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28/04/2020 | FRANCE | N°18/08642

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 28 avril 2020, 18/08642


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





1ère chambre 1ère section





ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE

Code nac : 74D





DU 28 AVRIL 2020





N° RG 18/08642

N° Portalis DBV3-V-B7C-S3G5





AFFAIRE :



Epoux [H]

C/

[Q][N][X] [Z]

SCI GALAXIE 28





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Novembre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de CHARTRES

N° Chambre : [Cadastre 1]

N° S

ection :

N° RG : 17/01316



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-Me Anne-Sophie CHEVILLARD- BUISSON,



-la SELARL JOLY & BUFFON







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT HUIT AVRIL DE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 74D

DU 28 AVRIL 2020

N° RG 18/08642

N° Portalis DBV3-V-B7C-S3G5

AFFAIRE :

Epoux [H]

C/

[Q][N][X] [Z]

SCI GALAXIE 28

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Novembre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de CHARTRES

N° Chambre : [Cadastre 1]

N° Section :

N° RG : 17/01316

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-Me Anne-Sophie CHEVILLARD- BUISSON,

-la SELARL JOLY & BUFFON

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT AVRIL DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant qui a été prorogé le 21 avril 2020, les parties en ayant été avisées dans l'affaire entre :

Monsieur [K] [H]

né le [Date anniversaire 1] 1946 à [Localité 1] (11100)

de nationalité Française

[Adresse 1][Cadastre 1]

[Adresse 1]

Madame [D] [Y] épouse [H]

née le [Date anniversaire 2] 1965 à [Localité 2] (64000)

de nationalité Française

[Adresse 1][Cadastre 1]

[Adresse 1]

représentés par Me Anne-Sophie CHEVILLARD-BUISSON, avocat postulant plaidant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 441

APPELANTS

****************

Monsieur [Q][N][X] [Z]

né le [Date anniversaire 3] 1956 à [Localité 3] (75016)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

SCI GALAXIE 28

N° SIRET : 343 003 505 00017

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentés par Me Véronique JOLY de la SELARL JOLY & BUFFON, avocat postulant/plaidant - barreau de CHARTRES, vestiaire : 000025 - N° du dossier 160184

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Février 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne LELIEVRE, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, Président,

Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

Vu le jugement rendu le 21 novembre 2018 par le tribunal de grande instance de Chartres qui a :

- ordonné la mainlevée de la servitude créée par l'acte notarié du 26 octobre 1988 et l'extinction de celle créée dans l'acte notarié du 19 décembre 1988,

- condamné in solidum M. et Mme [H] à payer à M. [Z] la somme de 122 900 euros,

- débouté M. [Z] de ses prétentions formées à l'encontre de M. [I] et de M. [Q], notaires,

- condamné in solidum M. et Mme [H] à payer à M. [Z] la somme de [Cadastre 1] 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les autres demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. et Mme [H] aux dépens qui seront recouvrés par la Selarl Joly & Buffon conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

Vu l'appel de ce jugement interjeté le 20 décembre 2018 par M. [H] et Mme [Y], épouse [H] ;

Vu les dernières conclusions notifiées le [Cadastre 1] décembre 2019 par lesquelles M. et Mme [H] demandent à la cour de :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* condamné in solidum M. et Mme [H] à payer à M. [Z] la somme de 122 900 euros,

* condamné in solidum M. et Mme [H] à payer à M. [Z] la somme de [Cadastre 1] 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné in solidum M. et Mme [H] aux dépens,

Statuant à nouveau,

- débouter M. [Z] et la société civile immobilière Galaxie 28 (la société) de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de M. et Mme [H],

- condamner M. [Z] et la société Galaxie 28 à verser à M. et Mme [H] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 30 octobre 2019 par lesquelles M. [Z] et la société Galaxie 28 demandent à la cour de :

Vu le jugement déféré rendu par le tribunal de grande instance de Chartres le 21 novembre 2018,

Vu les dispositions des articles 681, 685-[Cadastre 1] du code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu les moyens de fait et de droit,

- déclarer M. [Z] et la société Galaxie 28 recevables et bien fondés en leur appel incident,

- les déclarer recevables et bien fondés en leurs demandes,

- déclarer M. et Mme [H] recevables mais mal fondés tant en leur appel annulation qu'en leur appel au fond,

En conséquence, les en débouter purement et simplement,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il n'a fait aucune mention de la société Galaxie 28,

- confirmant pour le surplus le jugement déféré,

- condamner in solidum M. et Mme [H] à payer à M. [Z] et à la société Galaxie 28 prise en la personne de son représentant légal :

*la somme de 122 900 euros,

*outre celle de [Cadastre 1] 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et obligation de plaider,

*et celle de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens tant de première instance que d'appel dont recouvrement en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte reçu par Me [V] [Q], notaire à [Localité 4] (28) le [Cadastre 1] octobre 1987, Mme [H] [Z] a fait apport à la société Galaxie 28, constituée entre elle et M. [N] [Z], de diverses parcelles de terre sises à [Localité 5] et cadastrées section A n° [Cadastre 1].

Il a été constaté par un acte rectificatif du 26 octobre 1988, régulièrement publié à la Conservation des hypothèques, la division de la parcelle A n°[Cadastre 1], objet de l'apport susvisé, en deux nouvelles parcelles cadastrées A [Cadastre 2] et A [Cadastre 3]. Cet acte précisait également que seule la parcelle A [Cadastre 3] était l'objet de l'apport à la SCI Galaxie 28 tandis que la parcelle A [Cadastre 2] restait la propriété de Mme [H] [Z].

L'acte rectificatif prévoyait la création d'une servitude de passage sur les parcelles cadastrées section A n° [Cadastre 1] et A n° [Cadastre 1] fonds servants , propriété de la SCI Galaxie 28 , au profit parcelles section A n° [Cadastre 1] et A n° [Cadastre 2], propriété de Mme [H] [Z]. Cette servitude de passage permettait aux parcelles A n° [Cadastre 1] et A n° [Cadastre 2] d'avoir accès au chemin départemental 112 reliant [Adresse 4]. Il était précisé que le bénéficiaire de la servitude pourrait faire passer dans l'assiette de celle-ci toutes canalisations d'eau, de gaz et de téléphone, à charge par lui de supporter tous les travaux tant d'installation que de réparations et remise en état.

L'acte précisait expressément que la servitude de passage pourrait être annulée à la demande de l'une ou l'autre des parties si la parcelle A n° [Cadastre 2] était directement reliée par un passage au chemin départemental 112 et que toutefois dans ce cas, les servitudes de canalisation pouvant exister seraient maintenues.

Le 19 décembre 1988, Mme [H] [Z] et la SCI Galaxie 28 ont vendu à M et Mme [C] les parcelles cadastrées section A n°, [Cadastre 4], [Cadastre 2] et A n° [Cadastre 5], cette dernière parcelle étant issue de la division deux parcelles A n° [Cadastre 5], objet de la vente, et A n° [Cadastre 6], restant la propriété de Mme [Z].

L'acte de vente établi par Me [Q] rappelait l'existence de la servitude de passage créée par l'acte rectificatif du 26 octobre 1988 et emportait également la création d'une nouvelle servitude de passage au profit des parcelles A [Cadastre 2] et A [Cadastre 5] pour permettre aux acquéreurs d'avoir accès au chemin départemental 112, en passant sur la parcelle A [Cadastre 6] appartenant à Mme [H] [Z]. Il était à nouveau précisé que le fonds servant supporterait le passage d'une ligne téléphonique et d'une canalisation de distribution d'eau potable avec droit d'y effectuer toutes réparations et modifications à charge de remettre le fonds servant en état après travaux.

M et Mme [C] s'engageaient à faire installer à leurs frais un compteur individuel d'eau dans le regard actuel existant sur la propriété du vendeur, ce qui a été fait.

Suite à leur acquisition, M.et Mme [C] ont créé un chemin d'accès au chemin départemental n° 112 passant sur leurs propres parcelles.

Mme [H] [Z] est décédée le [Date décès 1] 1992 et M. [N] [Z] est devenu propriétaire de la parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 6].

Le 25 juillet 2006, M et Mme [C] vendaient l'ensemble de leurs parcelles, à savoir celles cadastrées A [Cadastre 4], A [Cadastre 2] et A [Cadastre 5] à M. et Mme [H]. L'acte établi par Me [Q] faisait rappel des servitudes constituées antérieurement au profit desdites parcelles.

L'acte faisait également mention d'une autorisation de sortie sur le chemin départemental n°112 donnée à M.et Mme [C] par l'ingénieur des TPE au terme d'une correspondance en date du 21 novembre 1988 , annexée à l'acte.

M. [N] [Z] a mis en vente, la parcelle cadastrée section A n°[Cadastre 6] courant 2014.

Un compromis de vente a été signé le 11 juillet 2014 entre M. [Z] et la société Galaxie 28d'une part et M. [A] et Mme [N] d'autre part, portant sur les parcelles cadastrées section A n° [Cadastre 1], A n° [Cadastre 1] et A n° [Cadastre 6]. Par avenant du 22 juillet 2014, Mme [N] s'est désengagée.

Le compromis faisait le rappel des servitudes existantes et mentionnait que le vendeur déclarait que la servitude de passage n'avait plus lieu d'exister, du fait d'un accès direct du propriétaire des parcelles A [Cadastre 2] et A[Cadastre 4] disposait désormais d'un accès direct au CD n°112 et que la ligne téléphonique n'existait plus.

Parmi d'autres conditions suspensives, il était prévu que le propriétaire des parcelles A [Cadastre 2] et A [Cadastre 5] renoncent au plus tard en même temps que la réitération de la vente "au droit de passage, ainsi qu'au passage des lignes téléphoniques, seul le droit de passage de la canalisation devant persister".

Le projet de vente était transmis à M.et Mme [H] par lettre du 9 septembre 2014.

Ces derniers ont refusé de signer le projet d'acte de renonciation à leur servitude de passage au motif des inexactitudes contenues à celui-ci , de l'absence de précision sur les modalités de la nouvelle servitude et en raison de l'échec relatif à un projet d'achat par eux d'une parcelle appartenant à M. [N] [Z], mitoyenne de leur propre parcelle.

C'est ainsi que par acte du 31 mai 2017, M. [Z] et la société Galaxie 28 ont assigné M. et Mme [H], ainsi que Maître [I], notaire, devant le tribunal de grande instance de Chartres aux fins d'obtenir la mainlevée de la servitude créée par l'acte notarié du 26 octobre 1988 et l'extinction de celle prévue dans l'acte notarié du 19 décembre 1988, ainsi que la condamnation solidaire des intéressés au paiement d'une somme de 144 162 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice, du fait de l'échec de la vente projetée.

C'est dans ces circonstances qu'a été rendu le jugement déféré ayant ordonné la mainlevée de la servitude créée par l'acte notarié du 26 octobre 1988, l'extinction de celle créée dans l'acte notarié du 19 décembre 1988, et ayant condamné M. et Mme [H] à payer à M. [Z] la somme de 122 900 euros à titre de dommages et intérêts.

MOYENS DES PARTIES

M. et Mme [H] exposent en premier lieu qu'ils ne font pas appel des dispositions du jugement entrepris ayant ordonné la mainlevée de la servitude créée par acte du 26 octobre 1988 et l'extinction de la servitude résultant de l'acte notarié du 19 décembre 1988. Ils expliquent en effet que la commune a effectué des travaux de réfection de toutes les canalisations d'eau situées sur son territoire et que leur compteur a été déplacé en limite de leur propriété et de la voie publique.

Ils exposent que leur appel porte sur la condamnation à dommages et intérêts et sollicitent la réformation du jugement sur ce point.

Ils soutiennent n'avoir commis aucune faute en refusant de signer l'acte de renonciation au bénéfice des servitudes et font valoir que l'extinction de la servitude n'est pas automatique, suppose un accord amiable entre les propriétaires des fonds servant et dominant et qu'en l'espèce l'enclave n'avait pas cessé lorsque M. [N] [Z] leur a demandé de renoncer à leur servitude, dès lors que leur compteur d'eau se trouvait toujours sur la parcelle A n°[Cadastre 6] appartenant à ce dernier.

Ils exposent encore que le nouvel acte proposé à leur signature par Me [E], présenté comme une renonciation pure et simple à servitude, s'analysait en réalité comme un acte modificatif de l'assiette et des modalités de ladite servitude, lesquelles n'étaient pas mentionnées à l'acte.

Ils prétendent que s'ils ont indiqué être prêts à renoncer à la servitude en contrepartie d'un dédommagement, c'est parce qu'ils avaient été informés de ce droit par le propre notaire de l'intimé et n'ont eu aucune raison de douter de la pertinence de ce conseil.

Ils soutiennent également qu'ils n'ont pas fait obstacle à la vente ; que simplement, M. [N] [Z] s'est imprudemment engagé sur la suppression de toute servitude dans le compromis de vente signé le 22 juillet 2014 alors que la présence de leur compteur sur sa propriété s'opposait à la renonciation à toute servitude.

Ils font valoir que les anciens propriétaires ont négligé de solliciter la suppression de la servitude de passage dans les six mois de la cessation de l'état d'enclave de la parcelle A [Cadastre 2] lors de la création d'un chemin d'accès direct au chemin départemental A [Cadastre 2] par leurs auteurs et que M. [N] [Z] a attendu la signature d'un compromis de vente pour les contraindre à accepter une renonciation sur un délai de 15 jours.

Ils ajoutent qu'en tout état de cause, M. [N] [Z] ne démontre pas que le défaut de levée de la servitude soit l'unique cause de la rétractation des acquéreurs et relèvent que M. [N] [Z] ne justifie pas avoir prorogé la date de réitération de la vente au-delà du 28 septembre 2014 et ne les a assignés que deux ans et huit mois plus tard.

Ils font valoir qu'ils ont informé M. [N] [Z] le 16 septembre 2015 que la SAUR avait effectué les travaux de réaménagement du compteur et de la canalisation en lui précisant que sa propriété devenait libre de tout droit de passage et que ce n'est qu'au mois d'avril 2019 que M. [N] [Z] est revenu vers eux pour régulariser l'acte de suppression pure et simple de la double servitude.

S'agissant du préjudice invoqué par M. [N] [Z], M. et Mme [H] soutiennent que celui-ci ne peut en aucun cas être constitué de la différence entre le prix prévu au compromis, de 302 900 euros et l'offre d'achat pour 178 000 euros dont il a par la suite été destinataire.

Ils soutiennent que le préjudice ne peut être qu'une perte de chance de vendre au prix convenu et qu'à cet égard, d'autres conditions suspensives figuraient au compromis, dont M. [N] [Z] ne démontre pas qu'elles étaient remplies , de telle sorte qu'aucune perte de chance n'est démontrée.

Ils ajoutent que M. [N] [Z] a contribué à son propre préjudice en réclamant un prix bien supérieur à celui du marché et en sollicitant la levée des servitudes juste avant la vente.

Ils concluent enfin au rejet des demandes reconventionnelles de l'intimé.

M. [N] [Z] et la SCI Galaxie 28 répliquent que les actes notariés créateurs des servitudes litigieuses prévoyaient que celles-ci pouvaient être annulées à la demande de l'une ou de l'autre des parties si l'unité foncière A [Cadastre 2] avait un passage direct au CD 112. Ils en déduisent que du fait du passage créé par M.et Mme [C] , s'il leur était possible de solliciter la suppression de la servitude, cela ne constituait pas une obligation et qu'il ne saurait donc leur être reproché de ne pas avoir régularisé la situation plus tôt.

Ils font grief à M. et Mme [H] de n'avoir pas consenti à la renonciation à servitude alors que l'acte prévoyant sa cessation s'imposait à eux et qu'ils ne pouvaient exiger une indemnisation, ajoutant ainsi une condition supplémentaire à l'acte notarié.

Ils prétendent qu'en application de l'article 685-[Cadastre 1] du code civil, si l'état d'enclave a cessé, à défaut d'accord, la disparition de la servitude est constatée par une décision de justice, sans qu'aucune latitude ne soit laissée au juge, qui doit seulement vérifier si la situation d'enclave persiste ou non et en tirer les conséquences.

Ils soulignent que le droit de passage de M.et Mme [H] concernant le compteur d'eau et la canalisation n'était pas remis en cause nonobstant la disparition de la servitude initiale, ainsi que cela résultait des actes constitutifs de celle-ci et du compromis signé avec son acquéreur ou encore dans l'acte de renonciation.

Ils contestent l'affirmation de M.et Mme [H] selon laquelle son notaire aurait évoqué la possibilité d'une indemnisation alors que cela n'est prévu ni par la loi ni par les actes et font au contraire valoir que l'article 682 du code civil prévoit, en cas de constitution de servitude, une indemnité proportionnée au profit du fonds servant. Ils observent que M. et Mme [H] ne produisent aucune pièce au soutien de leur affirmation.

Ils prétendent que M.et Mme [H] ont agi en connaissance de cause pour refuser leur signature à l'acte de renonciation le 26 septembre 2014, veille de la date prévue pour la réitération de la vente, pour tenter de leur forcer la main et obtenir à vil prix un terrain adjacent au leur.

Ils soutiennent que l' erreur alléguée relative au tracé du chemin d'accès nouveau au CD 112, ou l'absence de mentions relatives aux modalités de la prétendue nouvelle servitude sont inopérantes, dans la mesure où la première pouvait être rectifiée et où il ne s'agissait pas de la création d'une nouvelle servitude mais bel et bien du maintien d'une servitude avec maintien des conditions d'accès et maintien des modalités des frais d'entretien.

Ils affirment donc que l'attitude de M.et Mme [H] a été fautive.

Ils soutiennent que la vente a échoué du fait de la position de M.et Mme [H] et qu'il ne peut leur être reproché de ne pas avoir prorogé la date de signature de l'acte authentique dans la mesure où l'acquéreur a fait jouer la clause suspensive pour résilier la vente .

Ils prétendent qu'on ne peut davantage leur reprocher d'avoir attendu [Cadastre 1] ans et demi pour assigner M. et Mme [H], avançant qu'un procès en cours ne pouvait avoir qu'un impact négatif sur d'éventuels acquéreurs. Ils avancent le fait qu'ils n'ont plus eu pendant longtemps de nouvelles propositions d'achat et disent avoir espéré une solution amiable.

Ils contestent avoir reçu le courrier daté du 16 septembre 2015 par lequel M.et Mme [H] disent avoir informé M. [N] [Z] de la réalisation des travaux de déplacement de leur compteur et de leur canalisation d'eau et de ce que sa propriété était libre de tout droit de passage, remarquant qu'il s'agit d'un courrier non recommandé, usage qui n'est pas celui de leurs échanges habituels, et faisant observer que ce courrier n'a pas été produit en première instance.

Ils contestent l'argument des appelants selon lequel M. [N] [Z] aurait été présent au moment des travaux en faisant valoir que cette affirmation ne repose sur aucune pièce.

S'agissant de leur préjudice, ils soutiennent qu'il s'agit d'un préjudice certain dès lors que la vente devait se réaliser au prix de 302 900 euros et qu'ils n'ont jamais pu retrouver d'acquéreur pour ce même prix. Ils prétendent qu'il importe peu que le prix convenu se soit situé au-dessus du prix du marché dès lors qu'ils disposaient d'un acquéreur. Ils font état de l'existence d'un nouveau compromis régularisé pour le prix de 148 000 euros seulement . Ils font valoir qu'ils n'ont pas tardé à régulariser celui-ci, préférant attendre la signature de l'acte notarié mettant fin aux servitudes litigieuses, seulement signé le 27 avril 2019.

Ils font enfin valoir, en réponse à M.et Mme [H], qu'il importe peu que la vente ait pu ne pas avoir lieu pour d'autres raisons, et que quand bien même cette allégation serait exacte, il n'en demeure pas moins que l'acquéreur a refusé de réitérer la vente au motif que la condition suspensive n'était pas remplie et que cette situation relève du seul fait des époux [H].

En dernier lieu, ils soutiennent que si le préjudice devait être évalué à l'aune d'une perte de chance, il conviendrait de déterminer les chances de succès de l'acte qui n'a pas été régularisé.

Ils sollicitent que le jugement soit réformé seulement en ce qu'il n'a prononcé une condamnation qu'au profit de M. [N] [Z] et demandent que celle-ci soit prononcé au profit également de la SCI Galaxie 28.

Ils réclament enfin l'allocation d'une somme de [Cadastre 1] 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

SUR CE , LA COUR,

Sur la faute

Considérant que le compromis signé le 11 juillet 2014 entre M. [N] [Z] et la SCI Galaxie 28 d'une part , M. [A] et Mme [N] d'autre part, faisait le rappel des mentions de constitution de la servitude de passage, qui précisaient qu'elle pourrait être annulée à la demande de l'une ou l'autre des parties si l'unité foncière A [Cadastre 2] était directement reliée par un passage, à la demande de l'une ou l'autre des parties . L'acte antérieur, repris in extenso, ajoutait que "toutefois dans ce cas, les servitudes de canalisations pouvant exister seront maintenues" ;

Qu'au titre des conditions particulières, l'acte prévoyait que "les présentes sont signées sous la condition suspensive que le propriétaire de la parcelle cadastrée section A n°s [Cadastre 2] et [Cadastre 5] renoncent au plus tard en même temps que la réitération des présentes au droit de passage ci-dessus ainsi qu'à celui de passage des lignes téléphoniques seul le droit de passage de la canalisation devant persister" ;

Considérant que la vente devait être réitérée au plus tard le 26 septembre 2014 ;

Considérant qu'il est constant qu'un chemin avait été aménagé par M. et Mme [C], auteurs de M. et Mme [H], permettant un accès direct au chemin départemental 112 ; que les parcelles auxquelles bénéficiait le droit de passage, n'étaient ainsi plus enclavées, ce qui n'est pas davantage contesté ; que ne le sont pas non plus la persistance de la canalisation d'eau et du compteur d'eau desservant les parcelles de M.et Mme [H], sur l'une des parcelles objets de la vente ;

Considérant que si, comme le font valoir les appelants, la première proposition d'acte de renonciation à leur servitude, qui leur a été adressée par Me [E], notaire, le 9 septembre 2014 était incomplète en ce qu'il n'était fait mention ni de l'existence de la canalisation ni de la présence de leur compteur d'eau sur la parcelle A [Cadastre 6], de sorte que leur refus d'accéder à la demande de renonciation n'était pas fautif, il apparaît que suite à leurs observations, le notaire leur a adressé une nouvelle procuration le 18 septembre 2014 aux fins de signature d'acte de renonciation à leurs servitudes dans des conditions plus limitées, conformes à la nouvelle situation des lieux ; qu'en effet, le nouvel acte de renonciation précisait " en revanche un droit de passage subsiste uniquement concernant la servitude de canalisation d'eau, servitude nécessaire pour accéder au compteur et faire les réparations éventuelles . La parcelle cadastrée section A n°s [Cadastre 2] et [Cadastre 5] bénéficie d'un droit de passage sur la parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 6] " ;

Que cet acte préservait donc leur droit de passage concernant l'existence de la canalisation et leur permettant l'accès à leur compteur ;

Qu'il n'y avait pas lieu de préciser spécialement les modalités d'exercice de la servitude, qui restaient celles fixées antérieurement en ce qui concerne le tracé, les conditions d'accès et les frais d'entretien ; que du reste, il résulte clairement de la lettre recommandée adressée par M. et Mme [H] à M. [N] [Z] le 8 octobre 2014 que les premiers se disaient prêts à renoncer à leur servitude " à la seule et unique condition de nous verser un dédommagement, comme il est prévu dans ce cas" ; qu'ils rappelaient que c'est ce qu'avait proposé Me [E] le 26 septembre 2014, notamment du fait de l'impossibilité d'acquérir une parcelle qui les intéressait, celle-ci étant louée à un agriculteur ;

Qu'il en résulte que M. et Mme [H] n'ont pas remis en cause les termes de l'acte de renonciation soumis à leur signature et qu'il n'est pas contestable notamment que l'état d'enclave avait cessé ;

Que par ailleurs la situation n'ouvrait pas droit, sauf accord de M. [N] [Z], à leur profit à une quelconque indemnisation dès lors que les actes de constitution de la servitude prévoyaient son extinction en cas de cessation de l'état d'enclave des parcelles desservies par le droit de passage, sans contrepartie, ce conformément aux dispositions de l'article 685-[Cadastre 1] du code civil ; que M. et Mme [H] n'établissent pas la réalité de l'affirmation de Me [E] à cet égard ;

Que s'il est exact que les actes leur ont été soumis dans un délai restreint, ils ont eu le temps de prendre conseil auprès de leur notaire et également de faire modifier l'acte initialement proposé ;

Que par ailleurs il ne saurait être reproché à M. [N] [Z] de ne pas avoir régularisé la situation beaucoup plus tôt, en sollicitant la constatation de la suppression de la servitude litigieuse devant notaire dès l'aménagement d'un chemin ayant pour effet le désenclavement des parcelles des appelants qui a été mis en oeuvre par leurs auteurs, soit avant 2006, s'agissant d'une simple faculté et non d'une obligation ;

Considérant que c'est par conséquent de manière abusive que M. et Mme [H] ont refusé de consentir à renoncer à une partie des modalités de la servitude, les causes d'extinction du droit de passage pour cessation de la situation d'enclave n'étant pas sérieusement contestées, dès lors que les autres modalités de la servitude leur étaient maintenues , concernant le passage de la canalisation et un droit d'accès à leur compteur ; qu'ils ont en cela eu une attitude fautive ;

Sur le préjudice et le lien de causalité

Considérant que les intimés se prévalent d'un préjudice certain, égal à la différence entre le prix figurant au compromis et l'estimation de la valeur du bien à 180 000 euros ;

Que cependant la faute retenue à l'encontre de M. et Mme [H] ne peut qu'avoir provoqué une perte de chance de réalisation de la vente dont la première étape était concrétisée par le compromis déjà signé , sous réserve qu'il soit établi que cette perte de chance est directement à l'origine de l'absence de réitération de la vente ;

Considérant qu'il appartient aux intimés d'établir la preuve de la perte de chance alléguée et le lien de causalité entre la faute imputable aux appelants et l'échec de la vente ;

Considérant qu'ainsi que l'invoquent les appelants, la vente n'était pas seulement conditionnée par leur renonciation à la servitude dont ils bénéficiaient ;

Que parmi d'autres conditions suspensives, figuraient celle, pour l'acquéreur d'obtenir un prêt de 330 900 euros ; qu'initialement, M. [A] devait obtenir un prêt de 190 000 euros sur une durée maximale de 15 à 20 ans à un taux nominal d'intérêt maximum compris entre [Cadastre 1],80% et [Cadastre 1],20% l'an et Mme [N] un prêt de 109 197 euros aux mêmes conditions ;

Qu'il résulte d'un avenant du 22 juillet 2014 que seul M. [A] se portait finalement acquéreur aux conditions prévues par le compromis et l'avenant ;

Qu'il résulte de la partie d'avenant communiquée que la réalisation de la vente était toujours soumise à l'obtention d'un prêt ; que la réception de l'offre de prêt devait intervenir au plus tard le 5 septembre 2014 et que l'obtention ou la non obtention du prêt devait être notifiée par l'acquéreur au vendeur par lettre recommandée avec avis de réception adressée dans les trois jours suivant l'expiration du délai susvisé ; qu'à défaut de réception de cette lettre dans le délai fixé, le vendeur avait la faculté de mettre l'acquéreur en demeure de lui justifier sous huitaine de la réalisation ou de la défaillance de la condition ;

Considérant qu'il appartient donc aux vendeurs de justifier que l'acquéreur avait obtenu son prêt, sans lequel la vente ne pouvait se réaliser, indépendamment de la non renonciation à la servitude par M.et Mme [H] ;

Que le simple courrier électronique de Me [E] en date du 29 avril 2017 se bornant à affirmer que les voisins ont refusé de résilier les servitudes de droit de passage et qu'en conséquence, l'acquéreur "M. [A]" a fait jouer la clause suspensive pour résilier la vente, est insusceptible de démontrer que les autres conditions suspensives et spécialement l'obtention d'un prêt par l'acquéreur étaient remplies ;

Que M. [N] [Z] et la SCI Galaxie 28 ont nécessairement été informés de l'accomplissement des démarches en ce sens et de leur aboutissement ou de leur échec, puisque l'obligation en était faite à l'acquéreur et qu'à défaut pour lui d'y satisfaire, les vendeurs pouvait les y contraindre ;

Que si, comme les intimés le prétendent, la vente était sur le point d'être réalisée le 27 septembre 2014, un projet d'acte de vente aurait été d'ores et déjà été préparé incluant les modalités de financement du bien ;

Que des échanges ont nécessairement eu lieu entre l'acquéreur et le notaire d'une part et le notaire et les vendeurs d'autre part sur le motif de la non réitération de l'acte ;

Qu'il ne peut qu'être constaté qu'aucune pièce de cette nature, informant du motif invoqué par le vendeur pour ne pas acquérir, n'est versée aux débats, venant établir que la vente n'a échoué qu'en raison de l'absence de renonciation de M. et Mme [H] à leur servitude et corollairement que la vente aurait eu lieu si M. et Mme [H] avait fourni leur consentement à l'acte de renonciation ;

Que dans ces conditions, les intimés ne rapportent pas la preuve d'une perte de chance sérieuse , même minime de réaliser la vente, en l'absence de faute de M.et Mme [H] ;

Que la demande de dommages et intérêts de M. [N] [Z] et de la SCI Galaxie 28 doit être rejetée ;

Qu'il convient dés lors d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné M.et Mme [H] à payer à M. [N] [Z] la somme de 122 900 euros ;

Considérant que les intimés sollicitent la condamnation des appelants à leur payer la somme de [Cadastre 1] 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ; qu'ils font notamment valoir que la levée de la servitude litigieuse n'est intervenue que par acte notarié postérieur au jugement entrepris, le 27 avril 2019 et que les frais ont été mis à leur charge ;

Considérant toutefois qu'il appartenait aux intimés d'agir le plus tôt possible compte tenu du désaccord avec les appelants ; qu'il sera relevé que si M. [N] [Z] et la SCI Galaxie 28 contestent avoir reçu un courrier simple daté du 16 septembre 2015, par lequel M. [H] leur faisait part de la réalisation des travaux de réaménagement du compteur d'eau et de la canalisation d'eau et de ce que leur propriété se trouvait libre de tout droit de passage, il ne peut qu'être relevé que M. [N] [Z] qui était domicilié sur les lieux objets de la promesse de vente, n'a pu ignorer la réalisation des travaux sur sa propre propriété , l'accès à celle-ci étant nécessaire ;

Qu'ils ne sont ainsi pas fondés à se plaindre de la tardiveté de la suppression de la servitude alors que l'assignation n'est intervenue que plus de deux ans et demi après l'échec de la vente et deux ans après la réalisation des travaux de déplacement du compteur et de la canalisation ;

Qu'ils seront déboutés de cette autre demande de dommages et intérêts ;

Considérant que chacune des parties conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel ; qu'il n'y a pas lieu, compte tenu du sens de la présente décision, de faire droit aux demandes présentées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition, dans les limites de l'appel,

INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :

- condamné in solidum M. et Mme [H] à payer à M. [Z] la somme de 122 900 euros,

- condamné in solidum M. et Mme [H] à payer à M. [Z] la somme de [Cadastre 1] 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. et Mme [H] aux dépens qui seront recouvrés par la Selarl Joly & Buffon conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et ajoutant au jugement entrepris,

DÉBOUTE M. [N] [Z] et la SCI Galaxie 28 de l'ensemble de leurs demandes de dommages et intérêts,

DÉBOUTE M. [N] [Z] et la SCI Galaxie 28 ainsi que M.et Mme [H] de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties,

DIT que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel,

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Anne LELIEVRE, conseiller pour le président empêché, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Conseiller,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 18/08642
Date de la décision : 28/04/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°18/08642 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-04-28;18.08642 ?
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