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29/01/2020 | FRANCE | N°17/04665

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 29 janvier 2020, 17/04665


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



15e chambre



ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE





DU 29 JANVIER 2020





N° RG 17/04665



N° Portalis DBV3-V-B7B-R3HR





AFFAIRE :





[R] [T]

...



C/





SA AXA INVESTMENT MANAGERS PARIS (AXA IMP)









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Août 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Forma

tion paritaire de NANTERRE

N° Section : Commerce

N° RG : 17/01738



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





Me Vincent MALLEVAYS



Me Isabelle AYACHE REVAH





le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT NEUF JANVIER DEUX MILLE ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 JANVIER 2020

N° RG 17/04665

N° Portalis DBV3-V-B7B-R3HR

AFFAIRE :

[R] [T]

...

C/

SA AXA INVESTMENT MANAGERS PARIS (AXA IMP)

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Août 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : Commerce

N° RG : 17/01738

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Vincent MALLEVAYS

Me Isabelle AYACHE REVAH

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 22 janvier 2020 puis prorogé au 29 janvier 2020, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Madame [R] [T]

née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 7], de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Vincent MALLEVAYS de la SCP Alain LEVY et Associés, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0126, substitué par Me Pierre VIGNAL, avocat au barreau de PARIS

Syndicat UGICT CGT UES AXA INVESTMENT MANAGERS

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Vincent MALLEVAYS de la SCP Alain LEVY et Associés, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0126, substitué par Me Pierre VIGNAL, avocat au barreau de PARIS

APPELANTES

****************

SA AXA INVESTMENT MANAGERS PARIS (AXA IMP)

N° SIRET : 353 534 506

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Isabelle AYACHE REVAH de la SELARL RAPHAEL, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0859, substitué par Me Laura GOASDOUE, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 novembre 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Maryse LESAULT, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Maryse LESAULT, Présidente,

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

FAITS ET PROCÉDURE,

Mme [R] [T] (ci-après Mme [T]) a été engagée par la société AXA INVESTMENT MANAGMENTS PARIS (ci-après AXA IMP) par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 30 avril 2012, en qualité de « Personal Assistant », poste rattaché à la fonction d'assistante de direction avec un statut non-cadre, classe 4 de la Convention collective nationale des sociétés d'assurance.

Elle percevait un salaire mensuel brut dont le montant s'élevait en dernier lieu à 3 386,68 euros.

Le 11 avril 2013, la société a convoqué Mme [T] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 24 avril 2013.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 30 avril 2013, la société AXA IMP a notifié à Mme [T] son licenciement pour insuffisance professionnelle.

Mme [T] a saisi le conseil de prud'hommes le 10 juin 2015 afin de contester son licenciement.

Par jugement du 29 août 2017, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- débouté Mme [T] de l'intégralité de ses demandes.

- dit qu'en l'absence de violation des droits de Mme [T], l'intervention volontaire du Syndicat UGIC CGT n'a pas lieu d'être.

- débouté la Société AXA INVESTMENT MANAGERS PARIS de ses demandes.

- condamné Mme [T] aux entiers dépens.

Par déclaration du 4 octobre 2017 , Mme [T] et le Syndicat UGICT CGT UES AXA INVESTMENT MANAGERS ont interjeté appel de l'intégralité du jugement.

Par dernières conclusions déposées au greffe, Mme [T] et le Syndicat UGICT CGT UES AXA INVESTMENT MANAGERS, appelants, demandent à la cour de :

- infirmer le jugement du conseil de Prud'hommes de Nanterre du 10 mai2017 (RG n°15/11421) en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- constater la violation des dispositions des articles 79, 79 bis et 90 a) de la convention collective nationale des sociétés d'assurances du 27 mai 1992 constituant une garantie de fond de nature à éviter le licenciement ;

En conséquence,

- condamner la société AXA INVESTMENT MANAGERS PARIS à devoir verser à Mme [R] [T] la somme de 23 220 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société AXA INVESTMENT MANAGERS PARIS à devoir verser au Syndicat UGICT CGT UES AXA INVESTMENT MANAGERS la somme 10 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession,

A titre infiniment subsidiaire,

- dire que le licenciement pour insuffisance professionnelle notifié à Mme [T] par lettre du 30 avril 2013 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- condamner la société AXA INVESTMENT MANAGERS PARIS à devoir verser à Mme [T] la somme de 23 220 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

- condamner la société AXA INVESTMENT MANAGERS PARIS à verser au Syndicat UGICT CGT UES AXA INVESTMENT MANAGERS la somme 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société AXA INVESTMENT MANAGERS PARIS à verser à Mme [T] la somme 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

-condamner la société AXA INVESTMENT MANAGERS PARIS aux entiers dépens.

Par dernières conclusions déposées au greffe, la SA AXA INVESTMENT MANAGMENTS PARIS, intimé, demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement de première instance, soit :

- dire que le licenciement de Mme [T] pour insuffisance professionnelle est parfaitement fondé,

En conséquence,

- débouter Mme [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

A titre subsidiaire,

Si la Cour devait considérer le licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse, il lui serait demandé de :

- constater que Mme [T] a moins de deux ans d'ancienneté et ne peut pas solliciter sa réintégration au sein de la société, pas plus qu'elle ne peut réclamer le montant d'indemnité de licenciement minimum de 6 mois prévu par l'article L.1235-3 du Code du travail,

- constater que Mme [T] n'apporte aucun élément permettant de justifier un préjudice subi du fait de la rupture de son contrat de travail,

- limiter les dommages et intérêts de Mme [T] à un mois de salaire correspondant à 3 386,68 euros.

En outre,

- débouter Mme [T] de sa demande relative à l'exécution provisoire,

- A tout le moins, ordonner la constitution d'une garantie auprès de la caisse des dépôts et consignations.

A titre reconventionnel,

- condamner Mme [T] à verser à la société AXA INVESTMENT MANAGERS PARIS la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- condamner le syndicat UGICT-CGT UES AXA INVESTMENT MANAGERS la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- condamner Mme [T] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 16 octobre 2019.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé des litiges et demandes.

MOTIFS,

La lettre de licenciement a été rédigée en ces termes :

Pour rappel, vous avez été engagée le 30 avril 2012 en qualité de Personal assistant, poste attachée à la fonction d'assistante de direction avec un statut non-cadre.

En cette qualité, vous êtes affectée à la Direction de Distribution d'AXA IM et vous reportez à la global Head of CRM.

Comme votre description de postes le précise, vous avez pour mission principale d'assister le globe Head of CRM, d'apporter un support à l'équipe CRM basée à [Localité 6] et de gérer les événements clients organisés par l'entreprise.

Votre activité est principalement dédiée d'une part à l'assistanat de la global Head of CRM (gestion agenda, organisation de voyages,)gestion des dépenses, liaison et coordination avec les équipes basées à l'étranger et, d'autre part, auprès de l'équipe CRM à [Localité 6] afin de le rapporter un support (organisation et préparation des rendez-vous clients, des réunions internes ') et de participer à la gestion des événements clients externes : coordination des événements envoi et suivi des invitations et liaisons avec la coordinatrice).

.

Par ailleurs, pour répondre aux besoins de l'organisation du département de distribution, il vous a également demandé d'assister l'équipe COO distribution.

L'ensemble de ses missions entre, contrairement à ce que vous soutenez, parfaitement dans le cadre de vos fonctions.

Or, nous avons été amenés à constater que vous ne remplissez pas la totalité des missions qui vous incombent à et ce malgré les demandes d'amélioration de votre travail qui vous ont été faites depuis plusieurs mois.

Ainsi, dans le cadre de votre entretien annuel de 2012, votre manager vous a rappelé le périmètre de vos missions et vous a notamment précisé que votre rôle était aussi d'assister l'équipe.

Elle vous a également fait part de votre manque de flexibilité à l'égard des équipes et des difficultés que cette attitude engendre dans le travail de chacun. Dans ce cadre, votre manager a particulièrement insisté sur la nécessité d'améliorer votre communication avec les membres des équipes. Votre manager vous a également demandé d'améliorer la qualité du service rendu aux équipes en soulignant l'importance de la pro- activité attendue de votre part afin de fluidifier les relations tant avec les équipes d'AXA IM qu'avec les clients.

Dans le cadre de cette évaluation, vous avez accepté ces axes d'amélioration et les objectifs fixés.

Cependant malgré ces remarques, nous avons constaté que vous persisté à vous montrer réticente pour accomplir l'ensemble des missions relevant de votre fonction et à adopter une attitude irrévérencieuse à l'égard de votre manager et de l'ensemble des équipes se traduisant notamment par certaines réponses inappropriées aux demandes qui vous étaient faites. Votre manager et les interlocuteurs de vos équipes ont ainsi été contraints de réitérer plusieurs fois leurs demandes pour que vous finissiez par réaliser les tâches confiées. Malgré leur insistance toutes n'aboutissaient pas alors qu'elles étaient pourtant dans le périmètre de vos responsabilités.

Pour illustrer ce qui précède, nous citerons pour exemple les faits suivants qui se sont produits au cours des mois de mars à 10 avril 2013 :

Lorsqu'un senior de l'équipe vous demande de l'aider à organiser des rendez-vous lors d'un déplacement à Londres, au lieu de monter les réunions et de les mettre dans les agendas des participants, vous renvoyez un email en date du 10 avril 2013 ans avec les disponibilités des participants en répondant que vous vous en étiez occupé « cette fois-ci de manière tout à fait exceptionnelle ».

Lors ce que votre manager vous demande, le 5 mars dernier une confirmation de rendez-vous, vous lui répondez par la positive en ajoutant « il suffit de lire l'onglet suivi pour s'en convaincre ». votre manager interpellé par une telle réponse vous a néanmoins précisé que sa demande avait pour but de s'assurer que tous les participants étaient bien conviés à la réunion en vous précisant son importance.

Egalement, lorsque votre manager vous demande, début mars au 2013, de coordonner l'organisation du symposium avec les CRM, vous vous contentez de faire la boîte aux lettres sans apporter le service rendu pour ce type d'événement à savoir gestion du listing client avec suivi des réponses des participants auprès de l'équipe en charge de l'organisation de l'événement. Votre manager vous fait savoir que ce vous avez fait n'est pas satisfaisant et vous demande de le traiter de façon complète, non seulement vous n' effectuez par le travail demandé mais vous renvoyez la tâche à accomplir à votre manager.

Face à ces difficultés persistantes dans l'exécution de votre mission, notre management ainsi que la direction des ressources humaines ont tenté à plusieurs reprises de dialoguer avec vous, ce que vous avez systématiquement refusé.

Nous ne pouvons que constater votre incapacité à exécuter les missions qui relèvent de votre poste et que nous sommes en droit d'attendre de vous, ce qui a pour conséquence d'obérer vos relations avec votre manager et de gréver l'atmosphère de travail au sein des équipes.

Il ressort de votre attitude que vous effectuez des tâches au gré de ce que vous estimez comme entrant dans vos missions et ce, alors que votre manager vous avez déjà alertée sur la nécessité de changer d'attitude.

En outre, vous vous mettez délibérément en marge des processus RH de l'entreprise en refusant à deux reprises à l'entretien de fixation des objectifs annuels proposé par votre manager au cours duquel aux objectifs annuels devaient vous être fixés en lui rétorquant que « cela ne sera pas nécessaire ».

Dans ces conditions, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour insuffisance professionnelle.

2- Sur la demande de nullité du licenciement

Mme [T] fait que son employeur après avoir envisagé le terrain disciplinaire lui a opposé une prétendue insuffisance professionnelle 100, cependant, lui avoir fait bénéficier de l'entretien particulier prévu dans ce cas par les dispositions de l'article 79 de la convention collective nationale des sociétés d'assurances alors que cette disposition constitue une garantie de fond dont la violation entraîne la nullité du licenciement puisqu'il permet au salarié de pouvoir s'expliquer sur les motifs de cette insuffisance, est de permettre la recherche des moyens d'y remédier. Mme [T] rappelle la convocation à l'entretien préalable doit mentionner expressément cette faculté ainsi que celle de se faire assister pour cet entretien conformément aux règles légales.

De la société axa fait valoir que les dispositions de la convention collective invoquée par la salariée ne s'applique pas ici car elle n'avait pas une année d'ancienneté au jour de la convocation à l'entretien préalable à un éventuel licenciement.

Sur ce,

Lorsque des dispositions conventionnelles, statutaires ou contractuelles accordent aux salariés des garanties supplémentaires en matière disciplinaire ou en cas de licenciement, celles-ci peuvent constituer des garanties de fond, dont la méconnaissance entraîne la nullité de la sanction ou prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Il faut toutefois que ces dispositions ajoutent au code du travail en renforçant la protection du salarié.

S'agissant de l''article 27 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 qui prévoit la faculté pour le salarié d'être entendu, sur sa demande, par l'employeur, avant que son licenciement ne lui soit confirmé par écrit, la cour relève que cette règle n'institue pas, alors que la situation était différente à la date de signature de la convention, une protection du salarié supérieure à celle prévue par la loi 73-680 du 13 juillet 1973 qui a institué l'obligation pour l'employeur envisageant de licencier un salarié de le convoquer, avant toute décision, à un entretien préalable. Il en résulte que le non-respect de cette formalité ne rend pas le licenciement sans cause réelle et sérieuse et que l'employeur relevant de cette convention collective n'a pas à organiser deux entretiens.

Par ailleurs si l'article 90 de la convention collective nationale des sociétés d'assurances prévoir que lorsque le salarié est convoqué et informé par l'employeur d'un licenciement pour faute ou pour insuffisance professionnelle il a la faculté de demander la réunion d'un conseil est constitué de trois représentants de l'employeur et de trois représentants du personnel de l'établissement (délégués du personnel, membre du comité d'entreprise, délégués syndicaux ou représentants syndicaux au comité d'entreprise ou d'établissement), force est de rappeler que ces dispositions ne s'applique qu'un membre du personnel ayant plus d'un an de présence dans l'entreprise, ce qui n'était pas le cas de Mme [T] à la date de convocation à l'entretien préalable qui lui a été adressée par lettre recommandée du 11 avril pour un entretien fixé au 24 avril 2013, alors qu'elle avait été embauchée le 30 avril 2012.

Enfin Mme [T] a pu bénéficier de l'assistance légale du représentant du personnel lors de cet entretien de sorte que par cette assistance l'intérêt collectif a été sur ce point à respecter.

Le moyen tiré de la violation d'une garantie de fond doit être écarté par confirmation du jugement entrepris,

3- Sur la contestation du licenciement

Mme [T] rappelle que l'employeur lui reproche, au terme de la lettre de licenciement, de ne pas avoir rempli la totalité des missions qui lui incombaient, cela malgré les demandes d'amélioration de son travail qui lui avait été faite depuis plusieurs mois, et d'avoir persisté à se montrer réticente pour accomplir l'ensemble des missions relevant de sa fonction voir avoir eu une attitude irrévérencieuse.

Elle rappelle cependant avoir été embauchée en qualité de Personal assistant soit assistante personnel, rattachée à la fonction d'assistante de direction, statut non-cadre. Elle se prévaut du détail de ses fonctions telles que contenues dans la description enregistrée sous la référence H 01004, classée 4 dans la classification interne des fonctions du groupe AXA, pour prétendre ici qui lui était demandé d'effectuer des tâches non conformes au poste sur lequel elle a été recrutée ce qui a donné lieu à ses refus ou à son acceptation à titre exceptionnel de certaines demandes de son employeur. Mme [T] conteste en particulier qu'il ait été dans ses attributions d'être assistante d'équipes alors qu'elle été rattachée à la direction. Elle soutient que l'employeur veut en réalité lui attribuer des fonctions différentes de celles résultant de son contrat de travail d'où sa demande de clarification formée sur ce point. Elle souligne d'ailleurs que la lettre de licenciement vise des critères comportementaux, flous et subjectifs antinomiques avec la notion de licenciement pour insuffisance professionnelle.

La société AXA conteste avoir appliqué de façon discriminante des critères comportementaux pour fonder le licenciement de la salariée, relevant sur ce point que celle-ci ne vise d'ailleurs aucun des motifs prohibés de discrimination visés par l'article L 1132 -1 du code du travail. Elle ajoute que la mise en place d'un outil de management par la performance dans l'entreprise n'a concerné que les seuls cadres dirigeants, les seuls pouvant de ce fait se voir fixer dans leurs objectifs celui de compétences relationnelles. La société soutient qu'elle demeure en droit d'évoquer le comportement du salarié, son attitude générale de désobéissance, son refus d'intégration, la capacité à adopter un comportement approprié eu égard à la fonction exercée, pour fonder, par des faits précis comme elle le fait, l'insuffisance professionnelle reprochés.

Sur ce

L'appréciation des aptitudes professionnelles du salarié et de son adaptation à l'emploi relève du pouvoir patronal. Néanmoins, l'insuffisance professionnelle alléguée à son encontre pour fonder un licenciement doit être justifiée par des éléments précis et concrets de nature à perturber la bonne marche de l'entreprise ou le fonctionnement du service.

Pour constituer une cause légitime de rupture, l'insuffisance professionnelle doit être ainsi établie par des éléments objectifs, constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme passagère ou purement conjoncturelle, être directement imputable au salarié et non la conséquence d'une conjoncture économique difficile ou du propre comportement de l'employeur.

Mme [T] a été engagée par un contrat à durée indéterminée à compter du 30 avril de 2012, indiquant qu'elle occupera au sein d'Axa Investment Management Paris le poste de Personal assistant rattaché à la fonction d'assistante de direction avec un statut non-cadre poste appartenant à la classe 4 de la convention collective des fonctions étant mentionnées susceptibles d'évoluer en fonction des besoins de l'entreprise.

La fiche de description de ce poste versée aux débats par Mme [T] (pièce2) mentionne : 

Mission principale :

Gérer l'organisation des activités d'un membre de direction en préparant et suivant son activité et en accomplissant l'ensemble des activités nécessaires à l'exercice quotidien de sa mission.

Cette fonction désigne expressément un rattachement de ce poste d'assistante à une personne de la direction, ce caractère « personnel » bien que cette spécificité de cette fonction ne soit pas reprise par l'employeur dans sa réponse adressée le 30 avril 2013 au délégué du personnel CGT (pièce de la salariée n°12).

La cour constate que la salariée a précisément appelé l'attention de sa hiérarchie sur le fait que certaines des tâches qui lui étaient demandées ne relevaient pas de ses attributions :

- le 9 juillet 2012 elle répond à une demande de fixation d'un point trimestriel « sur la relation » (pièce 7) : [L], je m'en occuperai cette fois-ci. Pour rappel j'aide à l'organisation des réunions clients, ce qui ne me semble pas être le cas de ce point »

- le 9 octobre 2012, répondant à une demande d'organisation d'une réunion d'une heure avec [E], (') et moi sur « MFN sur les fonds monétaires » elle répond à [C] B., en transmettant les dates et créneaux horaires semblant convenir à [E], [J] et [S] en vue de cette réunion (pièce 8): « je te laisse le soin de lancer l'invitation ». [C] B/ lui rétorque que c'est une réunion à la demande de [E], et relaye une demande de celle-ci.

- le même jour Mme [T] écrit à [E] [V] auquel est rattaché son poste : « [E], je suis désolée de cet email alors que tu es à l'extérieur/en offsite, mais je crois qu'il nous faudra reparler de mon poste la semaine prochaine stp. Merci ».

- le 8 avril 2013 Zoé F. demande à Mme [T] en mettant [E] [V] en copie, de l'aider à organiser la journée du 19 avril qu'elle va passer à Londres à rencontrer les équipes de gestion Taux et Actions (Framlington)

- le 10 avril Mme [T] répond : je m'en suis occupée cette fois-ci de façon tout à fait exceptionnelle(')

- [E] [V] répond le même jour : « je ne comprends pas pourquoi ton intervention est « exceptionnelle », ça fait partie de ton job. Par contre j'espère que ce type de mail restera exceptionnel, tant sur le fonds que dans la forme. Merci »

- le 11 avril Mme [T] lui écrit encore (pièce 9): Puisque tu veux en parler, je t'invite à relire le descriptif de mon poste. Il n'est nullement prévu que je m'occupe des réunions internes des membres de ton équipe.

Je pense qu'il est enfin temps que nous reparlions de mon poste, entre autres choses, en pérsence des rh et d'un délégué du personnel.

Je m'en occupe rapidement.

- [E] lui répond en mettant la RH dans la boucle de sa réponse.

Il se déduit de ces échanges que Mme [T], dont la compétence professionnelle était par ailleurs reconnue comme cela résulte de son évaluation de 2012 (faite en octobre-novembre selon indication donnée à l'audience-pièce 5) qualifiant sa performance globale « réussie » donc après quelques mois de fonction, estimait être sollicitée pour des tâches étrangères au périmètre de ses fonctions. Elle a d'ailleurs déclaré dans cette évaluation (page 10) : « pourquoi n'avez-vous pas assumé vos besoins ' puisqu'il vous fallait un team assistant, il vous suffisait d'établir et de publier un descriptif de poste en ce sens et de recruter une assistante d'équipe.

J'ignore ce que vous entendez précisément par flexibilité, mais en tout état de cause j'en fixerai les limites (')

J'avais évoqué la nécessité de préciser le contenu de mon poste compte tenu de l'email incendiaire que m'avait envoyé [C] [H] (') »

Il n'est pas établi par la direction que la salariée se serait vu fixer des objectifs lors de son embauche, le débat portant sur l'utilisation de la manière dont l'employeur a mis en 'uvre la « flexibilité » attendue de la salariée, son évaluatrice [E] [V] précisant à cet égard dans le document d'évaluation : « en terme de description de job, effectivement j'ai demandé à [R] ([T]) de déléguer environ 20% de son temps à l'équipe de [Z]. J'insiste sur le fait que si [R] est confrontée à des problèmes d'arbitrage de priorités, elle m'en fasse part. Il pourra arriver dans le futur que nous demandions à [R] d'élargir son périmètre.

Il est important que [R] ([T]) démontre un peu plus de flexibilité dans sa façon de travailler avec l'équipe. Elle ne doit pas craindre de brader ses compétences professionnelles (')

Il est important que [R] trouve un bonne équilibre dans son poste afin de contribuer à la stabilité du fonctionnement de l'équipe. Aujourd'hui [R] ne n'a pas un poste d'assistante de direction, plutôt un poste d'assistante de équipe avec un rôle particulier auprès de deux responsables d'équipes. Il n'y a de nombreuses évolutions possibles chez AXA IM (') »

La cour retient de ces circonstances l'aveu de sa hiérarchie sur le positionnement en réalité de la salariée comme assistante d'équipe, et non attachée personnelle de direction.

Dans ce contexte la salariée a pu, à juste titre au regard de la fiche de poste définissant conventionnellement ses attributions, et au vu de l' obligation contractuelle de l'employeur à en respecter le rattachement personnel à un membre de la direction, interpeler sa hiérarchie sur ce point, sans encourir le reproche d'insuffisance professionnelle.

Il s'en déduit que le licenciement de Mme [T] est sans cause réelle et sérieuse, le jugement étant infirmé sur ce point.

4- Sur les demandes financières de Mme [T]

La salariée demande la condamnation de l'employeur à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 23 220 euros.

Elle produit au débat les attestations de Pôle Emploi des 4 juin 2015, 4 juin 2016 et 2 avril 2017 mentionnant sa prise en charge au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi à compter de la rupture de son contrat (31 mai 2013) avec inscription en catégorie 1 depuis le 15 juin 2014 et épuisement de ses droits depuis le 15 juin 2014. Elle justifie de ses nombreuses démarches de recherches d'emploi et d'entretiens fixés, sans indiquer sa situation en dernière date.

Elle avait 13 mois d'ancienneté au jour de rupture de son contrat et son salaire mensuel brut moyen était de 3 500 euros.

La cour fixe à la somme de 15 000 euros l'indemnisation que devra lui verser la société AXA IM.

5- Demande du syndicat

La cour retient, par confirmation du jugement, l'absence de violation d'un droit collectif, de sorte que le syndicat est irrecevable en sa demande d'indemnisation.

6- Autres demandes

Il sera statué sur les dépens et frais irrépétibles dans les termes du dispositif.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant par décision contradictoire,

INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté Mme [R] [T] de sa demande en nullité du jugement, et en ce qu'il a déclaré le syndicat UGICT CGT UES irrecevable en ses demandes de dommages-intérêts et de frais irrépétibles,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

DIT sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme [R] [T],

CONDAMNE la société AXA IM PARIS à payer à Mme [R] [T] la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts,

DIT que les intérêts au taux légal seront dûs sur cette somme à compter de ce jour,

CONDAMNE la société AXA IM PARIS à payer à Mme [R] [T] la somme de 2 000 euros à titre de frais irrépétibles,

DÉBOUTE la société AXA IM PARIS de sa demande au titre des frais irrépétibles,

CONDAMNE la société AXA IM PARIS aux dépens de première instance et d'appel.

- Prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Maryse LESAULT, Présidente et par Madame Carine DJELLAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 17/04665
Date de la décision : 29/01/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 15, arrêt n°17/04665 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-29;17.04665 ?
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