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29/01/2020 | FRANCE | N°16/02895

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 29 janvier 2020, 16/02895


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



15e chambre



ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE





DU 29 JANVIER 2020





N° RG 16/02895



N° Portalis DBV3-V-B7A-QYEW





AFFAIRE :





[R] [E]





C/





GE Hydro France anciennement dénommée SA ALSTOM HYDRO FRANCE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Avril 2016 par

le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : 14/01720





Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





Me Olivier KHATCHIKIAN



Me Julie BEOT-RABIOT





le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT NEUF...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 JANVIER 2020

N° RG 16/02895

N° Portalis DBV3-V-B7A-QYEW

AFFAIRE :

[R] [E]

C/

GE Hydro France anciennement dénommée SA ALSTOM HYDRO FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Avril 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : 14/01720

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Olivier KHATCHIKIAN

Me Julie BEOT-RABIOT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 18 décembre 2019 puis prorogé au 15 janvier 2020 puis au 29 janvier 2020, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Madame [R] [E]

née le [Date naissance 3] 1969 à [Localité 6] , de nationalité espagnole

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparante en personne, assistée de Me Olivier KHATCHIKIAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0619 substitué par Me Sylvain LEGRAND, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

GE Hydro France anciennement dénommée SA ALSTOM HYDRO FRANCE

N° SIRET : 327 948 907

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Julie BEOT-RABIOT de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0107 substituée par Me François-Xavier ANSART, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 octobre 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Jean-Yves PINOY, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Maryse LESAULT, Présidente,

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

FAITS ET PROCÉDURE,

Mme [R] [E] (ci-après Mme [E]) a été engagée par contrat à durée indéterminée écrit en date du 7 janvier 2010, par la société Alstom Hydro, en qualité de Technicien Service Manager, position II, indice 108 de la convention collective de la métallurgie.

Son poste était basé à [Localité 5].

La relation de travail était soumise à la convention collective nationale des Ingénieurs et Cadres de la Métallurgie.

Mme [E] a été licenciée pour motif économique le 16 décembre 2013 et a accepté le congé de reclassement le 19 décembre 2013.

Mme [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre le 19 juin 2014 de la demande en paiement des sommes suivantes :

- 111 567,12 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse,

A titre infiniment subsidiaire :

- 111 567,12 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des critères d'ordre du licenciement,

- 13 945.89 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices causés par l'exécution déloyale de l'obligation de reclassement externe et le non-respect des engagements pris dans le PSE,

- 97 313.52 euros à titre de rappel de salaire (non-respect du principe «à travail égal, salaire égal»),

- 9 731.35 euros à titre de congés payés afférents,

- 50 000 euros à titre de réparation des préjudices causés par le non-respect du principe « à travail égal, salaire égal »,

- 200 euros au titre des cotisations irrégulièrement retenues pendant le préavis pour la couverture mutuelle et prévoyance,

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- exécution provisoire,

- dépens.

Par jugement du 19 avril 2016, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- jugé le licenciement économique de Mme [E] fondé sur une cause réelle et sérieuse.

- condamné la Société Alstom à payer à Mme [E] les sommes suivantes :

- 200 euros au titre des cotisations irrégulièrement retenues, avec intérêt à taux légal à compter de la notification du jugement,

- 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [E] du surplus de ses demandes.

- débouté la Société Alstom de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- laissé les dépens éventuels à la charge de chacune des parties pour ce qui la concerne.

Par déclaration du 27 mai 2016, Mme [E] a interjeté appel de l'intégralité du jugement.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, elle demande à la cour d'infirmer le jugement dont appel,

Et statuant à nouveau, de :

- condamner la Société GE Hydro, venant aux droits de la Société Alstom Hydro, à lui verser les sommes de :

' 111 567,12 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse,

A titre infiniment subsidiaire :

' 111 567,12 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des critères d'ordre du licenciement,

' 97 313,52 euros à titre de rappel de salaire (non-respect du principe « à travail égal, salaire égal »),

' 9 731,35 euros à titre de congés payés afférents,

' 50 000 euros à titre de réparation des préjudices causés par le non-respect du principe « à travail égal, salaire égal »,

' 13 945.89 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices causés par l'exécution déloyale de l'obligation de reclassement externe et le non-respect des engagements pris dans le PSE,

' 200 euros au titre des cotisations irrégulièrement retenues pendant le préavis pour la couverture mutuelle et prévoyance,

- 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- ordonner que ces sommes produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du Conseil de Prud'hommes de Nanterre, avec la capitalisation,

- condamner la Société GE Hydro, venant aux droits de la Société Alstom Hydro, aux entiers dépens.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, la SA GE Hydro France, intimée, demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Alstom Hydro France à payer à Madame [R] [E] :

- la somme de 200 euros au titre des cotisations pour la couverture mutuelle et prévoyance retenues pendant le préavis ;

- la somme de 500 euros au titre de l`article 700 du Code de procédure civile.

Statuant à nouveau,

- juger que la Société Alstom Hydro France a respecté ses obligations de maintien de la couverture mutuelle et prévoyance.

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

. constaté que le licenciement économique de Madame [R] [E] reposait sur une cause réelle et sérieuse.

. constaté que la société Alstom Hydro France n'avait pas manqué à ses obligations de reclassement à l'égard de Madame [R] [E].

. débouté Madame [R] [E] de l'ensemble de ses demandes.

En conséquence,

- débouter Mme [R] [E] de l'intégralité de ses demandes.

- condamner Mme [R] [E] lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- condamner Mme [R] [E] aux entiers dépens d'instance.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS,

1- Sur la demande de nullité du licenciement pour défauts du plan de sauvegarde et manquements à l'obligation de reclassement

Il ressort d'un document « accord de méthode » négocié entre la société GE Hydro France et les représentants des salariés, et constitué, de deux volets l'un du 23 mai 2013, l'autre du 19 juillet 2013, qu'a été organisé en concertation le reclassement d'un maximum de collaborateurs, avec une mise en place de moyens de reclassement par anticipation après consultation des représentants du personnel durant un délai de 8 mois au cours duquel la société GE Hydro France s'est engagée à ne pas notifier de licenciements économiques .

Par courrier du 8 avril 2013 Mme [E] a refusé son transfert à [Localité 4] sur le poste de « Project Manager », qui ne correspondait pas au même poste de «Technical Services Manager» qu'elle occupait à Levallois. Elle a accepté par courrier du 19 décembre 2013 un congé de reclassement.

Le plan de reclassement mis en place au sein de la société GE Hydro France prévoyait que la cellule RH de reclassement devait interroger de manière régulière l'ensemble des filiales du groupe Alstom afín d'identifier les postes vacants et de présenter les postes réservés en interne (PRI) aux salariés concernés, lesdits postes devant en outre être publiés dans l'intranet de la branche «Hydro» de la société GE Hydro France à Levallois.

Mme [E] soutient que des postes disponibles n'ont pas été ouverts au reclassement et que les postes publiés sur l'intranet n'étaient que de l'affichage dès lors que certains salariés n'ont jamais reçu de réponse.

Elle indique n'avoir eu qu'un entretien avec son référent RH de la cellule de reclassement et que la seule offre de reclassement qui lui aurait été faite serait celle d'un transfert à [Localité 4] qu'elle a refusé.

Elle prétend enfin avoir signalé son intérêt pour des postes en Espagne.

En réplique, la société GE Hydro France produit devant la cour des impressions écran du portefeuille «PRI» comportant une liste de postes régulièrement mise à jour et soutient que l'accord de méthode précité prévoyait de conserver pendant 2 mois les postes « PRI » afin d'assurer un déroulement normal du processus de reclassement, disposition confirmée par la direction de la société GE Hydro France dans un mail du 15 octobre 2013 adressé à un salarié concerné par le reclassement.

La société GE Hydro France produit l'attestation de M. [O] [C] précisant que Mme [E] a été destinataire d'une proposition de reclassement pour la fonction « Onshore Platform Product Planner » en Espagne faite lors d'un entretien du 11 décembre 2013 et que la salariée a refusé.

Sur ce,

En application de l'article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou à défaut et sous réserve de l'accord exprès du salarié sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

Il est relevé aux termes des dispositifs issus de l'accord de méthode conclu le 23 mai 2013 et du second volet conclu le 19 juillet 2013, qu'un important dispositif a été instauré au niveau de la société GE Hydro France, afin de permettre le reclassement d'un maximum de collaborateurs visés par le projet de licenciement collectif pour motif économique.

Il est constaté que ce dispositif comporte deux volets :

- un premier dispositif envisagé par anticipation, conformément aux dispositions de l'article L. 1233-21 du code du travail permettant dans sa rédaction alors en vigueur, la mise en place de moyens de reclassement par anticipation.

- un second dispositif devenu pérenne à la suite d'une consultation des instances représentatives du personnel, pendant une durée globale garantie de 8 mois.

Il est ainsi établi que le périmètre des recherches de reclassement n'a pas été circonscrit au secteur d'activité dont relève la société GE Hydro France mais a été étendu à l'intégralité des entités appartenant au groupe ALSTOM, et cela, quel que soit son domaine d'intervention.

En outre, il ressort des pièces du débat qu'une cellule RH de reclassement composée de 6 personnes a, dans ce cadre, été instituée en charge de piloter la démarche de reclassement par anticipation issue de l'accord du 23 mai 2013 puis les recherches postérieures aux avis des instances représentatives du personnel recueillis en date des 16, 18 et 19 juillet 2013.

Cette cellule de reclassement a identifié les solutions de reclassement parmi les postes vacants et a recensé chaque semaine l'intégralité des postes vacants au sein du Groupe ALSTOM en alimentant à ce titre un portefeuille de postes « PRI » instaurés spécifiquement pour cette réorganisation, avec pour objectif de compléter l'ensemble des solutions de reclassement identifiées lors de la présentation du plan de reclassement et présentées aux instances (Article 4.1.1 a) du Plan de sauvegarde de l'emploi du 7 juin 2013).

Il est constaté que les postes « PRI » correspondaient aux postes réservés en interne pour permettre aux collaborateurs visés par une mesure de licenciement économique de bénéficier d'une solution de reclassement et étaient dans ce cadre identifiés au regard des compétences des salariés concernés en envisageant si nécessaire une formation d'adaptation, conformément aux dispositions des accords conclus avec les organisations syndicales. (Article 1.1.2 c) de l'accord de méthode du 23 mai 2013 et article 1.2 c) de l'accord de méthode en date du 19 juillet 2013).

Le portefeuille de postes PRI, consultable dans l'intranet, était mis à jour pour la parfaite information des salariés, comme en témoignent les captures d'écran produites aux débats.

Il est relevé que cette actualisation intranet a été complétée d'un envoi par courrier électronique aux salariés concernés.

Les postes « PRI », une fois identifiés, ont ensuite été conservés dans le portefeuille pendant un délai de 2 mois destiné à assurer le bon déroulement du processus de reclassement des salariés concernés et ce n'est qu'à l'expiration de ce délai que les postes n'ont plus été considérés comme « réservés » et son sorti du portefeuille « PRI » sauf acceptation d'un poste PRI par un salarié.

S'agissant du reclassement hors du territoire national, il est établi par les pièces produites qu'un questionnaire recensant l'ensemble des implantations géographiques du Groupe ALSTOM, hors du territoire national a été adressé aux salariés concernés afin de recueillir leurs souhaits.

L'identification des solutions de reclassement à l'international a été élaborée en fonction de la volonté des collaborateurs de recevoir ou non des offres hors du territoire national.

Il résulte de ces constatations que la société GE Hydro France a mis en oeuvre d'importants moyens pour trouver une solution de reclassement à l'ensemble des salariés du site de Levallois.

Elle a dans ce cadre procédé à des recherches individualisées de solutions de reclassement avec loyauté, en mettant en place une cellule dédiée composée de six collaborateurs mobilisés à cet effet.

Mme [R] [E] formule deux critiques, l'une portant sur la démarche «PRI», l'autre relative aux diligences de recherches de reclassement effectuées par la cellule RH de reclassement interne.

Mme [R] [E] reproche en substance à la société GE Hydro France de ne pas avoir identifié l'ensemble des postes vacants au sein du Groupe, gelé pour le personnel d'Hydro Levallois les postes vacants et listé dans l'intranet les postes ouverts à l'international.

La Cour relève cependant que Mme [R] [E] ne démontre pas en quoi la société GE Hydro France n'aurait pas identifié la totalité des postes vacants pouvant entrer dans le champ du « PRI », et ce alors même que l'intégralité des postes vacants au sein du Groupe n'avait nullement vocation à figurer dans le portefeuille « PRI » qui ne devait contenir que les postes susceptibles de permettre le reclassement des salariés concernés et des postes adaptés à leurs compétences spécifiques.

Il est également relevé que Mme [R] [E] ne fait pas la démonstration selon laquelle les postes « PRI » n'auraient pas été « réservés au seul personnel du site de Levallois » alors même qu'est produit aux débats un message électronique concernant une salariée Mme [G] [L], adressé par l'employeur le 15 octobre 2013 aux termes duquel il lui était bien précisé que les postes proposés dans le cadre du « PRI » étaient conservés prioritairement pour les salariés de Levallois avant d'être « relâchés » au profit d'autres candidats.

Il est enfin relevé que la démarche de reclassement sur le territoire national demeure distincte du reclassement hors du territoire national, lequel suppose l'accord préalable du salarié de recevoir des offres hors du territoire national conformément aux dispositions légales.

La publication sur l'intranet des offres internationales ne présentait dès lors d'intérêt que pour les salariés ayant fait valoir leur souhait de mobilité internationale.

Ces derniers ont notamment pu être identifiés par l'employeur au vu du retour d'un questionnaire leur ayant été adressé et ont ensuite été dûment informés des postes disponibles permettant leur reclassement selon les zones géographiques de leur choix.

La cour constate à cet égard que Mme [R] [E] a ainsi pu bénéficier de recherches de reclassement à l'étranger, en Espagne, pays pour lequel elle avait expressément manifesté son intérêt auprès de son employeur par retour du questionnaire.

Il est rappelé que la mise en place d'accord de méthode et d'un plan de sauvegarde de l'emploi prévoyant des mesures collectives de reclassement ne dispense pas l'employeur de rechercher de façon individuelle et personnalisée des postes de reclassement aux salariés dont le licenciement est envisagé.

La proposition d'une modification du contrat de travail que le salarié peut toujours refuser ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement et celui-ci est tenu de proposer au salarié dont le licenciement est envisagé tous les emplois disponibles de la même catégorie ou à défaut d'une catégorie inférieure, sans pouvoir limiter ses offres en fonction de la volonté présumée de l'intéressé de les refuser.

Les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et si celle- ci appartient à un groupe, c'est dans le cadre du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu de travail permettent la permutation de tout ou partie du personnel qu'il faut se placer.

C'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens. Le manquement par l'employeur à son obligation de reclassement préalable au licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse.

S'agissant des recherches individualisées menées par la cellule RH de reclassement, Mme [R] [E] prétend qu'aucune recherche individualisée n'aurait été menée.

La cour relève toutefois s'agissant de sa situation personnelle, que Mme [R] [E] a pu bénéficier de recherches individualisées ayant abouti à deux propositions de reclassement qu'elle a refusées, une en France à [Localité 4], une autre en Espagne par la proposition d'un poste le 11 décembre 2013 pour la fonction d'Onshore Platform Product Planner en Espagne, où elle avait manifesté le souhait d'être reclassée.

M. [O] [C], vice-président atteste ainsi :

« Je soussigné Monsieur [O] [C], Vice-Président Onshore Platform, confirme avoir présenté à Mme [R] [E] dans le cadre de son reclassement le poste de Onshore Platform Product Planner, basé à Barcelone auprès dAlstom Wind, et dont Madame [S] [B] lui avait donné une Job Description lors de précédents échanges.

A l'issue de cet entretien, qui s'est déroulé le 11 décembre 2013 et au cours duquel j'ai exposé à Mme [R] [E] les tenants et les aboutissants du poste, celle-ci m'a informé de son intention de décliner la proposition qui lui était faite. »

Les deux propositions de reclassement individualisées faites par l'employeur à la salariée font dès lors échec à caractériser un manquement de la société GE Hydro France dans l'exécution de son obligation de recherche individualisée de reclassement.

Il se déduit de tout ce qui précède que le plan de sauvegarde de l'emploi mis en 'uvre par la société GE Hydro France ne demeure insuffisant ni dans son contenu, ni dans ses modalités et que les organisations syndicales, pleinement associées au processus de reclassement ont négocié un accord d'anticipation ainsi qu'un accord de méthode portant sur les mesures de reclassement, qui ont au contraire permis d'aboutir au reclassement d'au moins 53 collaborateurs.

En outre, Mme [R] [E] a pu bénéficier de recherches individualisées ayant abouti à deux offres de reclassement refusées.

Mme [R] [E] sera par conséquent déboutée de l'intégralité de ses demandes portant sur une prétendue insuffisance du plan de reclassement et manquements de l'employeur à son obligation de reclassement.

2- Sur le licenciement économique

Mme [E] fait valoir en substance que son poste a été, en réalité, supprimé et non transféré sur le site de [Localité 4] et que le motif économique n'est pas sérieux.

Mme [E] fait valoir qu'il ne lui a été proposé au titre du reclassement que son poste qui était « transféré » sur [Localité 4], alors que son employeur fait partie du groupe ALSTOM qui dispose de plusieurs entités en France et qu'elle a identifié plusieurs postes pourvus dans les ressources humaines du groupe durant la période de mise en oeuvre de la réorganisation et non inclus dans le plan de reclassement interne prévu au PSE, qui ne lui ont pas été proposés et qui correspondaient pourtant à son profil.

En réplique, la société rappelle en premier lieu qu'elle a organisé un important dispositif avec l'accord de méthode du 23 mai 2013 qui permettait la mise en place de moyens de reclassement par anticipation avant le terme de la procédure d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel et celui du 19 juillet 2013 qui a pérennisé le dispositif postérieurement à cette consultation et que le licenciement économique demeure justifié par les pièces comptables qu'elle produit.

Sur ce,

Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emplois consécutive à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Mme [E] conteste la réalité économique de son licenciement au motif qu'elle considère que la .réorganisation envisagée n'avait d'autres buts que la suppression pure et simple des postes proposés à [Localité 4] après que les salariés concernés aient refusé leur transfert dans cette ville.

La cour retient que la société GE Hydro France démontre que la branche Hydro du groupe, au niveau mondial, est confrontée à une baisse générale du marché et un renforcement de la concurrence et que cette situation a été relevée par l'expert-comptable du Comité Central d'Entreprise .

Il est établi par les chiffres présentés par la société GE Hydro France que les prises de commandes de la branche Hydro ont chuté depuis 2009 diminuant de plus de 60% entre 2009 et 2013 et que les résultats d'exploitation ont présenté des pertes conséquentes au cours de cette période.

Il ressort encore de l'examen des rapports effectués par deux cabinets d'expertises Secafi et Syndex, que tous les chiffres présentés par la société GE Hydro France, ont été validés.

Par ailleurs, la société GE Hydro France produit le livre d'entrées et de sorties du personnel du site de [Localité 4] qui permet à la cour de constater que sur la période 2013-2014 il y a eu plus d'entrées que de sorties et que s'il y a bien eu 27 postes supprimés c'est le résultat du refus de salariés d'accepter leur transfert à [Localité 4].

Mme [R] [E], prétend qu'aucun des membres du Comité de direction de la Société GE Hydro France n'aurait rejoint le site de [Localité 4], ce qui constituerait selon elle la preuve de suppressions de postes déguisées.

Or, il résulte pourtant des pièces produites que M. [M] membre du comité de direction a été remplacé sur son poste de General Manager au sein de l'entreprise à Levallois par Mme [T] [V] basée à [Localité 4]. Une note d'organisation produite par Mme [R] [E] confirme cette réalité. 

M. [H] [K], Vice -Président Ressources Humaines Europe et autre membre du comité de direction, ayant refusé le transfert de son poste à [Localité 4] a été licencié dans le cadre du PSE par courrier en date du 16 décembre 2013 mais a été remplacé dans ses fonctions, à [Localité 4] par M. [Z] [P] tel que cela résulte d'une lettre de nomination produite aux débats.

Mme [I] [F], Directrice qualité, et membre à ce titre du comité de direction a été promue au niveau monde et a été remplacée sur son poste de Levallois supprimé, par M. [H] [A] sur le site de [Localité 4], tel que cela ressort de sa nomination du 7 octobre 2013.

M. [W] [Y], directeur Général opérations basé à [Localité 4], membre du comité de direction a été promu fin décembre 2013 et a été remplacé par M. [X] [D] à [Localité 4] tel que cela est encore établi par sa lettre de nomination versée aux débats.

Les pièces ainsi produites suffisent à démontrer que plusieurs membres du comité de direction ont vu leurs postes transférés sur le site de [Localité 4] ce qui ne permet pas d'établir l'existence de suppressions de postes déguisées comme le soutient Mme [R] [E].

La cour après avoir examiné l'ensemble des pièces présentées au débat en déduit que le licenciement pour motif économique de Mme [R] [E] est fondé sur une cause réelle et sérieuse et la déboute de l'ensemble de ses demandes indemnitaires subséquentes.

3- Sur le non-respect des critères d'ordre du licenciement

Aux termes de l'article L. 1233-5 du Code du Travail, l'application des critères d'ordre des licenciements doit s'étendre à l'ensemble des salariés de l'entreprise occupant un emploi appartenant à la même catégorie professionnelle que le poste supprimé.

Mme [R] [E] prétend avoir subi un préjudice du fait de la perte injustifiée de son emploi et que la société GE Hydro France aurait dû respecter des critères d'ordre du licenciement à son égard.

Or, il est relevé que l'ensemble des salariés concernés par le transfert de leur poste de travail à [Localité 4] ont été destinataires d'une proposition de modification de leur contrat de travail pour motif économique.

L'ensemble des refus enregistrés a alors conduit l'employeur à mettre en 'uvre une procédure de licenciements collectifs pour motif économique.

Cette procédure est ainsi consécutive non pas à des suppressions de poste mais à des refus de modification du contrat de travail, et n'a donc pas nécessité la mise en 'uvre des critères d'ordre de licenciement dès lors que la modification du contrat de a été proposée à tous les salariés et que les licenciements ont concerné tous ceux qui l'ont refusée.

Mme [R] [E] ne fait pas davantage la démonstration de ce que son poste aurait été en réalité supprimé.

Mme [R] [E] sera déboutée de ce chef de demande.

4- Sur l' inégalité de traitement

Mme [R] [E] prétend être victime d'une inégalité de traitement au sein GE Hydro France par rapport à son collègue M. [U] [N].

Il est admis différence de traitement entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale peut être justifiée par l'employeur dès lors qu'elle repose sur des raisons objectives.

La seule appartenance à une même catégorie professionnelle ne saurait suffire à démontrer une identité de situation entre salariés. A ce titre, la qualité du travail ou la polyvalence des collaborateurs peut être une cause de différenciation.

L'ancienneté peut également justifier la différence de salaire constatée.

En conséquence, deux salariés exerçant les mêmes fonctions peuvent être rémunérés différemment, dès lors que l'un d'entre eux a une plus grande expérience que l'autre dans la profession.

Il appartient au salarié de rapporter la preuve de cette inégalité de rémunération et de caractériser l'existence d'un « travail égal » et d'une situation identique répondant à l'ensemble des critères susvisés.

En second lieu, il appartient à l'employeur d'établir que la différence de traitement constatée entre les salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale est justifiée par des raisons réelles, objectives et pertinentes.

La cour relève des documents produits que M. [U] [N] bénéficie d'une ancienneté distincte plus importante et d'une expérience professionnelle plus riche. Il est justifié pour lui

d'une ancienneté de 12 ans alors que Mme [R] [E] ne justifie que de 4 ans d'ancienneté.

M. [U] [N] bénéficie d'une expérience supérieure à Mme [R] [E] et d'un parcours au sein du Groupe plus significatif.

La cour retient que c'est l'ancienneté acquise au sein d'un Groupe qui permet de développer une connaissance certaine dans l'entreprise et la maîtrise des process applicables et qu'à ce titre l'expérience de M. [U] [N] est supérieure de 8 ans à celle de Mme [R] [E].

Elle relève que M. [U] [N] a déjà occupé des fonctions impliquant des responsabilités similaires à celles qu'exigeait le poste de Technical Service Manager et bénéficiait, à ce titre, d'une expérience significative en terme de management au sein du Groupe dès lors qu'il a occupé un poste de Responsable de département au sein d'Alstom Power durant 3 ans juste avant sa prise de poste en qualité de Technical Service Manager de 2008 à 2011.

La classification de Mme [R] [E] et celle de M. [U] [N], à leur arrivée au sein de la société alstom hydro france, était différente puisque celui-ci était d'un niveau lll-B Indice 180 alors que Madame [R] [E] bénéficiait d'une classification d'un niveau inférieur, ll tel que cela résulte de son contrat de travail. A son arrivée au sein de la société alstom hydro france, M. [U] [N] a conservé sa qualification conventionnelle acquise au sein du Groupe.

L'écart entre la position II et III B dans la convention collective de la Métallurgie est significatif.

Il est enfin constaté que Mme [R] [E] a vu sa rémunération progresser entre 2010, date de son embauche et 2013, d'environ 9,6 %.

La Cour déduit de tout ce qui précède que la différence de rémunération entre ces deux salariés se justifie de manière objective.

Mme [R] [E] sera déboutée de ce chef de demande.

5- Sur les cotisations mutuelle et prévoyance irrégulièrement retenues pendant le préavis

Mme [R] [E] soutient que la société GE Hydro France n'aurait pas respecté ses obligations de maintien de la couverture mutuelle et prévoyance et sollicite de la Cour la condamnation de la société GE Hydro France au paiement de 200 euros.

Elle affirme que les cotisations salariales au titre des frais de santé et de la prévoyance auraient dû intégralement être prises en charge par la société GE Hydro France pendant toute la durée du congé de reclassement, en ce compris le préavis.

Or, il ressort de l'article 4.2.2.3 du plan de sauvegarde de l'emploi du 7 juin 2013, que les cotisations ne doivent être intégralement prises en charge par la société GE Hydro France que pour la période excédant le préavis.

A l'occasion d'une réunion extraordinaire du Comité Central d'Entreprise du 20 février 2014, la direction de la société GE Hydro France a rappelé cette règle en ces termes :

« (...) la mutuelle est prise en charge par l'employeur à 100% pendant le congé de reclassement ; ce n'est en revanche pas le cas pendant la période de préavis, pendant laquelle la prise en charge est répartie à 60/40, comme pour tous les autres salariés. La prise en charge à 100% vise à compenser la baisse de rémunération pendant le congé de reclassement ».

L'ensemble de ces éléments conduit la cour à écarter les demandes formulées par Mme [R] [E].

6- Sur les demandes accessoires

Mme [R] [E] qui succombe supportera les entiers dépens et sera déboutée de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il ne serait pas équitable de laisser à la charge de la société GE Hydro France les frais irrépétibles engagés dans la présente instance. Sera condamnée à lui payer la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Y ajoutant :

CONDAMNE Mme [R] [E] à payer à la société GE Hydro France la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [R] [E] aux dépens de première instance et d'appel.

- Prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Maryse LESAULT, Présidente et par Madame Carine DJELLAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 16/02895
Date de la décision : 29/01/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 15, arrêt n°16/02895 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-29;16.02895 ?
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