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28/04/2020 | FRANCE | N°19/04398

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 28 avril 2020, 19/04398


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 53I



13e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 28 AVRIL 2020



N° RG 19/04398 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TISI



AFFAIRE :



SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE



C/



[X] [S]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Mai 2019 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2

018F00397





Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 28/04/2020





à :



Me Emmanuel MOREAU



Me Franck LAFON



TC NANTERRE



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT HUIT AVRIL DEUX MILLE VINGT,
...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53I

13e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 28 AVRIL 2020

N° RG 19/04398 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TISI

AFFAIRE :

SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE

C/

[X] [S]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Mai 2019 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2018F00397

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 28/04/2020

à :

Me Emmanuel MOREAU

Me Franck LAFON

TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT AVRIL DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Maître Emmanuel MOREAU de la SCP MOREAU E. & ASSOCIES avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 147 - N° du dossier 20198392 et par Maître Michèle SOLA avocat plaidant au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Monsieur [X] [S]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Madame [G] [J] épouse [S]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentés par Maître Franck LAFON avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20190292 et par Maître Hélène CARPENTIER-PERON avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Mars 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Delphine BONNET, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN,

En 2008, M. [X] [S] et Mme [G] [J] épouse [S] ont créé la société Hôtelière 18 Gobelins pour acquérir 100 % du capital de la société Carofftel Gobelins, propriétaire d'un hôtel exploité au [Adresse 2].

Par acte sous seing privé du 7 janvier 2009, la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France (la Caisse d'épargne) a consenti à la société Carofftel Gobelins deux prêts :

- l'un n°8516434 d'un montant de 375 000 euros,

- l'autre n°8516435 d'un montant de 735 000 euros,

au taux annuel de 5,10 % l'an, remboursables en 125 mensualités avec un différé d'amortissement de 5 mois, prêts destinés à financer des travaux et le rachat de créances externes et de comptes courants d'associés.

Par quatre actes séparés, non datés, M. et Mme [S] se sont chacun portés caution solidaire envers la Caisse d'épargne, en garantie du remboursement de chacun de ces deux prêts, à hauteur de 50 % de l'encours des prêts, et dans la limite de la somme de 243 750 euros s'agissant du prêt n°8516434 et de 477 750 euros s'agissant du prêt n°8516435.

Par un avenant du 9 décembre 2009, le prêt n°8516434 a été renuméroté n°8572041 et réaménagé afin d'être remboursé sur une durée de 120 mois, avec suppression du différé d'amortissement.

Puis, par un nouvel avenant du 12 février 2015, ce prêt a été renuméroté n°9506845 et réaménagé au taux fixe de 3,50 % l'an avec un remboursement du capital restant dû sur une durée de 68 mois.

Par ailleurs, par acte sous seing privé du 24 janvier 2013, la Caisse d'épargne a consenti à la société Carofftel Gobelins un troisième prêt n°9157611 d'un montant de 850 000 euros, au taux annuel de 3,90 % l'an, remboursable en 120 mensualités, avec un différé d'amortissement de 36 mois, destiné à financer partiellement des travaux d'aménagement, de rénovation et de mise aux normes des locaux du fonds de commerce de l'hôtel situé [Adresse 2].

Par actes séparés du même jour, M. et Mme [S] se sont chacun portés caution solidaire envers la Caisse d'épargne en garantie du remboursement de ce prêt, dans la limite chacun de la somme de 1 105 000 euros.

Par un avenant du 26 février 2015, ce prêt n°9157611 a été renuméroté n°9506645 et a été réaménagé au taux fixe de 3,50 % l'an avec un allongement de douze mois, soit un remboursement en 120 mensualités, après un différé d'amortissement de 12 mois.

En outre, par acte sous seing privé du 19 septembre 2014, la Caisse d'épargne a consenti à la société Carofftel Gobelins un quatrième prêt n° 9448484 d'un montant de 140 000 euros, au taux de 4,90 % l'an, remboursable en 120 mensualités, destiné à financer des travaux d'aménagement dans les locaux professionnels situés [Adresse 2].

Par actes séparés du même jour, M. et Mme [S] se sont chacun portés caution solidaire envers la Caisse d'épargne en garantie du remboursement de ce prêt, dans la limite chacun de la somme de 182 000 euros.

Par jugement du 29 mars 2016, la société Carofftel Gobelins a été placée en redressement judiciaire.

Par lettre recommandée du 26 mai 2016, la Caisse d'épargne a déclaré ses créances entre les mains du mandataire judiciaire. Et par lettres recommandées du même jour, elle a mis en demeure M. et Mme [S], en leur qualité de caution, de lui payer chacun la somme globale de 1 186 259,15 euros en principal, outre les intérêts, à l'issue de la période d'observation fixée au 22 septembre 2016. Ces mises en demeure sont restées vaines.

Les créances de la Caisse d'épargne déclarées au titre des prêts susvisés ont été intégralement admises au passif de la société Carofftel Gobelins, par décision du 30 mars 2017 du juge-commissaire désigné dans la procédure collective.

Puis, le plan de redressement de la société Carofftel Gobelins a été arrêté par jugement du 18 octobre 2017.

Par ordonnance du 30 novembre 2017, rendue sur requête de la Caisse d'épargne, le président du tribunal de grande instance de Nanterre l'a autorisée à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur les parts et portions divises du bien immobilier situé à [Localité 5] de M. [S] et de Mme [S], et ce, pour garantir pour chacun paiement de la somme de 1 186 259 euros.

Par jugement contradictoire du 14 mai 2019, le tribunal de commerce de Nanterre, saisi par assignation de la Caisse d'épargne délivrée le 1er février 2018, a :

- débouté la Caisse d'épargne de sa demande de condamnation de Mme [S] au titre de ses engagements de caution des prêts n°9506845, 9506645 et 9448484,

- dit que dans les rapports entre la Caisse d'épargne et M. [S] les versements effectués par la société Carofftel Gobelins sont réputés affectés au principal des prêts souscrits,

- débouté la Caisse d'épargne de ses demandes de paiement à l'encontre de M. [S] au titre des prêts n°9506845, 9506645 et 9448484,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Caisse d'épargne aux dépens.

La Caisse d'épargne a interjeté appel de cette décision le 17 juin 2019.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 30 janvier 2020, elle demande à la cour de :

- la recevoir en son appel et l'y déclarer bien fondée,

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

- condamner solidairement M. et Mme [S], en leur qualité de caution, à lui payer au titre du prêt n°8516434, renuméroté n°8572041, puis renuméroté n°9506845, la somme de 157 174,90 euros, chacun dans la limite de son engagement de caution, et dans la limite des échéances échues au jour de l'arrêt à intervenir, outre les intérêts au taux contractuel de 3,50 % majoré des pénalités de trois points, soit 6,50 %, à compter du 5 décembre 2018, date du décompte,

- condamner solidairement M. et Mme [S], en leur qualité de caution, à lui payer au titre du prêt n°9157611, renuméroté n°9506645, dans la limite des échéances échues au jour de l'arrêt à intervenir, la somme de 768 094,39 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 3,50 % majoré des pénalités de trois points, soit 6,50 %, à compter du 5 décembre 2018, date du décompte,

- condamner solidairement M. et Mme [S], en leur qualité de caution, à lui payer au titre du prêt n°9448484, dans la limite des échéances échues au jour de l'arrêt à intervenir, la somme de 126 050,66 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 4,90 % majoré des pénalités de trois points, soit 7,90 %, à compter du 5 décembre 2018, date du décompte,

- dire que les intérêts produits seront capitalisés chaque année pour produire à leur tour intérêts, conformément à l'article 1343-2 du code civil,

- débouter M. et Mme [S] de leurs demandes,

- condamner solidairement M. et Mme [S] à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement M. et Mme [S] aux dépens et autoriser maître [L] à les recouvrer conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 6 février 2020, M. et Mme [S] demandent à la cour de :

à titre principal

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement,

- débouter la Caisse d'épargne de l'ensemble de ses demandes formulées à leur encontre,

- ordonner la radiation de la publicité des hypothèques judiciaires provisoires sur les parts et portions divises du bien immobilier situé à [Localité 5] leur appartenant faite le 26 janvier 2018 au service de la publicité foncière de [Localité 9], 1er bureau,

- condamner la Caisse d'épargne au paiement à leur égard de la somme de 10 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

à titre subsidiaire s'agissant de Mme [S]

- constater l'absence d'information annuelle en sa qualité de caution personnelle et solidaire par la banque au titre des prêts n°9506845, n°9506645 et n°9448484,

- constater que les versements déjà effectués par la société Carofftel Gobelins, réputés intégralement affectés au principal des prêts n°9506845, n°9506645 et n°9448484, étant supérieurs à ses obligations échues et dues à la date du 22 mars 2016, cette dernière est réputée avoir satisfait à ses obligations dans le rapport entre Mme [S] et la Caisse d'Epargne,

- débouter par conséquent la Caisse d'épargne de l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre de Mme [S],

- ordonner la radiation de la publicité des hypothèques judiciaires provisoires sur les parts et portions divises du bien immobilier situé à [Localité 5] leur appartenant faite le 26 janvier 2018 au service de la publicité foncière de [Localité 9], 1er bureau,

- condamner la Caisse d'épargne au paiement à son égard de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

à titre subsidiaire s'agissant de M. [S] et à titre très subsidiaire s'agissant de Mme [S]

- constater l'accord particulier intervenu entre la Caisse d'épargne et la société Carofftel Gobelins aux fins de réaménagement de sa dette principale au titre des prêts n°9506845, n°9506645 et n°9448484, en marge du plan de redressement, lequel bénéficie aux cautions,

- dire que leurs engagements de caution ne peuvent excéder ce qui est dû par la société Carofftel Gobelins,

- constater qu'à ce jour, la société Carofftel Gobelins n'est pas défaillante en sa qualité de débiteur principal,

- débouter en conséquence la Caisse d'épargne de l'ensemble de ses demandes formulées à leur encontre,

- ordonner la radiation de la publicité des hypothèques judiciaires provisoires sur les parts et portions divises du bien immobilier situé à [Localité 5] leur appartenant faite le 26 janvier 2018 au service de la publicité foncière de [Localité 9], 1er bureau,

- condamner la Caisse d'épargne au paiement à leur égard de la somme de 10 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

Dans l'hypothèse où par extraordinaire, la cour refuserait de considérer qu'il existe un accord particulier entre le débiteur principal, la société Carofftel Gobelins, et son créancier, bénéficiant aux cautions :

- dire que le jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société Carofftel Gobelins n'a pas rendu exigibles à la date de son prononcé les créances non échues de la banque sur son débiteur principal au titre des prêts n°9506845, n°9506645 et n°9448484,

- constater qu'en l'espèce, le montant total des créances échues de la banque sur son débiteur principal au titre des prêts n°9506845, n°9506645 et n°9448484 à la date du 22 mars 2016 s'élevait à 14 339,25 euros,

- limiter en conséquence le montant de la condamnation à leur encontre à la somme de 14 339,25 euros,

- leur accorder, dans l'hypothèse d'une condamnation en paiement en leur qualité de caution, un différé de paiement de deux années,

- ordonner la radiation de la publicité des hypothèques judiciaires provisoires sur les parts et portions divises du bien immobilier situé à [Localité 5] leur appartenant faite le 26 janvier 2018 au service de la publicité foncière de [Localité 9], 1er bureau,

- condamner la Caisse d'épargne au paiement à leur égard de la somme de 10 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de maître Lafon conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 février 2020.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Aucun moyen n'étant soulevé ou susceptible d'être relevé d'office, il convient de déclarer l'appel de la Caisse d'épargne recevable.

1) sur la disproportion des engagements de caution

La Caisse d'épargne précise qu'elle verse aux débats une fiche de patrimoine établie par les époux [S], « certifiée sincère et véritable » de leurs mains et signée par leurs soins, dont il résulte que leur patrimoine immobilier net était évalué à 2 181 000 euros, que ceux-ci détenaient 200 000 euros de valeurs mobilières, qu'il restait pour vivre « après IRPP » à M. [S] une somme de 104 032,52 euros et à Mme [S] une somme de 75 474,52 euros. La banque indique qu'elle verse une fiche de patrimoine établie le 18 juillet 2014 par Mme [S] également « certifiée sincère et véritable » de sa main et signée par ses soins, aux termes de laquelle elle a déclaré être propriétaire d'une maison d'une valeur de 1 000 000 euros à [Localité 5], d'un appartement d'une valeur de 350 000 euros à Méribel et d'un fonds de commerce d'une valeur de 2 500 000 euros, et qu'elle restait devoir 127 000 euros à la BNP et n'avait aucune autre dette. La banque estime en conséquence que le patrimoine tant de M. [S] que de Mme [S] était parfaitement suffisant pour leur permettre de se porter caution en sa faveur en sorte que la demande de décharge formulée uniquement par Mme [S] ne peut prospérer.

Elle affirme que si la première fiche de renseignements n'est pas datée, celle-ci a bien été établie et remise par M. et Mme [S] en janvier 2009 lors de la souscription des cautionnements ce qu'ils ne contestent pas. Elle prétend qu'il appartient à Mme [S] de démontrer que la teneur de son patrimoine était différente que celle indiquée aux termes de cette fiche de patrimoine, ce qu'elle ne fait pas et soutient qu'en tout état de cause, les éventuelles fausses déclarations effectuées par M. et Mme [S] lui seraient inopposables.

Enfin, elle affirme que le patrimoine actuel des cautions leur permet également d'honorer les sommes lui restant dues au titre des concours litigieux.

M. et Mme [S], après avoir rappelé la jurisprudence relative au caractère disproportionné d'un engagement de caution, soulignent que les engagements de caution de Mme [S] souscrits le 7 janvier 2009 en faveur de la Caisse d'épargne s'élevaient à un montant global de 1 403 350 euros, soit 681 850 euros au titre d'un prêt consenti par la Caisse d'épargne à la société Hôtelière 18 Gobelins et 721 500 euros au titre des prêts consentis à la société Carofftel Gobelins, alors qu'à cette même date, la valeur nette du patrimoine de Mme [S], mariée sous le régime de la séparation de biens, s'élevait seulement à la somme de 117 021 euros. Puis, ils détaillent la teneur de ce patrimoine immobilier et le montant des prêts restant dus. S'agissant du cautionnement souscrit le 24 janvier 2013, ils font valoir que celui-ci a fait porter l'ensemble des engagements de caution de Mme [S] au montant global de 2 030 600 euros alors qu'à cette date la valeur nette de son patrimoine s'élevait à la somme de 300 009,74 euros, dont ils donnent le détail. Puis, s'agissant du cautionnement souscrit le 19 septembre 2014, ils indiquent que ce dernier a fait passer à 2 212 600 euros le montant total des engagements de caution de Mme [S] pour un patrimoine de 374 699,52 euros.

Ils relèvent que la fiche de renseignements produite par la Caisse d'épargne n'est pas datée et qu'il n'est pas prouvé qu'elle ait été établie à la date à laquelle les engagements de caution ont été effectivement souscrits par Mme [S]. Ils font valoir par ailleurs qu'au mépris de la jurisprudence de la Cour de cassation, la banque apprécie globalement leur situation alors que, s'agissant d'une caution mariée sous le régime de la séparation des biens, la disproportion éventuelle de son engagement doit s'apprécier au regard de ses seuls biens et revenus personnels en sorte que cette fiche d'information conjointe et globale ne peut être prise en compte dans l'analyse de la disproportion soulevée par Mme [S].

S'agissant de la fiche patrimoniale du 18 juillet 2014, M. et Mme [S], après avoir souligné qu'elle a été produite par la Caisse d'épargne pour la première fois en cause d'appel, soutiennent que la banque aurait dû alerter Mme [S] sur les imprécisions de ses déclarations puisque, mariée sous le régime de la séparation de biens, elle a omis de distinguer pour chaque bien immobilier la quote-part de sa détention propre, sans toutefois avoir eu pour volonté de tromper la religion de la banque, ce d'autant que l'autre fiche de renseignements remise à la banque, cosignée par eux contenait des informations différentes s'agissant de ce même patrimoine immobilier dont ils donnent le détail.

Ils estiment en conséquence qu'en présence d'incohérences et d'anomalies apparentes dans les déclarations faites par Mme [S] le 18 juillet 2014 et des autres charges pesant sur elle que la banque ne pouvait ignorer, celle-ci aurait dû vérifier l'exactitude de sa situation financière.

Puis, ils soutiennent que la valeur du patrimoine de Mme [S] à ce jour s'élève à la somme de 423 200 euros alors que la Caisse d'épargne demande sa condamnation à hauteur d'un montant total de 1 051 319,95 euros auquel il convient d'ajouter le cautionnement donné en garantie de la dette bancaire de la société Hôtelière 18 Gobelins s'élevant à ce jour à la somme en principal de 228 217,07 euros.

Ils demandent en conséquence à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la disproportion manifeste des engagements de caution de Mme [S] et l'impossibilité pour la Caisse d'épargne de s'en prévaloir.

Il résulte des dispositions de l'article L. 341-4 ancien du code de la consommation reprises aux articles L. 332-1 et L. 343-4 du même code qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. Lorsque la caution est mariée sous le régime de la séparation de biens, il n'est tenu compte que de ses biens et revenus personnels.

Il appartient à la caution qui invoque la disproportion de son engagement d'en apporter la preuve ; celle-ci s'apprécie à la date de la conclusion du cautionnement sur la base des éléments alors connus au vu des déclarations de la caution concernant ses biens et revenus que le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier. La caution n'est alors pas admise à établir devant le juge que sa situation financière était en réalité moins favorable sauf si le créancier professionnel a eu connaissance de l'existence d'autres charges pesant sur la caution ou si la déclaration effectuée par la caution est trop ancienne.

La disproportion manifeste de l'engagement d'une caution mariée sous le régime de la séparation des biens s'apprécie au regard de ses seuls biens et revenus personnels.

En préalable, il convient de rappeler que les demandes de la Caisse d'épargne portent sur les prêts suivants :

- prêt du 7 janvier 2009 n°8516434, renuméroté n°8572041, puis n°9506845, d'un montant de 375 000 euros, garanti par le cautionnement de M. et Mme [S] dans la limite de 243 750 euros,

- prêt du 24 janvier 2013 n°9157611, renuméroté n°9506645, d'un montant de 850 000 euros garanti par le cautionnement de M. et Mme [S] dans la limite de 1 105 000 euros,

- prêt du 19 septembre 2014 n°9448484, de 140 000 euros, garanti par le cautionnement de M. et Mme [S] dans la limite de 182 000 euros.

* sur le cautionnement donné en garanti du prêt n°8516434, renuméroté n°8572041, puis n°9506845 du 7 janvier 2009 à hauteur de 243 750 euros

La Caisse d'épargne verse aux débats une fiche d'information 'personnes physiques' relative à l'état civil et au patrimoine de M. et Mme [S]. Outre le fait que cette fiche n'est pas datée et ne peut donc être rattachée à aucun des engagements de caution souscrits par M. et Mme [S], il y est mentionné un patrimoine net global pour les deux époux de 2 181 000 euros alors que les époux [S] y ont précisé être mariés sous le régime de la séparation de biens en sorte qu'il appartenait à la Caisse d'épargne de demander à chacun des époux des précisions sur son patrimoine respectif. Compte tenu de ces anomalies apparentes, Mme [S] peut donc établir qu'elle était sa situation patrimoniale au 7 janvier 2009.

A cette date, son patrimoine immobilier était composé de :

* sa part indivise du bien immobilier acquis le 19 juillet 2002 en indivision avec M. [S] dont elle détient 1 500/4833èmes ; ce bien est évalué dans la fiche de renseignements non datée à 1 000 000 euros, montant retenu par chacune des parties dans leurs conclusions ; comme le souligne à juste titre la banque, Mme [S] se contente de produire une page d'un plan de remboursement de la BNP daté du 18 juillet 2002 dont rien ne permet d'établir qu'il est afférent à l'acquisition de ce bien et que le prêt dont il s'agit était toujours en cours au jour des engagements litigieux ; la part indivise de Mme [S] doit donc être valorisée 310 366 euros (1 000 000 x 1 500/4833èmes) ;

*les 75 parts en nue-propriété sur les 662 parts de la SCI du Mas Cassiro propriétaire d'un mas provençal ; les parties valorisent ces parts à 113 200 euros.

L'appartement de [Localité 4] figurant sur la fiche d'information non datée produite par la Caisse d'épargne était la propriété de M. [S] seul tel que cela résulte de l'acte de vente en date du 6 février 2017 produit par les intimés. Il ne peut donc être pris en considération.

S'agissant des revenus de Mme [S], l'avis d'imposition 2009 du couple sur les revenus 2008 montre que pour cette année Mme [S] n'a perçu aucun revenu de même qu'en 2009, contrairement d'ailleurs à ce qui figure dans la fiche d'information produite par la banque.

Ainsi, même en tenant compte de la propriété de biens immobiliers situés à [Localité 8] valorisés dans la fiche litigieuse à 158 000 euros et pour laquelle Mme [S] ne fournit aucune explication ni aucun document, l'engagement de caution à hauteur de 243 750 euros auquel s'ajoute le cautionnement souscrit par Mme [S] à hauteur de 477 750 euros au titre du second prêt consenti par la Caisse d'épargne à la société Carofftel Gobelins le 7 janvier 2009 et celui de 681 850 euros souscrit par Mme [S] en garantie d'un autre prêt consenti par la Caisse d'épargne à la société Hôtelière 18 Gobelins toujours le même jour, soit un total d'engagements de 1 403 350 euros, est manifestement disproportionné aux biens et revenus de Mme [S].

S'agissant du patrimoine de Mme [S] au jour où elle est appelée par la banque, le 1er février 2018, l'estimation produite par la Caisse d'épargne résultant du site internet meilleursagents.com qui fait état d'un prix moyen au m² de 9 094 euros pour les maisons situées [Adresse 7], soit une valorisation actuelle selon l'appelante de la maison des époux [S] d'au moins 3 382 968 euros, n'apparaît pas sérieuse et se trouve contredite par le tableau détaillant les prix de 20 ventes de maisons situées à [Localité 5] sur la période du 1er juillet 2019 au 30 septembre 2019 issu du site internet Notaires de France portant sur des maisons aux caractéristiques similaires à celle de M. et Mme [S].

Précision étant faite que la maison a été acquise par les époux [S] en juillet 2002 au prix de 693 643 euros, en retenant le prix le plus haut figurant sur ce tableau, 1 757 800 euros, la part indivise de Mme [S] peut être évaluée au plus à 545 560 euros, montant auquel il convient d'ajouter la valeur de sa participation dans la SCI du Mas Cassiro, 113 200 euros. Ainsi, la Caisse d'épargne, qui ne se prévaut d'aucun autre patrimoine détenu par Mme [S], ne rapporte pas la preuve que celle-ci, au jour où elle a été appelée, peut faire face à ses obligations, puisqu'il doit être tenu compte de l'ensemble de ses engagements, soit un montant total en principal réclamé par la banque de 1 282 097,52 euros.

* sur le cautionnement souscrit le 24 janvier 2013 à hauteur de 1 105 000 euros en garantie du prêt n°9157611, renuméroté n°9506645, de 850 000 euros

Aucune autre fiche patrimoniale n'est produite par la banque. Le même raisonnement que celui tenu en ce qui concerne le cautionnement consenti en garantie du prêt de 375 000 euros en date du 7 janvier 2009 conduit la cour à constater de nouveau que ce cautionnement souscrit par Mme [S] à l'égard de la Caisse d'épargne, portant ses engagements à l'égard de cette dernière à hauteur de 2,5 M€, apparaît manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

Il n'est pas démontré par la banque que le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation au moment où elle l'a appelée.

* sur le cautionnement souscrit le 19 septembre 2014 à hauteur de 182 000 euros en garantie du prêt n°9448484 de 140 000 euros

La Caisse d'épargne verse aux débats une fiche de patrimoine personnel de Mme [S] que celle-ci ne conteste pas avoir remplie et signée le 18 juillet 2014 après y avoir apposé la mention 'certifié sincère et véritable'. Il y est indiqué que Mme [S] est mariée, sans précision sur le régime matrimonial, a trois enfants à charge et ne perçoit pas de revenus. A la rubrique 'patrimoine immobilier' il est fait état de la résidence principale de [Localité 5] estimée à 1 000 000 euros et de l'appartement au Mottaret estimé à 350 000 euros. A la rubrique 'patrimoine mobilier ou incorporel' il est mentionné le fonds de commerce de l'hôtel à [Localité 6] valorisé à 2,5 M€. Enfin, il est fait état d'un emprunt souscrit auprès de la BNP Paribas pour l'acquisition de la résidence principale sur lequel il reste dû un capital de 127 000 euros, outre des charges annuelles pour ce bien de 5 000 euros.

La banque qui connaissait le régime matrimonial des époux [S] devait solliciter de Mme [S] des précisions sur la propriété des biens mentionnés dans cette fiche et vérifier ainsi la situation de la caution.

Mme [S] peut donc se prévaloir de sa situation patrimoniale au 18 juillet 2014 qui n'est pas plus favorable que celle déjà examinée au titre des cautionnements souscrits le 7 janvier 2009. S'agissant des deux biens immobiliers mentionnés dans cette fiche de renseignements, il convient de se reporter à ce qui a été énoncé ci-dessus. S'agissant du fonds de commerce, il n'est pas contesté par la banque que c'est la société Hôtelière 18 Gobelins qui est propriétaire de la totalité des titres de la société Carofftel Gobelins exploitant le fonds de commerce de cet hôtel et que Mme [S] ne détient que 30 % du capital de la société holding Hôtelière 18 Gobelins. En outre, il résulte de chacun des actes de prêt que le fonds de commerce de l'hôtel a été nanti au profit de la Caisse d'épargne. Ainsi, doit être pris en considération l'ensemble des prêts pour un montant global de 2 100 000 euros souscrits pour les travaux d'aménagement, de rénovation et de mise aux normes de l'hôtel en sorte que la participation de Mme [S] dans la société Hôtelière 18 Gobelins qui détient 100 % du capital de la société Carofftel Gobelins, propriétaire dudit fonds de commerce, peut être valorisée au plus à 120 000 euros.

Ce dernier cautionnement, eu égard aux autres cautionnements précédemment souscrits par Mme [S] à l'égard de la Caisse d'épargne, soit un engagement total de 2 690 350 euros, apparaît donc manifestement disproportionné aux biens et revenus de Mme [S] et il n'est pas démontré par la banque que le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation au moment où elle l'a appelée.

C'est donc à bon droit que le premier juge a dit que les cautionnements souscrits par Mme [S] étaient manifestement disproportionnés et a débouté la banque de ses demandes formulées à l'encontre de celle-ci.

2) sur l'information annuelle de la caution

La Caisse d'épargne rappelle que l'article L. 313-22 du code monétaire et financier n'impose aucune forme particulière pour porter à la connaissance de la caution les informations qu'il mentionne et que s'agissant d'un fait juridique, l'envoi de l'information peut être prouvé par tous moyens. Elle prétend que M. et Mme [S] ont été avisés chaque année des sommes dues par la débitrice principale et précise que la preuve de l'information annuelle des cautions est établie par la production des lettres qui leur ont été adressées et par la production des relevés de compte de la société mentionnant les prélèvements effectués à cet effet, relevés qui ont été reçus sans protestation ni réserve de sorte que les opérations qui y sont mentionnées ont été définitivement approuvées. Elle soutient qu'en tout état de cause la demande de décharge des intérêts ayant couru depuis l'origine des prêts est prescrite au-delà des cinq dernières années. A titre subsidiaire, la banque indique que le calcul opéré par les premiers juges est erroné notamment au motif que le tribunal a retenu le capital restant dû au jour du jugement d'ouverture du redressement judiciaire alors que celui-ci ne rend pas exigibles les créances non échues de sorte que la caution est tenue des sommes devenues exigibles jusqu'au jour où le juge statue. Puis la banque détaille les sommes dues au titre de chacun des prêts.

M. et Mme [S], après avoir rappelé la jurisprudence relative à l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, prétendent ne jamais avoir été destinataires de l'information annuelle prévue à cet article, rappelant qu'il appartient à l'établissement de crédit de justifier qu'il a effectivement adressé à la caution l'information requise et que la seule production d'un relevé informatique ou bien de la copie de la lettre prétendument envoyée à la caution ne suffit pas. Ils indiquent que les paiements effectués par la société Carofftel Gobelins pour chacun des prêts sont réputés affectés au principal de la dette puis détaillent le montant dû pour chacun des prêts. Ils invoquent les dispositions des articles L. 622-29 du code de commerce et 2288 et 2290 alinéa 1er du code civil pour dire que le jugement d'ouverture du redressement judiciaire ne rend pas exigibles les créances non échues à la date de son prononcé en sorte qu'en l'absence de déchéance du terme les échéances à échoir ne sont pas constitutives d'une dette de la société Carofftel Gobelins envers la banque et que c'est donc à bon droit que le tribunal a débouté la banque de ses demandes.

L'article L 313-22 du code monétaire et financier dispose que les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement et que le défaut d'accomplissement de cette formalité emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information, les paiements effectués par le débiteur principal étant réputés affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

Cette obligation d'information doit être respectée jusqu'à l'extinction de la dette cautionnée, même après l'assignation de la caution. Elle doit être adressée à la caution en cette qualité, y compris lorsque celle-ci est également le dirigeant de la société cautionnée.

Pour justifier avoir rempli son obligation à ce titre, la Caisse d'épargne verse aux débats le relevé de compte bancaire de la société Carofftel Gobelins pour la période du 1er mars 2015 au 30 avril 2015 faisant apparaître un prélèvement de 100 euros le 16 avril 2015 au titre de l'information annuelle des cautions. Ce prélèvement ne permet en aucun cas de démontrer que la banque a satisfait à l'obligation légale d'information, peu important que le relevé de compte ait été reçu sans protestation ni réserve par la débitrice principale.

La Caisse d'épargne produit par ailleurs les copies de trois lettres simples d'information adressées à M. [S] le 15 mars 2016 ainsi que les copies des lettres annuelles adressées le 20 février 2017 et 13 mars 2018 portant la mention 'objet : information annuelle aux cautions-lettre recommandé avec AR' mais sans joindre les accusés de réception. Ces documents ne permettent donc pas à la banque de rapporter la preuve de leur envoi.

La banque est donc déchue de son droit aux intérêts, pour le prêt du 7 janvier 2009 depuis le 31 mars 2010, pour le prêt du 24 janvier 2013 depuis le 31 mars 2014 et pour le prêt du 19 septembre 2014 depuis le 31 mars 2015, dates auxquelles la première information pour chacun de ces prêts aurait dû être délivrée, et ce jusqu'à ce jour, en l'absence d'information annuelle délivrée à la caution conforme au texte susvisé. C'est donc à bon droit que le tribunal a dit que les paiements opérés par la société Carofftel Gobelins sont réputés affectés sur le capital, aucune prescription ne pouvant être opposée par l'appelante s'agissant d'une exception soulevée par la caution à la demande en paiement formée par la banque à son encontre.

3) sur l'exigibilité de la dette et les montants dus par la caution

La Caisse d'épargne fait valoir que M. et Mme [S] se sont portés caution en renonçant aux bénéfices de discussion et de division, qu'ils ne bénéficient pas des remises et des délais consentis au débiteur principal en faveur duquel un plan de redressement a été adopté, que bénéficiaire d'une mesure conservatoire à l'égard des cautions, elle est fondée à obtenir un titre exécutoire à leur encontre alors même qu'un plan de redressement du débiteur principal a été arrêté.

Après avoir de nouveau invoqué les dispositions des articles 2288, 2290 et 2292 du code civil ainsi que celles de l'article L. 622-29 du code de commerce et rappelé que la déchéance du terme n'était pas encourue par le débiteur principal lui-même, M. et Mme [S] font valoir que des négociations ont été menées pendant la période d'observation et que par courrier du 25 septembre 2017, la Caisse d'épargne a expressément confirmé accepter un abandon de 20 % de sa créance admise afférente aux prêts n°9506845, n°9506645 et n°9448484 et renoncer à l'application de la clause pénale, aux conditions suspensives d'une part, de l'agrément du plan de redressement et d'autre part, d'une augmentation de loyer limitée à 35 %, et que ces deux conditions ont été remplies. Ils soutiennent qu'il s'agit d'un accord particulier pris de manière distincte et parallèle du plan de redressement et que le tribunal a acté dans son jugement adoptant le plan : - absence d'application du taux majoré et des pénalités contractuelles, - minoration de la créance en principal, - absence de mise en 'uvre de la caution solidaire accordée par les époux [S]

(sous réserve du remboursement des prêts dans les conditions du plan de redressement par voie de continuation). Ils précisent que le plan est à ce jour parfaitement respecté. Ils soutiennent que compte tenu de cet accord spécifique portant sur un réaménagement conventionnel de la dette principale résultant des prêts n°9506845, n°9506645 et n°9448484, lequel est opposable par les cautions personnelles et solidaires, accessoires de la dette principale, celle-ci n'étant pas exigible et leur cautionnement ne pouvant excéder ce qui est dû par le débiteur, aucune condamnation à leur encontre ne peut aboutir. A titre subsidiaire, ils estiment que la déchéance du terme ne pouvant être invoquée à leur encontre, ils ne peuvent être tenus que de la seule partie exigible de la dette cautionnée au jour du jugement d'ouverture, soit selon la déclaration de créance, la somme de 14 339,25 euros.

Aux termes de l'article L.622-29 du code de commerce, le jugement d'ouverture du redressement judiciaire ne rend pas exigibles les créances non échues à la date de son prononcé.

Il est constant que la déchéance du terme des trois prêts à l'égard de la société Carofftel Gobelins n'a pas été prononcée par la Caisse d'épargne avant l'ouverture de la procédure collective et qu'un plan de redressement judiciaire, dont les cautions ne peuvent pas se prévaloir par application de l'article L.631-20 du code de commerce, a été adopté le 18 octobre 2017.

Contrairement à ce que prétendent M. et Mme [S], les négociations intervenues entre la banque et la société Carofftel Gobelins ont été faites dans le cadre du plan de redressement judiciaire tel que cela ressort de la lettre du 25 septembre 2017 qu'ils versent aux débats. L'adoption par le tribunal du plan de redressement n'équivaut pas à une renégociation des prêts dont la caution pourrait se prévaloir, nonobstant la mention figurant dans le dispositif du jugement : 'prend acte qu'un accord est en cours de négociation avec la Caisse d'épargne portant sur les points suivants :

- absence d'application du taux majoré et des pénalités contractuelles,

- minoration de la créance en principal,

- absence de mise en 'uvre de la caution solidaire accordée par M. [S] (sous réserve du remboursement des prêts dans les conditions précitées)',

et le respect du plan par la société Carofftel Gobelins, ce d'autant que M. et Mme [S] ne justifient pas de l'issue des négociations visées dans ce jugement.

Toutefois, aucune disposition des engagements de caution ne prévoit expressément l'exigibilité du prêt en cas de redressement judiciaire en sorte que la banque ne pouvait, en l'absence de déchéance du terme à l'égard de la caution, la mettre en demeure de régler la totalité des sommes dues au titre des prêts et demander sa condamnation au paiement du solde des prêts, ce qu'elle admet d'ailleurs à la page 14 de ses écritures. La caution n'est donc redevable que des échéances échues au jour de l'arrêt à intervenir, sous réserve de la règle de l'imputation des règlements rappelées ci-dessus.

Par conséquent, en l'absence de déchéance de terme opposable à la caution, les condamnations prononcées à son encontre seront limitées au montant des sommes exigibles au jour où la cour statue.

* prêt du 7 janvier 2009 n°8516434, renuméroté n°8572041, puis n°9506845, d'un montant de 375 000 euros (caution à hauteur de 50 % de l'encours du prêt)

Il était prévu dans le prêt initial et dans le premier avenant du 9 décembre 2009, le remboursement par mensualités de 3 995,81 euros. Le second avenant a prévu le remboursement du capital restant dû au 5 juin 2014, 198 756,23 euros, en 12 mensualités de 579,71 euros et 56 mensualités de 3 852,12 euros.

Au jour où la cour statue, l'intégralité des sommes dues au titre de ce prêt est devenue exigible.

Au vu de la déclaration de créance, des tableaux d'amortissement et des avenants, le calcul s'établit ainsi compte tenu de la déchéance des intérêts depuis le 31 mars 2010 :

capital dû au 31 mars 2010 : 342 964,38 euros

- règlements depuis cette date jusqu'au réaménagement : 51 x 3 995,81 = 203 786,31 euros

- règlements du 5 juin 2014 au 5 décembre 2015 : 12 x 579,71 + 6 x 3 852,12 euros = 30 069,24 euros

- dividendes : 34 501,81 euros

solde = 74 607,02 euros x 50 % = 37 303,51 euros.

* prêt du 24 janvier 2013 n°9157611, renuméroté n°9506645, d'un montant de

850 000 euros

Au vu de la déclaration de créance, des tableaux d'amortissement et de l'avenant, le prêt est toujours en cours au jour où la cour statue. Le décompte des sommes dues s'établit ainsi compte tenu de la déchéance des intérêts depuis le 31 mars 2014 :

capital dû au 28.04.2020 : 476 092,96 euros

- règlements depuis le 31 mars 2014 jusqu'à l'ouverture de la procédure : 14 875,02 euros x 2 (intérêts) + 9 x 8 405,30 euros (mensualités) + 168 606,09 euros (dividendes) = 274 003,83 euros

soit un solde dû par la caution de 202 089,13 euros.

* prêt du 19 septembre 2014 n°9448484 de 140 000 euros remboursable en 120 mensualités de 1 478,08 euros après un différé d'amortissement

Au vu de la déclaration de créance et du tableau d'amortissement, le prêt est toujours en cours au jour où la cour statue. Le décompte des sommes dues s'établit ainsi compte tenu de la déchéance du droit aux intérêts depuis le 31 mars 2015 :

capital dû au 28.04.2020 : 72 680,57 euros

- règlements depuis le 31 mars 2015 jusqu'à l'ouverture de la procédure : 1 478,08 x 12 (mensualités) + 27 669,66 euros (dividendes) = 45 406,62 euros

soit un montant dû par la caution de 27 273,95 euros.

Il convient en conséquent, infirmant le jugement en ce qui concerne les demandes dirigées contre M. [S], de condamner celui-ci à payer à la Caisse d'épargne la somme de 37 303,51 euros au titre du prêt de 375 000 euros n°8516434, renuméroté n°8572041, puis n°9506845, celle de 202 089,13 euros au titre du prêt de 850 000 euros n°9157611, renuméroté n°9506645, et celle de 27 273,95 euros au titre du prêt de 140 000 euros n°9448484. Ces sommes portent intérêts au taux légal en l'absence de respect par la banque jusqu'à ce jour de son obligation annuelle d'information de la caution.

4) sur la demande de délais de paiement

M. et Mme [S] soutiennent qu'ils sont dans l'impossibilité de faire face avec leurs revenus actuels au paiement de la dette et sollicitent un différé de paiement de deux années en application des articles 1343-5 du code de commerce et L. 622-28 du code de commerce.

La Caisse d'épargne n'a pas répondu sur ce point.

Compte tenu de la situation personnelle de M. [S] qui ne perçoit ni salaire ni rémunération au titre de son mandat social selon l'attestation de l'expert-comptable de la société Hôtelière 18 Gobelins et de la société Carofftel Gobelins, du respect par cette dernière de son plan de redressement judiciaire et de l'engagement de la banque de ne pas mettre en oeuvre la caution solidaire de M. [S] acté dans le jugement adoptant le plan, il y a lieu de reporter pendant deux ans le paiement des sommes dues par M. [S].

5) sur la demande de radiation des inscriptions hypothécaires

La Caisse d'épargne soutient, au visa de l'article R. 512-3 du code des procédures civiles d'exécution, que la cour est incompétente pour ordonner la mainlevée d'une mesure conservatoire, laquelle relève de la compétence du juge de l'exécution qui l'a ordonnée.

M. et Mme [S] sollicitent dans l'hypothèse du rejet des demandes formulées par la Caisse d'épargne à leur encontre, sur le fondement des dispositions de l'article R. 533-6 du code des procédures civiles d'exécution, la radiation de la publicité des hypothèques judiciaires provisoires sur le bien immobilier situé à [Localité 5] leur appartenant.

Conformément aux dispositions de l'article R.512-2 du code des procédures civiles d'exécution la demande de mainlevée d'une mesure conservatoire est portée devant le juge qui a autorisé la mesure en sorte que la cour n'est pas compétente pour statuer sur la radiation sollicitée. Il appartiendra le cas échéant à M. et Mme [S] de saisir le juge de l'exécution compétent.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Déclare l'appel de la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France recevable,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la Caisse d'épargne de sa demande de condamnation de Mme [S] au titre de ses engagements de caution des prêts n°9506845, 9506645 et 9448484 et dit que dans les rapports entre la Caisse d'épargne et M. [S], les versements effectués par la société Carofftel Gobelins sont réputés affectés au principal des prêts souscrits,

Infirme le jugement sur le surplus et statuant de nouveau des chefs infirmés :

Condamne M. [X] [S] à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France la somme de 37 303,51 euros au titre du cautionnement du prêt de 375 000 euros n°8516434, renuméroté n°8572041, puis n°9506845, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, dans la limite de son engagement de caution,

Condamne M. [X] [S] à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France la somme de 202 089,13 euros, arrêtée au jour du présent arrêt, au titre du cautionnement du prêt de 850 000 euros n°9157611, renuméroté n°9506645, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, dans la limite de son engagement de caution,

Condamne M. [X] [S] à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile de France la somme de 27 273,95 euros, arrêtée au jour du présent arrêt, au titre du cautionnement du prêt de 140 000 euros n°9448484, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, dans la limite de son engagement de caution,

Dit que les intérêts seront capitalisés chaque année conformément à l'article 1343-2 du code civil,

Y ajoutant,

Reporte le paiement de ces sommes pendant un délai de deux ans,

Se déclare incompétente pour statuer sur la demande de radiation des inscriptions d'hypothèques judiciaires provisoires sur le bien immobilier situé à [Localité 5] appartenant à M. et Mme [S],

Condamne M. [X] [S] aux dépens de première instance et d'appel et dit que ces derniers pourront être recouvrés directement par maître Moreau, pour ceux dont il a fait l'avance, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Delphine BONNET, Conseiller pour la Présidente empêchée et par Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le conseiller pour la présidente empêchée,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 19/04398
Date de la décision : 28/04/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 13, arrêt n°19/04398 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-04-28;19.04398 ?
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