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14/01/2020 | FRANCE | N°19/01404

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 14 janvier 2020, 19/01404


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 53I



13e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 JANVIER 2020



N° RG 19/01404 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TAAS



AFFAIRE :



[B] [X]





C/





CRCAM CENTRE OUEST RE OUEST









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Février 2019 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2017F0

1498







Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 14.01.2020





à :





Me Christophe DEBRAY



Me Céline RANJARD-NORMAND



TC de NANTERRE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATORZE JANVIER DEUX MILLE VIN...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53I

13e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 JANVIER 2020

N° RG 19/01404 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TAAS

AFFAIRE :

[B] [X]

C/

CRCAM CENTRE OUEST RE OUEST

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Février 2019 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2017F01498

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 14.01.2020

à :

Me Christophe DEBRAY

Me Céline RANJARD-NORMAND

TC de NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE JANVIER DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [B] [X]

né le [Date naissance 2] 1938 à [Localité 12] (92) de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représenté par Maître Christophe DEBRAY, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 19088 et par Maître Philippe CLERC, avocat plaidant au barreau de LIMOGES

APPELANT

****************

CRCAM CENTRE OUEST RE OUEST

N° SIRET : 391 00 7 4 57

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Maître Céline RANJARD-NORMAND, avocat postulant au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 136 - N° du dossier 17188-28 et par Maître Frédéric OLIVE, avocat plaidant au barreau de LIMOGES substitué par Maître Julie DELORME, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Novembre 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN,

La SARL Neo Retro dont le gérant était M. [B] [X] avait pour activité l'achat et la vente de pièces destinées à tous objets anciens ou de collection et plus spécialement aux véhicules, la rénovation et la restauration desdits objets.

Par acte sous-seing privé du 7 août 2012, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Centre Ouest (la CRCAM) a consenti à la société Neo Retro un prêt 00084376174 d'un montant en principal de 297 500 euros, d'une durée de 120 mois et à un taux d'intérêt variable, de 3,714 % à l'origine, ce financement ayant pour objet 'la consolidation des lignes court terme' de la société.

M. [X] s'est engagé au même acte en qualité de caution solidaire, dans la limite de 386 750 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, pour une durée de 144 mois.

Par jugement du tribunal de commerce de Limoges du 18 décembre 2013, une procédure de sauvegarde a été ouverte à l'égard de la société Neo Retro. Par lettre recommandée du 30 décembre 2013, la CRCAM a régulièrement déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire à hauteur de la somme de 319 518,66 euros au titre du prêt précité, déclaration qu'elle a rectifiée par lettre recommandée du 28 février 2014 à hauteur de la somme de 275 344,76 euros en précisant que contrairement à ce qui avait été précédemment indiqué, le prêt ne présentait aucun retard au jour de la mise en sauvegarde de la société.

Par jugement du tribunal de commerce du 22 nars 2017, la liquidation judiciaire de la société Neo Retro a été ordonnée sur résolution du plan de sauvegarde précédemment adopté.

Par lettre recommandée du 27 mars 2017, la CRCAM a mis en demeure M. [X], en sa qualité de caution, de s'acquitter de la somme totale de 312 458,35 euros.

Par jugement contradictoire assorti de l'exécution provisoire du 6 février 2019, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- condamné M. [X] à payer à la CRCAM la somme de 312 458,35 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2017, dans la limite de 386 750 euros ;

- débouté M. [X] de sa demande de dommages et intérêts ;

- condamné M. [X] à payer à la CRCAM la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [X] a interjeté appel de cette décision le 27 février 2019.

Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 13 mai 2019, il demande à la cour de :

- dire son appel recevable et bien fondé ;

- réformer le jugement en toutes ses dispositions ;

A titre principal,

- dire nul et de nul effet en raison des vices du consentement constatés et en l'absence de l'épouse commune en biens, l'acte sous seing privé passé entre les parties le 7 août 2012 ;

- débouter la CRCAM du centre ouest de toutes ses demandes ;

En toute hypothèse,

- dire et juger qu'il n'est pas tenu de cautionner quelque engagement que ce soit de la société Neo Retro en liquidation judiciaire, compte tenu notamment du soutien abusif ainsi que du défaut d'information et de conseil dont la banque s'est rendue responsable à son égard ;

- la débouter de toutes ses demandes ;

A titre subsidiaire,

- débouter la CRCAM du centre ouest de ses demandes pour irrégularité des conditions de souscription de son engagement de caution et du soutien abusif dont la société Neo retro a été victime, avant d'être brutalement privée d'un quelconque concours bancaire ;

- débouter la CRCAM du centre ouest de toutes ses demandes;

Subsidiairement et dans l'hypothèse où le principe de la réclamation de l'intimé serait accueilli,

- dire n'y avoir lieu à intérêts conventionnels, compte tenu des explications qui précédent ;

- dire et juger en toute hypothèse que la somme de 60 882,95 euros sauf à parfaire, viendra en diminution de la créance alléguée par la CRCAM ;

- en toute hypothèse, condamner cette dernière à lui payer une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice moral et financier subis outre 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la CRCAM du centre ouest en tous les dépens de première instance et d'appel.

Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 9 août 2019, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du centre ouest demande à la cour de :

- débouter M. [X] de toutes demandes ;

- condamner M. [X] en sa qualité de caution du prêt n° 00084376174 souscrit par la société Neo retro à lui verser la somme de 334 655,93 euros outre intérêts au taux légal à compter du 6 mai 2017 ;

- condamner M. [X] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonner l'exécution provisoire du jugement (sic) à intervenir ;

- condamner M. [X] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 octobre 2019.

Pour un plus ample exposé des prétentions des moyens et des parties, il est renvoyé à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Aucun moyen n'étant soulevé ou susceptible d'être relevé d'office, il convient de déclarer l'appel de M. [X] recevable.

Sur la nullité du cautionnement :

M. [X] expose que la banque a profité de la nécessité dans laquelle se trouvait la société dont il était le gérant pour obtenir son engagement en qualité de caution à des conditions 'manifestement léonines' ; que son épouse n'a pas été attraite à la signature de l'acte critiqué alors même qu'ils sont mariés sous le régime de la communauté, en méconnaissance des termes de l'article 1415 du code civil, ce qui 'impacte directement la validité du contrat de cautionnement'. Il ajoute que les conditions financières faites à la société Neo retro sont particulièrement excessives et que 'des interrogations légitimes sont nourries quant à l'information qui lui a été donnée', celui-ci soutenant que son consentement n'était pas libre, qu'aucune précision n'est donnée sur sa situation à la date de la souscription et qu'ainsi sont ignorées la situation comptable et financière de la société Neo retro ainsi que sa propre situation financière alors qu'en 2012 il était âgé de 74 ans, titulaire d'une carte d'invalidité et n'avait pour seul revenu que sa pension de retraite d'un montant de 50 132 euros et ayant à sa charge son épouse, gravement malade ; qu'ainsi les conditions dans lesquelles l'engagement de caution a été obtenu sont tout à fait irrégulières, la banque ayant par un soutien manifestement abusif, tant lors de la signature du prêt que lors de son exécution par la mise à la disposition d'une société insolvable d'une somme de près de 300 000 euros, contribué purement et simplement à sa perte; qu'en effet la banque n'ignorait pas que la société dont elle venait de réduire les concours au mois d'avril 2012 n'avait pas d'autre possibilité que d'en solliciter de nouveaux comme en témoignent les courriers très explicites du 3 avril 2012, l'appelant relevant l'importance des sommes prêtées à la société au regard de sa surface financière et affirmant que la banque 'a fait lourdement pression' sur lui. Il ajoute que nonobstant les documents qu'il a remplis il n'a pu être assuré, que sa situation financière comme celle de son épouse n'ont eu de cesse de se dégrader comme en témoignent leurs déclarations de revenus pour 2017 et que la cour 'devra en tirer les conséquences qui s'imposent', sachant que le Crédit agricole savait pertinemment que le chiffre d'affaires de la société n'a cessé de baisser au cours 'des dernières années et que si le bilan était présentable, c'est à raison du poids des stocks et du soutien de la banque uniquement' qui du jour au lendemain, 'a coupé les vivres' à la société, ce qui l'a impactée directement ainsi que la caution qui relève qu'à la date de son engagement elle 'ne disposait pas de patrimoine immobilier conséquent'. M. [X] en conclut que la banque qui a agi en toute connaissance de cause et imprudemment doit en supporter les conséquences et qu'elle sera par conséquent déboutée de toutes ses demandes, celui-ci rappelant enfin 'pour mémoire' l'article L.341-4 ancien du code de la consommation devenu l'article L.332-1 qui prévoit que le créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

La CRCAM fait valoir qu'à supposer exacte la situation matrimoniale de M. [X], l'intervention de son épouse n'était pas requise, l'intimée observant qu'elle se privait seulement, au visa des dispositions de l'article 1415 du code civil, de la possibilité de poursuivre l'exécution sur les biens de la communauté. Elle expose que M. [X] qui ne s'explique guère sur le caractère léonin de son engagement de caution était le gérant de la société Neo retro, qu'en cette qualité il a signé le contrat de prêt et qu'en sa qualité de caution il a déclaré avoir pris connaissance des conditions financières, particulières et générales, de ce contrat et en connaître les obligations, ce qui met à néant l'argument relatif à une information insuffisante de la caution ; que les conditions dans lesquelles le prêt litigieux a été consenti sont 'quelque peu différentes de celles mises en avant par M. [X]', que la réduction progressive des concours s'inscrivait dans une démarche manifestement négociée avec la société Neo retro et que le prêt litigieux est intervenu au sortir d'une médiation avec la Banque de France et de la demande de concours formulée à cette occasion par la société Neo retro qui a alors présenté une capacité d'auto financement prévisionnel ; que M. [X] auquel incombe la preuve du vice du consentement, n'établit ni erreur, ni violence, ni dol ; qu'il ne s'explique pas sur le caractère excessif du prêt accordé à la société dont il était le gérant et que si le montant de son cautionnement excédait celui du capital cautionné, c'était pour qu'il couvre non seulement le capital mais aussi les intérêts ; que la disproportion du cautionnement que M. [X] tente d'alléguer et dont la preuve lui incombe ne permet de retenir ni la nullité de l'engagement ni la responsabilité du dispensateur de crédit mais uniquement de prétendre à la déchéance du droit de poursuite du créancier ; que M. [X] qui n'a produit aucune pièce à ce titre devant le tribunal n'en apporte pas davantage la preuve en appel par les pièces qu'il verse aux débats, l'intimée soulignant que la situation de la caution ne s'apprécie pas au regard de ses seuls revenus mais au regard de l'ensemble de son patrimoine ; qu'il se contente à cet égard d'affirmer que sa situation était lourdement impactée par diverses dettes.

À l'appui de sa demande de nullité, M. [X] qui justifie par la production d'un extrait de son acte de mariage qu'il s'est marié le [Date décès 1] 1959 sans contrat de mariage, invoque les dispositions de l'article 1415 du code civil qui dispose que chacun des époux, mariés sous le régime de la communauté légale, ne peut engager que ses biens propres et ses revenus par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres.

Il est exact qu'en l'espèce, l'épouse de M. [X] n'a pas consenti au cautionnement de ce dernier.

Cependant le consentement exprès du conjoint donné conformément à l'article 1415 du code civil détermine simplement le gage des créanciers et en son absence, la validité du contrat de cautionnement ou de prêt n'en est pas affectée. La demande de nullité ne peut être accueillie de ce chef.

M. [X], s'il conclut dans le dispositif de ses écritures à la nullité 'de l'acte sous-seing privé du 7 août 2012 à raison des vices du consentement constatés', ne développe cependant à cet égard aucun moyen précis. Il se déduit du défaut d'information qu'il reproche à la CRCAM en indiquant que 'son consentement n'était pas libre' qu'il allègue la réticence dolosive, ses conclusions ne développant aucun moyen caractérisant l'erreur.

Selon l'article 1109 ancien du code civil applicable au cautionnement de M. [X] souscrit antérieurement au 1er octobre 2016, il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur, ou s'il a été surpris par dol.

L'article 1116 dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé et exige, en outre, la preuve de l'intention de tromper son cocontractant. Aux manoeuvres sont assimilés le mensonge et la réticence destinés à provoquer une erreur de nature à vicier le consentement du cocontractant.

Le seul défaut d'information de la caution, lequel au demeurant n'est pas démontré, ne peut constituer une réticence dolosive en l'absence de toute démonstration de l'intention de la banque de tromper la caution. M. [X] a d'ailleurs contracté cet engagement de caution au même acte que le prêt 00084376174 qui en définissait les conditions financières et particulières dont son montant, sa durée et le taux ; il est mentionné en préalable de la mention manuscrite que M. [X] ne conteste pas avoir remplie et signée à propos du prêt dont la référence est également rappelée en préalable, que 'la caution déclare avoir pris connaissance des conditions financières, particulières et générales du présent contrat et connaître parfaitement les obligations qui en découlent'. S'agissant de la situation financière de la société emprunteuse, M. [X] qui en était le dirigeant en était parfaitement informé, la lettre qu'il a adressée au nom de la société Neo retro à la CRCAM le 11 mars 2012, dans laquelle il évoque notamment le prévisionnel de trésorerie de la société pour l'année 2012, en témoignant.

En outre, si M. [X] expose que nonobstant les documents qu'il a remplis il n'a pu être assuré dans le cadre du prêt consenti à la société Neo retro, il ressort des pièces qu'il communique et en particulier du courrier du 13 août 2012 que lui a adressé la société chargée d'instruire sa demande d'assurance, qu'après l'envoi du questionnaire qu'il a rempli le 18 mai 2012, il lui a été demandé un complément d'information mais que malgré une lettre de relance du 23 juillet 2012, cette société n'a pas reçu ces éléments, celle-ci l'informant qu'il n'était donc pas assuré pour cette 'opération' tout en lui laissant 'l'initiative éventuelle' de transmettre les pièces demandées, ce que M. [X] ne justifie pas avoir fait. L'appelant ne développe pas d'autre moyen et argument à cet égard.

Enfin, si M. [X] allègue que la banque aurait 'lourdement fait pression' sur lui, il n'en justifie pas alors même qu'il ressort des courriers qu'il verse aux débats que l'accord de financement est intervenu suite aux négociations entreprises entre les parties lorsque la banque a fait part à la société Neo retro de sa décision de réduire progressivement les 'lignes court terme' consenties à la société et notamment du court terme de trésorerie en en réduisant le plafond de 200 000 euros à 175 000 euros, crédit pour lequel M. [X] était déjà caution solidaire (lettre du 3 avril 2012 de la banque communiquée par l'appelant). Ce dernier, par courrier du 11 mars 2012, avait sollicité de la banque qu'elle revienne sur sa décision ou qu'elle la diffère jusqu'au 31 décembre 2013 ou qu'elle envisage la transformation de ce financement en crédit à moyen terme 'plus en rapport avec son objet et avec les capacités financières de l'entreprise' et c'est à la suite de la médiation de la Banque de France que la CRCAM a effectué, par courrier du 1er juin 2012 également communiqué par l'appelant, la proposition de financement qui a donné lieu au prêt en garantie duquel M. [X] s'est porté caution et dont l'objet était, comme indiqué dès cette lettre, la 'consolidation des lignes court terme actuellement consenties à la société Neo retro et à sa filiale pour les montants suivants : ouverture de crédit de 90 000 euros, court terme financement du stock 200 000 euros pour Neo retro et ouverture de crédit de 7 500 euros pour Station 50.'Dans un tel contexte, aucune contrainte ou violence morale ne peut être sérieusement retenue.

Aucun vice du consentement n'est établi par M. [X] pouvant justifier l'annulation de son engagement de caution.

Il convient de souligner que le soutien abusif que M. [X] reproche à la banque à l'égard de la société Neo retro qu'il dirigeait, même à le supposer établi, ne saurait justifier le rejet de la demande en paiement de la CRCAM et l'annulation du contrat de crédit ; elle ne pourrait donner lieu qu'à l'octroi de dommages-intérêts, demande qu'il ne formule pas à ce titre puisque d'après les motifs de ses écritures, sa demande indemnitaire à hauteur de 15 000 euros est formulée à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Il n'y a donc pas lieu d'examiner si les conditions d'un soutien abusif de la société Neo retro sont réunies.

S'agissant du manquement au devoir de conseil évoqué dans le dispositif des écritures de M. [X], il convient de rappeler que le banquier qui a interdiction de s'immiscer dans les affaires de son client pour apprécier le caractère opportun des opérations auxquelles il procède n'est pas tenu d'un devoir de conseil sauf s'il en a pris l'engagement contractuel.

Tel n'est pas le cas en l'espèce et aucun manquement de ce chef ne peut donc être retenu à l'encontre de la CRCAM.

M. [X] évoque enfin 'pour mémoire', à la fin des motifs de ses écritures relatifs à la nullité de son engagement, la disproportion manifeste du cautionnement qu'il a consenti. Or la sanction du caractère manifestement disproportionné d'un engagement de caution n'est pas sa nullité. La disproportion manifeste a pour conséquence que la banque qui a sollicité cette garantie ne peut plus s'en prévaloir, ce qui n'est n'est pas expressément soutenu par M. [X] qui conclut simplement au débouté de la CRCAM.

En tout état de cause, s'il résulte des dispositions de l'article L 341-4 ancien du code de la consommation, reprises aux articles L 332-1 et L 343-4 du même code, qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation, la preuve de la disproportion manifeste incombe à la caution.

En l'espèce, il n'est pas fait état d'une fiche de renseignements que M. [X] aurait remplie préalablement à son engagement.

M. [X] fait état de sa situation personnelle, de ses revenus limités à sa pension de retraite et de la grave maladie de son épouse qui était à sa charge en affirmant qu'à la date de la souscription de son engagement il ne disposait pas d'un patrimoine immobilier conséquent. S'il est constant qu'à la date à laquelle il a signé son engagement de caution il était âgé de 74 ans et ne déclarait qu'une pension de retraite d'un montant annuel de 49 755 euros en 2011 et de 50 132 euros, son épouse n'ayant déclaré qu'un revenu annuel imposable de 3 422 euros en 2011 et de 3 472 euros en 2012, il ne verse pas aux débats d'autres éléments que ses avis d'imposition 2012 et déclaration de revenus de l'année 2012. Il ne communique notamment aucun élément pour justifier de la valeur de son patrimoine immobilier, M. [X] ayant coché la case ' propriétaire' dans sa déclaration de revenus 2012 et de son patrimoine mobilier alors même que cette même déclaration de revenus mentionne au titre des produits de contrats d'assurance-vie et de capitalisation un revenu annuel de 5 350 euros.

Dans ces conditions M. [X] ne démontre pas la disproportion manifeste de son cautionnement au regard de ses biens et revenus.

Il sera débouté de ses demandes tendant à l'annulation de son engagement de caution et au débouté de la CRCAM.

Sur le montant des condamnations :

M. [X] soutient que la banque n'est pas à même de justifier de la créance alléguée en faisant état des sommes différentes dont le paiement a été réclamé, en particulier dans la mise en demeure et l'assignation, celui-ci soutenant que tant d'imprécisions justifient le rejet des demandes en paiement. Il fait valoir subsidiairement qu'il ressort du rapport d'expertise établi par le conseil financier qu'il a consulté que la banque, à raison des irrégularités commises dans le calcul du taux effectif global qui n'a pas pris en compte les frais d'information annuelle de la caution, doit être privée de l'intérêt conventionnel auquel se substitue l'intérêt au taux légal et que ces irrégularités ne permettent pas à l'intimée, si le principe de sa réclamation est admis, de réclamer davantage que 1 257,29 euros au lieu des 61 137,04 euros prétendument dus au titre des intérêts contractuels.

La CRCAM qui observe qu'elle produit un décompte qui n'est pas contesté explique que l'évolution de sa créance entre la lettre de mise en demeure et l'assignation tient d'une part aux intérêts échus et d'autre part au fait qu'a été réclamée lors de l'assignation la clause pénale prévue au contrat de prêt.

S'agissant du TEG, la banque soutient que le rapport communiqué par l'appelant qui se livre à des calculs difficilement compréhensibles ne saurait être considéré comme probant dans la mesure où il s'agit d'une analyse mathématique non contradictoire, établie par un expert privé; qu'en tout état de cause, même à retenir ce rapport, la déchéance des intérêts ne serait pas acquise puisque l'erreur dans le calcul du taux effectif global serait seulement de 0,029 %, l'exigence de précision d'au moins une décimale résultant de l'article L 312-2 ancien du code de la consommation étant manifestement remplie. L'intimée expose enfin et 'surtout' que l'exception de nullité soulevée par M. [X] est prescrite, celle-ci faisant valoir que la prescription de l'action et de l'exception de nullité d'une stipulation d'intérêt figurant dans un acte ayant reçu un commencement d'exécution court à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur dès lors que l'examen de sa teneur permettait de constater celle-ci et que la nullité de la stipulation d'intérêt a été soulevée par des conclusions bien postérieures au 7 août 2017.

S'agissant du montant de la somme dont le paiement a été réclamé par l'assignation du 23 août 2017, la banque qui ne justifie pas de l'admission totale de sa créance au passif par une décision ayant autorité de chose jugée produit sous sa pièce 10 un décompte détaillé à hauteur de la somme de 334 655,93 euros qui correspond, en principal et intérêts de retard, à la somme de 312 458,35 euros, objet de la mise en demeure du 27 mars 2017, à laquelle ont été ajoutés les intérêts calculés du 22 mars 2017 au 5 mai 2017 à hauteur de 325,58 euros puis, à hauteur de 12 368,27 euros, l'indemnité forfaitaire de 7 % calculée sur le montant des sommes exigibles conformément aux dispositions contractuelles. La banque, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, justifie ainsi suffisamment de l'écart entre les sommes de 312 542,77 euros et de 334 655,93 euros ; aucune imprécision ne peut ainsi lui être reprochée, étant observé que la lettre du 11 mai 2017 évoquée par l'appelant dans ses écritures ne correspond pas à la créance de la CRCAM mais à une autre créance dont le paiement a été réclamé par la Société générale.

S'agissant du taux d'intérêt contractuel, l'exception de nullité ne peut être soulevée, au delà du délai de prescription quinquennale prévu par l'article 1304 du code civil dans sa rédaction applicable au présent litige, que pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté. Ce principe s'applique à la caution qui oppose au créancier l'exception relative à la nullité de l'intérêt de l'emprunt dont son cautionnement garantit le remboursement.

La prescription de l'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel engagée par un emprunteur qui a obtenu un concours financier pour les besoins de son activité professionnelle court, de même que l'exception de nullité d'une telle stipulation contenue dans un acte de prêt ayant reçu un commencement d'exécution, à compter du jour où il aurait dû connaître le vice affectant le taux effectif global. Le point de départ de cette prescription est, s'agissant d'un prêt, la date de la convention. Cette prescription s'applique à la caution qui a la faculté d'opposer au créancier les exceptions qui, telle la nullité de la stipulation d'intérêts, sont inhérentes à la dette et son point de départ est la date à laquelle elle a eu connaissance du taux effectif global applicable à l'emprunt qu'elle a cautionné.

En l'espèce, M. [X] s'est porté caution au même acte que l'acte de prêt du 7 août 2012 et il a eu connaissance dès cette date du taux effectif global et du fait que n'y étaient intégrés que les frais de dossier d'un montant de 450 euros, aucun autre frais n'étant visé au contrat. Ce prêt a été exécuté par la société qui a souscrit cet emprunt et dont M. [X] était le dirigeant.

Ce n'est que par conclusions déposées à l'audience du 5 décembre 2017 devant le tribunal de commerce que M. [X] a opposé à la CRCAM l'exception tenant à l'irrégularité prétendue du calcul du taux effectif global et par conséquent il est irrecevable à contester, même par voie d'exception, le taux d'intérêt contractuel du contrat de prêt qui a été exécuté.

Il convient, infirmant le jugement, de condamner M. [B] [X] à payer à la CRCAM la somme de 334 655,93 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 mai 2017, les intérêts calculés dans le dernier décompte de la banque, postérieurement à la mise en demeure adressée à la caution, étant arrêtés au 5 mai 2017. Il conviendra de préciser que la condamnation est prononcée dans la limite de l'engagement de caution de M. [X], à hauteur de la somme totale de 386 750 euros en principal, intérêts et frais.

Sur les dommages-intérêts sollicités par M. [X] :

M. [X] ne sollicite des dommages-intérêts à l'encontre de la banque intimée que pour procédure abusive. Dès lors que la demande en paiement de l'intimée a été accueillie, la demande indemnitaire de l'appelant ne peut qu'être rejetée.

Sur l'exécution provisoire :

Le pourvoi en cassation n'ayant pas d'effet suspensif, il convient de débouter la CRCAM de sa demande aux fins d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt contradictoire

Dit recevable l'appel de M. [B] [X],

Infirme le jugement du 6 février 2019 en ce qu'il a condamné M. [X] à payer à la CRCAM du centre ouest la somme de 312 458,35 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2017, dans la limite de 386 750 euros,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne M. [B] [X] à payer à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel du centre ouest la somme de 334 655,93 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 mai 2017, dans la limite de la somme de 386 750 euros,

Confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute M. [X] de sa demande de nullité de son engagement de caution,

Dit M. [X] irrecevable en sa demande relative au taux effectif global du contrat de prêt,

Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire,

Condamne M. [B] [X] à payer à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel du centre ouest la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [B] [X] aux dépens de la procédure d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 19/01404
Date de la décision : 14/01/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 13, arrêt n°19/01404 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-14;19.01404 ?
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