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29/01/2020 | FRANCE | N°17/03979

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 29 janvier 2020, 17/03979


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



15e chambre



ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE





DU 29 JANVIER 2020





N° RG 17/03979



N° Portalis DBV3-V-B7B-RXUY





AFFAIRE :





[W] [I]





C/





SAS SIGNAUX GIROD ILE DE FRANCE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Juillet 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritai

re de POISSY

N° Section : Industrie

N° RG : F15/00348



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





Me Hugues BOUGET



Me Emmanuel BLANC



Pôle emploi





le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT,...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 JANVIER 2020

N° RG 17/03979

N° Portalis DBV3-V-B7B-RXUY

AFFAIRE :

[W] [I]

C/

SAS SIGNAUX GIROD ILE DE FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Juillet 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de POISSY

N° Section : Industrie

N° RG : F15/00348

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Hugues BOUGET

Me Emmanuel BLANC

Pôle emploi

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 15 janvier 2020 puis prorogé au 29 janvier 2020, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [W] [I]

né le [Date naissance 1] 1968 à[Localité 7]), de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Hugues BOUGET, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1752, substitué par Me Jean-Charles JOKIEL, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

SAS SIGNAUX GIROD NORD anciennement dénommée SAS SIGNAUX GIROD ILE DE FRANCE

N° SIRET : 332 201 458

[Adresse 2]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Emmanuel BLANC de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 290

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 novembre 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Maryse LESAULT, Présidente,

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

FAITS ET PROCÉDURE,

M. [W] [I] a été engagé à compter du 23 mai 1986 par la société Ile de France signalisation, ultérieurement dénommée la société SIGNAUX GIROD Ile-de-France, en qualité de manutentionnaire, puis d'agent de production sur le site d'[Localité 6].

La société, qui relève de la branche d'activité signalisation du groupe Signaux Girod, a essentiellement pour activité la finition de produits de signalisation (application de faces adhésives sur les subjectiles, application de textes découpés), la production de la signalisation routière étant quant à elle principalement réalisée par l'unité de production centrale de [Localité 3].

Les relations entre les parties sont soumises à la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics.

Le salarié était classé en dernier lieu en catégorie ouvrier, position 1, niveau 2, coefficient 125 et percevait un salaire mensuel brut de base horaire de 1 789,71 euros pour 35 heures de travail par semaine, un complément mensuel de salaire de 258,90 euros, ainsi qu'un complément annuel de salaire sous forme d'un acompte de 992,45 euros au mois de mai et d'un solde de 992,45 euros au mois de novembre.

M. [I] a été en congé maladie du 14 juin 2010 au ler octobre 2012.

A l'issue de la visite de reprise, le 1er octobre 2012, le médecin du travail a, au vu du poste d'agent de production occupé par M. [I] avant son congé maladie, conclu comme suit: 'Apte à la reprise sur un poste ne comportant pas de manutention de charges lourdes de plus de 5 kg, pas de mouvement de flexion extension du cou. Inapte à la reprise sur le poste d'ouvrier de production/application de film. Apte au travail sur écran avec siège adapté. Ceci de façon définitive'.

La Cdaph des Yvelines a reconnu à M. [I] la qualité de travailleur handicapé par décision du 25 août 2011 pour la période du 1er juillet 2011 au 31 août 2013, puis par décision du 27 février 2014 pour la période du 1er septembre 2013 au 31 août 2018.

A l'issue de la visite périodique du 27 mai 2013, le médecin du travail a, au vu du poste d'agent de production dévolu alors au salarié, conclu comme suit: 'Apte au poste avec un siège adapté (appui tête: à voir). Le service médical se tient à la disposition de l'entreprise pour trouver un fournisseur de siège.'

A l'issue de la visite périodique du 3 juillet 2014, notant que M. [I] occupait un poste d'agent de production/infographiste, il a conclu que celui-ci était apte au poste.

La société SIGNAUX GIROD Ile de France a établi un plan de réorganisation pour sauvegarde de la compétitivité comportant un plan de reclassement qu'elle a soumis pour information et consultation aux délégués du personnel les 13 et 21 octobre 2014, qui prévoyait la suppression de 8 des 21 postes de l'entreprise, à savoir le poste de directeur commercial régional, 2 des 4 postes d'assistante ADV, le poste de responsable travaux extérieurs et, concernant le service production, le poste de responsable production, 2 des 3 postes d'agent de fabrication ainsi que le poste de magasinier. 4 des 5 salariés du service production ont par suite été licenciés pour motif économique le 19 décembre 2014.

A l'issue d'une visite effectuée à la demande du salarié le 4 décembre 2014, le médecin du travail a conclu comme suit: 'Apte aux tâches du poste d'infographiste. Doit bénéficier d'un siège adapté avec appui tête. Inapte sur toutes les tâches comportant de la manutention de charge supérieure à 5 kg et des mouvements de flexion-extension rotation du cou, donc inapte aux tâches d'application de film. Ceci de façon définitive.'

M. [I] a été en congé maladie du 12 décembre 2014 au 4 janvier 2015.

A l'issue de la visite de reprise le 2 mars 2015, le médecin du travail, notant que M. [I] occupait un poste d'agent de production/infographiste, a conclu comme suit :

'Inapte au poste-1ère visite Art. R4624-31 du code du travail :

1-Inapte au poste proposé d'ouvrier de fabrication/magasinier/logisticien

2-Contre-indication médicale aux tâches suivantes : contre-indication médicale à toutes les tâches comportant de la manutention de charge d'un poids supérieur à 5 kg, des mouvements de flexion extension rotation du cou et des mouvements des deux bras donc inapte aux tâches de vente au comptoir, d'inventaire, de chargement et déchargement des camions, d'application des films pour la fabrication des panneaux et de conditionnement des panneaux fabriqués.

Reste médicalement apte aux tâches d'infographie et de travail sur écran.

3. Etude de poste réalisée le 10 février 2015

En fonction de l'étude de poste et de l'état de santé du salarié, pas d'aménagement technique ou organisationnel proposable.

4.Une deuxième visite est à prévoir à partir du 16 mars 2015.

A l'issue du second examen, le 16 mars 2015, le médecin du travail, a conclu comme suit:

'Inapte au poste-2ème visite Art. R4624-31 du code du travail :

1-Inapte définitivement au poste proposé d'ouvrier de fabrication/magasinier/logisticien

2-Contre-indication médicale définitive aux tâches suivantes: contre-indication médicale à toutes les tâches comportant de la manutention de charge d'un poids supérieur à 5 kg, des mouvements de flexion extension rotation du cou et des mouvements des deux bras donc inapte aux tâches de vente au comptoir, d'inventaire, de chargement et déchargement des camions, d'application des films pour la fabrication des panneaux et de conditionnement des panneaux fabriqués.

Reste médicalement apte aux tâches d'infographie et de travail sur écran.

3. Etude de poste réalisée le 10 février 2015

En fonction de l'étude de poste et de l'état de santé du salarié, il n'est pas possible de faire des propositions d'aménagement technique ou organisationnel du poste ci-dessus.

4.Proposition de reclassement dans l'entreprise (ou le groupe): en respectant les contre-indications du point 2, serait médicalement apte sur un poste d'infographie ou de travail sur écran.

M. [I] a été en congé maladie du 2 avril 2015 au 19 mai 2015.

La société SIGNAUX GIROD Ile de France l'a convoqué par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 28 avril 2015 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 20 mai 2015 et reporté par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 11 mai 2015 au 21 mai 2015.

Elle a consulté les délégués du personnel lors d'une réunion extraordinaire du 13 mai 2015.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 17 juin 2015, elle a notifié à M. [I] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement et lui a versé une indemnité de licenciement d'un montant de 19 960,75 euros.

Contestant son licenciement, M. [I] a saisi le 31 juillet 2015 le conseil de prud'hommes de Poissy de diverses demandes.

Par jugement du 3 juillet 2017, le conseil de prud'hommes de Poissy a :

- débouté M. [I] de l'intégralité de ses demandes.

- débouté la société SIGNAUX GIRODIle de France de sa demande d'indemnité de procédure,

- condamné M. [I] aux dépens.

Par déclaration au greffe du 26 juillet 2017, M. [I] a interjeté appel de l'intégralité du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 23 octobre 2017, M. [I] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

- dire son licenciement nul, ou, subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la société SIGNAUX GIROD Ile de France à lui payer les sommes suivantes :

- 69 003,47 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ou, subsidiairement, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 7 138,29 euros brut ou à tout le moins 4 758,86 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 713,82 euros brut ou à tous le moins 475,88 euros brut au titre des congés payés sur préavis,

- 19 960,75 euros net à titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement,

- 28 553,16 euros à titre de dommages-intérêts pour absence de consultation régulière des délégués du personnel,

- 14 276,58 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination dans l'emploi lié à l'état de santé et au handicap,

- 21 414,87 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de maintenir sa capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations,

- ordonner le remboursement par la société à Pôle Emploi des indemnités de chômage qu'il a perçues et ce, dans la limite de six mois ;

- ordonner à la société de lui remettre des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi corrigés sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir ;

- condamner la société SIGNAUX GIROD Ile de France à lui payer la somme de 3 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société SIGNAUX GIROD Ile de France aux dépens, y compris les dépenses liées à l'exécution de la décision à intervenir.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 18 décembre 2017, la société SIGNAUX GIROD Ile de France (aujourd'hui dénommée la société SIGNAUX GIROD Nord) demande à la cour de dire que le licenciement de M. [I] repose sur une cause réelle et sérieuse, de débouter ce dernier de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour constate, au vu de l'extrait Kbis d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés à jour au 19 septembre 2019 produit, que la société SIGNAUX GIROD Ile de France est désormais dénommée la société SIGNAUX GIROD Nord.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 25 septembre 2019.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux dernières conclusions qu'elles ont déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION,

1- Sur la discrimination en raison de son état de santé et de son handicap dénoncée par M. [I]

Selon l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de son état de santé ou de son handicap.

L'article L. 1134-1 du même code dispose qu'en cas de litige relatif à l'application du texte précédent, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et il incombe à la partie défenderesse, au vu des ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

A l'appui de la discrimination en raison de son état de santé et de son handicap, dont il affirme avoir fait l'objet de la part de son employeur, M. [I] invoque les faits suivants :

- la modification unilatérale de ses fonctions à sa reprise du travail, le 2 octobre 2012;

- la tentative de le licencier pour motif économique fin 2014,

- l'absence de formation au logiciel Microsoft Dynamics AX,

- l'absence de travail confié à compter de 2015,

- le fait d'avoir été sollicité pour exécuter des missions incompatibles avec les avis d'inaptitude du médecin du travail,

- l'absence de fourniture d'un siège adapté conforme aux préconisations du médecin du travail.

M. [I], qui souhaitait voir modifier l'intitulé de son emploi, n'établit pas que l'aménagement de son poste par la société SIGNAUX GIROD Nord pour tenir compte de l'avis d'aptitude avec réserves au poste d'agent de production émis par le médecin du travail lors de la visite de reprise du 1er ctobre 2012, caractérise une modification unilatérale de son contrat de travail requérant, au contraire d'un simple changement de ses conditions de travail, son accord exprès. En effet si M. [I] n'étaient plus chargé d'appliquer les films sur les panneaux de signalisation, il concourait toujours à l'activité de production, d'une part, en effectuant diverses tâches administratives afférentes à celle-ci, dont la passation des commandes pour approvisionner l'atelier, et, d'autre part, en produisant les maquettes à soumettre aux clients pour validation, reprenant ainsi les tâches effectuées avant sa démission par M. [T], lui-même agent de fabrication, étant observé que l'infographie était conçue dès cette époque au sein du bureau d'étude graphique de la société Signaux Girod-Unité de production centrale de [Localité 3] et que les adaptations que M. [I] était amené à effectuer pour les clients de l'entreprise qui l'employait étaient limitées, l'intéressé n'ayant que des connaissances de base en la matière, ainsi qu'en témoigne le refus de validation, au regard de la faiblesse de ses résultats, de la formation 'Habilitation des produits normalisés NF et GSG (DAO)' d'une durée de 18 heures suivie du 26 au 28 février 2013. Le fait qu'au sein de l'atelier de production, les ouvriers de production voyaient leur activité principalement orientée vers un domaine précis, l'infographie pour M. [I] à partir d'octobre 2012, la peinture pour un autre salarié ou l'application de films pour deux autres salariés est sans incidence au regard de leur polyvalence.

S'agissant de la tentative de le licencier pour motif économique et des manoeuvres pour qu'il renonce à tout reclassement qu'il prête à son employeur, M. [I] allègue :

- qu'il a été informé verbalement courant octobre 2013 par M. [K] et par M. [P], délégués du personnel, qu'il faisait partie des personnes qui allaient être licenciées pour motif économique, M. [K] précisant qu'il allait être licencié pour motif économique à cause de ses problèmes de santé,

- qu'alors que les autres salariés de l'atelier production ont reçu le 7 novembre 2014 un courrier les informant de la suppression envisagée de leur poste et ont reçu des propositions de reclassement, tel n'a pas été le cas pour lui,

- que le directeur régional, M. [Q], l'a convoqué verbalement le 10 novembre 2014 dans son bureau, n'a pas accepté qu'il soit assisté par M. [P], délégué du personnel, lui a indiqué qu'il allait être licencié pour motif économique et lui a demandé de rédiger un courrier mentionnant qu'il confirmait refuser le poste qui lui serait proposé, celui de magasinier/ logisticien, ce qu'il a refusé de faire.

M. [I], qui n'a pas été ni convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique, ni licencié pour motif économique au contraire des quatre autres salariés du service production, n'établit pas la réalité des faits qu'il allègue.

En effet, il ne produit aucun élément venant corroborer ses allégations au demeurant imprécises et non circonstanciées selon lesquelles M. [K] l'aurait informé qu'il allait être licencié pour motif économique à cause de ses problèmes de santé.

Si M. [P] affirme dans son attestation du 5 septembre 2015 que M. [I] était prévu comme étant inclus dans le licenciement collectif pour motif économique de fin 2014, mais qu'au dernier moment il a été retiré, cette affirmation, qui n'est ni précise, ni circonstanciée, est contredite par le plan de réorganisation pour sauvegarde de la compétitivité comportant la liste des postes supprimés et fixant les critères d'ordre de licenciement à mettre en oeuvre, soumis pour information et consultation aux délégués du personnel les 13 et 21 octobre 2014, qui ne prévoyait que la suppression de 4 des 5 postes du service production, à savoir le poste de responsable production, 2 des 3 postes d'agent de fabrication et le poste de magasinier et qui, par l'application des critères d'ordre objectifs qu'il retenait (ancienneté, charges de famille, âge, handicap), n'avait pas vocation à entraîner le licenciement de M. [I], qui obtiendra au contraire, ainsi qu'il résulte de la synthèse de l'application des critères d'ordre du 5 novembre 2014, le plus grand nombre de points des salariés classés dans la catégorie 'agent de fabrication', soit 10 points, quand les deux autres salariés de cette catégorie obtiendront pour l'un 7 points (identités de points en terme d'ancienneté et d'âge mais absence de charges de famille et de handicap) et pour l'autre 3 points.

Si, dans une seconde attestation du 22 janvier 2016, M. [P] atteste que M. [I] a été convoqué le 10 novembre 2014 par le directeur régional, qui a refusé qu'il l'assiste, il n'a pas été personnellement témoin du déroulement de cet entretien informel dont il ne peut attester du contenu et ne fait que rapporter les propos de M. [I] concernant le courrier de refus de reclassement que le directeur régional lui aurait alors demandé d'écrire. Dans son mail du 20 novembre 2014 au directeur régional, M. [P] n'en fait d'ailleurs aucunement fait état, indiquant seulement, de manière elliptique, revenir vers lui à la demande de M. [I] en l'absence de retour 'concernant sa situation au vu de son handicap' suite à l'entretien du 7 novembre 2014.

Il s'ensuit que la tentative de l'employeur de licencier M. [I] pour motif économique et les manoeuvres qu'il aurait déployées pour que l'intéressé renonce à tout reclassement ne sont pas établies.

M. [I] soutient qu'après le licenciement pour motif économique des autres salariés du service production le 19 décembre 2014 et jusqu'à son licenciement le 17 juin 2015, son employeur l'a placardisé, le laissant sans travail, étant précisé que l'intéressé a été absent de l'entreprise durant son congé maladie du 12 décembre 2014 au 4 janvier 2015, durant les congés payés qu'il a pris au cours des mois de janvier et février 2015 et durant son congé maladie du 2 avril 2015 au 19 mai 2015.

L'attestation de M. [P] du 5 septembre 2015, qui affirme que depuis le moment où il a été retiré du licenciement collectif pour motif économique, M. [I] a été totalement mis de côté sans vraiment rien à faire, visiblement pour lui donner envie de partir, qui n'est ni précise, ni circonstanciée et est contredite, s'agissant du projet de la société de licencier M. [I] pour motif économique qu'elle évoque, par le plan de réorganisation soumis aux délégués du personnel les 13 et 21 octobre 2014, ne peut être retenue comme fiable. Alors que l'entreprise comptait alors trois assistantes ADV, dont 2 sur le site d'[Localité 6], Mme [N] et Mme [H], et une sur le site de [Localité 1], Mme [Z], seule Mme [N] affirme que M. [I] avait peu d'activité et se retrouvait des journées entières sans travail, ignoré de sa hiérarchie et ce aux termes d'une attestation qui n'est pas suffisamment précise et circonstanciée pour être retenue comme probante.

Il ressort au contraire du tableau d'annualisation à la fin de la semaine 03 annexé au compte-rendu de coordination hebdomadaire semaine 6 diffusé par le directeur régional le 2 février 2015 produit par le salarié qu'il fallait baisser les heures de M. [I] pour qu'il refasse des semaines de 36 heures, ce qui ne témoigne pas d'une absence d'activité.

Le mail adressé par M. [I] à Mme [N], assistante ADV sur le site d'[Localité 6], le 3 mars 2015, dans lequel il indique qu'il a refait la DAO de la commande 40055 comme elle le lui a demandé et qu'il la lui adresse en pièce jointe pour le cas où il faudrait la faire valider à nouveau par le client avant fabrication, comme le mail adressé à M. [I] par Mme [Z], assistante ADV sur le site de [Localité 1], le 3 juin 2015 lui demandant de prendre le devis n°1339 pour modifier les maquettes ou le mail de celle-ci du 4 juin 2015 lui répondant que dès qu'elle en a la possibilité, elle lui envoie du travail, montre que le salarié avait bien des tâches à accomplir.

Si M. [I] a écrit dans un mail adressé au directeur régional le 22 mai 2015,: 'Est-il normal que depuis le licenciement de mes collègues au mois de décembre 2014 je sois dans un bureau n'ayant aucune tâche à accomplir'' et dans un mail adressé à Mme [Z] le 4 juin à 9h04 faisant suite au travail confié par celle-ci le 3 juin 2015 à 15h23: 'je ne pense pas que cela va combler ma journée de 8h', a affirmé dans son mail suivant du même jour, savoir que tout le boulot est envoyé à Signaux Girod-Unité de production centrale de [Localité 3] et a demandé dans un mail adressé au directeur régional le 8 juin 2015 à passer dès ce jour à la semaine de 28 heures car sa charge de travail est inexistante, il n'en résulte pas, en l'absence d'élément venant corroborer ses allégations, que son employeur ne lui a pas fourni un travail suffisant.

M. [I], qui soutient avoir été sollicité pour des missions incompatibles avec les avis d'inaptitude du médecin du travail, produit un mail de Mme [N] du 10 mars 2015: 'regarde stp le disponible' et sa réponse 'Désolé mais je te rappelle aussi que j'ai des soucis de santé et que je ne peux pas soulever les panneaux pour voir correctement si c'est du classe 1 ou 2 merci.' ainsi qu'un mail qu'il a adressé le 27 mars 2015 à un technico-commercial et aux deux assistantes ADV du site d'[Localité 6] dans lequel, après avoir fait état de demandes répétées de leur part de préparer des colliers plus visseries, d'aller voir s'il y a des produits panneaux, faces, brides, produits de marquage au sol en stocks, des supports dans la cour et de remonter les bons de livraison, il rappelle qu'il a des soucis de santé, qu'il faut tenir compte des conclusions de la médecine du travail et qu'il ne peut sans arrêt monter et descendre le grand escalier, aller au fond de la cour etc. et la réponse du technico-commercial: 'Pas de soucis, c'est fort compréhensible, c'est vrai qu'en étant dans le feu de l'action, on n'y pense pas toujours et qu'on oublie même, désolé encore et surtout prends soin de toi.'. Il ne ressort toutefois aucunement de ces échanges que des pressions ont été exercées sur l'intéressé pour qu'il effectue des tâches incompatibles avec les contre-indications médicales contenues dans les avis du médecin du travail des 2 et 16 mars 2015.

De plus, s'il résulte de ces avis une contre-indication médicale à toutes les tâches comportant de la manutention de charge d'un poids supérieur à 5 kg, des mouvements de flexion extension rotation du cou et des mouvements des deux bras donc une inaptitude aux tâches de vente au comptoir, d'inventaire, de chargement et déchargement des camions, d'application des films pour la fabrication des panneaux et de conditionnement des panneaux fabriqués, il n'en ressort pas de contre-indication médicale à la marche ou à la montée et la descente d'escaliers et M. [I] n'a à aucun moment réalisé des tâches incompatibles avec les avis du médecin du travail.

M. [I] soutient qu'alors que le médecin du travail a conclu le 1er octobre 2012:'Apte au travail sur écran avec siège adapté', le 27 mai 2013: 'Apte au poste avec un siège adapté (appui tête: à voir), le 4 décembre 2014: 'Apte aux tâches du poste d'infographiste. Doit bénéficier d'un siège adapté avec appui tête.', son employeur ne lui a jamais fourni de siège adapté. M. [I], qui a été installé dans un bureau proche de l'atelier, désormais vide, après le départ en congé de reclassement des autres salariés du service production, licenciés le 19 décembre 2014, a écrit le 4 juin 2015 à M. [K], délégué du personnel, pour lui demander pourquoi, malgré ses demandes orales répétées depuis plusieurs mois de descendre le siège du bureau à l'étage pour sa santé physique, il n'a toujours rien à ce jour. Il incombe à la société SIGNAUX GIROD Nord de rapporter la preuve qu'elle a satisfait aux préconisations du médecin du travail en procurant à M. [I] un siège adapté, ce qu'elle ne fait pas. Cet élément de fait présenté par le salarié est dès lors retenu comme établi.

M. [I], qui invoque son absence de formation au logiciel de gestion intégrée Microsoft Dynamics AX, établit que l'assistante ADV en poste sur le site de [Localité 1] d'une formation AX de 2,5 jours les 3-4-5 mars 2015, dont les deux assistantes ADV en poste sur le site d'[Localité 6] avaient bénéficié auparavant, en l'espèce en juillet 2014 pour Mme [N].

Les seuls éléments de fait établis laissant supposer l'existence d'une discrimination à l'égard de M. [I] sont l'absence de mise à disposition de celui-ci d'un siège adapté et l'absence de formation de celui-ci au logiciel de gestion intégrée Microsoft Dynamics AX.

Si la société SIGNAUX GIROD Nord établit que contrairement aux assistantes ADV, le salarié n'avait pas vocation, dans le cadre de ses fonctions, à utiliser le logiciel de gestion intégrée Microsoft Dynamics AX, elle ne justifie l'absence de mise à disposition de celui-ci d'un siège adapté par aucun élément objectif étranger à toute discrimination. La discrimination en raison de l'état de santé et du handicap alléguée est dès lors caractérisée. Elle a causé au salarié un préjudice que la cour fixe, au vu des éléments de la cause, à la somme de 1 000 euros.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société SIGNAUX GIROD Nord à payer à M. [I] la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination en raison de l'état de santé et du handicap.

2- Sur la nullité de l'avis d'inaptitude

M. [I] soutient que l'avis d'inaptitude du médecin du travail est nul et à tout le moins irrégulier pour avoir été pris au vu et après étude d'un autre poste que le sien, celui d'agent de production, alors que le poste qu'il occupait depuis son retour de congé maladie le 2 octobre 2012 jusqu'à son licenciement était exclusivement un poste d'infographiste ou de concepteur DAO.

La société SIGNAUX GIROD Nord fait valoir que l'avis d'inaptitude du médecin du travail s'impose au juge.

L'avis d'inaptitude délivré par le médecin du travail est intervenu à la suite de deux visites médicales espacées de deux semaines.

Il n'appartient pas au juge judiciaire, saisi d'une contestation afférente à la licéité du licenciement du salarié déclaré inapte à son poste de travail, de se prononcer sur le respect par le médecin du travail de son obligation de procéder à une étude du poste de travail et des conditions de travail dans l'entreprise. Celles-ci ont d'ailleurs été réalisées, comme l'a relevé le conseil de prud'hommes dans les motifs de son jugement.

Il résulte de l'article L. 4624-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige que l'avis émis par le médecin du travail peut faire l'objet tant de la part du salarié que de l'employeur d'un recours administratif devant l'inspecteur du travail. En l'absence d'un tel recours, cet avis s'impose aux parties et au juge. M. [I] est dès lors mal fondé à prétendre obtenir de la cour qu'elle constate la nullité ou l'irrégularité des avis du médecin du travail des 2 et 16 mars 2015.

3- Sur la nullité du licenciement

A l'appui de sa demande tendant à voir son licenciement déclaré nul, M. [I] fait valoir :

- que son employeur a eu à son égard un comportement discriminatoire, notamment en raison de son état de santé,

- que son licenciement a été notifié sur la base d'une inaptitude qui n'a pas été régulièrement constatée par le médecin du travail, ainsi que son employeur le savait.

En vertu des articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail aucun salarié ne peut être licencié en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail.

L'avis du médecin du travail déclarant M. [I] inapte à son poste à l'issue de deux visites médicales espacées de deux semaines, qui n'a fait l'objet d'aucun recours devant l'inspecteur du travail, s'imposant aux parties et au juge, et aucun lien n'étant établi entre l'inaptitude du salarié et le comportement discriminatoire de l'employeur à son encontre ci-dessus retenu comme établi, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [I] de sa demande en nullité de son licenciement et de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul.

4- Sur l'origine professionnelle de l'inaptitude

Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude d salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement. L'application de l'article L. 1226-10 du code du travail n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la CPAM du caractère professionnel de la maladie à l'origine de l'inaptitude et il appartient à la cour d'apprécier elle-même l'origine professionnelle ou non de l'inaptitude.

Le fait que M. [I] ne justifie pas que la caisse primaire d'assurance maladie ait accueilli favorablement la demande de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie 'Rachis cervical. Hernie cervicale. Radiculalgie des 2 côtés', qu'il lui a adressée le 23 octobre 2014, pour laquelle l'employeur a été informé le 16 février 2015 qu'un délai complémentaire d'instruction était nécessaire, est dès lors sans incidence.

M. [I] soutient que son arrêt de travail de longue durée du 14 juin 2010 au 2 octobre 2012, puis ses arrêts de travail successifs du 12 décembre 2014 au 4 janvier 2015 et du 2 avril 2015 au 19 mai 2015 sont la conséquence d'une usure physique provoquée par certains gestes et postures de travail, comme le port de charges lourdes et des mouvements répétés de flexion-extension, et de la pression constante qui lui est imposée, ne produit aucun élément médical sur la raison ayant justifié ses arrêts de travail du 12 décembre 2014 au 4 janvier 2015 et du 2 avril 2015 au 19 mai 2015, étant relevé que ce dernier arrêt de travail est quant à lui postérieur à l'avis d'inaptitude du médecin du travail.

S'il est établi que le salarié présentait en 2010 une myélopathie cervicarthrosique pour laquelle il a subi, le 10 septembre 2010, une laminectomie cervicale, à l'origine de son congé maladie du 14 juin 2010 au ler octobre 2012, il ne ressort pas des pièces produites que cette maladie ait un lien avec son activité professionnelle. En effet, l'IRM cervico-thoracique du 1er septembre 2010 révèle des indices morphologiques d'étroitesse canalaire constitutionnelle et le chirurgien fait état dans son courrier au médecin du travail du 27 mars 2012 d'une myélopathie cervicarthrosique en relation avec un canal cervical étroit. Dans ces circonstances, le seul fait que le médecin traitant de M. [I] ait délivré à celui-ci à une date illisible un certificat d'arrêt de travail qualifié d'initial pour une maladie professionnelle constatée le 14 juin 2010 ayant donné lieu à une reprise du travail le 2 octobre 2012, sans autre précision, ne suffit pas à établir l'existence d'un quelconque lien entre la maladie et l'activité professionnelle du salarié.

Il n'est pas démontré en conséquence que l'inaptitude de M. [I] à laquelle le médecin du travail a conclu a, même partiellement, pour origine une maladie professionnelle.

M. [I] est en conséquence mal fondé à prétendre bénéficier des dispositions des articles L. 1226-6 à L. 1226-16 du code du travail.

L'article L. 1226-10 du code du travail relatif à l'inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle n'étant pas applicable au litige et l'article L. 1226-2 du code du travail relatif à l'inaptitude consécutive à une maladie ou un accident non professionnel, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 ne faisant pas obligation à l'employeur de consulter les délégués du personnel, il convient de débouter M. [I] de sa demande de dommages-intérêts pour absence de consultation des délégués du personnel.

L'article L. 1226-14 du code du travail relatif à l'inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle n'étant pas applicable au litige, il convient de débouter M. [I] de sa demande en paiement des indemnités spécifiques qu'il prévoit, à savoir une indemnité compensatrice d'un montant égal à l'indemnité de préavis prévue à l'article L. 1234-5 et une indemnité spéciale de licenciement, qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9. Il convient en conséquence de débouter M. [I] de ses demandes de ces chefs.

5- Sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement

Selon l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou à un accident non professionnels, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, cette proposition prenant en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et l'emploi proposé étant aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

M. [I] est mal fondé à prétendre que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse à défaut pour l'employeur d'avoir consulté les délégués du personnel avant d'engager la procédure de licenciement, le 28 avril 2015, l'employeur n'étant pas tenu de consulter les délégués du personnel en cas d'inaptitude consécutive à une maladie non professionnelle avant l'entrée en vigueur de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016.

M. [I] fait valoir que son employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement.

Il appartient à l'employeur, qui peut tenir compte de la position prise par le salarié déclaré inapte, de justifier qu'il n'a pu, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail, le reclasser dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, effectuée au sein de l'entreprise et des entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Selon la société SIGNAUX GIROD Nord elle-même, le groupe SIGNAUX GIROD auquel elle appartient emploie plus de 700 salariés et compte dans la seule branche signalisation 19 sociétés dont 18 en métropole.

La société SIGNAUX GIROD Nord, qui ne justifie pas des démarches effectuées pour rechercher un poste de reclassement pour M. [I], produit uniquement :

- le plan de réorganisation pour sauvegarde de la compétitivité qu'elle a soumis pour information et consultation aux délégués du personnel les 13 et 21 octobre 2014,

- le courrier de convocation à entretien préalable qu'elle a adressé à M. [I] le 28 avril 2015 dans lequel elle lui présente une liste d'emplois disponibles au sein du groupe indépendamment de leur compatibilité tant avec son niveau qualification qu'avec l'avis d'inaptitude du médecin du travail et lui indiquant que les offres qui lui semblent les plus adaptées au regard de l'avis d'inaptitude du médecin du travail sont les postes d'assistant commercial et administratif, statut employé, disponibles au sein de la société SIGNAUX GIROD Alsace à [Localité 4], au sein de la société SIGNAUX GIROD Nord de France à [Localité 9] et au sein de la société SIGNAUX GIROD Nord Ouest à [Localité 8] ainsi que le poste d'assistant ressources humaines (requérant une formation de type Bac + 2 ou Bac ) et le poste de contrôleur de gestion (requérant un diplôme de niveau II: DCSG, master, diplôme de grande école ou équivalent) au sein de la société SIGNAUX GIRODà [Localité 5],

- le courrier qu'elle a adressé à M. [I] le 4 juin 2015 lui présentant une liste de postes disponibles au sein du groupe, indépendamment de tout examen de leur compatibilité tant avec son niveau qualification qu'avec l'avis d'inaptitude du médecin du travail, dont 3 postes disponibles au sein de la société Signaux Girod-Unité de production centrale de [Localité 3], à savoir un poste d'infographiste, statut ouvrier, selon contrat de travail à durée indéterminée, moyennant une rémunération mensuelle brute de base de 1 971,71 euros pour 35 heures de travail par semaine, un poste d'assistant commercial et administratif, statut employé, selon contrat de travail à durée indéterminée, moyennant une rémunération mensuelle brute de base de 1 744,21 euros pour 35 heures de travail par semaine, et un poste d'hôte d'accueil selon contrat de travail à durée déterminée à temps partiel, moyennant une rémunération mensuelle brute de base de 1 044,68 euros.

L'absence d'acceptation par le salarié de l'un des postes proposés par l'employeur dans le cadre de son obligation de reclassement n'implique pas à lui seul le respect par celui-ci de cette obligation et il appartient à ce dernier d'établir qu'il ne dispose d'aucun poste compatible avec l'avis du médecin du travail.

Si la société SIGNAUX GIROD Nord justifie, au regard de la réorganisation mise en place fin 2014, de l'absence de poste disponible en son sein pour reclasser M. [I] tant sur le site d'[Localité 6], impacté par les suppressions de poste, que sur celui de [Localité 1], qui emploie uniquement un assistant ADV, un pilote équipe travaux et un poseur, elle ne justifie pas avoir effectué une recherche individualisée, sérieuse et exhaustive d'un poste de reclassement parmi les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, et n'établit pas, en l'absence d'élément venant corroborer ses propres allégations, qu'il n'existait pas d'autre poste disponible correspondant aux compétences de M. [I] et à ses capacités physiques que ceux présentés dans ses courriers du 28 avril et du 4 juin 2015.

La société SIGNAUX GIROD Nord ne rapportant pas la preuve qu'elle a satisfait à son obligation de reclassement, il convient d'infirmer le jugement entrepris et de dire le licenciement de M. [I] dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Au moment du licenciement, M. [I] avait au moins deux années d'ancienneté et la société SIGNAUX GIROD Nord employait habituellement au moins onze salariés. En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, l'intéressé peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts des six derniers mois.

En raison de l'âge du salarié au moment de son licenciement, 47 ans, de son ancienneté de plus de 29 ans dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi ainsi que des justificatifs produits, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral qu'il a subi du fait de la perte injustifiée de son emploi, la somme de 43 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'indemnité compensatrice de préavis est due au salarié déclaré inapte à son poste dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement.

Dès lors que le salarié licencié a été reconnu travailleur handicapé par la CADPH, il doit bénéficier de la durée du délai-congé prévue à l'article L. 5213-9 du code du travail, qui prévoit que la durée du préavis déterminée en application de l'article L. 1234-1 est doublée sans que cette mesure puisse avoir pour effet de porter au-delà de trois mois la durée de ce préavis. M. [I] justifiant avoir, à la date de son licenciement, la qualité de travailleur handicapé, lui ouvrant droit à un préavis d'une durée de trois mois, il convient d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société SIGNAUX GIROD Nord à payer au salarié la somme de 7 138,29 euros brut qu'il revendique à titre d'indemnité compensatrice de préavis, non discutée en son montant, ainsi que la somme de 713,82 euros brut au titre des congés payés afférents.

6- Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de maintenir la capacité du salarié à occuper un emploi

Selon l'article L. 6321-1 du code du travail, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Au cours de ses 29 années au service de la société SIGNAUX GIROD Nord, n'a bénéficié d'aucune autre formation que la formation intitulée 'Habilitation des produits normalisés NF et GSG (DAO)' d'une durée de 18 heures suivie du 26 au 28 février 2013. En manquant à l'obligation mise à sa charge par l'article L. 6321-1 du code du travail, l'employeur a rendu la recherche d'emploi du salarié plus difficile, lui causant un préjudice que la cour fixe à la somme de 2 000 euros. Le jugement entrepris sera donc infirmé et la société SIGNAUX GIROD Nord condamnée à payer ladite somme à M. [I].

7- Sur la remise de documents sociaux rectifiés

Il convient d'ordonner à la société SIGNAUX GIROD Nord de remettre à M. [W] [I] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés conformes au présent arrêt. Il n'y a pas lieu toutefois de prononcer une astreinte.

8- Sur le remboursement des indemnités de chômage à Pôle emploi

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société SIGNAUX GIROD Nord à Pôle emploi, partie au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage qu'il a versées à M. [I] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de six mois d'indemnités.

9- Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il sera statué sur les dépens et les frais irrépétibles dans les termes du dispositif.

PAR CES MOTIFS,

La COUR,

Statuant par arrêt contradictoire,

CONSTATE que la société SIGNAUX GIROD Ile de France immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous le n° 332 201 458 est désormais dénommée la société SIGNAUX GIROD Nord,

INFIRME PARTIELLEMENT le jugement du conseil de prud'hommes de Poissy en date du 3 juillet 2017 et,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

DIT le licenciement de M. [W] [I] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société SIGNAUX GIROD Nord à payer à M. [W] [I] les sommes suivantes :

- 43 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 7 138,29 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 713,82 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination en raison de l'état de santé et du handicap,

- 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de maintenir sa capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations,

ORDONNE à la société SIGNAUX GIROD Nord de remettre à M. [W] [I] un bulletin de paie récapitulatif , un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés conformes au présent arrêt,

DIT n'y avoir lieu d'ordonner une astreinte,

ORDONNE le remboursement par la société SIGNAUX GIROD Nord à Pôle emploi des indemnités de chômage qu'il a versées à M. [W] [I] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de six mois d'indemnités,

CONFIRME pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris,

Y ajoutant :

DÉBOUTE la société SIGNAUX GIROD Nord de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

CONDAMNE la société SIGNAUX GIROD Nord à payer à M. [W] [I] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société SIGNAUX GIROD Nord aux dépens de première instance et d'appel,

DIT que les frais de l'exécution forcée seront à la charge de la société SIGNAUX GIROD Nord, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés.

- Prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Maryse LESAULT, Présidente et par Madame Carine DJELLAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 17/03979
Date de la décision : 29/01/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 15, arrêt n°17/03979 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-29;17.03979 ?
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