COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
1ère chambre 1ère section
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
Code nac : 74D
DU 17 DÉCEMBRE 2019
N° RG 17/08946
N° Portalis DBV3-V-B7B-SBFQ
AFFAIRE :
[R] [O]
[Z], [B], [T] [M] épouse [O]
C/
[V], [A], [N] [U]
et autres
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Décembre 2017 par le Tribunal de Grande Instance de Versailles
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 14/06258
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-Me Sébastien PETIT,
-la SELARL FEUGAS AVOCATS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX SEPT DÉCEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant après prorogation le 10 décembre 2019, les parties en ayant été avisées dans l'affaire entre :
Monsieur [R] [O]
né le [Date naissance 4] 1950 à [Localité 6]
de nationalité Française
Madame [Z], [B], [T] [M] épouse [O]
née le [Date naissance 7] 1951 à [Localité 3]
de nationalité Française
demeurant ensemble au [Adresse 6]
[Localité 2]
représentés par Me Sébastien PETIT, avocat postulant plaidant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 493
APPELANTS
****************
Monsieur [V], [A], [N] [U]
né le [Date naissance 6] 1974 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
Madame [VO], [RM], [J] [U] épouse [S]
née le [Date naissance 5] 1977 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 1]
Monsieur [LX], [SA], [P] [U]
né le [Date naissance 3] 1980 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Adresse 7]
[Localité 7] (CANADA)
Monsieur [E], [L] [U]
né le [Date naissance 2] 1944 à [Localité 11] (AUSTRALIE)
de nationalité Française
Madame [H], [F] [W] épouse [U]
née le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 5] (ALGÉRIE)
de nationalité Française
demeurant ensemble au [Adresse 4]
[Localité 2]
représentés par Me Jérôme NALET de la SELARL FEUGAS AVOCATS, avocat postulant plaidant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 552 - N° du dossier 1299601
INTIMÉS
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Octobre 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Alain PALAU, Président, chargé du rapport et Madame Nathalie LAUER, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Alain PALAU, Président,
Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,
Madame Nathalie LAUER, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Versailles en date du 7 décembre 2017 qui a statué ainsi :
Dit que M. [R] [O] et Mme [Z] [M] épouse [O], en leur qualité de propriétaires du fonds sis [Adresse 8], ainsi que tous occupants de leur chef, ne bénéficient d i aucune servitude de passage sur la parcelle cadastrée section AV n°[Cadastre 1] appartenant aux consorts [U] sise [Adresse 9],
Déboute M. [R] [O] et Mme [Z] [M] épouse [O] de toutes leurs demandes,
Condamne in solidum M. [R] [O] et Mme [Z] [M] épouse [O] à payer à M. [V] [U], Mme [VO] [U] épouse [S], M. [LX] [U], M. [E] [U] et Mme [W] épouse [U] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement,
Condamne in solidum M. [R] [O] et Mme [Z] [M] épouse [O] aux dépens dont distraction au profit de la Selarl Feugas Avocats conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Vu la déclaration d'appel de M. et Mme [O] en date du 22 décembre 2017.
Vu l'ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 21 décembre 2018 rejetant les demandes des intimés tendant à prononcer l'irrecevabilité de l'appel et des conclusions des appelants.
Vu les dernières conclusions en date du 4 juillet 2019 de M. et Mme [O] qui demandent à la cour de :
Les recevoir en leur appel et le dire bien fondé ;
Infirmer le jugement,
Statuant à nouveau,
Débouter MM. [V], [LX] et [E] [U] et Mmes [VO] [U] épouse [S] et [H] [W], épouse [U], de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions tant irrecevables que mal fondées ;
Dire et juger que les époux [O] sont propriétaires indivis avec les consorts [U] du passage commun sis [Adresse 1] ;
Dire et juger que la propriété des époux [O] est enclavée et bénéficie d'un droit de passage dont l'assiette est fixée conformément à leurs titres de propriété en date du 7 juillet 1977 ;
Rappeler à MM. [V], [LX] et [E] [U] et Mes [VO] [U] épouse [S] et [H] [W], épouse [U] leur obligation de respecter ce droit de passage tant au bénéfice des époux [O] qu'à tous occupants de leur chef ;
A titre subsidiaire,
Désigner tel expert qu'il plaira à la cour, avec mission de :
se rendre sur les lieux, [Adresse 9],
entendre les parties et tout sachant,
se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission,
donner son avis sur le passage commun ou le droit de passage visé dans les actes authentiques ou résultants de l'enclave,
plus généralement, collationner tout document de nature à éclairer la Cour sur l'accès aux étages supérieurs de l'immeuble situé 12 [Adresse 10] à Montesson,
Dire que l'expert devra déposer son rapport dans un délai de six mois à compter de sa saisine ;
En tout état de cause,
Condamner MM. [V], [LX] et [E] [U] et Mes [VO] [U] épouse [S] et [H] [W], épouse [U] à leur verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Vu les dernières conclusions en date du 11 juin 2018 de MM. [V], [LX] et [E] [U] et Mes [VO] [U] épouse [S] et [H] [W], épouse [U] qui demandent à la cour de :
Juger nulle et de nul effet la déclaration d'appel effectuée par M. et Mme [O] en ce qu'elle ne contient pas les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité.
Condamner in solidum M. et Mme [O] à leur verser la somme de 5.000 euros TTC au titre des frais irrépétibles engagés par eux en cause d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner in solidum M. et Mme [O] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la Selarl Feugas Avocats conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
In limine litis et à titre subsidiaire,
Juger irrecevables les premières conclusions signifiées par M. et Mme [O] en date du 21 mars 2018 en ce qu'elles ne comprennent pas l'énoncé des chefs du jugement critiqués.
Condamner in solidum M. et Mme [O] à leur verser la somme de 5.000 euros TTC au titre des frais irrépétibles engagés par eux en cause d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner in solidum M. et Mme [O] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la Selarl Feugas Avocats conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
A titre infiniment subsidiaire et sur le fond,
Débouter M. et Mme [O] de toutes leurs demandes, fins et prétentions.
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement.
Condamner in solidum M. et Mme [O] à leur verser la somme de 5.000 euros TTC au titre des frais irrépétibles engagés par eux en cause d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner in solidum M. et Mme [O] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la Selarl Feugas Avocats conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 5 septembre 2019.
Vu les conclusions en date du 1er octobre 2019 des intimés qui sollicitent la révocation de l'ordonnance de clôture.
Ils exposent que l'ordonnance de clôture est intervenue le 5 septembre 2019 sans qu'ils aient pu répondre aux dernières écritures adverses car les nouvelles pièces des époux [O] ne leur sont parvenues que postérieurement à l'ordonnance de clôture.
Ils invoquent une bonne administration de la justice et la sauvegarde du respect du caractère contradictoire des débats.
Ils précisent que leurs conclusions au fond concomitantes ont pour objectif de répondre aux pièces nouvellement produites par les intimés.
Vu les conclusions en date du 1er octobre 2019 des intimés qui demandent à la cour de :
Débouter M. et Mme [O] de toutes leurs demandes, fins et prétentions.
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement.
Condamner in solidum M. et Mme [O] à leur verser la somme de 5.000 euros TTC au titre des frais irrépétibles engagés par eux en cause d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner in solidum M. et Mme [O] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la Selarl Feugas Avocats conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
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M. et Mme [O] ont accepté, à l'audience, que soit révoquée l'ordonnance de clôture, que soient prises en compte les conclusions des intimés en date du 1er octobre 2019 et que les débats se tiennent le même jour.
Compte tenu de l'accord des parties, l'ordonnance de clôture a été révoquée et la clôture fixée à ce jour.
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Faits et moyens
Selon acte notarié en date du 7 juillet 1977 reçu par Maître [K], notaire associé de la SCP [K], notaire à [Localité 4], M. et Mme [O] ont acquis un bien immobilier sis [Adresse 8].
Ce bien est désigné comme une propriété sur la gauche de la façade en retrait de la rue comprenant une boutique au rez de chaussée et, au premier étage, trois pièces', au deuxième étage trois chambres' Grenier au-dessus ' et deux logements de trois pièces, caves et jardin, courette.'»
Selon acte authentique reçu par Maître [I], notaire associé de la SCP [I], notaire à [Localité 4], en date du 21 Juin 1990, M. [E] [U] et Mme [H] [W] épouse [U] ont acquis un immeuble sis [Adresse 9].
Il est décrit comme une maison d'habitation élevée de plain- pied comprenant un rez de chaussée à usage de boutique avec escalier conduisant à l'étage, un premier étage et un deuxième étage.
Cet immeuble est situé à gauche de l'immeuble des époux [O].
Par actes d'huissier délivrés le 7 juillet 2014, MM. [V], [LX] et [E] [U] et Mes [VO] [U] épouse [S] et [H] [W], épouse [U], ci-après les consorts [U], ont fait assigner M. et Mme [O] devant le tribunal de grande instance de Versailles afin de voir juger que ceux-ci ne bénéficient d'aucune servitude de passage sur la parcelle leur appartenant cadastrée Section AV n°[Cadastre 1] sise à [Adresse 9]. Le tribunal a prononcé le jugement dont appel.
Aux termes de leurs écritures précitées, M. et Mme [O] exposent que leur bien est désigné ainsi :
« Une propriété sise à [Adresse 8], sur la gauche de la façade en retrait de la rue, avec un droit de passage sur la parcelle sise [Adresse 2] (') ; grenier au-dessus (') dudit passage (') ».
Ils indiquent que les titres antérieurs mentionnent tous, concernant l'immeuble situé au numéro 12 et 12 bis, avec « passage commun » concernant les propriétaires de l'immeuble situé au numéro 14 (anciennement propriété des consorts [HH]).
Ils précisent que l'immeuble des consorts [U] est situé immédiatement à gauche de leur immeuble et du lot en fond de passage, également leur propriété.
Ils indiquent que le titre de propriété des consorts [U] ne fait aucune référence à leur « passage commun ».
Ils excipent de leur titre et de la pratique existante depuis plusieurs dizaines d'années.
Ils se prévalent de la réponse du 10 décembre 2015 de Maître [D], notaire à [Localité 10], qui, interrogé sur la fermeture envisagée par les époux [U] du passage commun permettant l'accès aux occupants ou locataires de l'appartement situé au deuxième étage de la propriété des époux [O], a déclaré cette fermeture impossible aux motifs qu'il existait au travers des actes authentiques successifs une continuité quant à l'existence d'un passage commun entre les propriétaires indivis, qu'un cadastre rénové n'atteste pas de la propriété des lieux et que « ce droit de propriété et de passage a toujours été utilisé depuis la nuit des temps jusqu'à ce jour par les différents propriétaires de l'immeuble du 12 et 12 bis [Adresse 10]'», ce dernier élément justifiant selon lui une acquisition au moins par prescription.
Ils se prévalent également d'une déclaration de M. [Q], ancien propriétaire de l'immeuble situé 12 bis et 14 - et vendeur des époux [U] qui indique que «'Le 12 bis permettait le passage des locataires du 12 au 2ème étage ».
Ils se prévalent en outre de constats effectués à leur requête, démontrent qu'à défaut du passage, l'appartement situé au 2ème étage se trouverait enclavé.
Ils se prévalent enfin d'un compte rendu en date du 19 décembre 2016 établit par la Sarl Le Relais Immobilier, leur gestionnaire et mandataire, qui indique que l'appartement du deuxième étage est «'uniquement accessible par le couloir, passage par l'ancien accès aux toilettes, escalier en bois, aucune autre entrée possible ».
Ils contestent l'affirmation des consorts [U] selon lesquels l'appartement du deuxième étage serait occupé depuis plusieurs années par une banque-locataire au rez de chaussée- qui y accéderait par une « trappe ».
Ils excipent de l'attestation du responsable de la banque qui confirme que l'appartement de fonction au deuxième étage est accessible uniquement par le passage situé à gauche de la façade de l'immeuble (sise 12 bis), puis par un escalier extérieur en bois.
Ils affirment donc démontrer que le bien est enclavé, la configuration des lieux ne permettant pas de facto d'accéder à des appartements d'habitation dans les étages supérieurs en traversant un établissement bancaire.
Ils ajoutent que la commune, dont M. [E] [U] est le maire, leur a accordé une autorisation de travaux afin qu'ils puissent intervenir sur le local et l'escalier leur appartenant au [Adresse 1], en fond de passage commun, et que les travaux qui ont été réalisés ne pouvaient s'effectuer que par le passage litigieux.
Ils font valoir, en toute hypothèse, que le passage est propriété indivise des propriétaires limitrophes puisqu'il a toujours permis l'accès aux étages supérieurs des immeubles par l'arrière -cour, ainsi que l'accès à un « ancien puit mitoyen entre les jardins ».
Ils affirment ainsi que 'le « 12bis » est l'intitulé postal du deuxième étage des consorts [U] situé dans l'immeuble du « 14 » [Adresse 10] de même qu'il correspond aux appartements des époux [O] situés aux étages de l'immeuble du « 12 » et précisent que les rez-de-chaussée ont de tout temps étaient réservés à des locaux commerciaux.
Ils reprochent au tribunal de n'avoir pas pris en compte l'urbanisation très ancienne et enchevêtrée du vieux centre- ville de la commune de Montesson.
M. et Mme [O] invoquent l'acte authentique du 7 juillet 1977.
Ils exposent que l'existence du « passage commun » qu'ils revendiquent résulte de ce titre authentique lui-même récognitif des actes précédents, soit «'les ventes [X] en 1944, [Y] en 1946 et [G] en 1952'».
Ils estiment que l'existence de ce passage commun entre les propriétaires indivis, emportant droit de passage, ne peut être sérieusement contestée.
Ils affirment que ce passage est propriété indivise des propriétaires limitrophes puisqu'il a toujours permis l'accès aux étages supérieurs des immeubles par l'arrière -cour, ainsi que l'accès à un « ancien puit mitoyen entre les jardins ».
Ils reprennent leurs développements sur la lettre de Maître [D], «'l'intitulé postal'», l'attestation du responsable de l'agence bancaire et l'existence de passages identiques dans la commune.
Ils ajoutent que le compteur électrique de l'immeuble sis [Adresse 8] est installé sur la façade donnant dans le passage litigieux et que les canalisations d'évacuation des eaux (avec regards et trappes de visite) de l'immeuble se trouvent sous le même passage.
Ils estiment impossible de concevoir que ces installations réglementées soient situées sur le terrain voisin.
Ils déclarent en outre qu'ils ont contribué financièrement pour moitié à l'installation du portail métallique en 1986 qui ferme le passage donnant sur la [Adresse 10] et qu'ils ont toujours été en possession d'un double des clés pour accéder au passage.
Ils indiquent également qu'ils ont financé pour moitié les travaux de maçonnerie du « couloir commun » avec l'entreprise qui se trouvait sur place.
Ils se prévalent enfin de l'installation «'de longue date'» à l'entrée de ce passage d'une boîte aux lettres portant le numéro 12 bis et leur patronyme ainsi que d'un interphone permettant de communiquer avec les étages supérieurs de leur immeuble.
Ils invoquent donc l'existence d'une prescription acquisitive, conformément aux dispositions des articles 2222 et 2250 et suivants du code civil.
Ils font également valoir qu'il ressort des titres de propriété des consorts [U] et des relevés cadastraux que le premier étage de l'immeuble des consorts [U] a une surface supérieure à celle du rez-de-chaussée, de sorte que partie du premier étage se situe sur une parcelle dont les consorts [U] ne sont pas propriétaires au regard de ces documents.
Subsidiairement, ils demandent l'application de l'article 682 du code civil.
Ils affirment, en tout état de cause, que leur propriété, en ce qui concerne les appartements situés au premier et deuxième étage, est enclavée.
Ils excipent de constats et reportages photographiques.
Ils déclarent que, comme pour l'appartement situé au-dessus du [Adresse 2], l'utilisation de leur lot en fond de cour et un très ancien escalier en bois, permettant l'accès aux étages supérieurs du numéro 12, impliquent nécessairement le passage par la propriété des consorts [U].
Ils en infèrent qu'ils ne peuvent s'opposer au passage.
Ils ajoutent que ceux-ci n'ont jamais démontré un quelconque usage abusif du droit de passage par eux.
Ils rappellent à cet égard que les propriétaires indivis voisins ont financé par moitié l'ensemble de la réfection du passage et l'installation d'un portail métallique.
Ils rappellent que, dès lors que l'état d'enclave est démontré, les dispositions d'ordre public de l'article 684 alinéa 2 du code civil prévoient expressément l'application de l'article 682 dudit code, lorsque que l'accès n'est pas suffisant ce qui est le cas.
Ils estiment que le fait que les consorts [U] aient «'brusquement cessé l'accès pour le passage existant depuis des décennies'» démontre l'état d'enclave du bien.
Ils ajoutent que l'absence de réponse de Maître [C], notaire, interrogé par eux sur intervention du parquet général de la cour, sur la qualification du passage litigieux est révélatrice du mal fondé de la position des consorts [U].
A titre subsidiaire, ils sollicitent, pour la clarté des débats, la désignation d'un expert.
Ils font valoir que les prétentions des consorts [U] et la situation des époux [O] impliquent une analyse très détaillée des différents titres de propriété, de la configuration des lieux et des usages locaux.
Aux termes de leurs conclusions du 1er octobre 2019, les consorts [U] abandonnent leurs moyens fondés sur la procédure.
Ils exposent que le bien qu'ils ont acquis est constitué d'un seul bâtiment qui a fait l'objet d'un découpage horizontal, le numéro 14 correspondant au rez de chaussée et le numéro 12 bis à la partie supérieure.
Ils soulignent que ni leur titre de propriété ni les actes précédents des 15 janvier 1971 et 9 octobre 1959 ne font mention d'une servitude de passage.
Ils indiquent que l'acte de vente des époux [O] faisait à l'origine mention en page 4 d'un « passage commun portant sur la parcelle cadastrée section AV n°[Cadastre 1] sise [Adresse 2] (') » mais que, lors de la signature, cette mention a été biffée, la notion de « passage commun » laissant place à celle de « droit de passage », notions imprécises, en parfaite contradiction avec les termes des actes passés en 1959 puis 1971, étant observé que les modifications apportées n'ont pas été contresignées par les parties.
Ils déclarent qu'ils ont contesté dès leur achat l'existence d'une servitude de passage, estiment que M. [O] est conscient de la difficulté et font état de vaines tentatives de règlement amiable.
Ils exposent que le litige a été ravivé par M. [O] qui, courant 2012, s'est prétendu propriétaire du [Adresse 1] pour obtenir l'autorisation administrative d'effectuer certains travaux.
Ils rappellent la procédure.
Ils contestent l'existence d'un droit de passage ou d'un passage commun.
S'agissant de l'acte du 7 juillet 1977, ils déclarent que les époux rendent les notions de « droit de passage » et « passage commun » interchangeables.
Ils affirment que ceux-ci ne développent pas la notion vague de « passage commun » et n'expliquent pas davantage comment est apparue celle de « droit de passage » ni même pourquoi elle n'a pas été contresignée par les parties à l'époque.
Ils s'étonnent de cette modification des clauses de l'acte de vente.
Ils contestent que ce « droit de passage » ou « passage commun » résulte d'un titre récognitif des actes précédents, ceux-ci ne faisant référence qu'à un « passage commun avec le propriétaire du n°14 » et non à un « droit de passage ».
Ils soulignent l'imprécision de l'acte du 7 juillet 1977 compte tenu du nombre de mentions biffées et remplacées à la main.
Ils rappellent, en toute hypothèse, qu'un « passage commun » ou un « droit de passage » ne peuvent être assimilés à une servitude de passage.
Ils réitèrent que leur acte d'acquisition, et ceux de leurs auteurs, ne contient aucune clause de servitude de passage.
Ils contestent donc que l'acte authentique du 7 juillet 1977 leur reconnaisse une servitude de passage.
Ils réfutent toute usucapion.
Ils estiment que le courrier de Maître [D] et l'attestation de M. [Q] n'étaient pas leur thèse.
Ils affirment que l'attestation de M. [Q] la contredit dans la mesure où il fait état d'un usage -et non d'une servitude- et où il ne fait état que des occupants du deuxième étage alors que les appelants font état d'un passage commun permettant aux occupants du 1er étage de l'immeuble (...) d'accéder à leur appartement.
Ils exposent que, depuis 2005, le 2ème étage est loué à une Banque comme l'essentiel de l'immeuble- à l'exception de l'appartement précité qui n'occupe qu'une partie du 1er étage- et que la banque qui occupe l'autre partie du 1er étage de l'immeuble accède au 2ème étage par une trappe qui fait qu'elle n'utilise pas l'escalier extérieur.
Ils ajoutent que si l'appartement du 1er étage bénéficiait d'une servitude de passage, le dépôt de la déclaration préalable en date du 11 juin 2012 n'aurait pas été nécessaire.
Ils font valoir, en tout état de cause, que la servitude de passage est par nature discontinue et qu'elle ne peut donc faire l'objet d'une prescription acquisitive trentenaire.
Ils concluent en outre à l'inutilité d'une expertise en l'absence de référence à un titre constitutif de servitude dans leur acte de propriété et du caractère inapplicable de l'usucapion.
S'agissant de l'état d'enclave, ils rappellent que le propriétaire qui a lui-même obstrué l'issue donnant accès à la voie publique ne peut se prévaloir d'un droit de passage pour cause d'enclave.
Ils soutiennent que tel est le cas.
Ils se prévalent du constat d'huissier dressé le 3 mars 2016 à la requête des époux [O] d'où il ressort que le rez de chaussée de l'immeuble du 12 bis, propriété des époux [O], est loué et occupé par une banque «'et que l'accès aux étages n'est possible que par un passage appartenant au propriétaire du numéro 14 et pour lequel il détient un droit de passage ».
Ils se prévalent également du courrier de M. [V] [U] à M. [O] en date du 12 octobre 2013 d'où il ressort qu'ils n'ont jamais reconnu aux époux un droit ou une servitude de passage.
Ils exposent que, durant une longue période, M. et Mme [O] ont occupé l'ensemble des locaux du [Adresse 8], aussi bien à titre privé qu'à titre professionnel, et qu'ils disposaient dès lors d'une communication, dans leur cour, entre l'appartement et la boutique donnant accès à la [Adresse 10] sans avoir à utiliser le passage litigieux.
Ils exposent également qu'ils avaient la possibilité d'établir des communications intérieures pour permettre à l'appartement nouvellement créé de bénéficier d'une des deux autres issues dont ils disposaient à l'époque (l'une donnant dans une sente, l'autre [Adresse 6]).
Ils en infèrent qu'ils n'ont jamais eu besoin de la servitude ou du droit de passage qu'ils revendiquent aujourd'hui.
Enfin, ils font valoir, avec le tribunal, que l'enclave d'un fonds résulte de l'absence d'issue ou de l'insuffisance d'issue sur la voie publique dudit fonds et, donc, que l'état d'enclave ne peut pas concerner des appartements, situés aux étages d'un bien immobilier, ceux-ci étant nécessairement dépourvus d'issue sur la voie publique.
Ils demandent, si une expertise est ordonnée, que la mission de l'expert porte également, dans l'hypothèse d'une enclave, sur la date et les conditions de la création de celle-ci.
Ils concluent à la confirmation du jugement aux motifs qu'une servitude de passage ne peut s'établir que par titre constitutif, que le titre constitutif de la servitude ne peut être suppléé que par un titre récognitif émanant du propriétaire du fonds asservi, que la simple mention, dans l'acte notarié d'acquisition des époux [O], d'un passage commun ou même d'un droit de passage ne saurait suffire à constituer un titre récognitif et que les époux ne sont pas, non plus, en possession d'un titre récognitif de la servitude émanant du propriétaire du fonds servant.
Ils ajoutent, en réponse aux dernières conclusions des appelants et aux nouvelles pièces produites, que les appelants «'continuent à agiter la vague notion de passage commun » mais qu'ayant conscience que cette notion est juridiquement hasardeuse, ils soutiennent désormais qu'il y aurait une propriété indivise du passage.
Ils estiment que la notion de « puits mitoyen », «'tout aussi vague et hasardeuse'», ne peut les aider et relèvent que ce puits a été « abandonné ».
Ils font valoir qu'à défaut de titre, une propriété indivise supposerait que les époux démontrent qu'ils ont possédé le passage, conjointement avec les consorts [U], pendant plus de trente ans et dans les conditions fixées par l'article 2261 du code civil.
Ils estiment sans incidence l'autorisation de travaux donnée par M. [U] en sa qualité de maire, les autorisations d'urbanisme étant accordées sous réserve du droit des tiers.
Ils estiment également que l'implantation d'un compteur électrique en façade n'a pas davantage d'impact, puisque cela ne concerne pas le passage lui-même.
Ils estiment en outre que le fait que des canalisations se trouvent « sous le passage » est étranger au présent litige, qui est circonscrit au fait de savoir si les époux [O] et leurs locataires ont ou non un droit d'accès.
Ils estiment enfin qu'il en est de même de l'implantation d'une boîte aux lettres ou d'un interphone qui tend tout au plus à démontrer une tolérance, en aucun cas l'existence d'une servitude de passage.
Ils considèrent que c'est «'sans doute'» en contrepartie de ces tolérances que les appelants ont participé financièrement à différents travaux au fil du temps.
Ils soutiennent enfin que le fait qu'ils ne seraient pas propriétaires de la surface qu'ils occupent et qu'il existe un « très ancien escalier en bois » - qui concerne la façon dont les époux [O] ont choisi d'agencer et de faire communiquer leurs différents biens immobiliers- sont sans incidence.
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Sur la propriété indivise du passage commun
Considérant que l'acte notarié en date du 7 Juillet 1977 relatif à l'acquisition du bien immobilier par les époux [O] désignait ainsi, en caractères dactylographiques, le bien':
« Une propriété sise à [Adresse 8], sur la gauche de la façade retrait de la rue, avec passage commun portant sur la parcelle cadastrée section AV numéro [Cadastre 1] [Adresse 2]'»';
Considérant que la mention « passage commun » a été biffée et remplacée, à la main, par la mention : «'droit de passage'» de sorte que la désignation du bien est rédigée comme suit :
« Une propriété sise à [Adresse 8], sur la gauche de la façade retrait de la rue, avec un droit de passage sur la parcelle [Adresse 2] .. ) ; au-(...) dudit passage(...)'»';
Considérant que les actes notariés, relatifs au même bien, des 20 septembre 1944, 22 octobre 1946 et 26 mai 1952 font référence à un « passage commun avec le propriétaire du n o 14 »';
Considérant que le titre des consorts [U] et ceux de leurs auteurs- ne fait pas référence à un «'passage commun'» avec le propriétaire du 12 ou du 12 bis';
Considérant que le titre même de M. et Mme [O] ne fait pas état d'un «'passage commun'»';
Considérant qu'ils ne peuvent dès lors revendiquer, sur ce fondement, leur qualité de «'propriétaire indivis du passage commun'» ;
Considérant que la propriété du passage peut, toutefois, être acquise par l'effet de la prescription trentenaire ;
Considérant que l'article 2261 du code civil précise que la possession doit être continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ;
Considérant qu'il appartient aux appelants de rapporter la preuve qu'ils ont possédé, dans ces conditions, ce passage durant 30 ans';
Considérant que l'implantation d'un compteur électrique, un intitulé postal ou la présence d'une boîte à lettre et d'un interphone ne constituent pas des actes de possession au sens de l'article 2261 du code civil ;
Considérant qu'il ne peut résulter de la présence de canalisations souterraines desservant le bien des époux [O] que ceux-ci sont propriétaires indivis du passage lui-même ;
Considérant que le financement, partiel, par eux de travaux de maçonnerie ou d'installation d'un portail ne caractérise pas des actes de possession permettant d'acquérir la propriété même du bien ;
Considérant que le «'puits mitoyen'», à supposer qu'il puisse constituer un acte de possession du passage, a été abandonné ;
Considérant que l'autorisation de travaux donnée à M. et Mme [O] par la commune de Montesson- dont M. [E] [U] est le maire- et la réalisation de ceux-ci en empruntant le passage est sans incidence sur la «'possession'» de ce passage';
Considérant, enfin, qu'il ne résulte pas de la superficie du bien des consorts [U] que le passage litigieux est indivis ;
Considérant, par conséquent, que M. et Mme [O] ne rapportent pas la preuve d'une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire pendant 30 ans du passage litigieux ;
Considérant que M. et Mme [O] ne peuvent donc, ni par titre ni par prescription, revendiquer leur qualité de propriétaire indivis du passage commun ;
Sur l'existence d'un droit de passage ou d'une servitude
Considérant qu'un «'droit de passage'» est une notion imprécise qui ne peut s'assimiler à une servitude'de passage ;
Considérant qu'aux termes de l'article 690 du code civil, les servitudes continues et apparentes s'acquièrent par titre ou par la possession trentenaire ;
Considérant que l'article 691 dispose que les servitudes continues non apparentes et les servitudes discontinues, apparentes ou non apparentes, ne peuvent s'établir que par titres ;
Considérant qu'aucun acte notarié des parties- ou de leurs auteurs- ne fait état d'une servitude de passage ;
Considérant que M. et Mme [O] ne peuvent donc exciper d'un titre leur conférant une servitude de passage ;
Considérant qu'une servitude de passage présente un caractère discontinu';
Considérant que la servitude de passage invoquée par les époux [O] ne peut donc pas s'établir par la voie de la prescription acquisitive ;
Considérant que, même l'utilisation du passage depuis «'la nuit des temps'» ne leur permet donc pas d'acquérir la servitude de passage réclamée ;
Considérant que les demandes fondées sur un «'droit de passage'» ou une servitude de passage seront dès lors rejetées';
Sur l'existence d'une enclave
Considérant que l'article 682 du code civil dispose que «'le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner'»';
Considérant que M. et Mme [O] peuvent donc, si leur fonds est enclavé, solliciter un tel passage ;
Considérant qu'ils font état, dans leurs conclusions, de l'état d'enclave des appartements, en fond de cour, situés au deuxième étage voire, dans une autre partie de celles-ci, des appartements situés au premier et au deuxième étage ;
Considérant qu'il leur appartient de démontrer que ces biens sont enclavés et que cet état n'est pas la conséquence d'un fait volontaire de leur part ;
Considérant qu'il ressort d'un procès-verbal de constat d'huissier établi le 3 mars 2016, à la demande des époux [O], que le rez-de-chaussée de l'immeuble situé [Adresse 1] dont ils sont propriétaires, est loué et occupé par la [1] et que l'accès aux étages n'est possible que par un passage appartenant au propriétaire du numéro 14';
Considérant que la banque confirme que la salle de réunion du premier étage est accessible par un escalier intérieur mais que l'appartement du deuxième étage n'est accessible que par le passage puis par un escalier extérieur';
Considérant que ces énonciations démontrent que l'immeuble lui-même n'est pas enclavé et que l'impossibilité d'accéder aux appartements situés à l'étage résulte de l'aménagement de celui-ci par ses propriétaires soit d'un acte volontaire ;
Considérant, par ailleurs, que l'état d'enclave d'un fonds résulte de l'absence d'issue ou d'une issue insuffisante du fonds sur la voie publique';
Considérant que le local situé au rez de chaussée dispose d'une issue suffisante sur la voie publique';
Considérant que la parcelle sur laquelle le bâtiment de M. et Mme [O] est bâti dispose ainsi d'un'accès suffisant à la voie publique'; que le fonds lui-même dispose d'une issue ;'
Considérant qu'un aménagement de leur propre propriété permettrait donc aux appartements d'avoir accès à la voie publique';
Considérant que M. et Mme [O] ne démontrent pas que les appartements situés au-dessus du local du rez de chaussée ne peuvent bénéficier, fût-ce avec des aménagements non disproportionnés, de cette issue';
Considérant que M. et Mme [O] ne justifient donc pas, concernant ces appartements, d'un état d'enclave défini par l'article 682 du code civil';
Considérant qu'ils ne peuvent, en conséquence, solliciter l'établissement d'une servitude de passage pour y accéder';
Considérant que leur demande sera donc rejetée';
Sur la demande d'expertise
Considérant qu'au regard des développements ci-dessus, une mesure d'instruction- qui ne peut en tout état de cause pallier la carence d'une partie- est inutile';
Sur les conséquences
Considérant que le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions';
Considérant que les appelants devront verser la somme, unique, de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel'; que leur demande aux mêmes fins sera, compte tenu du sens du présent arrêt, rejetée';
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition ;
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant':
CONDAMNE in solidum M. [R] [O] et Mme [Z] [M] épouse [O] à payer à M. [V] [U], Mme [VO] [U] épouse [S], M. [LX] [U], M. [E] [U] et Mme [W] épouse [U] la somme unique de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETTE les demande plus amples ou contraires,
CONDAMNE in solidum M. [R] [O] et Mme [Z] [M] épouse [O] aux dépens dont distraction au profit de la Selarl Feugas Avocats conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,