre que, de ce fait, elle était privée des majorations pour heures complémentaires auxquelles elle aurait eu droit le cas échéant. En outre, l'absence de mention dans le contrat de la durée du travail exacte du salarié ne permet pas de s'assurer que l'employeur satisfait à son obligation essentielle de fourniture du travail pour la durée convenue, alors que la salariée fait valoir, par ailleurs, que son employeur lui a imposé une diminution de son horaire de travail, à partir de l'année 2012. Le fait que la salariée ait continué de travailler alors que ses demandes salariales n'étaient pas satisfaites n'a pas pour effet d'ôter leur caractère de gravité aux manquements de l'employeur, qui ont persisté jusqu'à la rupture du contrat de travail, et ont motivé, entre autres raisons, cette dernière.

Les manquements de l'employeur à ses obligations salariales résultant du caractère irrégulier du contrat à temps partiel, et dont il est résulté une créance de salaires et de primes de 56 806,78 euros bruts, rendaient impossible, à eux seuls, la poursuite du contrat de travail. Ainsi, la prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres manquements invoqués au soutien de cette prise d'acte.

La rupture du contrat de travail étant aux torts de l'employeur, la salariée est fondée à obtenir le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, correspondant, conformément à l'article L. 1234-5 du code du travail, à la rémunération brute qu'elle aurait perçue si elle avait travaillé pendant la période du délai-congé. En l'espèce, compte tenu de la requalification opérée, et au vu des éléments concernant la rémunération de la salariée qui sont versés aux débats, le montant de l'indemnité de préavis due à cette dernière s'élève à la somme de 6 439,30 euros bruts, outre celle de 643,93 euros bruts au titre des congés payés afférents, sommes justement allouées par le conseil de prud'hommes.

La salariée peut également prétendre au paiement d'une indemnité de licenciement, calculée en fonction de son ancienneté, et sur la moyenne des salaires des douze derniers mois précédant le licenciement ou sur le tiers des trois derniers mois avec proratisation des éléments de salaire non mensuels, ainsi qu'il résulte des articles R.1234-2 et R 1234-4 du code du travail.

Pour le calcul de son ancienneté, la salariée invoque un précédent contrat de travail au sein de la même structure, ayant pris fin au mois de janvier 1997 à la suite d'une réorganisation. Il convient effectivement, au vu des éléments produits, de retenir une ancienneté au 1er septembre 1988 : cette ancienneté est celle qui est mentionnée sur ses bulletins de paie, qui émanent de l'employeur, et comme le fait justement valoir la salariée, la convention collective prévoit que 'tout travailleur qui, après licenciement ou démission, reprendra du travail dans le même cabinet médical, gardera droit à son ancienneté acquise avant le licenciement ou la démission.' L'interruption de six mois mise en avant par l'employeur est donc sans effet sur le calcul de l'ancienneté de Mme [S]. Compte tenu de la requalification opérée, et au vu des éléments concernant la rémunération de la salariée, il sera fait droit à la demande et alloué une somme de 27 890,25 euros bruts à titre d'indemnité de licenciement.

Enfin, conformément à l'article L. 1235-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié qui travaillait dans une entreprise employant moins de onze salariés doit être indemnisé en fonction du préjudice subi. Par ailleurs, il résulte de l'article L. 1235-5 du code du travail que la perte injustifiée de son emploi par le salarié lui cause un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue. Au regard de l'ancienneté de la salariée et de son âge lors de la rupture, et en l'absence d'éléments spécifiques mis en avant au titre du préjudice subi, le préjudice résultant du licenciement doit être arrêté à la somme de 50 000 euros bruts.

La société est, quant à elle, déboutée de sa demande de paiement de l'indemnité compensatrice du préavis non exécuté par la salariée.

Sur la remise des documents de rupture :

Il sera ordonné à la société de remettre à la salariée un solde de tout compte, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes aux termes du présent arrêt. Il n'est toutefois pas nécessaire de prévoir une astreinte pour assurer l'exécution de cette obligation.

Sur les intérêts des sommes allouées :

Conformément aux articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances contractuelles sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la demande en justice et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les ordonne.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La société qui succombe, doit supporter les dépens, étant précisé que les frais d'exécution, dont le sort est réglé par le code des procédures civiles d'exécution, n'entrent pas dans les dépens qui sont définis par l'article 695 du code de procédure civile.

La société sera également condamnée à régler à Mme [S] une somme que l'équité commande de fixer à 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés par cette dernière en cause d'appel, en sus de celle allouée par le conseil de prud'hommes, et sera déboutée de sa propre demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

DÉBOUTE la société Groupement d'Imagerie Médicale d'Eure et Loir ( GIMEL) de sa demande de nullité du jugement rendu le 13 juin 2018 par le conseil de prud'hommes de Chartres, ( section activités diverses),

CONFIRME le dit jugement, sauf en ce qu'il a :

- condamné la société Groupement d'Imagerie Médicale d'Eure et Loir ( GIMEL) à verser à Mme [S] les sommes suivantes : 59 643,50 euros à titre de rappel de salaires et de congés payés pour les années 2014, 2015 et 2016 et 17 904,54 euros au titre d'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2017, 20 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- ordonné à la société Groupement d'Imagerie Médicale d'Eure et Loir ( GIMEL) de remettre à Mme [S] les bulletins de salaire rectifiés, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes au jugement, sous astreinte de 10 euros par jour de retard à compter d'un délai d'un mois suivant la notification du jugement, en se réservant le droit de liquider l'astreinte,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

CONDAMNE la société Groupement d'Imagerie Médicale d'Eure et Loir ( GIMEL) à payer à Mme [S] les sommes de :

- 56 806,78 euros bruts à titre de rappel de salaire,

- 5 459,64 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 27 890,25 euros bruts à titre d'indemnité de licenciement,

- 50 000 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ORDONNE à la société Groupement d'Imagerie Médicale d'Eure et Loir ( GIMEL) de remettre à Mme [S] un solde de tout compte, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes aux termes du présent arrêt,

REJETTE la demande d'astreinte,

DIT que les créances contractuelles sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les ordonne,

DÉBOUTE la société Groupement d'Imagerie Médicale d'Eure et Loir ( GIMEL) du surplus de ses demandes,

CONDAMNE la société Groupement d'Imagerie Médicale d'Eure et Loir ( GIMEL) aux dépens et à régler à Mme [S] une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Philippe FLORES, Président et par Monsieur TAMPREAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 21e chambre
Numéro d'arrêt : 18/02901
Date de la décision : 09/07/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 21, arrêt n°18/02901 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-07-09;18.02901 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award