COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 38A
13e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 21 JANVIER 2020
N° RG 18/08724 - N° Portalis DBV3-V-B7C-S3O2
AFFAIRE :
SA CM-CIC FACTOR
C/
SAS VALPACO FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Décembre 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 2013F03907
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 21.01.2020
à :
Me Christophe DEBRAY
Me Maxellende ROULLET DE LA BOUILLERIE
TC de NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT ET UN JANVIER DEUX MILLE VINGT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SA CM-CIC FACTOR prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité
N° SIRET : 380 30 7 4 13
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Maître Christophe DEBRAY, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 18564 et par Maître Olivier DROUOT, avocat plaidant au barreau de PARIS substitué par Maître Jérémy NAPPEY, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
SAS VALPACO FRANCE
N° SIRET : 409 58 7 0 45
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Maître Maxellen de ROULLET DE LA BOUILLERIE, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 596 et par Maître François CHOMARD, avocat plaidant au barreau de NANTES
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Novembre 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Delphine BONNET, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN,
La société CM-CIC factor a conclu le 30 janvier 2008 un contrat d'affacturage avec la société Offset feuilles du Nord.
Par contrat de nantissement du 28 septembre 2011, la société Offset feuilles du Nord a nanti, au profit de la société Valpaco France (la société Valpaco), les comptes de fonds de garantie, majorés des comptes réserves constitués entre les mains de la société CM-CIC factor dans le cadre du contrat d'affacturage pour un montant cumulé de 70 000 euros. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 décembre 2011, la société Valpaco a notifié à la société CM-CIC factor le contrat de nantissement.
Le 1er juin 2012, la société Offset feuilles du Nord a été placée en liquidation judiciaire. La société Valpaco et la société CM-CIC factor ont chacune déclaré leur créance.
Par ordonnance du 16 novembre 2012 du juge-commissaire désigné dans la procédure de liquidation judiciaire, les fonds de garantie et comptes de réserves constitués dans le cadre du contrat d'affacturage ouvert dans les livres de la société CM-CIC factor ont été attribués judiciairement à la société Valpaco.
Cette ordonnance a été notifiée à la société CM-CIC factor le 27 novembre 2012 par la société Valpaco qui lui a demandé le paiement des sommes disponibles sur lesdits fonds de garantie et comptes réserves.
Le 17 décembre 2012, la société CM-CIC factor a transmis à la société Valpaco un règlement de 30 487,99 euros en exécution du nantissement.
Le 3 janvier 2013, la société Valpaco a demandé à la société CM-CIC factor de lui verser la somme de 39 512, 01 euros correspondant à la différence entre le nantissement constitué de 70 000 euros et la somme versée de 30 487, 99 euros.
Le 11 janvier 2013, la société CM-CIC factor a indiqué ne disposer d'aucune somme susceptible d'être versée.
Selon jugement contradictoire assorti de l'exécution provisoire du 5 décembre 2018, le tribunal de commerce de Nanterre, saisi par la société Valpaco, après avoir rendu le 25 janvier 2017 un jugement avant dire droit ordonnant la production par la société CM-CIC factor de différents documents, a :
- condamné la société CM-CIC factor à verser à la société Valpaco France la somme de 39 512,01 euros augmentée des intérêts de droit à compter du 27 novembre 2012 outre la capitalisation des intérêts prévue à l'article 1343-2 du code civil,
- condamné la société CM-CIC factor à payer à la société Valpaco France la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société CM-CIC factor à payer les dépens.
La société CM-CIC factor a interjeté appel de cette décision le 26 décembre 2018.
Dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 15 octobre 2019, elle demande à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement,
statuant à nouveau,
- débouter la société Valpaco France de l'ensemble de ses demandes,
en tout état de cause,
- dire qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'engager en première instance et en cause d'appel, afin d'assurer la défense de ses intérêts dans le cadre de la présente instance,
en conséquence,
- condamner la société Valpaco France à lui payer la somme de 15 000 euros, outre tous les dépens de première instance et d'appel, dont le recouvrement sera poursuivi par maître Debray, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 7 octobre 2019, la société Valpaco France demande à la cour de :
à titre principal, au visa des articles 2355 et suivants du code civil,
- juger qu'en qualité de créancier nanti, elle est bien fondée à percevoir de la société CM-CIC factor, teneur du compte nanti, la différence existant entre le plafond du nantissement, inférieur au solde dudit compte à la date du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ouverte contre la société Offset feuilles du Nord (70 000 euros), d'une part, et le montant du versement déjà effectué (30 487,99 euros), d'autre part : soit la somme de 39 512,01 euros,
à titre subsidiaire, au visa de l'ancien article 1382 du code civil,
- juger que la société CM-CIC factor a gravement inexécuté les obligations qui lui incombaient au titre du contrat d'affacturage qui la liait à la société Offset feuilles du Nord, et notamment celle afférente au recouvrement des factures listées dans ses écritures,
- juger que les fautes contractuelles commises par la société CM-CIC factor sont constitutives de fautes délictuelles à son endroit,
- juger que ces fautes délictuelles lui ont causé un préjudice direct et certain, dans la mesure où cela a conduit la société CM-CIC factor à ponctionner les comptes nantis du montant desdites factures, puis à lui refuser tout versement au titre de ses droits de créancier nanti,
en conséquence,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société CM-CIC factor à lui verser la somme de 39 512,01 euros, augmentée des intérêts compensatoires de droit à compter du 27 novembre 2012, avec capitalisation des intérêts,
en tout état de cause,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société CM-CIC factor à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles afférents à la procédure d'appel,
- condamner la société CM-CIC factor aux entiers dépens de l'instance.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 octobre 2019.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
1) sur la demande principale de la société Valpaco fondée sur les articles 2355 et suivants du code civil
La société CM-CIC factor soutient que le fonds de garantie et les réserves constituent des sous-comptes indivisibles du compte courant d'affacturage en sorte qu'ils ne peuvent être appréhendés isolément et que seul le solde global des comptes d'affacturage en clôture permet de déterminer si un disponible peut ou non revenir à la société Valpaco au titre de son nantissement. Elle se prévaut des articles 6-1, 6-2, 7 et 8 des conditions générales du contrat d'affacturage qui prévoient l'indivisibilité et la connexité de tous les articles de crédit et de débit entre le compte courant et ses sous-comptes. Ensuite, le factor détaille le fonctionnement des sous-comptes « fonds de garantie » et « réserves » et explique que ces sous-comptes du compte courant sont des créances conditionnelles affectées au premier chef en garantie des recours contractuels du factor, ce dont la société Valpaco avait parfaitement connaissance au moment de la signature de son contrat de nantissement. Elle prétend qu'aux termes de cet acte la mise en 'uvre du nantissement est expressément conditionnée par le fait que le factor n'ait 'pas prélevé, dans les conditions stipulées par le contrat d'affacturage tout ou partie des sommes sur le fonds de garantie et les comptes de réserves.'
Puis, après avoir souligné le revirement en cours de procédure de la position de la société Valpaco qui soutient désormais que le contrat d'affacturage lui serait inopposable, la société CM-CIC factor rappelle que l'opposabilité aux tiers des conventions de compte courant et plus spécifiquement de la convention de compte courant d'affacturage a été consacrée par un arrêt de la Cour de cassation du 28 novembre 2006 (n° 05-12147).
En réponse à l'argumentation de la société Valpaco, la société CM-CIC factor soutient en outre que les terminologies de « convention d'unité de comptes » et de « convention de fusion » apparaissent synonymes, à savoir que les comptes concernés forment un seul compte, que le sous-compte « fonds de garantie » ne saurait être assimilé à une « convention de blocage » dont la gestion serait indépendante du reste des comptes d'affacturage. Elle répète que le compte courant et son sous-compte fonds de garanties qui sont issus du même contrat d'affacturage sont indivisibles et soutient que toutes les écritures portées en compte d'affacturage étaient connexes. Elle relève que le tribunal n'a pas tiré les conséquences de sa propre constatation relative au caractère indivisible des comptes d'affacturage et critique sa motivation sur la question de l'absence de recours à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire d'attribution judiciaire dont se prévaut la société Valpaco.
Sur l'argumentation relative à la date à laquelle s'apprécie l'existence d'un éventuel disponible, le factor met en avant la nature aléatoire des nantissements de compte et le fait que la clôture des comptes intervient après dénouement des opérations d'affacturage en cours ; il prétend que les dispositions de l'article 2360 du code civil ne peuvent s'appliquer de manière littérale aux comptes courants d'affacturage, ces derniers ne pouvant s'analyser en un compte courant bancaire classique et fait valoir qu'au jour de l'ouverture de la procédure collective, les comptes d'affacturage présentaient une position débitrice et non créditrice comme l'atteste sa déclaration de créance. Elle conclut en conséquence au rejet de l'argumentation de la société Valpaco visant à appréhender les sous-comptes « réserves » et « fonds de garantie », tels qu'arrêtés au jour du jugement déclaratif de la société Offset feuilles du Nord.
La société Valpaco, après avoir rappelé les dispositions combinées des articles 2355 et suivants du code civil, L. 162-1 du code des procédures civiles d'exécution et L. 622-7 I alinéa 1 du code de commerce, fait valoir que la société CM-CIC factor avait l'obligation de déterminer ses droits de créancier nanti au 1er juin 2012, date du jugement d'ouverture de la procédure collective, sous réserve de la régularisation des opérations en cours au 1er juin 2012 dans les quinze jours, avec prise en compte du plafond de 70 000 euros résultant du contrat de nantissement qui lui avait été notifié en sorte que le factor aurait dû constater qu'au 1er juin 2012 le solde du compte « fonds de garantie » était de 73 916,63 euros et qu'elle avait donc vocation à percevoir, sans délai après la notification de l'attribution judiciaire, la somme de 70 000 euros.
Elle soutient que l'article 2360 alinéa 2 du code civil prévoit expressément que les droits du créancier nanti portent sur le solde du compte à la date du jugement d'ouverture, peu important que le solde créditeur soit uniquement provisoire à cette date, que l'article 2363 alinéa 1er du code civil interdit au factor de recevoir paiement de la créance constituée par le solde créditeur du compte nanti à la date du jugement d'ouverture et que l'utilisation du compte de garantie par le factor, pour compenser le solde débiteur de son compte courant d'affacturage, postérieurement à l'ouverture d'une liquidation judiciaire, est contraire au principe de l'interdiction des paiements.
Elle estime que les arguments développés par le factor au soutien de sa demande de création d'un régime jurisprudentiel d'exception aux dispositions de l'article 2360 du code civil ne sont pas convaincants. Puis, elle réfute l'argumentation du factor sur l'existence d'une indivisibilité conventionnelle des sous-comptes « fonds de garantie » et « réserves » avec le compte courant d'affacturage, soutenant que la clause qui entend étendre l'indivisibilité inhérente à une convention de compte courant à d'autres articles ou d'autres comptes, distincts de la convention initiale de compte courant, est une clause d'unité de comptes. Elle prétend ensuite que les stipulations du contrat d'affacturage et son exécution par les parties confirment que le compte de garantie ne peut pas être considéré comme étant l'article d'un compte courant « global », et qu'il convient d'évoquer une clause de fusion in fine avec possibilité de compensation plutôt qu'une convention d'unité de comptes. Elle estime que l'analyse objective de l'ensemble des stipulations et du fonctionnement du contrat d'affacturage prouve qu'il n'y avait pas d'indivisibilité générale, automatique et immédiate du compte de garantie avec le compte courant d'affacturage.
Elle affirme par ailleurs que l'analyse des clauses de fusion des comptes et de compensation conduit au constat que ces clauses sont insusceptibles de faire échec aux dispositions impératives d'ordre public relatives à l'interdiction des paiements posée par l'article L. 622-7 du code de commerce mettant en avant l'impossibilité d'une compensation légale d'une part et d'une compensation pour dettes connexes fondée sur le contrat d'autre part, puisque l'examen des clauses du contrat d'affacturage et l'exécution de celui-ci prouvent que la prétendue indivisibilité du compte d'affacturage avec le compte de garantie était très limitée dans sa définition et ses effets, et qu'en tout état de cause le compte de garantie fonctionnait indépendamment du compte courant d'affacturage.
La société Valpaco ne conteste pas que le nantissement s'exerce sur le solde disponible après prélèvement par le factor des sommes lui revenant mais soutient que conformément aux dispositions de l'article 2360 alinéa 2 du code civil les comptes à prendre en considération sont les comptes fonds de garantie et réserves, et non le compte courant, lequel n'est pas un compte nanti, et que les prélèvements visés sont uniquement antérieurs au 24 juillet 2012, et ceux réalisés jusqu'au 24 août 2012, dans le cadre de la régularisation des opérations en cours, et non l'intégralité des prélèvements réalisés jusqu'à la date de clôture de tous les comptes.
Elle ajoute que l'opposabilité d'une stipulation d'unité de compte à l'égard d'un créancier nanti ne peut être admise dans la mesure où cela reviendrait à nuire aux droits qu'il détient sur le solde du compte nanti, ce qui serait contraire à la lettre et à l'esprit de l'article 1165 du code civil, ainsi qu'aux dispositions de l'article 2363 alinéa 1er du même code. Se prévalant d'un arrêt de la Cour de cassation (28 novembre 2006 pourvoi n° 05-12147), elle soutient que si les sous-comptes fonds de garantie et réserves sont susceptibles d'être saisis avant la clôture des comptes d'affacturage, c'est qu'il s'agit bien de comptes per se, distincts du compte courant, et donc nécessairement susceptibles de faire l'objet d'un nantissement indépendamment du compte courant d'affacturage, ajoutant que la seule portée utile de cet arrêt est la confirmation d'une véritable autonomie des comptes fonds de garantie et réserves par rapport au compte courant d'affacturage, y compris lorsqu'il est stipulé une indivisibilité conventionnelle.
Elle affirme encore que les dispositions de l'article 1298 du code civil (devenu l'article 1347-7 du code civil) interdisent au créancier de procéder à une compensation lorsque celle-ci se heurterait aux droits d'un tiers et que dans la mesure où l'article 2360 du code civil confère un droit exclusif sur le solde des comptes nantis dès le jour du jugement d'ouverture, le factor ne saurait se prévaloir d'une stipulation contractuelle pour compenser ces soldes avec celui d'autres comptes après ledit jugement d'ouverture.
Enfin, elle relève que l'attribution judiciaire des comptes nantis résultant de l'ordonnance du juge-commissaire du 16 novembre 2012, ordonnance qui a force de chose jugée, fait obstacle à ce que le factor puisse se servir sur les comptes nantis avant elle.
Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
L'acte de nantissement du 28 septembre 2011 aux termes duquel le constituant [la société Offset feuilles du Nord] a affecté à titre de nantissement au profit de la société Valpaco les comptes de fonds de garantie, majorés des comptes réserves constitués entre les mains de la société CM-CIC factor dans le cadre du contrat d'affacturage pour un montant cumulé de 70 000 euros prévoit en son article 3 que le créancier nanti pourra obtenir directement du factor l'attribution des sommes nanties disponibles et que sont considérées « comme disponibles, les sommes figurant sur le compte de fonds de garantie majorés des comptes de réserves, qui n'auront pas été prélevées par le [CM-CIC factor] dans les conditions prévues au paragraphe (ii) de l'article 2. (...)
Il est convenu entre les parties que la pleine et entière propriété des fonds figurant dans le fonds de garantie et les comptes réserves constitués dans les comptes de [CM-CIC factor], sera transférée de plein droit à Valpaco, à effet de la notification, et ce (ii) dans la limite de 70 000 euros après déduction des sommes revenant à [CM-CIC factor] en application du contrat d'affacturage conclu avec le constituant. »
La convention d'affacturage à laquelle se réfère explicitement le contrat de nantissement et qui est opposable à la société Valpaco prévoit en son article 6-1 que ' les sommes payées par le factor en vertu du présent contrat et celles qui lui sont dues, à quelque titre que ce soit, par [Offset] entreront en compte courant. Les créances et dettes réciproques, connexes et indivisibles, se traduiront en articles de crédit et de débit et se compenseront donc de plein droit entre elles lorsqu'elles seront exigibles. Il en sera de même en cas d'ouverture de sous-comptes du compte courant pour faciliter le suivi des opérations. »
L'article 6-2 stipule que : « Le compte courant et ses sous-comptes formant un tout indivisible, c'est le solde général du compte unique après compensation des débits et des crédits, qui sera considéré à tout moment ' et notamment après cessation des opérations d'affacturage ' comme le solde du compte courant ».
Les articles 7 et 8 des conditions générales du contrat d'affacturage prévoient que le « fonds de garantie » et les « réserves » constituent des sous-comptes du compte courant.
L'article 7 indique que le fonds de garantie a 'pour objet de garantir au factor l'exercice de ses recours contractuels au titre des non-valeurs avérées ou potentielles, telles que notamment les avoirs émis ou demandés, les règlements directs, litiges, remises différées, retard sur créances financées et non garanties. (..) il est alimenté par prélèvements sur le disponible lors des paiements subrogatoires. Les ajustements à la baisse font l'objet d'un crédit en compte courant. Le factor peut prélever sur ce compte les sommes nécessaires pour couvrir une position débitrice du compte courant. En pareil cas, la quotité et/ou le seuil contractuels sont immédiatement reconstitués. A la clôture des comptes entre les parties, le solde est viré au crédit du compte courant.'
L'article 8 précise que les réserves sont des sous-comptes du compte courant où sont virés les paiements subrogatoires correspondant aux créances non financées, dans l'attente de leur encaissement...Ces sommes seront virées au crédit du compte courant après régularisation de l'opération concernée.'
Il existe donc bien une indivisibilité conventionnelle des comptes nantis avec le compte courant d'affacturage, ce que d'ailleurs la société Valpaco avait admis tant dans ses conclusions prises dans le cadre de l'instance qu'elle avait initiée à l'encontre de la société CM-CIC factor devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris que dans ses conclusions au fond n° 1 et 2 dans le cadre de la première instance devant le tribunal de commerce de Nanterre puisqu'elle écrivait : 'la société Valpaco n'entend pas remettre en cause le caractère indivisible des comptes et sous-comptes d'affacturage faisant que seule la clôture des comptes puisse permettre de déterminer, après compensation, si les sous-comptes créditeurs « fond de garantie » et « réserves » peuvent être appréhendés par le créancier nanti...'.
D'ailleurs, contrairement à ce que soutient désormais la société Valpaco pour contredire l'existence d'une indivisibilité des comptes, la société CM-CIC factor a bien en cours de contrat exercé sa faculté de couvrir la position débitrice du compte courant d'affacturage puisque des virements du fonds de garantie ont été inscrits au crédit du compte courant à diverses reprises lorsque le solde de celui-ci était débiteur (29.11.11, 31.01.12, 8.03.12, 19.03.12, 18.04.12).
Compte tenu des clauses mêmes des contrats de nantissement et d'affacturage, la société Valpaco ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article 2360 du code civil qui prévoit que 'lorsque le nantissement porte sur un compte, la créance nantie s'entend du solde créditeur, provisoire ou définitif, au jour de la réalisation de la sûreté sous réserve de la régularisation des opérations en cours, selon les modalités prévues par les procédures civiles d'exécution. Sous cette même réserve, au cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire, de liquidation judiciaire ou d'une procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers contre le constituant, les droits du créancier nanti portent sur le solde du compte à la date du jugement d'ouverture'. En effet, le contrat d'affacturage prévoit expressément que c'est le solde général du compte unique après compensation des débits et des crédits, qui sera considéré à tout moment comme le solde du compte courant. Par suite, les droits de la société Valpaco ne sauraient porter sur le solde des sous-comptes au jour du jugement d'ouverture.
Ainsi, pour déterminer l'assiette du nantissement au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective de la société Offset feuilles du Nord, dès lors que l'ensemble des écritures portées en comptes d'affacturage sont connexes, doit être prise en considération la situation globale des comptes à cette date et notamment l'existence d'un encours de créances cédées dont le sort n'est pas fixé, étant relevé que les garanties contractuelles du factor résultant des sous-comptes "fonds de garantie" et "réserves" alimentés par des prélèvements effectués sur le disponible lors des remises de factures et destinés, soit à garantir le factor des aléas du recouvrement jusqu'à la clôture du compte d'affacturage, soit à différer la disponibilité des valeurs y figurant jusqu'à l'encaissement effectif des factures correspondantes, sont par définition antérieures au contrat de nantissement, le fonds de garantie s'analysant en un gage espèces.
D'ailleurs, la société CM-CIC factor a évalué sa créance déclarée au passif de la société Offset feuilles du Nord à 319 959,69 euros :
- encours des créances cédées et non réglées (CAF) : - 290 230,83 euros
- minimum de commission TTC : - 29 728,86 euros
en précisant pour mémoire le montant du compte courant et des sous-comptes créditeurs :
- compte courant : 6 612,63 euros
- fonds de garantie :73 916,63 euros
- réserves : 32 424,43 euros
soit un solde global débiteur de 207 006,00 euros (- 290 230,83 - 29 728,86 + 6 612,63 + 73 916,63 + 32 424,43).
En conséquence, la société Valpaco ne peut prétendre à l'attribution des sommes inscrites aux sous-comptes fonds de garantie et réserves au jour de l'ouverture de la procédure collective sans qu'il soit tenu compte du dénouement complet des opérations.
Contrairement à ce que soutient la société Valpaco, les sous-comptes ne fonctionnaient pas de manière indépendante en sorte que la compensation pour dettes connexes fondées sur le contrat d'affacturage était possible après l'ouverture de la procédure collective et ce sans que la société Valpaco puisse utilement invoquer les dispositions de l'article 2363 du code civil compte tenu de l'indivisibilité des comptes.
En conclusion de ce qui précède, la société Valpaco n'est pas fondée à obtenir le paiement à hauteur du montant du nantissement du solde du sous-compte de garantie existant au jour de l'ouverture de la procédure collective, et ce sans qu'elle puisse sérieusement opposer à la société CM-CIC factor l'absence de recours contre l'ordonnance du juge-commissaire lui ayant accordé l'attribution judiciaire des fonds de garantie et comptes de réserve, cette attribution judiciaire ne pouvant remettre en cause les règles de fonctionnement des comptes d'affacturage et le juge-commissaire n'ayant pas tranché le litige relatif au montant des droits du créancier nanti.
Il convient en conséquence, réparant l'omission de statuer du tribunal sur cette demande principale, de débouter la société Valpaco de sa demande principale.
2 ) sur la demande subsidiaire fondée sur l'ancien article 1382 du code civil
La société CM-CIC factor se défend de toute faute faisant valoir que la société Offset feuilles du Nord n'a formulé aucune contestation quant aux écritures portées en compte au cours du fonctionnement du contrat d'affacturage et n'a jamais contesté le débit des neuf créances listées par la société Valpaco. A cet égard, elle se prévaut des dispositions de l'article 6-5 des conditions générales du contrat aux termes duquel toute écriture non contestée dans le délai d'un mois est considérée comme acceptée.
Le factor indique par ailleurs que le recouvrement des créances cédées incombait à la société Offset feuilles du Nord au terme du mandat de recouvrement qui lui était confié en vertu de l'article 18 des conditions particulières du contrat. Elle ajoute qu'elle n'avait aucune obligation de poursuivre le recouvrement des créances après l'expiration du mandat qui prenait fin pour chaque créance 100 jours calendaires après sa date d'échéance.
À titre surabondant, elle prétend être intervenue auprès des acheteurs afin de tenter de favoriser le recouvrement des créances cédées, son intérêt n'étant pas de laisser l'encours en jachère, précisant que son intervention concerne le recouvrement courant des créances cédées et qu'elle n'a, aux termes du contrat, pas vocation à résoudre des litiges d'ordre technique ou commercial, de sorte qu'en présence d'une contestation non résolue de la créance (litige), elle était en droit de restituer la créance correspondante à la société Offset feuilles du Nord par débit de son compte courant.
Elle affirme avoir accompli des démarches dans le cadre du recouvrement courant des créances cédées, notamment des neuf factures visées par la société Valpaco et prétend que les refus de paiement persistant des acheteurs, en dépit des relances, confirment l'existence de litiges en sorte qu'elle était fondée à restituer les créances correspondantes par débit du compte courant de la société Offset feuilles du Nord, en application des dispositions contractuelles et ne saurait se voir reprocher une quelconque faute à ce titre. La société CM-CIC factor reproche au tribunal d'avoir retenu une faute dans le recouvrement des créances en inversant la charge de la preuve et en statuant ultra petita en assortissant la condamnation d'intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2012.
La société Valpaco fait valoir que le solde final du compte courant dépend des opérations de débit et de crédit, et notamment des diligences de recouvrement effectuées par la société CM-CIC factor vis-à-vis des débiteurs cédés. Elle prétend que des opérations ont été portées au débit du compte courant, le 12 septembre 2012, et correspondent à des créances devenues douteuses rétrocédées au client. Elle soutient qu'en vertu des conditions particulières du contrat et notamment de l'article 18-7-2 le recouvrement des créances incombait au factor au minimum dans deux hypothèses :
- dès restitution de la créance litigieuse à la société Offset feuilles du Nord soit pour le cas des neuf créances litigieuses, au minimum à compter du 12 septembre 2012,
- mais possiblement plus tôt, si le délai de 100 jours calendaires à compter de l'échéance de la créance venait à expirer avant restitution de la créance à la société Offset feuilles du Nord.
Puis, elle souligne l'insuffisance des diligences menées par le factor et prétend à l'inexécution manifeste par le factor de son obligation de recouvrement.
Elle estime que l'argument tiré de l'acceptation des relevés de compte courant par la société Offset feuilles du Nord est inopérant, le problème étant relatif à l'existence de diligences de recouvrement s'agissant des factures identifiées avec précision dans le cadre de la présente instance et non à la régularité des écritures portées sur les relevés de compte courant.
Elle prétend avoir subi un préjudice résultant de l'inexécution par le factor de son obligation de recouvrement.
Le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage. Il appartient au tiers au contrat d'établir un manquement contractuel et un lien de causalité entre ce manquement et le dommage qu'il subit.
En l'espèce, en vertu de l'article 18 des conditions particulières du contrat d'affacturage, la société Offset feuilles du Nord disposait d'un mandat de recouvrement et d'encaissement des créances, article non modifié par l'avenant n°2 au contrat signé le 30 mars 2009 lequel rappelle expressément dans son préambule l'existence de ce mandat.
Le recouvrement des créances incombait donc à la société Offset feuilles du Nord.
L'article 18-2 des conditions particulières stipule que « (') Pour chaque créance, le mandat prend fin 100 jours calendaires après sa date d'échéance sauf application de l'article 18-7 ci-dessous [relatif à la révocation des mandats]. »
L'article 30.2 précise que « les créances impayées plus de 100 jours après leur échéance pourront être portées au débit du compte courant qu'elles soient ou non garanties ».
L'article 18-7-2 prévoit que « les mandats d'encaissement et de recouvrement cessent de s'appliquer lorsque la créance est restituée à l'Entreprise. Cette restitution s'opère sur décision expresse du Factor ou lorsque la créance est débitée dans les comptes du Factor et que ne subsiste pas un solde débiteur exigible. » ; l'article 18-7-3 stipule enfin qu'à compter de cette révocation :
« - le factor assure le recouvrement de toutes les créances transférées même antérieurement à la date de révocation du mandat,
- notifie sans délai aux Acheteurs le transfert de créances par voie de subrogation en leur faisant interdiction de payer l'Entreprise ;
- (') »
Contrairement à ce que soutient la société CM-CIC factor, lorsque la créance est restituée à l'entreprise, le mandat de recouvrement confié à cette dernière cesse de s'appliquer.
Il est constant que neuf factures ont été portées au débit du compte-courant de la société Offset feuilles du Nord le 12 septembre 2012 dont six avec la mention 'en litige'.
Les captures d'écran relatives à chacune de ces factures versées aux débats par la société CM-CIC factor montrent que le paiement de cinq de ces factures pour un montant total de 45 942,79 euros a été bloqué par l'acheteur « Airflex », en la personne de son gérant M. [U], en raison de litiges. Il en est de même d'une facture d'un montant de 10 883,84 euros concernant l'acheteur Castorama pour laquelle le factor justifie de relances par lettres recommandées avec accusé de réception ainsi que d'une facture pour l'acheteur Auchan de 6 279 euros.
Conformément aux termes du contrat, le factor qui est un établissement financier et qui selon les conditions générales n'assume que le risque de l'insolvabilité des débiteurs de la société Offset feuilles du Nord, n'a pas à résoudre les litiges d'ordre techniques ou commerciaux, de sorte qu'en présence d'une contestation non résolue de la créance (litige), la société CM-CIC factor est en droit de restituer la créance correspondante à la société Offset feuilles du Nord par débit de son compte courant.
Aucun manquement à son obligation de recouvrement ne peut donc lui être reproché s'agissant de ces créances litigieuses, étant observé que l'acheteur Airflex, suite à des mises en demeure adressées par le factor le 5 juin 2012, a régularisé deux factures pour les montants de 21 829,21 euros et 41 386,14 euros mais a bloqué le paiement des autres factures.
Restent deux factures d'un montant respectif de 849,16 et 1 692,34 euros pour l'acheteur [W] [O] pour lesquelles il n'est donné ni explication ni justificatif par le factor. Toutefois, compte tenu de l'absence de preuve d'une chance sérieuse pour le factor d'obtenir leur recouvrement, du faible montant de ces deux factures par rapport aux encours au jour de la procédure collective et donc au regard du montant total recouvré par le factor, aucun manquement contractuel en lien avec le préjudice allégué par la société Valpaco ne peut être retenu à l'encontre de la société CM-CIC factor.
En conclusion de ce qui précède, c'est à tort que le tribunal a retenu une faute du factor et l'a condamné à payer à la société Valpaco des dommages et intérêts comme indiqué aux motifs du jugement. Il convient en conséquence, infirmant le jugement, de débouter la société Valpaco de sa demande subsidiaire de dommages et intérêts et y ajoutant de rejeter sa demande principale sur le fondement des articles 2355 et suivants du code civil.
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau :
Déboute la société Valpaco France de sa demande subsidiaire de dommages et intérêts,
Y ajoutant,
Déboute la société Valpaco France de sa demande principale fondée sur les articles 2355 et suivants du code civil,
Condamne la société Valpaco France aux dépens de première instance et d'appel lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par maître Debray pour ceux dont il a fait l'avance,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,La présidente,