La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/12/2019 | FRANCE | N°18/02592

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 18 décembre 2019, 18/02592


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80C



15e chambre



ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE





DU 18 DÉCEMBRE 2019





N° RG 18/02592



N° Portalis DBV3-V-B7C-SN7T





AFFAIRE :





[A] [J]





C/





SA SOFRABRICK









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Octobre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritair

e de MONTMORENCY

Section : Industrie

N° RG : 10/00142





Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





Me Nadia TIAR



Gwenaëlle VAUTRIN





le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX HUIT DÉCEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,



La cour d'appel de VERSA...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 18 DÉCEMBRE 2019

N° RG 18/02592

N° Portalis DBV3-V-B7C-SN7T

AFFAIRE :

[A] [J]

C/

SA SOFRABRICK

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Octobre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

Section : Industrie

N° RG : 10/00142

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Nadia TIAR

Gwenaëlle VAUTRIN

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX HUIT DÉCEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 04 décembre 2019 puis prorogé au 18 décembre 2019, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [A] [J]

né le [Date naissance 1] 1975 au MALI, de nationalité malienne

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Nadia TIAR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0513

APPELANT

****************

SA SOFRABRICK

N° SIRET : 384 420 220

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Gwenaëlle VAUTRIN de la SCP VAUBAN, avocat au barreau de COMPIÈGNE

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 octobre 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Régine CAPRA, Présidente chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Maryse LESAULT, Présidente,

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Nathalie MULOT,

FAITS ET PROCÉDURE,

M. [A] [J] a été engagé à compter du 14 août 2006 par la société Sofrabrick en qualité d'opérateur de fabrication, catégorie ouvrier, moyennant un salaire mensuel brut de base de 1 254,31 euros.

Les relations entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des industries alimentaires diverses.

La relation contractuelle a pris fin le 3 juillet 2007.

La société Sofrabrick, qui emploie au total environ 95 salariés, est une entreprise spécialisée dans la fabrication et la commercialisation des pâtes traditionnelles brick et filo. Elle doit, pour être référencée au Beth Din de Paris par le consistoire de Paris et pouvoir ainsi apposer l'estampille 'casher' sur ses produits, respecter les règles essentielles du judaïsme, dont l'interdiction de travailler ou de faire travailler les samedis ainsi que durant les fêtes juives.

M. [J] a saisi le 6 février 2010 le conseil de prud'hommes de Montmorency aux fins d'obtenir, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, qu'il soit jugé qu'il avait droit à cinq semaines de congés payés par an sans fractionnement et que la société Sofrabrick soit condamnée à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour privation de congés payés (5 semaines), outre intérêts au taux légal, et la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 26 avril 2012, M. [A] [J] a demandé au conseil de prud'hommes de condamner la société Sofrabrick, avec exécution provisoire, à lui payer les sommes suivantes :

- 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour privation du congé annuel légal,

- 912 euros à titre d'indemnité pour privation des jours de congé supplémentaires de fractionnement,

- 7 500 euros pour rupture abusive du contrat de travail,

- 1 254,31 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- les intérêts au taux légal des sommes allouées.

La société Sofrabrick, faisant valoir que les demandes de M. [A] [J] sont prescrites et qu'en outre le reçu pour solde de tout compte qu'il a signé est libératoire à défaut d'avoir été dénoncé dans le délai de six mois, a opposé au salarié l'irrecevabilité de ses demandes et sollicité subsidiairement leur rejet. Elle a sollicité en outre la condamnation de M. [A] [J] à lui payer la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que la somme de 1 000 euros en application de l'article 31-1 du code de procédure civile.

L'affaire a été débattue à l'audience du 12 février 2013.

Par jugement du 15 octobre 2013, le conseil de prud'hommes de Montmorency a :

- déclaré le concluant bien fondé et recevable devant le conseil,

- condamné la société Sofrabrick à payer à M. [A] [J] :

-912 euros à titre de dommages et intérêts pour privation des 2 jours de congés supplémentaires de fractionnement,

- 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les intérêts moratoires dus sur les créances de nature salariale visées à l'article R1454-14 du code du travail courent à compter de la convocation du défendeur devant le bureau de conciliation,

- fixé le point de départ des intérêts des créances indemnitaires à la date du prononcé du jugement,

- débouté M. [A] [J] du surplus de ses demandes,

- mis les dépens à la charge de la société Sofrabrick.

Par déclaration au greffe du 15 novembre 2013, M. [A] [J] a interjeté appel des dispositions du jugement l'ayant débouté de ses demandes.

Par ordonnance du 27 mars 2018, l'affaire a été radiée du rôle de la cour. Elle a été réinscrite au rôle sur demande de M. [A] [J] du 24 mai 2018.

M. [A] [J] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Sofrabrick à lui payer les sommes suivantes :

- 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour privation du congé annuel légal,

- 1 254,31 euros à titre d'indemnité pour privation des jours de congés supplémentaires de fractionnement,

- 7 500 euros pour rupture abusive du contrat de travail,

- 1 254,31 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- les intérêts au taux légal des sommes allouées avec capitalisation.

La société Sofrabrick demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ses dispositions qui lui sont défavorables, de le confirmer pour le surplus, de déclarer la demande d'indemnité pour privation de jours de congés supplémentaires de fractionnement de M. [A] [J] irrecevable comme prescrite et, subsidiairement, de la rejeter comme non fondée, de débouter l'intéressé de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION,

1- Sur la rupture du contrat de travail

M. [A] [J] soutient avoir été licencié sans lettre de licenciement tandis que la société Sofrabrick soutient que le salarié a démissionné de son emploi.

Il est établi que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception datée du 22 juin 2007, expédiée le 29 juin 2007, retournée par La Poste à l'expéditeur avec la mention 'n'habite pas à l'adresse indiquée', la société Sofrabrick a écrit à M. [A] [J] en ces termes :

'Force est de constater que depuis le 11 juin 2007, nous sommes restés sans nouvelles de votre part, suite à une demande de notre part d'un renouvellement de votre titre de séjour expiré depuis le 16 mars 2007.

Par conséquent nous vous mettons en demeure d'une part de régulariser votre situation auprès du service du personnel et d'autre part de reprendre votre poste dès réception de cette lettre.

Faute de non reprise et de régularisation, nous nous verrons dans l'obligation de prendre une sanction à votre encontre pouvant aller jusqu'au licenciement.'

Il est établi également que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 3 juillet 2007, M. [A] [J] a écrit à la société Sofrabrick en ces termes :

'A ce jour je fait plus parti de votre société depuis le 08/06/2007 pour cela j'aimerai passé au bureau récupéré mon solde tout compte'.

Il résulte enfin des pièces produites que la société Sofrabrick a établi alors un certificat de travail daté du 3 juillet 2007, mentionnant comme période d'emploi de M. [A] [J] la période du 14 août 2006 au 3 juillet 2007, également mentionnée sur le registre unique du personnel (page 6), une attestation Assedic datée du 3 juillet 2007, mentionnant comme motif de la rupture du contrat de travail la démission du salarié, un bulletin de salaire pour le mois de juin 2007 mentionnant une absence injustifiée du 11 au 22 juin, un bulletin de salaire pour la période du 1er au 3 juillet 2007 mentionnant une absence injustifiée du 25 juin au 3 juillet et un salaire net à payer de 657,30 euros payé par chèque du 31 juillet 2007 ainsi qu'un reçu pour solde de tout compte d'un montant de 657,30 euros daté du 31 juillet 2007, non signé par le salarié.

Il incombe à M. [A] [J], qui se prévaut d'un licenciement, d'en rapporter la preuve, ce qu'il ne fait pas.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris l'ayant débouté de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et de sa demande d'indemnité de préavis.

2- Sur la demande de dommages-intérêts pour privation du congé annuel légal

L'article L223-8 ancien du code du travail, applicable durant la relation de travail, dispose :

'Le congé payé ne dépassant pas douze jours ouvrables doit être continu. La durée des congés pouvant être pris en une seule fois ne peut excéder vingt-quatre jours ouvrables. Il peut être dérogé individuellement à cette disposition pour ceux des salariés qui justifient de contraintes géographiques particulières.

Le congé principal d'une durée supérieure à douze jours ouvrables et au plus égale à vingt-quatre jours ouvrables peut être fractionné par l'employeur avec l'agrément du salarié. Dans ce cas, une fraction doit être au moins de douze jours ouvrables continus compris entre deux jours de repos hebdomadaire.

Cette fraction doit être attribuée pendant la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année. Les jours restant dus peuvent être accordés en une ou plusieurs fois en dehors de cette période. Il est attribué deux jours ouvrables de congé supplémentaire lorsque le nombre de jours de congé pris en dehors de cette période est au moins égal à six et un seul lorsqu'il est compris entre trois et cinq jours. Les jours de congé principal dus en sus de vingt-quatre jours ouvrables ne sont pas pris en compte pour l'ouverture du droit à ce supplément.

Des dérogations peuvent être apportées aux dispositions de l'alinéa précèdent soit après accord individuel du salarié, soit par convention collective ou accord collectif d'établissement.

Lorsque le congé s'accompagne de la fermeture de l'établissement, le fractionnement peut être effectué par l'employeur sur avis conforme des délégués du personnel ou à défaut de délégués, avec l'agrément des salariés.'

La convention collective nationale des industries alimentaires diverses en vigueur jusqu'au 31 mai 2013, qui est mentionnée sur les bulletins de salaire et dont les articles 22 et 23 ont été annexées au projet de licenciement collectif pour motif économique soumis au comité d'entreprise pour information et consultation le 26 janvier 2010, prévoit que pour tout ce qui concerne les congés payés annuels, les parties signataires se réfèrent à la réglementation en vigueur. Il en est d'ailleurs de même de la convention collective nationale pour les industries de produits alimentaires élaborés invoquée par l'employeur.

Le contrat de travail du salarié stipule qu'il a droit à des congés payés selon les dispositions de la convention collective de produits alimentaires (sans autre précision) et que la société étant sous contrôle du consistoire israélite, les jours de fermeture exceptionnelle liés aux fêtes religieuses seront obligatoirement décomptés des congés payés.

Le jour de la fête de Yom Kippour est toutefois considéré par l'employeur comme un jour férié chômé et payé.

Les dates de fermeture de l'entreprise lors des autres fêtes religieuses ont été, durant la période d'emploi du 14 août 2006 au 3 juillet 2007, les suivantes :

En 2006,

- du samedi 23 au dimanche 24 septembre (Roch ha-chanah),

- du samedi 7 au dimanche 8 octobre (Soukkot),

- du samedi 14 au dimanche 15 octobre (Simhat Torah) ;

En 2007,

- du mardi 3 au mardi 10 avril (Pessah), période comportant le lundi de Pâques férié,

- du mercredi 23 mai au jeudi 24 mai (Chavouot) ;

Selon ses bulletins de salaire, dont les mentions ne sont pas contestées, M. [A] [J] :

- a acquis 20,80 jours ouvrés de congés payés du 14 août 2006 au 31 mai 2007 ;

- a été placé en congés payés rémunérés durant la fermeture de l'entreprise pour la fête de Pessah du mardi 3 avril au mardi 10 avril 2007 (étant précisé que le lundi de Pâques 9 avril 2007 était un jour férié), avec comptabilisation de 5 jours ouvrés de congés payés pris, ainsi que durant la fermeture de l'entreprise pour la fête de Chavouot du mercredi 23 mai au jeudi 24 mai 2007, sans toutefois que ces deux jours ouvrés aient été comptabilisés au titre des congés payés pris, de sorte qu'à son départ de l'entreprise, il était crédité de 15,80 jours ouvrés de congés payés à prendre au titre de la période du 14 août 2006 au 31 mai 2007 ;

- a été crédité de 4,16 jours ouvrés de congés payés acquis du 1er juin au 3 juillet 2007 ;

- a bénéficié d'une indemnité compensatrice de congés payés de 1 166,98 euros brut pour 19,96 jours ouvrés de congés payés lors de son départ de l'entreprise.

Le salarié fait valoir qu'il a été irrégulièrement privé par l'employeur de la possibilité de prendre un congé de 24 jours ouvrables continus entre le 31 mai et le 1er octobre.

Les congés payés acquis du 1er juin de l'année N-1 au 31 mai de l'année N doivent en principe être pris entre le 1er mai et le 31 octobre de l'année N et, à défaut, jusqu'au 30 avril de l'année N+1.

Le congé principal d'une durée supérieure à douze jours ouvrables et au plus égale à vingt-quatre jours ouvrables peut être fractionné par l'employeur, avec l'agrément du salarié, étant précisé que, dans ce cas, une fraction d'au moins de douze jours ouvrables continus compris entre deux jours de repos hebdomadaire doit être attribuée pendant la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année. En outre, lorsque le congé s'accompagne comme en l'espèce de la fermeture de l'établissement, le fractionnement ne peut être effectué par l'employeur que sur avis conforme des délégués du personnel dont l'entreprise est dotée.

La stipulation du contrat de travail selon laquelle la société étant sous contrôle du consistoire israélite, les jours de fermeture exceptionnelle liés aux fêtes religieuses seront obligatoirement décomptés des congés payés, qui n'énonce pas la liste de ces fêtes et leur durée, indépendamment de leur date qui varie chaque année, n'est pas suffisamment précise pour valoir agrément du salarié à tout fractionnement de son congé principal.

De plus, alors que le fractionnement du congé principal imposé au salarié du fait de la fermeture de l'entreprise lors des fêtes religieuses, ne pouvait être réalisé par l'employeur que sur avis conforme des délégués du personnel, dont la consultation en tant qu'institution représentative du personnel ne peut être éludée au motif que chaque salarié de l'entreprise, y compris les salariés titulaires d'un mandat électif, ont accepté, à titre individuel, aux termes de leur contrat de travail, que les jours de fermeture exceptionnelle liés aux fêtes religieuses seront obligatoirement décomptés des congés payés, la société Sofrabrick ne justifie pas d'un avis conforme exprès des délégués du personnel.

En revanche, le contrat de travail ayant été rompu le 3 juillet 2007, il ne peut être fait grief à la société Sofrabrick, qui reconnaissait à M. [A] [J] 15,80 jours ouvrés de congés payés acquis du 14 août 2006 au 31 mai 2007 et non pris, d'avoir privé celui-ci de la possibilité de bénéficier d'une fraction de congé annuel d'au moins douze jours ouvrables continus pendant la période du 1er mai au 31 octobre 2007.

Le préjudice subi par M. [A] [J] du fait du non-respect des dispositions légales relatives au fractionnement du congé principal n'étant pas caractérisé, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour privation du congé annuel légal.

3- Sur la prescription de l'action en paiement d'une indemnité pour privation de jours supplémentaires de congés pour fractionnement

La prescription quinquennale prévue à l'article L. 143-14 devenu l'article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, comme dans celle résultant de la loi antérieure, s'applique à toute action engagée à raison de sommes afférentes aux salaires due au titre du contrat de travail. Elle s'applique donc à l'action en paiement de sommes qui auraient dû être payées au titre des jours de congés supplémentaires de fractionnement, nonobstant le fait que la demande soit indemnitaire.

Le point de départ du délai de la prescription doit être fixé pour les jours de congés supplémentaires de fractionnement, à l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle ils auraient pu être pris.

Si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution du même contrat de travail. Il en résulte que dans ce cas la prescription est interrompue par la saisine du conseil de prud'hommes même pour les demandes qui n'ont été présentées qu'en cours d'instance. En l'espèce, la prescription a été interrompue le 6 février 2010, date de l'envoi de la requête saisissant le conseil de prud'hommes. L'action de M. [A] [J] en paiement de sommes qui auraient dû être payées au titre des jours de congés supplémentaires de fractionnement n'est donc pas prescrite. Il s'ensuit que la demande présentée par le salarié pour la première fois le 26 avril 2012 au titre des congés payés supplémentaires de fractionnement est recevable.

4- Sur le bien fondé de la demande d'indemnité pour privation de jours de congés supplémentaires de fractionnement

Le salarié, qui ne conteste pas que les sommes portées sur ses bulletins de salaire lui ont été effectivement versées, fait valoir qu'il n'a pas bénéficié de 2 jours supplémentaires de fractionnement et sollicite à ce titre une indemnité de 1 254,31 euros. L'employeur soutient que ces 2 jours supplémentaires de fractionnement ne lui sont pas dus, leurs conditions d'attribution n'étant pas réunies.

En l'absence de dérogation conventionnelle, le droit aux jours de congés supplémentaires prévu par l'article L. 223-8 ancien du code du travail naît du seul fait du fractionnement, que ce soit le salarié ou l'employeur qui en ait pris l'initiative et la renonciation du salarié à ce droit ne se présume pas.

Le contrat de travail qui prévoit que les jours de fermeture exceptionnelle liés aux fêtes religieuses seront obligatoirement décomptés des congés payés, n'emporte pas renonciation du salarié à son droit à des jours de congés supplémentaires pour le fractionnement du congé principal qui en résulte.

Il est établi qu'en raison de la fermeture de l'entreprise, la société Sofrabrick a imposé à M. [A] [J] de prendre, avant la période légale de prise des congés, 6 jours ouvrés de congés payés du mardi 3 avril au mardi 10 avril 2007, le lundi 9 avril 2007 étant un jour férié, ce qui correspondait à 6 jours ouvrables pris par anticipation.

L'employeur ne pouvait priver le salarié de son droit au paiement des jours de congés supplémentaires dus en cas de fractionnement du congé principal, en qualifiant a posteriori arbitrairement et unilatéralement, de cinquième semaine de congés payés, les congés imputés par lui sur la période de fermeture de l'établissement, dès lors qu'à la date de cette fermeture, le salarié n'avait pas encore acquis de droits à une cinquième semaine de congés payés.

Il s'en déduit, eu égard aux six jours ouvrables de congé pris par anticipation en dehors de la période légale, que le salarié a été abusivement privé de deux jours de congé supplémentaire de fractionnement, peu important qu'il soit resté moins d'un an dans l'entreprise.

Il convient toutefois d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué au salarié la somme de 912 euros à titre de dommages et intérêts pour privation des 2 jours de congés supplémentaires de fractionnement et, au vu du nombre limité de jours en cause et à l'indemnité de congés payés correspondante, de condamner la société Sofrabrick à payer à M. [A] [J] la somme de 116,93 euros à titre d'indemnité pour privation de deux jours de congés supplémentaires de fractionnement.

5- Sur les intérêts

La créance d'indemnité pour privation de jours de congé supplémentaire pour fractionnement sera productive d'intérêts au taux légal à compter de la date à laquelle elle a été réclamée en cours d'instance.

Il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil à compter de la date de la demande qui en été faite.

6- Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il sera statué sur les dépens et les frais irrépétibles dans les termes du dispositif.

PAR CES MOTIFS,

La COUR,

Statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME PARTIELLEMENT le jugement du conseil de prud'hommes de Montmorency en date du 15 octobre 2013 et statuant à nouveau sur le chef infirmé,

CONDAMNE la société Sofrabrick à payer à M. [A] [J] la somme de 116,93 euros à titre d'indemnité pour les deux jours de congés supplémentaires de fractionnement dont il a été privé, avec intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2012, date de la demande qui en a été faite,

CONFIRME pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris;

Y ajoutant,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil à compter de la date de la demande de capitalisation faite,

DÉBOUTE les parties de leur demande respective d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

CONDAMNE la société Sofrabrick aux dépens d'appel.

- Prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Maryse LESAULT, Présidente et par Madame Carine DJELLAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 18/02592
Date de la décision : 18/12/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 15, arrêt n°18/02592 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-12-18;18.02592 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award