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14/01/2020 | FRANCE | N°19/02881

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 14 janvier 2020, 19/02881


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 53I



13e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 JANVIER 2020



N° RG 19/02881 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TEUR



AFFAIRE :



[C] [O]





C/



SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Février 2016 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° Chambre : 2

N° Section :

N° RG : 2010F05520
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Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 14.01.2020



à :



Me Véronique BUQUET-ROUSSEL



Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN



TC de VERSAILLES







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATORZE JANVIER DEUX MILLE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53I

13e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 JANVIER 2020

N° RG 19/02881 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TEUR

AFFAIRE :

[C] [O]

C/

SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Février 2016 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° Chambre : 2

N° Section :

N° RG : 2010F05520

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 14.01.2020

à :

Me Véronique BUQUET-ROUSSEL

Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN

TC de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE JANVIER DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [C] [O]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Maître Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 - N° du dossier 17516 et par Maître Joan DRAY, avocat plaidant au barreau de PARIS

APPELANT

****************

SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE

N° SIRET : 552 120 222

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Maître Pascale REGRETTIER-GERMAIN de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 et par Maître Irina AIRINET, avocat plaidant au barreau de VERSAILLES

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Novembre 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Delphine BONNET, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN,

Par acte du 10 septembre 2008, M. [C] [O], président de la SAS Ifrachimie, s'est porté caution solidaire de cette dernière en faveur de la Société générale à hauteur de 455 000 euros, incluant un principal de 350 000 euros outre intérêts, frais et accessoires, pour une durée de dix ans, pour garantir une lettre de crédit à l'exportation de 1 700 000 euros.

La société Ifrachimie a été placée en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire par décisions du tribunal de commerce de Paris des 28 juin 2010 et 6 janvier 2011.

La Société générale a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire et a mis en demeure la caution par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 août 2010 de régler la somme de 455 000 euros, laquelle est restée sans effet.

Selon jugement contradictoire du 17 février 2016, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Versailles, saisi par assignation de la Société Générale, a :

- débouté M. [O] de sa demande de nullité de l'acte de cautionnement du 10 septembre 2018,

- prononcé la déchéance des intérêts,

- condamné M. [O] à payer à la Société générale la somme de 350 000 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 6 août 2010,

- débouté M. [O] de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné M. [O] à payer à la Société générale la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [O] aux dépens.

M. [O] a interjeté appel de cette décision le 17 juin 2016.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 5 novembre 2019, il demande à la cour de :

- annuler le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de nullité de l'acte de cautionnement du 10 septembre 2008, condamné à payer à la Société générale la somme de 350 000 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 6 août 2010, débouté de sa demande de dommages et intérêts, condamné à payer à la Société générale la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné aux dépens,

- confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance des intérêts,

statuant à nouveau :

- le déclarer recevable et bien fondé en toutes ses demandes,

- constater l'absence de cause du cautionnement au moment de sa souscription le 10 septembre 2008,

- constater l'existence d'un dol ainsi que la réticence dolosive de la Société générale ayant vicié son consentement à souscrire l'acte de cautionnement en date du 10 septembre 2008,

- constater l'existence d'une erreur ayant vicié son consentement à souscrire l'acte de cautionnement en date du 10 septembre 2008,

- constater l'existence de violence ayant vicié son consentement à souscrire l'acte de cautionnement en date du 10 septembre 2008,

- constater que ses demandes formulées au titre du bénéfice de la garantie Oséo ne constituent pas des demandes nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que les prétentions originaires devant le premier juge et les déclarer recevables,

- dire et juger que la Société générale a manqué à son obligation de renseignement et de conseil, ainsi qu'à son obligation de loyauté contractuelle engageant sa responsabilité contractuelle sur le fondement des articles 1147 et 1134 du code civil,

- dire et juger que la Société générale a violé les dispositions de l'article L. 341-6 du code de la consommation,

- constater que ses demandes formulées au titre de la disproportion de son engagement de caution ne constituent pas des demandes nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que les prétentions originaires devant le premier juge et les déclarer recevables,

- dire et juger que son engagement de caution souscrit au profit de la Société générale est manifestement disproportionné à ses biens et ses revenus tant au moment de la souscription de l'engagement, qu'au moment de l'appel en garantie,

en conséquence,

- le décharger de son engagement de caution,

en conséquence,

à titre principal,

- déclarer nul et de nul effet l'acte de cautionnement solidaire en date du 10 septembre 2008 qu'il a souscrit,

à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le cautionnement souscrit le 10 septembre 2008 serait déclaré valable,

- condamner la Société générale à lui payer la somme de 273 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,

- dire et juger que la Société générale est déchue de son droit à réclamer le paiement des pénalités ou intérêts de retard afférents à l'acte de cautionnement solidaire à raison du non-respect par celle-ci des dispositions de l'article L. 341-6 du code de la consommation,

- dire et juger que la Société générale ne peut se prévaloir de sa résidence principale au titre du patrimoine visé par l'article L. 341-4 du code de la consommation, en application de la clause Oséo protégeant la résidence principale du dirigeant,

en toute hypothèse,

- condamner la Société générale à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Société générale aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par maître Buquet-Roussel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 5 novembre 2019, la Société générale demande à la cour de :

- juger que les demandes relatives au bénéfice des conditions générales protectrices de la résidence principale du débiteur de la contre-garantie Oséo sont nouvelles,

- juger que les demandes de M. [O] tendant à faire déclarer le cautionnement disproportionné et l'empêcher de s'en prévaloir sont nouvelles et ne sont pas reprises dans le dispositif de sorte que la cour n'est pas valablement saisie,

- les déclarer irrecevables,

par voie de conséquence,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement,

- rejeté toutes demandes, fins et prétentions de M. [O],

- condamner M. [O] au paiement de la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 novembre 2019.

Pour un plus ample exposé des prétentions des moyens et des parties, il est renvoyé à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

1) sur la disproportion de l'engagement de caution

En premier lieu, dans le dispositif de ses conclusions, M. [O], au visa de l'article L. 341-4 du code de la consommation, demande à la cour de le décharger de son engagement de caution.

Il soutient qu'il ne s'agit pas d'une demande nouvelle, tout comme celle relative au bénéfice de la garantie Oséo, dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que ses prétentions originaires devant le premier juge.

Il affirme dans un premier temps qu'à la date de souscription de son engagement, il percevait des revenus annuels à hauteur 'de .....' (sic) et que la banque ne peut pas prendre en compte la valeur de sa résidence principale dès lors qu'elle bénéficie de la garantie Oséo qui constitue un obstacle à l'inscription d'hypothèque sur ce bien immobilier. Ensuite, il précise qu'il est marié sous le régime de la séparation de biens et qu'il détient 50 % des droits indivis du bien immobilier acquis en 2000 et financé par un prêt qu'il convient de prendre en considération pour l'appréciation de la disproportion. Il prétend qu'il appartient à la banque de rapporter la preuve qu'elle dispose d'éléments lui ayant permis d'apprécier l'absence de disproportion lorsqu'elle a recueilli son cautionnement notamment au moyen de la fiche de renseignements. Il fait des développements sur la fiche de renseignements que la banque a produite la veille de la clôture et prétend que son cautionnement était manifestement disproportionné. S'agissant de la disproportion à la date de l'appel, il rappelle qu'il incombe au créancier professionnel d'établir que le patrimoine de la caution lui permet désormais de faire face à son obligation puis il détaille sa situation en 2016 et affirme qu'il ne peut rembourser la somme de 300 000 euros.

La Société générale soulève l'irrecevabilité des prétentions relatives tant au bénéfice de la garantie Oséo qu'au titre de la disproportion de l'engagement de caution formulées pour la première fois par M. [O] en cause d'appel estimant qu'il s'agit de demandes nouvelles. Elle soutient qu'en tout état de cause la preuve d'une quelconque disproportion au moment de la souscription du cautionnement n'est nullement rapportée. Elle relève qu'au vu des éléments figurant dans la fiche de renseignements signée par la caution, ses revenus et son patrimoine étaient au moment de son engagement largement supérieurs au montant du cautionnement et lui permettaient parfaitement d'y faire face. Elle précise que si la garantie Oséo fait obstacle aux mesures d'exécution, elle ne sort pas pour autant la résidence principale du patrimoine du débiteur en sorte qu'elle doit bien être prise en compte pour évaluer l'existence ou non d'une disproportion.

L'article 564 du code de procédure civile prévoit qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Selon l'article 565 du même code les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

En l'espèce, M. [O] avait demandé au tribunal à titre principal de déclarer nul le cautionnement et de débouter la Société générale de ses demandes. Il n'avait effectivement soulevé ni le moyen relatif à l'exclusion de sa résidence principale du patrimoine visé à l'article L. 341-4 du code de la consommation ni celui tiré de la disproportion manifeste de son engagement de caution et sollicité en conséquence sa décharge, demandes formulées pour la première fois en cause d'appel. Toutefois, ces demandes tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge et visent à faire écarter les prétentions adverses en sorte qu'elles sont recevables.

Il résulte des dispositions de l'article L. 341-4 ancien du code de la consommation reprises aux articles L. 332-1 et L. 343-4 du même code qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la caution qui invoque la disproportion de son engagement d'en apporter la preuve ; celle-ci s'apprécie à la date de la conclusion du cautionnement sur la base des éléments alors connus au vu des déclarations de la caution concernant ses biens et revenus que le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier. La caution n'est alors pas admise à établir devant le juge que sa situation financière était en réalité moins favorable sauf si le créancier professionnel a eu connaissance de l'existence d'autres charges pesant sur la caution ou si la déclaration effectuée par la caution est trop ancienne.

La charge de la preuve du retour à meilleure fortune de la caution incombe au créancier.

Avant de se porter caution le 10 septembre 2008 à hauteur de 455 000 euros, M. [O] avait signé le 6 juillet 2008 une fiche de renseignements confidentiels dans laquelle il est mentionné que :

- M. [O] est marié sous le régime de la séparation de biens et a deux enfants à charge,

- il est président de la société Ifrachimie,

- il perçoit des ressources mensuelles globales de 12 000 euros,

- il dispose d'un patrimoine mobilier d'un montant total de 422 200 euros (PEL, assurance vie, capital retraite, compte courant d'associé au sein de la société Ifrachimie)

- il a acquis avec son épouse une maison à [Localité 2] d'une valeur estimée à 1.5 millions d'euros acquise au moyen d'un prêt sur lequel il restait dû 239 000 euros.

Contrairement à ce que soutient M. [O], si la résidence principale qu'il a acquise en indivision avec son épouse, ne peut, en vertu des conditions générales de la garantie de la société Oséo qui lie cette société à la banque, faire l'objet d'une hypothèque conventionnelle ou judiciaire en garantie du crédit ni d'une saisie immobilière pour le recouvrement de la créance garantie, elle peut être prise en compte pour l'appréciation de la proportionnalité du cautionnement. La prétention de l'appelant formée à ce titre est rejetée.

Ainsi, au vu de l'ensemble des éléments figurant sur la fiche de renseignements dont M. [O] a certifié l'exactitude, et en ne tenant compte que de sa seule part sur les biens dont il est propriétaire indivis avec son épouse, le cautionnement souscrit à hauteur de 455 000 euros n'apparaît pas manifestement disproportionné, et ce peu important le fait que M. [O] ait renoncé à se faire rembourser le solde créditeur de son compte courant d'associé.

Il convient en conséquence de débouter M. [O] de sa demande tendant à être déchargé de son engagement de caution.

2) sur la nullité du cautionnement

- sur l'absence de cause

En premier lieu, M. [O] soutient que son cautionnement est nul à raison de l'absence de cause du cautionnement faisant valoir que la cause de son engagement consistait à obtenir au plus tard le jour même de son engagement de caution la lettre de crédit stand-by et non pas postérieurement à l'acte de cautionnement. Il souligne que cette lettre de crédit stand-by qui était définie dans l'acte de cautionnement comme l'« obligation garantie » et une « obligation déterminée » (et non comme une obligation déterminable) n'existait pas à la date du cautionnement le 10 septembre 2008 puisqu'elle n'a été émise que le 25 septembre 2008. Il estime en conséquence que le cautionnement était dénué de cause à la date de la formation du contrat et n'est donc pas valable.

La Société générale fait observer que M. [O] n'a jamais remis en cause son engagement en tant que caution avant son assignation en paiement, et ce, alors même qu'il savait que la lettre de crédit stand-by n'avait été émise que le 25 septembre 2008 ; elle rappelle que la cause de l'obligation de la caution est la considération du crédit accordé par le créancier au débiteur principal au moment de la formation du contrat et que ce qui importe est que l'obligation cautionnée soit déterminée ou déterminable, ce qui est bien le cas en l'espèce.

La cause de l'engagement de caution réside dans la dette garantie, étant précisé que le cautionnement peut garantir des dettes présentes ou futures.

En l'espèce, M. [O] s'est expressément engagé, en qualité de caution de la société Ifrachimie, à garantir, dans les limites précisées dans la mention manuscrite qu'il a écrite et signée, le paiement des sommes dues par la société si elle n'y satisfaisait pas elle même ; l'acte de cautionnement mentionne en première page que l'obligation cautionnée est la lettre de crédit 'stand by' de 1 700 000 euros délivrée par la Société générale en faveur de la société Ifrachimie, vis-à-vis de la société KLK-Oléo Europe gmbh sise en Allemagne, en date du 10 septembre 2008.

Il importe peu que la lettre de crédit stand-by n'ait pas été émise le 10 septembre 2008 mais le 25 septembre 2008, la date d'émission de la lettre n'ayant aucune incidence sur la cause de l'engagement souscrit par M. [O]. Aucune nullité du cautionnement pour défaut de cause n'est donc encourue ; le jugement sera confirmé de ce chef.

- sur le dol

Ensuite, M. [O] prétend que la Société générale a fait preuve de réticence dolosive pour l'amener à souscrire le cautionnement litigieux. Après avoir exposé les conditions dans lesquelles le schéma de financement a été arrêté entre juin et juillet 2008 et les circonstances dans lesquelles le cautionnement litigieux a été signé, M. [O] affirme que la banque a volontairement dissimulé la contre-garantie obtenue de l'organisme Oséo tout en subordonnant l'émission de la lettre de crédit stand-by à la signature de son engagement de caution. Il affirme que s'il avait connu, avant ou au moment de la souscription de son cautionnement, l'existence de la contre-garantie d'Oséo (dont il n'a découvert l'existence qu'incidemment en février 2009) il n'aurait certainement pas accepté de signer l'acte de cautionnement querellé et à tout le moins aurait pu obtenir dans le cadre d'une négociation avec la banque une réduction substantielle du montant global de cet engagement de 455 000 euros. Il estime que ce montant est d'autant plus disproportionné que la lettre de crédit stand-by bénéficiait d'autres sûretés et garanties octroyées le 10 septembre 2008 pour un montant de 2 655 000 euros correspondant à 1,5 fois la valeur de la lettre de crédit, comprenant outre son cautionnement, une affectation en gage d'un stock de marchandises, un engagement de blocage de son compte courant d'associé, un gage de compte d'instruments financiers et un engagement de blocage de compte courant d'associé et de promesse de nantissement de compte bloqué octroyés par Madame [O].

La Société générale conteste toute dissimulation et critique l'attestation versée aux débats par M. [O]. Elle soutient que la contre-garantie était envisagée à l'origine et relève qu'elle est stipulée aux conditions particulières de la notification de la garantie Oséo ainsi que sur le nantissement de stocks et le blocage des comptes courants d'associé en sorte qu'elle était parfaitement connue de M. [O] dont le consentement n'a pas été surpris. Elle souligne que M. [O] se contredit lui-même en indiquant d'une part que « dans le schéma de financement arrêté entre juin et juillet 2008, la Société générale devait émettre une lettre de crédit stand-by pour 2 100 000 euros en substitution d'une caution bancaire de 700 000 euros avec une participation en risque d'Oséo » et d'autre part, que « avant ou au même moment de la souscription de son cautionnement, [il ignorait] l'existence de la contre-garantie d'Oséo ». La banque affirme que lors de la mise en place du montage financier cette contre-garantie avait été évoquée, et ce, à plusieurs reprises, de sorte que M. [O] ne peut affirmer avoir tout ignoré de son existence.

Selon l'article 1109 ancien du code civil applicable au cautionnement souscrit antérieurement au 1er octobre 2016, il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur, ou s'il a été surpris par dol.

L'article 1116 dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté . Il ne se présume pas et doit être prouvé et exige, en outre, la preuve de l'intention de tromper son cocontractant. Aux manoeuvres sont assimilés le mensonge et la réticence destinés à provoquer une erreur de nature à vicier le consentement du cocontractant.

Il est constant que la Société générale avait émis une caution bancaire d'un montant de 700 000 euros au début de l'année 2007 au profit de la société KLK fournisseur de la société Ifrachimie. Cette caution bancaire avait pour échéance la fin du mois de juin 2008 et était contre-garantie par :

- 350 000 euros de Sicav bloquées,

- 400 000 euros de stocks gagés (via une société dénommée Auxiga),

- la caution personnelle de M. [O].

À cet égard, la cour observe qu'à la page 5 de ses conclusions M. [O] fait état d'un engagement de caution à hauteur de 455 000 euros alors que selon le témoignage de M. [M] (de Balthazart Advisory) qu'il verse aux débats et qu'il cite à la page 13 de ses écritures, le cautionnement initial était de 300 000 euros, étant souligné que M. [O] n'a pas produit aux débats l'acte de ce premier cautionnement.

Des discussions ont été entreprises par les parties courant 2008 à l'occasion du renouvellement de la caution bancaire. La mise en place d'une lettre de crédit stand-by d'un montant de 2 100 000 euros avec la garantie d'Oséo à hauteur de 60 % a été envisagée et la Société générale a accepté de proroger la garantie initiale de 700 000 euros jusqu'au 31 août 2008. Finalement la lettre de crédit stand-by émise par la Société générale a été d'un montant de 1 700 000 euros garantie par la caution solidaire de M. [O] à hauteur de 455 000 euros, incluant un principal de 350 000 euros outre intérêts, frais et accessoires, par un gage Auxiga à hauteur de 1 600 K€, le nantissement de titres à hauteur de 350 K€ et le blocage des comptes courants d'associés à hauteur de 250 K€.

Aucun élément du dossier de l'appelant et de celui de la banque ne permet de vérifier à quelle date la garantie Oséo a été effectivement octroyée dans le cadre de ce financement. La demande de médiation versée aux débats par la banque en date du 26 novembre 2008 dont le contenu n'est pas critiqué par l'appelant montre qu'à la date de signature de l'engagement de caution le 10 septembre 2008 la garantie Oséo n'avait pas été accordée puisque les mentions portées sur cette demande précisent que la lettre de crédit stand-by d'un montant de 1 700 000 euros était garantie par les garanties sus énoncées donc sans la garantie Oséo, et que l'objet de la médiation était relatif à 'difficulté de financement- refus d'une caution Oséo', la demande de médiation portant sur la substitution de la garantie 'nantissement de titres' par une contre-garantie Oséo.

En tout état de cause, M. [O] n'apporte aucun élément de preuve suffisant permettant de démontrer que la banque aurait fait preuve de réticence dolosive en lui dissimulant la garantie Oséo pour subordonner l'émission de sa lettre de crédit stand-by à la signature de son cautionnement à hauteur de 455 000 euros, étant observé que la seule attestation de M. [M] ne permet pas de démontrer que son engagement de caution serait passé de 300 000 euros à 455 000 euros pour ce motif. Aucune réticence ou manoeuvre dolosive n'est démontrée de la part de la banque pas plus qu'il n'est établi que l'existence de la garantie Oséo était déterminante du consentement de M. [O] de s'engager à hauteur de 455 000 euros (pour un principal de 350 000 euros). C'est donc à juste titre que le tribunal a rejeté la demande de nullité du cautionnement sur ce fondement.

- sur l'erreur

M. [O] soutient encore qu'il a conclu l'acte de cautionnement le 10 septembre 2008 sans avoir été informé de l'ensemble des autres sûretés prises en garantie de l'émission de la lettre stand-by par la Société Générale et répète qu'il n'a pas eu connaissance de la contre-garantie d'Oséo pour un montant correspondant à 60 % du montant de la lettre stand-by, cette information ne lui ayant été révélée par la banque qu'en février 2009. Il affirme qu'il n'aurait en aucun cas accepté d'augmenter le montant de sa caution personnelle dès lors que la banque était contre-garantie par Oséo à hauteur de 60% et voyait alors son ratio de couverture passer de 1,5 à 2. Il prétend que l'existence de cette contre-garantie Oséo était bien déterminante de son engagement de se porter caution à hauteur de 455 000 euros. Il estime que son consentement à l'acte de cautionnement a été vicié du fait de l'erreur portant sur l'étendue des autres garanties fournies au créancier.

La Société générale répond que M. [O] avait connaissance de l'existence de la contre-garantie Oséo et qu'en tout état de cause il a accepté de se porter caution personnelle dans la mesure où la caution bancaire initiale d'un montant de 700 000 euros était arrivée à son terme le 30 juin 2008 et la société Ifrachimie risquait de se trouver en défaut de couverture vis-à-vis de son fournisseur KLK. La banque affirme que l'existence des garanties, qu'elle soit connue ou pas, n'était pas de nature à influencer le consentement de M. [O], qui de toute évidence aurait accepté de se porter caution afin de pouvoir obtenir la lettre de crédit stand-by pour la société Ifrachimie.

Conformément à l'article 1110, l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet. Elle doit ainsi porter sur la substance de l'engagement dont il est soutenu qu'il a été vicié et avoir été déterminante de celui-ci.

Comme cela a déjà été indiqué ci-dessus, à la date de la signature par M. [O] de son engagement de caution, il n'est pas démontré que la garantie Oséo avait été mise en place. En tout état de cause, M. [O] n'établit pas que l'existence ou non de cette garantie à la date de signature de l'engagement de caution était déterminante de son consentement de se porter caution à hauteur de 455 000 euros alors qu'il s'était précédemment engagé à hauteur a minima de 300 000 euros voire de 455 000 euros selon ses propres écritures. Par ailleurs, il était parfaitement informé de l'existence des autres garanties fournies à la banque puisqu'il a lui-même signé le 10 septembre 2009, en tant que représentant de la société Ifrachimie, un gage de compte d'instruments financiers et l'affectation en gage d'un stock de marchandises Auxiga, et à titre personnel, un engagement de blocage de son compte courant d'associé et une promesse de nantissement de compte bloqué et ne pouvait ignorer la signature le même jour par Mme [O] d'engagements similaires.

Aucune erreur ayant vicié le consentement de M. [O] n'est établie. Ce moyen est rejeté.

- sur la violence

Enfin, M. [O] prétend que la banque a sciemment fait traîner les discussions tout le mois d'août, alors que, dès juin 2008, les parties s'étaient entendues sur les termes de l'émission et de la couverture d'une nouvelle lettre de crédit stand-by et qu'ainsi au mois de septembre 2008, l'activité de la société Ifrachimie était gravement compromise du fait de la non livraison de ses matières premières qui ne pouvait intervenir qu'après émission d'une nouvelle lettre de crédit stand-by par la Société générale. Il affirme que cette dernière s'est servie de cette nécessité économique pour pousser la société Ifrachimie à revoir le montant de la lettre de crédit stand-by à la baisse et pour augmenter sa caution personnelle en sorte que son consentement a été vicié du fait de la violence exercée par la Société générale de par la contrainte économique qu'elle a fait peser sur la société Ifrachimie et sur lui-même.

La banque répond que la menace économique dont fait état M. [O] n'émane nullement d'elle-même mais du fournisseur allemand KLK. Elle ajoute qu'au surplus elle n'a aucunement imposé des conditions anormales en sollicitant la signature d'un acte de cautionnement par M. [O], mais a simplement exigé des garanties compte tenu de la situation financière fragile de la société Ifrachimie et du montant du concours sollicité. Elle estime que ce moyen ne peut qu'être écarté.

Seule l'exploitation abusive d'une situation de dépendance économique, faite pour tirer profit de la crainte d'un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne, peut vicier de violence le consentement à l'acte juridique.

En l'espèce, M. [O] ne justifie nullement que la banque ait sciemment fait traîner les négociations pour le contraindre à porter son engagement de caution à hauteur de 455 000 euros, étant observé que le précédent cautionnement pour garantir la caution bancaire initiale de 700 000 euros qui arrivait à échéance fin juin 2008 avait été consenti par M. [O] à hauteur de 300 000 euros (ou 455 000 euros). Il n'est nullement démontré par l'appelant que la banque ait exploité de manière abusive la situation de dépendance économique de la société Ifrachimie pour le contraindre à signer un cautionnement à hauteur de 455 000 euros. Ce moyen ne sera pas retenu.

Aucun vice du cautionnement n'affecte la validité de l'acte. La décision sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de nullité du cautionnement.

3) sur la responsabilité de la banque

M. [O] soutient que la banque au moment et avant la signature du cautionnement ne l'a jamais informé qu'elle avait déjà obtenu d'Oséo une garantie de 60 % du montant de la lettre de crédit stand-by et, postérieurement à la signature de son cautionnement, lui a dissimulé la contre-garantie Oséo. Il répète que l'absence d'information de l'existence de la garantie Oséo a été déterminante pour lui dans l'acceptation de se porter caution personnelle à hauteur de 455 000 euros. Il prétend que la banque a été défaillante dans son obligation d'information envers la caution et qu'elle a fait preuve d'une déloyauté contractuelle patente en lui cachant délibérément des informations essentielles et déterminantes de son engagement qui, s'il les avaient connues, l'auraient dissuadé de se porter caution ou du moins pour des montants très inférieurs. Il soutient que cette faute de la banque lui a causé un préjudice qui s'analyse en une perte de chance d'obtenir, dans le cadre d'une négociation, une réduction d'une partie substantielle de son engagement.

La Société générale répond que M. [O] avait parfaitement connaissance de l'existence de la garantie Oséo tel que cela résulte des courriels échangés et de la médiation sollicitée. Elle se défend de toute faute de sa part et conteste le préjudice allégué par M. [O].

Comme déjà retenu ci-dessus aux paragraphes relatifs au dol et à l'erreur, il n'est pas démontré par M. [O] que la Société générale ne l'aurait pas informé de l'existence ou non de la garantie Oséo de 60 % à la date de signature de son engagement et le comportement déloyal de la banque n'est pas prouvé. En tout état de cause, rien ne permet d'établir que l'absence d'information sur l'existence de cette garantie a été déterminante du consentement de M. [O] de se porter caution à hauteur de 455 000 euros. En outre, M. [O] ne peut sérieusement soutenir qu'il a perdu une chance d'obtenir dans le cadre d'une négociation une réduction substantielle de son engagement de caution alors qu'il était précédemment engagé a minima à hauteur de 300 000 euros pour une lettre de crédit de 700 000 euros et que son nouvel engagement était porté à 455 000 euros, pour un principal de 350 000 euros, en garantie d'une lettre de crédit de 1 700 000 euros.

Il n'est donc pas fondé à rechercher la responsabilité de la banque. C'est donc à juste titre que le tribunal a rejeté sa demande formée à ce titre.

4) sur la déchéance de la banque des pénalités ou intérêts de retard conformément aux dispositions de l'article L. 341-6 du code de la consommation

Le tribunal a fait droit à cette demande de M. [O] et limité sa condamnation à la somme de 350 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 août 2010 date de la mise en demeure. La Société générale ne conteste pas la décision du tribunal sur ce point en sorte qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance des intérêts.

PAR CES MOTIFS,

la cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déclare les demandes de M. [C] [O] relatives à la résidence principale protégée par la garantie Oséo et à la disproportion de son engagement de caution recevables,

Déboute M. [C] [O] de ses demandes relatives à l'exclusion de sa résidence principale du patrimoine visé à l'article L. 341-4 du code de la consommation et à la disproportion manifeste de son engagement de caution

Condamne M. [C] [O] aux dépens de la procédure d'appel,

Condamne M. [C] [O] à payer à la Société générale la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 19/02881
Date de la décision : 14/01/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 13, arrêt n°19/02881 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-14;19.02881 ?
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