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10/06/2020 | FRANCE | N°18/01095

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 10 juin 2020, 18/01095


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



15e chambre



ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE





DU 10 JUIN 2020





N° RG 18/01095



N° Portalis DBV3-V-B7C-SFXN





AFFAIRE :





[M] [B] [N] [X]





C/





[S] [L]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Octobre 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Boulogne-Billa

ncourt

N° Section : Commerce

N° RG : 16/00308



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





- Me Madeleine de VAUGELAS



- Me Olivier BONGRAND





le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX JUIN DEUX MILLE VINGT,



La cour d'appel ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 JUIN 2020

N° RG 18/01095

N° Portalis DBV3-V-B7C-SFXN

AFFAIRE :

[M] [B] [N] [X]

C/

[S] [L]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Octobre 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Boulogne-Billancourt

N° Section : Commerce

N° RG : 16/00308

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

- Me Madeleine de VAUGELAS

- Me Olivier BONGRAND

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX JUIN DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 29 avril 2020 puis prorogé au 27 mai 2020 puis au 10 juin 2020, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [M] [B] [N] [X]

né le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 7] (Congo), de nationalité Congolaise

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Madeleine de VAUGELAS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 354

APPELANT

****************

Monsieur [S] [L]

né le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 8]ème ([Localité 8]), de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Olivier BONGRAND de la SELARL O.B.P. Avocats, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0136 substitué par Me Arthur SCHOEFFLER, avocat au barreau de PARIS

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 février 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Maryse LESAULT, Présidente,

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

FAITS ET PROCÉDURE,

M. [B] [N] [X], ci-après M. [N] [X] propriétaire d'un véhicule taxi et titulaire d'une autorisation de stationnement sur la voie publique en attente de la clientèle, dite licence de taxi, qu'il exploite 'en doublage', c'est-à-dire avec une double sortie journalière, jour/nuit, a signé avec M. [S] [L], chauffeur de taxi, un contrat de travail à durée indéterminé aux termes duquel il lui confiait à compter du 9 décembre 2013 la conduite du taxi le jour.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 1er décembre 2015, M. [L] a notifié à M. [N] [X] qu'il prenait acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de celui-ci à qui il reprochait divers manquement à ses obligations.

Estimant que sa prise d'acte devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu'il n'avait pas été rempli de ses droits, M. [L] a saisi le 3 février 2016 le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt aux fins d'obtenir le paiement de diverses créances salariales et indemnitaires, la remise de bulletins de salaire et d'un certificat de travail ainsi qu'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Soutenant qu'en fait M. [L] n'exerçait pas son activité dans le cadre d'un lien de subordination vis-à-vis de lui mais en toute indépendance, M.[N] [X] a contesté la réalité du contrat de travail le liant à ce dernier et demandé en conséquence au conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt de se déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce de Nanterre. Subsidiairement, il a sollicité la condamnation de M. [L] à lui payer la somme de 51 725 euros correspondant à la recette perçue et non reversée. Il a demandé en tout état de cause au conseil de prud'hommes de condamner M. [L] à lui payer une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 25 octobre 2017, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt s'est déclaré matériellement compétent pour connaître du litige et a :

- requalifié la prise d'acte de rupture du contrat de travail de M. [L] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- fixé le salaire mensuel brut moyen de M. [L] à 1 946 euros,

- condamné M. [N] [X] à payer à M. [L] les sommes suivantes :

- 6 821 euros à titre de remboursement de frais professionnels,

- 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

- 1 946 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 194,60 euros au titre des congés payés afférents,

- 743 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- ordonné la remise d'un certificat de travail du 09/12/2013 au 02/12/2015, d'une attestation Pôle emploi et d'un reçu pour solde de tout compte,

- ordonné la remise de bulletins de paie de décembre 2013 à janvier 2014, de juillet à décembre 2014, de février et d'août à décembre 2015,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire autre que celle de droit,

- débouté M. [L] du surplus de ses demandes,

- débouté M. [N] [X] de ses demandes,

- mis les dépens à la charge de M. [N] [X] et condamné ce dernier à payer à M. [L] la somme de 895 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration au greffe du 16 février 2018, M. [N] [X] a interjeté appel de chacune des dispositions du jugement à l'exception de celle déboutant M. [L] du surplus de ses demandes.

Aux termes de ses dernières conclusions reçues au greffe le 10 octobre 2018, M. [N] [X] demande à la cour :

À titre principal, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt matériellement compétent pour connaître du litige et renvoyer les parties à mieux se pourvoir au profit du tribunal de commerce de Nanterre,

À titre subsidiaire, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le salaire mensuel brut de M. [L] à la somme de 1 946 euros, en ce qu'il l'a condamné à payer à celui-ci les sommes de 6 821 euros à titre de remboursement de frais professionnels, 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, 1 946 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 194,60 euros au titre des congés payés afférents, 743 euros à titre d'indemnité de licenciement et 895 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il l'a débouté de sa demande tendant à la condamnation de M. [L] à lui payer la somme de 51 725 euros,

et, statuant à nouveau, de :

- fixer le salaire mensuel brut de M. [L] à la somme de 1 478 euros,

- ramener à de plus justes proportions les dommages-intérêts alloués pour rupture abusive du contrat de travail,

- fixer l'indemnité compensatrice de préavis à 1 478 euros, les congés payés afférents à 147,80 euros et l'indemnité de licenciement à 564 euros,

- condamner M. [L] à lui payer la somme de 51 725 euros,

- ordonner la compensation des condamnations pécuniaires mises à leur charge respective,

- débouter M. [L] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [L] aux dépens ainsi qu'à lui payer la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions reçues au greffe le 13 juillet 2018, M. [L] demande à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- déclaré le conseil de prud'hommes matériellement compétent pour connaître du litige,

- requalifié sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- fixé son salaire mensuel brut moyen à 1 946 euros,

- ordonné la remise d'un certificat de travail du 09/12/2013 au 02/12/2015, d'une attestation Pôle emploi et d'un reçu pour solde de tout compte,

- ordonné la remise de bulletins de paie de décembre 2013 à janvier 2014, de juillet à décembre 2014, de février et d'août à décembre 2015,

- condamné M. [N] [X] à lui payer les sommes suivantes :

- 6 821 euros à titre de remboursement de frais professionnels,

- 1 946 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 194,60 euros au titre des congés payés afférents,

- 743 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 895 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Infirmer partiellement le jugement entrepris et, statuant à nouveau sur les chefs infirmés, de condamner M. [N] [X] à lui payer les sommes suivantes :

- 18 300 euros à titre de rappels de salaire,

- 1 830 euros à titre de congés payés afférents,

- 21 831 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,

- 2 123,10 euros à titre de congés payés afférents,

- 11 676 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 11 676 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

En tout état de cause, de débouter M. [N] [X] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner aux dépens ainsi qu'à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 8 janvier 2020.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux dernières conclusions qu'elles ont déposées.

MOTIFS,

1- Sur la compétence du conseil de prud'hommes

M. [L] produit le contrat de travail signé le 9 décembre 2013 par M. [N] [X], qui ne dénie pas sa signature, ainsi que les bulletins de salaire que celui-ci lui a délivrés pour les mois de février à juin 2014, de janvier 2015 et de mars à juillet 2015, mentionnant le prélèvement des cotisations sociales patronales et salariales applicables aux salariés et de la contribution patronale et salariale à l'assurance chômage. Il produit également un courrier de l'Urssaf l'informant que M. [N] [X] a procédé le 2 mai 2014 à la déclaration préalable à l'embauche le concernant.

L'existence d'un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à la convention, mais des conditions de fait dans laquelle s'est exercée l'activité. Le contrat de travail se caractérise par l'existence d'un lien de subordination dont il résulte que l'activité est exercée sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements.

En présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à l'employeur qui le conteste, de rapporter la preuve de son caractère fictif, ce que M. [N] [X], qui se borne à affirmer que le salarié exerçait son activité en toute indépendance, hors tout lien de subordination, ne fait pas.

Les parties étant liées par un contrat de travail, il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit le conseil de prud'hommes compétent pour trancher le litige qui les oppose.

2- Sur la demande en paiement d'un rappel de salaire sur la base de 151,67 heures de travail pour la période de février à décembre 2014 et d'heures supplémentaires pour la période du 9 décembre 2013 au 31 décembre 2014

La convention collective prévoit en son article 15 que la durée journalière du travail effectif est fixée à 6h40 dans une amplitude de mise à disposition de 10 heures.

Le contrat de travail conclu par les parties stipule que le salarié reste libre de ses horaires dans la limite de 10 heures par jour, que la durée du travail n'excédera pas 5 jours par semaine et qu'en rémunération de ses attributions, le salarié percevra un salaire mensuel brut fixé à 30% de la recette en plus du salaire fixe journalier, fixé par arrêté préfectoral.

Il est établi que M. [N] [X], qui ne justifie pas avoir délivré de bulletin de salaire à M. [L] pour les mois de décembre 2013 et janvier 2014 ainsi que pour les mois de juillet à décembre 2014, lui a délivré pour les mois de février à juin 2014 des bulletins de salaire mentionnant une 'durée contractuelle' de 95 heures et un taux horaire de 9,53 euros correspondant au SMIC, et, pour les mois de février à mai 2014, un salaire calculé sur la base de 95 heures, soit 905,35 euros, puis pour le mois de juin 2014 un salaire calculé sur la base de 70 heures, soit 667,10 euros.

Selon le décompte produit, M. [L] sollicite pour cette période le paiement des sommes suivantes :

- 6 996 euros à titre de rappel de salaire mensuel brut, soit 533 euros par mois pour les mois de février à avril 2014 ( 905,35 + 533 = 1 438,35) et 771 euros par mois pour les mois de juin à décembre 2014 (667,10 + 771 = 1 438,10) ;

- 11 822 euros à titre d'heures supplémentaires pour les heures accomplies au-delà de 35 heures par semaine, dont 722 euros pour avoir accompli 54,5 heures supplémentaires en 2013 ( 24 au taux majoré de 25% et 30,5 au taux majoré de 50%) et 11 100 euros pour avoir accompli 834,5 heures supplémentaires en 2014 (348,5 au taux majoré de 25% et 486 au taux majoré de 50%).

A l'appui de ses demandes, il fait valoir qu'ayant été rémunéré au cours de cette période sur la base d'un prétendu horaire contractuel de 95 heures de travail effectif par mois de février à mai 2014, puis sur la base de 70 heures de travail effectif par mois de juin à décembre 2014, à un taux horaire de 9,53 euros, il est bien fondé à revendiqué le paiement d'un rappel de salaire sur la base de ce taux horaire pour 151,67 heures de travail et le paiement au taux horaire majoré des heures supplémentaires effectuées au-delà de 35 heures de travail par semaine.

M. [N] [X] soutient que M. [L] ayant conservé la totalité de la recette, est mal fondé à revendiquer un quelconque rappel de salaire.

Il incombe à l'employeur de rapporter la preuve qu'il s'est libéré de son obligation au paiement du salaire ou que le salarié ne s'est pas tenu à sa disposition pour exécuter sa prestation de travail. M. [N] [X], qui soutient que M. [L] a conservé la totalité de la recette journalière, ne le démontre pas. Il ressort au contraire de l'extrait du grand-livre comptable relatif aux recettes de l'année 2014 que les recettes du chauffeur portées au crédit du compte de l'employeur se sont élevées à 25 454,55 euros.

Il s'ensuit que, pour l'année 2014, M. [L] pouvait prétendre, en exécution des stipulations de son contrat de travail, à 30% des recettes qu'il réalisait, ce qui représente une somme de 7 636,36 [(25 454,55 x 30/100], augmentée du salaire fixe journalier, fixé par arrêté préfectoral, soit 14,80 euros par jour, soit pour 265 jours, une somme de 3 922 euros, soit une somme totale de 11 558,36 euros.

Cependant, M. [L] est bien fondé à prétendre, comme il le fait, à une rémunération minimale mensuelle au moins égale au SMIC, qui était fixé en 2014 à un taux horaire de 9,53 euros et à 1 445,38 euros par mois pour 151,57 heures de travail, outre le paiement majoré des heures supplémentaires effectuées au-delà de 35 heures de travail effectif par semaine ainsi qu'il le revendique.

Il y a lieu de constater qu'il ressort du décompte produit par M. [L] en pièce 10 que celui-ci a été en congé sans solde du 13 au 16 janvier 2014, du 31 juillet au 20 août 2014 et absent du 12 au 21 septembre 2014 pour un deuil, dont il ne justifie pas qu'il s'agit d'un événement familial ouvrant droit à un congé avec maintien de la rémunération, de sorte qu'il est mal fondé à prétendre à un rappel de salaire calculé sur 151,67 heures comme il le fait pour les mois de juillet à septembre 2014, aucune demande n'étant faite pour le mois de janvier 2014. Il convient en conséquence de lui allouer un rappel de salaire de 5 664 euros pour l'année 2014 ainsi que la somme de 566,40 euros au titre des congés payés afférents.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, la preuve contraire.

M. [L] produit un état récapitulatif des horaires journaliers qu'il prétend avoir réalisés qui mentionnent l'heure de début et l'heure de fin de travail, la durée journalière du travail en découlant, après déduction, le cas échéant, de la pause déjeuner, ainsi qu'un décompte hebdomadaire de ces heures de travail suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre. Il produit également le rapport de service, édité à partir de l'horodateur équipant le taxi, pour les journées des 4, 21, 24, 28, 29 et 30 octobre 2014, 4, 5, 11, 14, 15, 19, 23 et 25 novembre 2014, 2, 3, 5, 7, 9, 13, 14 et 24 décembre 2014 enregistrant la recette du jour, l'heure de début et l'heure de fin de service et la qualification des heures, soit par exemple pour la journée du 3 décembre 2014, une recette totale de 165,82 euros et une amplitude horaire de 6h35 à 16h10, répartie comme suit :

- heures mouvements libres : 1h53 ;

- heures mouvement service : 0h43 ;

- heure d'attente : 2h46 ;

- heures totales : 9h34 ;

Sa demande est dès lors étayée.

M. [N] [X] ne fournit aucun élément sur les horaires réalisés par l'intéressé.

Au vu des éléments produits, il convient d'infirmer le jugement entrepris et de condamner M. [N] [X] à payer à M. [L] la somme de 11 822 euros à titre d'heures supplémentaires pour les années 2013 et 2014 ainsi que la somme de 1 182,20 euros au titre des congés payés afférents.

3- Sur la demande en paiement d'un rappel de salaire sur la base de 151,67 heures de travail et d'heures supplémentaires pour la période du 1er janvier au 1er décembre 2015

Selon le décompte produit, M. [L] sollicite pour cette période le paiement des sommes suivantes :

- 11 304 euros à titre de rappel de salaire mensuel brut, calculé sur la base d'un salaire mensuel brut fixe, hors le pourcentage de 30% sur les recettes, de 2 116 euros pour le mois de janvier, de 1 790 euros par mois pour les mois de mars à mai et de 1 909 euros pour les mois de juin et juillet 2015, sur la base d'un calcul de 14,80 euros par heure de travail et non par jour ;

- 10 009 euros à titre d'heures supplémentaires pour les heures de travail accomplies au-delà de 35 heures par semaine pour la période du 1er janvier au 15 novembre 2015.

Il est établi que M. [N] [X] a délivré à M. [L] des bulletins de salaire modifiés pour les mois de janvier à juillet 2015 mentionnant un salaire fixe journalier de 14,80 euros brut (et non un salaire fixe de 14,80 euros par heure comme l'indique à tort le salarié) et une rémunération égale à 30 % des recettes réalisées, dont le salarié ne conteste pas qu'ils ont donné lieu aux sommes qu'ils mentionnent et dont il résulte que son salaire brut total s'élevait à 6 646,80 euros pour les mois de janvier à mars 2015, dont 4 431,20 euros au total pour les mois de janvier et février 2015 et 2 215,60 euros pour le mois de mars 2015, à 2 156,10 euros pour le mois d'avril 2015, à 1 960,10 euros pour le mois de mai 2015, à 1 960,10 euros pour le mois de juin 2015 et à 1 918,10 euros pour le mois de juillet 2015, d'où un cumul de salaire brut de 14 641,20 euros pour les sept premiers mois de l'année 2015. M. [L], qui a ainsi perçu une rémunération mensuelle pour 151,67 heures de travail au moins égale au SMIC, qui était fixé en 2015 à un taux horaire de 9,61 euros et à 1 457,52 euros par mois pour 151,57 heures de travail, est mal fondé à prétendre au rappel de salaire de 11 304 euros qu'il revendique pour les mois de janvier à juillet 2015. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de ce chef et des congés payés afférents.

Cependant, M. [L] est bien fondé toutefois à prétendre, ainsi qu'il le revendique, au paiement d'heures supplémentaires pour la durée de travail effectif accomplie au-delà de 35 heures par semaine.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, la preuve contraire.

M. [L] produit, d'une part, un état récapitulatif des horaires journaliers qu'il prétend avoir réalisés qui mentionnent l'heure de début et l'heure de fin de travail, la durée journalière du travail en découlant, après déduction, le cas échéant, de la pause déjeuner, ainsi qu'un décompte hebdomadaire de ces heures de travail pour la période du 1er janvier au 16 novembre 2015 suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre, le carnet de doublage exigé par l'article R. 3121-1 du code des transports renseigné pour la période du1er janvier au 16 novembre 2015 mentionnant, inscrits par ses soins, pour chaque jour travaillé, son heure de début de service, qui est celle qu'il reprend dans son décompte, ainsi que les rapports de service enregistrant sa recette, l'heure de début et de fin de service et la répartition du temps pour 11 jours de janvier, 6 jours de février, 5 jours de mars, 15 jours d'avril, 22 jours de mai, 24 jours de juin, 21 jours de juillet, 2 jours d'août, 23 jours de septembre, 26 jours d'octobre et 13 jours de novembre 2015. Sa demande est dès lors étayée.

Il résulte de ce décompte que le salarié, qui a été en congé sans solde du 5 au 13 janvier 2015 et du 25 février au 2 mars 2015, en arrêt de travail les 8 et 9 avril 2015, en congés sans solde du 4 au 6 juillet 2015, en congés du 4 au 28 août 2015, a travaillé généralement six jours sur sept le reste du temps, alors que son contrat de travail prévoyait que sa durée de travail n'excédera pas 5 jours par semaine, et qu'il a accompli de nombreuses heures de travail effectif au-delà de 35 heures par semaine.

M. [N] [X] ne fournit aucun élément sur les horaires réalisés par l'intéressé.

L'employeur qui soutient que M. [L] a conservé la totalité de la recette journalière de l'année 2015, laquelle, selon sa pièce 1, s'est élevée à 73 179,56 euros, ne produit pas les écritures du grand-livre comptable relatif aux recettes de l'année 2015 qui justifierait de l'absence de recette chauffeur perçue. Il résulte au contraire des bulletins de salaire qu'il a délivrés à l'intéressé qu'il lui a reversé 30% de la recette, conformément à son contrat de travail, ce dont il ressort qu'il a donc bien été destinataire de la recette.

Au vu des éléments produits, il convient d'infirmer le jugement entrepris et de condamner M. [N] [X] à payer à M. [L] la somme de 10 009 euros à titre d'heures supplémentaires pour l'année 2015 ainsi que la somme de 1 000,90 euros au titre des congés payés afférents.

4- Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé

Si M. [N] [X] s'est montré négligent dans l'exécution de ses obligations, il n'est pas établi qu'il a, de manière intentionnelle, omis de mentionner sur les bulletins de salaire les heures réellement effectuées par son salarié. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé sur le fondement de l'article L. 8223-1 du code du travail.

5- Sur la demande de remboursement de frais professionnel

Les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être pris en charge par celui-ci.

Le contrat de travail de M. [L] stipule expressément que les frais professionnels que le salarié engagera pour l'accomplissement de ses fonctions seront pris en charge par l'artisan dans les conditions qui y sont en vigueur.

M. [L] justifie suffisamment par la production des tickets délivrés par les stations-services des frais de carburant qu'il a exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur, dans le cadre de son activité de taxi en doublage. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [N] [X] à payer à l'intéressé la somme de 6 821 euros à titre de remboursement de frais professionnels.

6- Sur la prise d'acte

Le défaut récurrent de délivrance de bulletins de paie et le non-remboursement des frais professionnels élevés exposés par le salarié constituent, indépendamment même de l'absence de paiement de la totalité de la rémunération due à l'intéressé, des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré la prise d'acte du salarié comme justifiée et lui a fait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [L] est dès lors bien fondé à prétendre à des dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail sur le fondement de l'article L. 1235-5 du code du travail, l'intéressé comptant moins de deux ans d'ancienneté à la date de la rupture de son contrat de travail et M. [N] [X] employant moins de 11 salariés, à une indemnité compensatrice de préavis, aux congés payés afférents et à une indemnité de licenciement.

Au vu des bulletins de salaire modifiés délivrés par M. [N] [X] à M. [L] pour l'année 2015, c'est par une juste appréciation des faits de la cause qu'au vu de la demande du salarié, le conseil de prud'hommes a fixé le salaire de référence de celui-ci à la somme de 1 946 euros. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

En application de l'article L. 1234-5 du code du travail, l'indemnité compensatrice de préavis correspond aux salaires et avantages qu'aurait perçus le salarié s'il avait travaillé pendant cette période, qui était en l'espèce d'une durée d'un mois.

L'indemnité doit être calculée sur la base d'un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté dans l'entreprise en tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines, étant précisé que M. [L] comptait une ancienneté d'un an et 11 mois à la date à laquelle le contrat de travail a été rompu par sa prise d'acte.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [N] [X] à payer à M. [L] les sommes suivantes :

- 1 946 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 194,60 euros au titre des congés payés afférents,

- 743 euros à titre d'indemnité de licenciement.

En raison de l'âge du salarié au moment de son licenciement, 29 ans, de son ancienneté dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi, c'est par une juste appréciation des éléments de la cause que le conseil de prud'hommes lui a alloué, en réparation du préjudice matériel et moral qu'il a subi du fait de la perte de son emploi, la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

7- Sur la demande de M. [N] [X] au titre de la recette

Il ressort des motifs ci-dessus qu'il n'est pas démontré que M. [L] n'a pas reversé à M. [N] [X] le montant de la recette. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'employeur de sa demande tendant à la condamnation du salarié à lui payer la somme de 51 725 euros à ce titre ainsi que de sa demande tendant à voir ordonner la compensation de créances réciproques.

8- Sur la demande de remise de bulletins de salaire

Il convient de confirmer le jugement entrepris ayant ordonné à M. [N] [X] de remettre à M. [L] un certificat de travail pour la période du 09 décembre 2013 au 02 décembre 2015 ainsi que des bulletins de paie pour les mois de décembre 2013 à janvier 2014, de juillet 2014 à décembre 2014, de février 2015 et d'août 2015 à décembre 2015 et d'ordonner en outre à M. [N] [X] de remettre à M. [L] un bulletin de paie récapitulatif des créances salariales allouées en outre par le présent arrêt, une attestation Pôle emploi et un reçu pour solde de tout compte conformes au présent arrêt.

9- Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il sera statué sur les dépens et les frais irrépétibles dans les termes du dispositif.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en date du 25 octobre 2017 et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

CONDAMNE M. [B] [N] [X] à payer à M. [S] [L] les sommes suivantes :

- 5 664 euros à titre de rappel de salaire de pour l'année 2014,

- 566,40 euros au titre des congés payés afférents,

- 11 822 euros à titre d'heures supplémentaires pour les années 2013 et 2014,

- 1 182,20 euros au titre des congés payés afférents,

- 10 009 euros à titre d'heures supplémentaires pour l'année 2015,

- 1 000,90 euros au titre des congés payés afférents,

ORDONNE à M. [B] [N] [X] de remettre à M. [S] [L] un bulletin de paie récapitulatif des créances salariales allouées par le présent arrêt ainsi qu'une attestation Pôle emploi et un reçu pour solde de tout compte conformes au présent arrêt.

CONFIRME pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris;

Y ajoutant :

CONDAMNE M. [B] [N] [X] à payer à M. [S] [L] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel, en sus de la somme de 895 euros allouée au salarié par le conseil de prud'hommes pour les frais irrépétibles exposés en première instance,

DÉBOUTE M. [B] [N] [X] de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [B] [N] [X] aux dépens d'appel.

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Maryse LESAULT, Présidente et par Madame Carine DJELLAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 18/01095
Date de la décision : 10/06/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 15, arrêt n°18/01095 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-10;18.01095 ?
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