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10/03/2020 | FRANCE | N°18/07454

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 10 mars 2020, 18/07454


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 53I



13e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 10 MARS 2020



N° RG 18/07454 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SX2J



AFFAIRE :



[K] [G]





C/

SCA CRÉDIT COOPÉRATIF















Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Juin 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2015F009

97



















Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 10.03.2020



à :



Me Martine DUPUIS



Me Oriane DONTOT



TC de NANTERRE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX MARS DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53I

13e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 MARS 2020

N° RG 18/07454 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SX2J

AFFAIRE :

[K] [G]

C/

SCA CRÉDIT COOPÉRATIF

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Juin 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2015F00997

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 10.03.2020

à :

Me Martine DUPUIS

Me Oriane DONTOT

TC de NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX MARS DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [K] [G]

né le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 7] (Tunisie)

[Adresse 3]

[Adresse 1]

Représenté par Maître Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1860602 et par Maître Antoine LAFON, avocat plaidant au barreau de PARIS substitué par Maître Leslye AZOULAY, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

SCA CRÉDIT COOPÉRATIF agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 349 974 931

[Adresse 2]

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Maître Oriane DONTOT de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 - N° du dossier 20181046 et par Maître Philippe BAUDOIN, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Janvier 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN,

Par acte sous seing privé du 1er août 2008, la SAS Acti Participations a ouvert un compte courant dans les livres de la SA Crédit coopératif.

Par acte sous-seing privé en date du 16 décembre 2008, M. [K] [G], son président, s'est porté caution personnelle et solidaire de la société pour toutes les sommes que celle-ci resterait devoir à la banque dans la limite de 780 000 euros et pour une durée de dix ans.

En décembre 2008, la SAS Acti Participations est devenue la SAS Groupe Acti.

Aux termes d'une assemblée générale extraordinaire du 29 avril 2011, M. [G] a démissionné de ses fonctions de président et a été remplacé par la SA EDL partners, associée majoritaire, représentée par M. [E] [F], auquel il avait prélablement cédé l'intégralité de sa participation dans le capital de cette dernière.

Par courrier du 13 décembre 2011, adressé en copie à M. [G], le Crédit coopératif a confirmé à la société Group Acti que la facilité de caisse d'un montant de 650 000 euros, portée à 750 000 euros du 10 au 31 mai 2011, dont elle disposait était échue depuis le 30 novembre 2011 mais qu'elle acceptait de la renouveler jusqu'au versement du crédit d'impôt recherche, soit le 31 janvier 2012 au plus tard.

Par courriers simple et recommandé du 7 février 2012, dont copie adressée à M. [G], le Crédit coopératif a mis en demeure la société Groupe Acti de lui rembourser le solde débiteur de son compte, soit 586 856,03 euros.

En suite d'un nouveau courrier du 17 février 2012 lui demandant un délai, le Crédit coopératif a prorogé la date d'échéance du 20 février 2012 au 31 mars 2012.

Par acte de cession de créances professionnelles du 27 février 2012, la société Group Acti a cédé la créance de 2 145 864 euros détenue au titre du crédit d'impôt en faveur de la recherche au Crédit coopératif, ladite cession de créance étant notifiée à la Direction Générale des Finances Publiques le 7 mars 2012.

Par jugement du 26 juin 2012, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Groupe Acti et nommé la Selarl EMJ, prise en la personne de maître [L], en qualité de liquidateur judiciaire.

Selon lettre recommandée avec avis de réception en date du 6 août 2012, le Crédit coopératif a déclaré entre les mains du liquidateur judiciaire une créance chirographaire de 649 343,16 euros au titre du solde débiteur du compte courant.

Par courrier recommandé en date du 14 septembre 2012, le Crédit coopératif a mis en demeure M. [G], en sa qualité de caution, d'avoir à lui régler la somme de 649 343,16 euros, en vain.

Par courrier du 5 novembre 2013, le SIE de Neuilly a informé le Crédit coopératif que la demande de restitution du crédit d'impôt recherche 2010 avait fait l'objet d'une décision de rejet le 23 juillet 2013.

Le 31 juillet 2014, le Crédit coopératif a fait délivrer une sommation de payer à M. [G], pour la somme de 649 343,16 euros, montant de la créance arrêté au 26 juin 2012 puis il a saisi, d'une part, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris qui, suivant ordonnance du 22 janvier 2015, l'a autorisé à procéder à une saisie conservatoire entre les mains de la Compagnie Financière Edmond de Rothschild Banque pour avoir sûreté et conservation de sa créance évaluée provisoirement en principal à la somme de 649 343,16 euros et, d'autre part le tribunal de commerce de Nanterre.

Par jugement du 9 juin 2015, M. [G] a été débouté de ses demandes de rétractation de l'ordonnance du 22 janvier 2015 et de main levée des saisies conservatoires.

Selon jugement contradictoire assorti de l'exécution provisoire rendu le 20 juin 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- condamné M. [K] [G] à payer au Crédit coopératif la somme de 641 152,24 euros majorée des intérêts légaux à compter de la mise en demeure en date du 14 septembre 2012, avec capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1343-2 du nouveau du code de procédure civile (sic) à compter du 14 septembre 2013, date anniversaire de la première mise en demeure du 14 septembre 2012 ;

- débouté M. [G] de ses demandes reconventionnelles ;

- condamné M. [G] à payer au Crédit coopératif la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens.

M. [G] a interjeté appel de cette décision le 30 octobre 2018.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 20 novembre 2019, il demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

- prononcer la décharge de l'engagement de caution pour cause de disproportion manifeste ;

À titre subsidiaire,

- dire inopposable à son égard la facilité de caisse postérieure au 30 novembre 2011 ;

À titre très subsidiaire,

- prononcer la décharge de l'engagement de caution pour perte du bénéfice de subrogation ;

À titre infiniment subsidiaire,

- constater que la société Crédit coopératif a manqué à son obligation d'information telle que prévue aux articles L.333-1, L.343-5 et L.341-6 du code de la consommation et L.313-22 du code monétaire et financier ;

À titre reconventionnel :

- condamner la société Crédit coopératif à lui payer la somme de 641 152,64 euros à titre de dommages et intérêts ;

- dire et juger que le montant des sommes que la société Crédit coopératif sera condamnée à lui payer se compensera avec le montant des sommes qu'il sera condamné à lui payer ;

En tout état de cause ;

- débouter la société Crédit coopératif de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner la société Crédit coopératif à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Crédit coopératif aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 2 décembre 2019, le Crédit coopératif demande à la cour de :

- déclarer recevable mais mal fondé M. [G] en son appel ;

en conséquence,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement ;

- débouter purement et simplement M. [G] de toutes ses demandes ;

- condamner M. [G] à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel, qui comprendront le coût de la mesure conservatoire, ainsi que celui de ses suites et conséquences, dont distraction au profit de l'AARPI JRF Avocats, comparant par maître Dontot, avocat, qui en recouvrira directement le montant conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 décembre 2019.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Aucun moyen n'étant soulevé ou susceptible d'être relevé d'office, il convient de déclarer l'appel de M. [G] recevable.

1- Sur la disproportion

M. [G] soutient en premier lieu qu'il est recevable à invoquer les dispositions de l'ancien article L. 341-4 du code de la consommation, issu de la loi du 1er août 2003, dès lors que l'engagement de caution litigieux a été souscrit le 16 décembre 2008, entre le Crédit coopératif, dont la qualité de créancier professionnel est indiscutable, et lui-même personne physique, celles-ci étant applicables au contrat de cautionnement sans distinguer selon la nature de l'obligation garantie.

Soulignant que la fiche de renseignement qu'il a remplie mentionne uniquement s'agissant de la composition de son patrimoine et de ses revenus la mention 'Cf.ISF 2008 + IR 2007", que la banque n'a pas exigé que soient renseignés les cadres relatifs à sa situation de famille et à ses revenus, qu'elle ne comporte pas le cachet du Crédit coopératif et qu'il n'est nul part demandé à la caution de détailler les engagements de caution déjà souscrits, il prétend, en deuxième lieu, qu'il appartenait au Crédit coopératif d'obtenir de plus amples informations quant aux montants de ses engagements et que ce document, qui contient des informations manifestement incomplètes et qui ne permettait pas à la banque d'avoir une vision globale de sa situation, lui est inopposable.

Il ajoute que la 'fiche d'analyse de caution personne physique' en date du 16 décembre 2008 est un document interne à la banque, qu'il n'a pas contresigné et à l'établissement duquel il n'a pas participé.

Il détaille en troisième lieu ses revenus, soit 240 184 euros en 2007, son patrimoine, soit un actif net imposable de 7 229 275 euros au 1er janvier 2008 mais rappelle qu'il est marié sous le régime de la séparation de biens de sorte que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, seule la moitié de celui-ci peut être prise en compte et les dix engagements antérieurs qu'il a souscrits, pour un montant global de 6 602 000 euros, entre le 18 janvier 2006 et le 30 octobre 2008, au profit de différents établissements bancaires, pour en conclure que l'engagement de caution litigieux était manifestement disproportionné.

Il explique, enfin, qu'au moment où il a été appelé les parts sociales qu'il détenait au sein de différentes sociétés civiles ont fait l'objet soit de saisies soit de nantissements de la part de ses créanciers, qu'il est engagé en tant que caution à hauteur de 7 500 000 euros au titre des cautionnements susvisés et de deux autres consentis le 6 mai 2009 et le 26 août 2011 au profit de la Banque palatine et qu'il a été condamné aux termes de deux arrêts du 30 juin 2016 et du 4 juin 2015 à payer les sommes de 958 626,44 euros et 45 073,56 euros, outre intérêts, au profit de la Banque française mutualiste et celle de 960 000 euros à la Banque palatine.

Le Crédit coopératif répond que l'acte de cautionnement régularisé par M. [G] était parfaitement proportionné à ses capacités et situation financières puisque concomitamment à la signature de son engagement, ce dernier portait à sa connaissance un état de son patrimoine et de ses revenus en produisant son ISF 2008 et son impôt sur le revenu 2007 faisant ressortir un patrimoine immobilier net de 6 623 000 euros, un patrimoine mobilier net de 5 518 000 euros et un revenu annuel de 108 000 euros pour deux années, soit une surface nette de 12 249 000 euros. Il fait valoir que ces informations ne présentaient aucune anomalie apparente qui aurait pu justifier la vérification de leur exactitude. Elle précise que dans le cadre de son analyse, elle a déduit la caution déclarée par M. [G] au profit d'une autre société pour retenir, à titre indicatif, un cautionnement potentiel proportionné de 1 209 900 euros, supérieur à l'engagement discuté. Elle liste ensuite les parts sociales que M. [G] détient dans les SCI Iljo, Laurada, [C], [N], [J] [S] et [R] ainsi que les biens immobiliers détenus par celles-ci et rappelle que M. [G] est gérant de la société Mika production.

Enfin, elle indique que les cautionnements réels n'ont pas à être pris en compte, que certains des cautionnements invoqués par l'appelant ne sont plus d'actualité et que l'actualisation des autres montre une diminution de leur assiette.

La recevabilité de M. [G] à invoquer les dispositions de l'article L. 341-4 ancien du code de la consommation n'est pas discutée par le Crédit coopératif.

Il résulte de ce texte qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. Ces dispositions s'appliquent à toute caution qu'elle soit avertie ou non. Il appartient à la caution qui invoque la disproportion de son engagement d'en apporter la preuve. La disproportion de l'engagement de caution s'apprécie à la date de la conclusion du cautionnement sur la base des éléments alors connus au vu des déclarations de la caution concernant ses biens et revenus que le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier. Les revenus escomptés de l'opération garantie n'ont pas à être pris en considération.

Le Crédit coopératif produit un document intitulé 'Renseignements patrimoniaux', daté du 16 décembre 2008 et signé par M. [G], qui mentionne uniquement l'état civil et l'adresse de celui-ci et par deux fois, s'agissant tant du patrimoine immobilier que mobilier, la mention 'Cf. ISF 2008 + IR 2007". Il ne contient aucune partie à compléter relative aux cautionnements antérieurement consentis. Cette pièce établie à l'en tête de la banque n'a pas à comporter son cachet pour être opposable à M. [G] qui a attesté au dessus de sa signature que les renseignements y figurant étaient sincères et véritables.

Il n'est pas contesté que la banque a eu connaissance des documents visés puisqu'à partir de ceux-ci elle a établi un document interne intitulé 'Fiche d'analyse de caution personne physique' aux termes de laquelle elle a retenu un patrimoine immobilier net de 6 623 000 euros, un patrimoine mobilier net de 5 518 000 euros et des revenus de 108 000 euros pour deux années outre un cautionnement 'Greenwere' de 150 000 euros.

Lors de son engagement, la caution n'a déclaré à la banque aucun élément sur sa situation familiale et les cautionnements qu'elle avait déjà pu consentir parce que cette dernière ne lui a rien demandé et n'a sollicité aucune précision quant à la fiche incomplètement remplie, se contentant d'un renvoi aux documents fiscaux visés. M. [G] est libre par conséquent de démontrer quelle était sa situation familiale et financière lors de son engagement.

M. [G] allègue mais ne démontre pas qu'il était, lors de son engagement, marié sous le régime de la séparation de biens, les deux mentions manuscrites portées sur d'autres fiches de renseignements étant insuffisantes à cet égard, en sorte que la disproportion manifeste alléguée doit s'apprécier au regard de ses biens et revenus personnels mais également des biens présumés communs.

L'avis d'impôt sur les revenus 2007 et la déclaration ISF pour l'année 2008 de M. et Mme [G] indiquent des revenus de 240 184 euros ainsi qu'un patrimoine mobilier et immobilier déclaré de 12 142 790 euros brut soit, après déduction des prêts Banque Hapoalim (788 000 euros) et UBP Locabail (4 000 000 euros), 7 354 790 euros net, le passif fiscal y figurant et dont il reste redevable n'ayant pas à être déduit.

M. [G] invoque l'existence de dix cautionnements consentis entre le 18 janvier 2006 et le 30 octobre 2008 à différents établissements bancaires d'un montant global de 6 602 000 euros, dont un relatif à un emprunt in fine de 4 000 000 euros contracté par la SCI [J] [S] auprès de l'UCB le 12 décembre 2007 remboursable à l'échéance de 180 mois.

Il se déduit de ces éléments que l'engagement à hauteur de 780 000 euros n'était pas lors de sa souscription manifestement disproportionné aux revenus et patrimoine net de M. [G].

En l'absence de disproportion de l'engagement de caution au moment où il a été conclu, il est inopérant de rechercher si le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation au moment où elle est appelée.

2-Sur l'inopposabilité de la facilité de caisse postérieure au 30 novembre 2011

Invoquant la jurisprudence de la cour d'appel de Paris et de la Cour de cassation qui assimilent l'octroi d'une facilité de caisse à une ouverture de crédit, M. [G] soutient que le courrier du Crédit coopératif du 13 décembre 2011, renouvelant la ligne de crédit échue au 30 novembre 2011 jusqu'au 31 janvier 2012, a donné naissance à un nouveau contrat de crédit entre la banque et la société Group Acti dont il n'était plus président ni actionnaire sans qu'un nouveau contrat de cautionnement n'ait été conclu en parallèle. Il en conclut qu'il ne peut être tenu comme garant de la facilité de caisse consentie à la société Group Acti postérieurement au 30 novembre 2011, laquelle lui est inopposable. Il souligne en outre qu'en l'absence de production d'un document écrit les modalités applicables à cette facilité de caisse ne sont pas connues.

Après avoir rappelé les dispositions de l'ancien article 1134 du code civil et du contrat de cautionnement et critiqué les décisions citées par l'appelant, le Crédit coopératif explique que la position débitrice d'un compte courant ne peut pas être assimilé à une ouverture de crédit et qu'en tout état de cause M. [G] s'est porté caution de toutes les sommes que la société pourrait devoir dans la limite du montant fixé et qu'il est appelé à garantir une créance couverte par le délai de dix ans.

Il convient de rappeler qu'aux termes de son engagement, M. [G] s'est obligé à garantir toutes les sommes dues par la société Acti participations, devenue Groupe Acti, dans la limite de 780 000 euros et pour une durée de dix années. Peu importe dès lors que la somme réclamée au titre du solde débiteur du compte bancaire arrêtée au 26 juin 2012, soit due au titre d'une ouverture de crédit ou d'une facilité de caisse, étant observé qu'il ressort des écritures de M. [G] lui-même qu'il évoque une facilité de caisse, de la lettre que la banque lui a adressée le 9 mai 2011 en réponse à sa demande du 5 mai précédent lui confirmant son accord pour porter à 750 000 euros l'autorisation de découvert consentie, du mail du 21 juillet 2011 aux termes duquel M. [F] sollicitait de la banque le maintien de la facilité de caisse et des courriers échangés entre la banque et la société Acti group des 13 décembre 2011, 7, 17 et 21 février 2012, qu'il n'y a pas eu naissance d'un nouveau contrat de crédit mais prorogation du terme d'une facilité de caisse.

M. [G] n'avait par conséquent pas à consentir une nouvelle garantie pour rester engagé au delà du 30 novembre 2011, étant de surcroît observé que l'article 5 du cautionnement du 16 décembre 2008 précisait que 'la caution reste engagée au titre du présent cautionnement en cas de renouvellement de l'obligation garantie'.

Enfin, si les conditions générales de la convention de compte courant prévoient qu'en principe le compte ne doit jamais être débiteur, elles précisent néanmoins le taux des intérêts débiteurs en sorte que les modalités applicables à celle-ci étaient connues de la société.

3- Sur la perte du bénéfice de subrogation

Se prévalant de 'l'ancien' article 2314 du code civil et d'une jurisprudence de la Cour de cassation (Civ. 2 17 décembre 2009 n°09-11612), M. [G] soutient que le Crédit coopératif, qui a attendu plus de dix-neuf mois après la date apposée sur le bordereau [T] pour mettre en demeure l'administration fiscale de lui régler la créance qui lui avait été cédée, a commis une faute en omettant d'exiger auprès du débiteur le règlement de sa créance en temps utile et en ne contestant pas la décision de rejet du crédit impôt recherche de l'administration fiscale, le délai de recours n'ayant pas commencé à courir à son égard.

Il souligne que le Crédit coopératif n'a pas cherché à se renseigner sur les procédures qui auraient été initiées par la société Groupe Acti ou par le liquidateur judiciaire et auxquelles elle aurait pu le cas échéant se joindre. Il en déduit que cette faute le prive de son droit à être payé des sommes réclamées.

Le Crédit coopératif réplique que les conditions d'application de 'l'ancien' article 2314 du code civil ne sont pas réunies en raison de la décision de rejet prise le 23 juillet 2013 par la Division juridique des affaires publiques de ne pas restituer le crédit impôt recherche 2010. Elle conteste également avoir fait preuve d'inertie rappelant les différentes demandes formulées auprès de l'administration fiscale.

Selon l'article 2314 du code civil, la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution.

Pour que la caution soit déchargée, il faut qu'un droit susceptible de lui profiter par voie de subrogation ait été perdu par le fait exclusif du créancier.

Il est constant que par acte de cession de créances professionnelles en date du 27 février 2012, la société Group Acti a cédé au Crédit coopératif une créance en date du 3 juin 2011 de 2 145 864 euros détenue sur la DGFP au titre d'un crédit d'impôt en faveur de la recherche. Cette cession de créance a été régulièrement notifiée à la DGFP, conformément aux dispositions des articles L 313-23 à L 313-34 du code monétaire et financier, par lettre recommandée avec avis de réception du 7 mars 2012.

Cette cession, qui n'existait pas au moment du cautionnement, n'est pas entrée dans le champ contractuel en sorte que M. [G] ne peut pas se prévaloir de la perte d'un droit à ce titre.

De surcroît, il ressort des pièces produites d'une part que le non paiement de la créance cédée résulte non du fait du créancier mais d'une décision de l'administration fiscale selon laquelle 'Dès lors que les travaux présentés ne peuvent être considérés comme relevant d'une activité de recherche et développement au sens des articles précités du code général des impôts et qu'aucune dépense de personnel n'est éligible au dispositif du CIR, il ne peut être fait droit à la demande de remboursement d'une créance de crédit d'impôt recherche de la société Goupe Acti au titre de l'année 2010" et, d'autre part, que le Crédit coopératif n'a pas été négligent dans le recouvrement de sa créance puisqu'il a renouvelé ses demandes de paiement auprès de la DGFP par lettres recommandées du 14 septembre 2012 et du 24 octobre 2013, laquelle lui répondait le 5 novembre 2013 que la demande de restitution du CIR 2010 avait fait l'objet d'une décision de rejet en date du 23 juillet 2013 et qu'il lui appartenait de se rapprocher du liquidateur judiciaire, destinataire de cette décision, pour obtenir des renseignements complémentaires ce qu'il a également fait.

4- Sur l'absence d'information de la caution

La cour ne statuant en application de l'article 954 du code de procédure civile que sur les prétentions énoncées au dispositif, ce que n'est pas une demande tendant à 'constater que', il n'y a pas lieu de statuer sur les prétentions tendant au rejet des demandes de paiement des pénalités ou intérêts de retard, au visa de l'article L.333-1 du code de la consommation, et de déchéance des intérêts, au visa de l'article L.313-22 du code monétaire et financier, formées par M. [G] dans le corps de ses écritures et non reprises au dispositif de celles-ci.

Au surplus, il sera relevé que le Crédit coopératif qui a sollicité la confirmation du jugement ne critique pas celui-ci en ce qu'il l'a déchu des intérêts pour la période du 6 mars 2012 au 31 mars 2013.

5- Sur la responsabilité du Crédit coopératif

M. [G], qui rappelle que la responsabilité du prêteur pour soutien abusif de crédit peut être recherchée par la caution dès lors que la faute du créancier résultant du soutien abusif du débiteur cautionné a provoqué ou aggravé la mise en oeuvre de la caution, prétend que le compte de la société Groupe Acti présentait un solde débiteur alors que selon les stipulations de la convention d'ouverture de compte celui-ci ne devait, en principe, jamais être débiteur. Il fait valoir en outre que la banque a commis une faute car si elle avait agi en temps utile, elle aurait été en mesure d'obtenir le règlement de sa créance auprès de la DGFP et lui-même aurait pu exercer son recours subrogatoire en sorte que le manque de diligence de la banque, qui lui a fait perdre ce recours, lui a causé un préjudice qui doit être fixé à 641 152,64 euros.

Le Crédit coopératif réplique que M. [G] est une caution avertie à l'égard de laquelle il n'était tenu d'aucune obligation de mise en garde et d'information et qu'en tout état de cause aucun manquement ne peut lui être reproché à ce titre.

Il expose, par ailleurs, que les conditions de l'article L.650-1 du code de commerce ne sont pas réunies et que le montant du solde débiteur du compte courant, et donc de l'obligation de M. [G], n'a pas été accru entre la date à laquelle celui-ci a quitté ses fonctions et celle du jugement prononçant la liquidation judiciaire de la débitrice principale à l'égard de laquelle il ne peut pas lui être reproché d'avoir été inactif.

Il ajoute que M. [G] ne peut pas invoquer l'ancien article 1147 du code civil car il n'existe aucun lien de causalité entre son comportement et le prétendu préjudice subi par l'appelant du fait de l'absence d'effectivité de l'acte de cession de créance professionnelle du 27 février 2012, qu'il n'a commis aucune faute et a fait preuve de toute la diligence nécessaire auprès de la DGFP et du liquidateur judiciaire, enfin qu'il était hors délai pour exercer un quelconque recours à l'encontre de la décision de la DGFP et qu'il ne bénéficiait d'aucun document sur le fond lui permettant d'apprécier les moyens développés par l'administration fiscale et la société Groupe Acti.

M. [G] ne reproche pas à la banque un manquement à son devoir de mise en garde ou à une obligation d'information quant à l'étendue de son engagement.

Il fonde expressément sa demande au titre du soutien abusif sur l'article 1382 ancien du code civil, devenu 1240 du code civil, et non sur l'article L.650-1 du code de commerce. Il lui appartient donc de démontrer une faute de la banque.

Nonobstant les termes des conditions générales de la convention de compte courant et l'absence de production d'une autorisation de découvert écrite, il est démontré par les relevés de compte produits qu'au 28 novembre 2008, soit quelques jours avant le cautionnement litigieux, le solde du compte de la société était débiteur de la somme de 266 731,20 euros, que ce montant a été porté à 651 686,62 euros au 29 avril 2011, date concomitante au départ de M. [G], ce que ce dernier ne pouvait ignorer en sa qualité de dirigeant, et qu'il a été informé, car en copie du mail du 5 mai 2011, de la demande de la société Groupe Acti d'augmenter l'autorisation de découvert de 650 à 750 000 euros.

M. [G], qui était parfaitement informé de la situation de la société Group Acti, qui a laissé le découvert du compte bancaire augmenter durant sa présidence et qui ne s'est pas opposé à la demande d'augmentation de l'autorisation de découvert, ne peut pas reprocher à la banque d'avoir abusivement soutenu la société Groupe Acti, laquelle au demeurant était alors dans l'attente du remboursement du CIR 2010.

Il ne peut pas plus lui faire grief de n'avoir pas réclamé le paiement de la créance cédée en 'temps utile'. Outre que M. [G] ne précise pas dans quel délai la banque aurait dû agir, il ressort de la lecture du certificat de créance dressé le 25 février 2012 par le comptable public du SIE de Neuilly sur Seine qu'à cette date la créance au titre du CIR 2010 était disponible mais non qu'elle était liquide et exigible et des lettres du 14 septembre 2012 et du 24 octobre 2013 que le Crédit coopératif a réclamé le paiement de la créance et n'est pas resté inactif.

M. [G] sera donc débouté de sa demande reconventionnelle.

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Condamne M. [K] [G] à payer à la SA Crédit coopératif la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [K] [G] aux dépens d'appel, en ce compris le coût de la mesure consevatoire, avec droit de recouvrement au profit de maître Dontot, avocat, pour les frais dont elle aurait fait l'avance, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 18/07454
Date de la décision : 10/03/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 13, arrêt n°18/07454 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-10;18.07454 ?
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