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13/05/2020 | FRANCE | N°17/00318

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 13 mai 2020, 17/00318


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



15e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 13 MAI 2020



N° RG 17/00318



N° Portalis DBV3-V-B7B-RHT4





AFFAIRE :





SAS PIERRE FABRE DERMATOLOGIE





C/





[O] [I]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Décembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Boulogne-Billancourtr>
N° Section : Encadrement

N° RG : F 14/01282



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





- Me Christophe DEBRAY



- Me Aymeric BEAUCHENE





le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TREIZE MAI DEUX MILLE VINGT,



La ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 13 MAI 2020

N° RG 17/00318

N° Portalis DBV3-V-B7B-RHT4

AFFAIRE :

SAS PIERRE FABRE DERMATOLOGIE

C/

[O] [I]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Décembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Boulogne-Billancourt

N° Section : Encadrement

N° RG : F 14/01282

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

- Me Christophe DEBRAY

- Me Aymeric BEAUCHENE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TREIZE MAI DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 26 février 2020 puis prorogé au 11 mars puis au 22 avril 2020 et au 15 mai 2020, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

SAS PIERRE FABRE DERMATOLOGIE

N° SIRET : 409 067 006

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Christophe DEBRAY, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 et par Me Jean-Sébastien CAPISANO de la SCP FROMONT BRIENS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0107

APPELANTE

****************

Monsieur [O] [I]

né le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 6], de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Aymeric BEAUCHENE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : 095

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 décembre 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Jean-Yves PINOY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Maryse LESAULT, Présidente,

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU,

FAITS ET PROCÉDURE,

M. [O] [I] (ci-après M. [I]) a été embauché par contrat à durée indéterminée en date du 16 juin 2000, en qualité de visiteur médical par la société PIERRE FABRE DERMATOLOGIE. Il assurait la promotion des produits commercialisés par société PIERRE FABRE DERMATOLOGIE, sans les vendre.

Des avenants au contrat de travail, en date du ler septembre 2000, puis du 29 août 2005 portant sur la modification du secteur de visites ont été signés par les parties.

Par courrier en date du 4 février 2010, la société PIERRE FABRE DERMATOLOGIE a annoncé la suppression du poste de visiteur médical de M. [I] dans le cadre d'un Plan de Sauvegarde de l'Emploi.

Par avenant au contrat de travail en date du 1er mai 2010, la société PIERRE FABRE DERMATOLOGIE a reclassé M. [I] en qualité de délégué médical et a dé'ni un nouveau secteur de visite.

Dans le cadre d'une nouvelle sectorisation de la visite médicale, la société PIERRE FABRE DERMATOLOGIE a procédé à un aménagement des conditions de travail de M [O] [I] à compter du 1er janvier 2014 en redé'nissant le secteur des visites.

Par courrier en date du 26 février 2014, M. [I] a été convoqué à un entretien préalable fixé au jeudi 6 mars et mis à pied à titre conservatoire dans l'attente de la décision à intervenir.

Par courrier en date du 14 mars 2014, la société PIERRE FABRE DERMATOLOGIE a notifié son licenciement à M. [I] pour faute grave en raison de la déclaration de fausses visites et d'une utilisation non conforme de sa carte Total.

M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt le 16 juillet 2014.

Par jugement du 8 décembre 2016, le conseil de prud'hommes de Boulogne Billancourt a :

- dit que le licenciement de M. [I] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à 3 509,37 euros

- condamné la société PIERRE FABRE DERMATOLOGIE à payer à M. [I] les sommes de :

- 35 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 440,03 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et à 144,00 euros au titre des congés payés afférents,

- 10 528,11 euros au titre d'indemnités compensatrice de préavis, et 1 052,81 euros au titre des congés payés afférents au préavis,

- 17 195,90 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

- débouté M. [I] dans sa demande de sujétion pour occupation à titre professionnel,

- ordonné la remise du certificat de travail, d'un bulletin de paie et de l'attestation Pôle Emploi conforme à la décision,

- condamné la société PIERRE FABRE DERMATOLOGIE à payer à M. [I] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de droits,

- dit que les sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la notification du jugement,

- débouté M. [I] du surplus de ses demandes,

- reçu la défenderesse dans ses demandes mais l'en a débouté,

- laissé les dépens à la partie défenderesse.

Par déclaration du 13 janvier 2017, la SAS PIERRE FABRE DERMATOLOGIE a interjeté appel de l'intégralité du jugement.

Par dernières conclusions déposées au greffe, la SAS PIERRE FABRE DERMATOLOGIE, appelante, demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. [I] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [I] de sa demande d'indemnité d'occupation du domicile à des fins professionnelles ;

Et,

Statuant à nouveau, de :

À titre principal :

- juger que le licenciement pour faute grave de M. [I] est parfaitement fondé,

En conséquence,

- débouter M. [I] de ses demandes indemnitaires à ce titre,

- ordonner le remboursement par M. [I] à la Société PIERRE FABRE DERMATOLOGIE des sommes versées suite au jugement de première instance au titre de l'exécution provisoire de droit soit la somme de 27 345,18 euros nets,

- juger que M. [I] ne peut prétendre à une quelconque indemnité d'occupation de son domicile à des fins professionnelles,

En conséquence,

- débouter M. [I] de sa demande indemnitaire à ce titre,

À titre subsidiaire :

- juger que le licenciement de M. [I] repose sur une cause réelle et sérieuse,

À titre éminemment subsidiaire :

- dans l'hypothèse où la Cour de céans considèrerait le licenciement de M. [I] dépourvu de cause réelle et sérieuse, ramener le montant des dommages et intérêts alloués à ce dernier à de plus justes proportions,

- dans l'hypothèse où la Cour de céans considèrerait la demande de M. [I] au titre de l'indemnité d'occupation de domicile comme recevable, ramener le montant alloué à l'intimé à ce titre à de plus justes proportions,

En tout état de cause :

- juger que les dommages et intérêts éventuellement alloués à M.[I] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse s'entendent comme des sommes brutes avant précompte de CSG et CRDS et des éventuelles cotisations de sécurité sociale ;

- juger que les sommes à caractère salarial éventuellement allouées à M.[I] s'entendent comme des sommes brutes avant précompte de CSG et CRDS et des éventuelles cotisations de sécurité sociale,

- débouter M. [I] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [I] à payer à la Société PIERRE FABRE DERMATOLOGIE la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner M. [I] aux entiers dépens.

Par dernières conclusions déposées au greffe, M. [I], intimé, demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit le licenciement de M. [I] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société PIERRE FABRE DERMATOLOGIE au paiement des sommes suivantes :

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 35 000 euros

- rappel de salaire sur MP conservatoire : 1 440,03 euros

- CP afférents : 144 euros

- préavis : 10 528,11 euros

- CP afférents : 1 052,81 euros

- indemnité conventionnelle de licenciement : 17 195,90 euros

- Article 700 du code de procédure civile : 1 000 euros

- remise d'un certificat de travail, un bulletin de paie, une attestation Pôle Emploi conformes à la décision à intervenir,

- assorti les condamnations des intérêts au taux légal à compter du jugement,

- prononcé l'exécution provisoire de la décision.

- infirmer le jugement pour le surplus, et y ajoutant, condamner la société PIERRE FABRE DERMATOLOGIE au paiement des sommes suivantes :

- indemnité sujétion pour occupation à titre professionnel du domicile : 16.500 euros

- Article 700 du code de procédure civile en cause d'appel : 2.000 euros.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 décembre 2019.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS,

1- Sur le licenciement pour faute grave

Aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, la société PIERRE FABRE DERMATOLOGIE reproche en substance au salarié d'avoir effectué des déclarations d'activités erronées et utilisé une carte carburant Total à des fins personnelles.

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. La faute grave s'entend d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de l'existence d'une faute grave.

A titre liminaire, il convient de rappeler que la datation des faits dans la lettre de licenciement n'est pas nécessaire et qu'il suffit que le grief soit matériellement vérifiable.

Il est reproché au salarié dans la lettre de licenciement du 14 mars 2014 les faits suivants :

« Lors de votre entretien annuel d'évaluation, le 14 février dernier avec notre Directeur régional, Monsieur [B] [X], vous avez indiqué à ce dernier ne pas avoir vu le Docteur [W] depuis plusieurs mois.

Or, vous aviez saisi un contact avec ce praticien dans votre déclaratif d'activité le 10 février 2014, soit 4 jours avant la réunion précitée.

Vos affirmations ayant surpris votre supérieur hiérarchique, et au regard de la faiblesse des résultats enregistrés sur votre secteur depuis plusieurs mois, nous avons alors procédé à des vérifications dans votre déclaratif d'activité.

Nous avons alors découvert que, outre la visite du 10 février auprès du Docteur [W] que vous avez indiqué ne pas avoir vu depuis plusieurs mois à votre Directeur régional, il est apparu à plusieurs reprises des incohérences dans votre déclaratif d'activité :

En effet, vous avez déclaré avoir visité le Docteur [A] [N] le mercredi 12 février 2014 alors que son cabinet était fermé ce jour-là, ce praticien étant en congés ;

Le vendredi 31 janvier 2014, vous avez établi un rapport d'activité indiquant que vous aviez visité le Docteur [U] alors même que cette dernière indique que ce n'est pas le cas ;

Pour les jeudi 16 janvier 2014 et mercredi 5 février 2014, vous avez également établi un rapport d'activité concernant des visites réalisées auprès du Docteur [E] [D]. Or, cette dernière a attesté ne pas vous avoir reçu à ces dates là et le secrétariat de ce praticien déclare par ailleurs ne pas avoir de rendez-vous à votre nom depuis 2010,

Il est également apparu que sur la journée du lundi 9 décembre 2013, vous avez saisi sur votre rapport d'activité un rendez-vous à 11h30 avec le Docteur [K] [S], alors même que vous avez annulé auprès de cette dernière le rendez-vous à 11h26 et pourtant laissé figurer cette visite sur votre déclaratif d'activité ;

Un tel comportement ne saurait être toléré de la part de l'un de nos visiteurs médicaux dès lors que les fausses déclarations de visite constituent un manquement grave à vos obligations contractuelles.

Au regard de la fréquence des incohérences constatées sur ces dernières semaines voire mois d'activité, nous ne saurions entendre qu'il puisse s'agir de simples erreurs de votre part.

Suite au constat des déclarations d'activité erronées ci-dessus évoquées nous avons procédé aux vérifications de votre activité.

Nous avons constaté, à titre complémentaire et accessoire, de votre part une utilisation non conforme de votre carte Total GR Entreprise, laquelle vous a été attribuée afin de couvrir les frais de carburant et de péage pour votre activité strictement professionnelle.

Ces agissements sont d'autant plus intolérables qu'ils sont en contradiction avec les procédures en vigueur que nous vous avons rappelées à plusieurs reprises et notamment par mail à l'ensemble des agents le 11 février 2011.

En effet, lorsqu'un collaborateur utilise la carte Total afin défaire le plein de carburant en fin de semaine ou avant une période de congés, ce dernier doit compenser l'utilisation du carburant à titre personnel pendant le week-end ou pendant ses congés payés, par le paiement à l'issue du week-end ou des congés du carburant sur ses deniers personnels.

Or, nous avons été contraints de constater que, de manière répétée, vous avez utilisé à des fins personnelles la carte Total en contradiction avec les règles édictées :

Le 20 décembre 2013, soit la veille de votre départ en congés, vous avez effectué un premier plein de carburant et, au mépris des règles en vigueur, le 2 janvier 2014 à l'issue de vos congés, soit lors de la reprise de votre activité professionnelle, vous avez réutilisé la carte Total afin de payer votre carburant.

Et de la même manière, il est apparu après vérification que vous aviez d'ores et déjà procédé à un usage abusif de la carte Total le 12 avril 2013. En effet, à cette date, soit la veille de votre départ en RTT pour une semaine, vous avez effectué un premier plein de carburant de votre véhicule et, au mépris des procédures en vigueur, en avez effectué à nouveau un le 22 avril 2013 au matin, lors de la reprise de votre activité professionnelle, alors que vous deviez régler celui-ci avec des moyens de paiement personnel.

Dernièrement, le dimanche 23 février 2014 à 12 heures 34, soit sur votre temps de repos hebdomadaire, vous avez utilisé à des fins personnelles la carte Total pour du péage. »

La société PIERRE FABRE, soutient avoir procédé à une vérification à compter de février 2014, et relève des déclarations erronées pour les visites du Dr [W] le 10 février 2014, du Dr [N] le 12 février 2014, du Dr [U] le 31 janvier 2014, du Dr [P] le 16 janvier 2014 et du Dr [S] le 9 décembre 2013.

Elle indique qu'elle aurait procédé à des vérifications d'activité et constaté une utilisation non conforme de la carte TOTAL de M. [I] se traduisant par 2 pleins d'essence avant congés, non compensé par un plein via ses deniers personnels de retour de congés les 22 décembre 2013 et 2 janvier 2014.

La cour relève qu'aucune observation, rappel ou avertissement n'a jamais été adressée au salarié durant ses13 années d'activité .

1-1- Sur les fausses déclarations

La société PIERRE FABRE soutient démontrer les fausses déclarations du salarié au vu d'une pièce unique qu'elle intitule « déclaratif d'activité ».

Muni de ce « déclaratif », l'employeur l'a soumis aux médecins du secteur de M. [I], lesquels ont attesté ne pas avoir reçu M. [I] aux dates indiquées.

La cour relève que ce déclaratif d'activité ne constitue aucunement un relevé réel des activiés déclarées par le salarié, mais un simple agenda dont une capture d'écran a été éditée à une date indéterminée.

S'agissant d'un simple agenda nondéclaratif, le nom des praticiens y figurant mentionnés pouvait avoir vocation à être modifié à tous moments par le salarié, ainsi que d'autres ajoutés voire supprimés au gré des disponibilités de chacun.

Devant l'impossibilité de déterminer la date à laquelle la capture d'écran de cet agenda été effectuée par la société PIERRE FABRE et son caractère modifiable à tout moment, ce document ne saurait constituer un déclaratif de M. [I] pouvant lui être opposé par l'employeur.

Cet agenda demeure modifiable, y compris par la société PIERRE FABRE, ce qui remet en cause sa valeur probatoire, son authentifié n'étant pas vérifiable.

Il ne demeure ainsi pas établi que M. [I] aurait déclaré avoir visité des médecins aux dates citées dans la lettre de licenciement.

Il est encore relevé du compte rendu de son préalable, que de nombreuses autres fausses déclarations de visites médicales chez des praticiens ont été reprochées à M. [I], dont les docteurs [F] le 20 février 2014, le docteur [T] le 31 janvier 2014.

M. [I] affirme avoirbien effectué ces visites, ce que ces deux médecins confirment et attestent en indiquant M. [I] les a bien visités aux dates indiquées.

Alors qu'il est établi que le Dr [T] a bienreçu la visite de M. [I] le 31 janvier 2014, la société PIERRE FABRE persiste à lui reprocher une fausse déclaration de visite chez ce praticien et produit une attestation, sans pièce d'identité, contraire à l'affirmation de ce médecin qui confirme que M. [I] s'est bien présenté à son RDV du mois de janvier 2014.

Le Dr [Z] atteste que M. [I] « s'est toujours acquitté de ses visites avec une grande conscience professionnelle », de même que le Dr [V].

Il se déduit de tout ce qui précède que les fausses déclarations de visite reprochées au salarié ne sont pas établies par l'employeur. Ce grief est infondé.

1-2- Sur l'utilisation de la carte carburant GR

M. [I] disposait d'une carte de carburant Total GR destinée à couvrir les frais d'essence de péage inhérents à l'exercice de ses fonctions de visiteur médical.

La société PIERRE FABRE lui reproche une utilisation privée de cette carte, notamment en décembre 2014 où il aurait fait un plein le 20 décembre 2013 veille de congé, et aurait à nouveau utilisé la carte à son retour le 2 janvier 2014.

M. [I] justifie par les pièces qu'il verse aux débats n'avoir pas utilisé la carte GR pour faire un plein pour ses vacances le 20 décembre 2013 mais bien pour une journée de travail qu'il a effectuée par des visites dans son secteur, l'après-midi compris et à partir de 11h30 le matin, heure à laquelle il a fait l'appoint de carburant pour un montant de 37,73 euros.

L'employeur n'établit pas que son salarié aurait ainsi fait le plein de carburant aux frais avancés de la société pour une utilisation à titre personnel.

Il est justifié aux débats que la seconde utilisation de la carte carburant GR effectuée par M. [I] s'est faite le 2 janiver 1014 au matin à 7h58 pour un montant de 68,90 euros, soit 49,53 litres, soit à son retour de congés, afin d'effectuer sa journée de travail et les suivantes.

Ce second grief tiré de l'utilisation d'une carte de carburant professionnelle à des fins personnelles n'est pas établi.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la société PIERRE FABRE, n'établit pas la réalité des griefs des fausses déclarations et d'utilisation à des fins personnelles d'une carte de carburant de la société par M. [I], ayant motivé la mesure de licenciement pour faute grave prise à son égard.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et alloué diverses sommes au salarié.

2- Sur les demandes indemnitaires

2-1- Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [I] avait 13 années d'ancienneté sans aucun passé disciplinaire.

La moyenne de ses trois derniers mois de salaire s'établit à 3 509,37 euros.

Il lui sera alloué à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse la somme de 35 000 euros

2-2- Sur le rappel de salaire sur mise à pied conservatoire

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, la société PIERRE FABRE devra verser à M. [I] la somme de 1 440,03 euros à titre de rappel de salaires durant la période de sa mise à pied et 144 euros au titre des congés payés afférents.

2-3- Sur la demande d'indemnité compensatrice de préavis

M. [I] a droit au bénéfice d'une indemnité compensatrice de préavis de trois mois, soit 10 528,11 euros et 1 052.81 euros au titre des congés payés afférents, que la société PIERRE FABRE sera condamnée à lui verser.

2-4- Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement

L'article 33 de la convention collective applicable prévoit que le montant de l'indemnité de licenciement est calculé de la manière suivante :

- À partir d'un an d'ancienneté, 9/30 de mois par année à compter de la date d'entrée dans l'entreprise jusqu'à 5 ans,

- Pour la tranche de 5 à 10 ans d'ancienneté, 12/30 de mois par année,

- Pour la tranche de 10 à 15 ans d'ancienneté, 14/30 de mois par année.

La cour retient que M. [I] est bien fondé à réclamer la condamnation de la société PIERRE FABRE à lui payer la somme 17 195,90 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement. La société PIERRE FABRE sera condamnée à lui verser ce montant.

2-5- Sur la demande de sujétion pour occupation à titre professionnel

M. [I] exerce la profession de visiteur médical au sein de la société PIERRE FABRE. Il affirme que son employeur l'a contraint à dédier une partie de son domicile à l'exercice de son activité professionnelle afin notamment d'y entreposer la documentation nécessaire à ses visites auprès des médecins, de conserver ses archives, d'entreposer le télécopieur et la ligne professionnelle dédiée, d'l'ordinateur nécessaire à la connexion internet afin d'accéder à son espace de travail personnel ouvert sur le réseau de son employeur et de travailler à la préparation de ses visites et ses comptes rendus.

Il soutient avoir ainsi été contraint de dédier un espace de son habitation personnelle à son activité professionnelle.

L'occupation, à la demande de l'employeur, du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans la vie privée de celui-ci et n'entre pas dans l'économie générale du contrat de travail. Si le salarié, qui n'est tenu ni d'accepter de travailler à son domicile, ni d'y installer ses dossiers et ses instruments de travail, accède à la demande de son employeur, ce dernier doit l'indemniser de cette sujétion particulière ainsi que des frais engendrés par l'occupation professionnelle du domicile.

L'indemnisation liée à l'occupation du domicile est détachable du reste de la rémunération perçue.

M. [I] fait valoir que l'occupation du logement pour les besoins de son activité professionnelle est de 45 m2 (bureau et réserve). Sa valeur locative est estimée entre 250 euros et 300 euros, soit une valeur moyenne de 275 euros.

Il en déduit que l'indemnité d'occupation qui lui serait due serait de 12 mois X 5 ans X 275 euros, soit 16 500 euros.

La cour retient que M. [I] n'établit pas que son employeur lui ait demandé de dédier un espace de son habitation personnelle à son activité professionnelle, ni ne démontre, comme il le soutient, avoir du stocker des cartons dans son garage et n'apporte ainsi aucune pièce justificative permettant d'établir la réalité de ses affirmations.

La cour déboute M. [I] de sa demande de sujétion pour occupation de son logement à titre professionnel.

3- Sur les demandes accessoires

La société PIERRE FABRE succombant en appel, supportera les dépens, sera déboutée de ses demandes en paiement de ses frais irrépétibles présentées tant en première instance qu'en appel et sera condamnée à payer à M. [I] en application de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 2 500 euros.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement déféré, en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société PIERRE FABRE à payer à M. [O] [I] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société PIERRE FABRE aux dépens de première instance et d'appel.

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Maryse LESAULT, Présidente et par Madame Carine DJELLAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 17/00318
Date de la décision : 13/05/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 15, arrêt n°17/00318 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-05-13;17.00318 ?
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