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10/12/2019 | FRANCE | N°18/07419

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 10 décembre 2019, 18/07419


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





1ère chambre 1ère section





ARRÊT N°







CONTRADICTOIRE

Code nac : 59C





DU 10 DÉCEMBRE 2019





N° RG 18/07419

N° Portalis DBV3-V-B7C-SXXV





AFFAIRE :



[T] [C]

SAS EDITIONS ADÈLE

C/

SAS EDITIONS ROBERT LAFFONT

SAS INTERFORUM





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Novembre 2012 par le Tribunal de Grande Instance de PAR

IS

N° Chambre : 3

N° Section : 4

N° RG : 09/01101



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-l'ASSOCIATION AVOCALYS,



-la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES,



-la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES









RÉPUBL...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 59C

DU 10 DÉCEMBRE 2019

N° RG 18/07419

N° Portalis DBV3-V-B7C-SXXV

AFFAIRE :

[T] [C]

SAS EDITIONS ADÈLE

C/

SAS EDITIONS ROBERT LAFFONT

SAS INTERFORUM

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Novembre 2012 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS

N° Chambre : 3

N° Section : 4

N° RG : 09/01101

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-l'ASSOCIATION AVOCALYS,

-la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES,

-la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX DÉCEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant après prorogation les15 octobre, 19 novembre et 03 décembre 2019, les parties en ayant été avisées dans l'affaire entre :

DEMANDEURS devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (1ère chambre) du 16 mai 2018 cassant partiellement l'arrêt rendu par la cour d'appel de PARIS le 25 novembre 2014

Monsieur [T] [C]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 6]

SAS EDITIONS ADÈLE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentés par Me Monique TARDY de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 004037,

Me Barberine MARTINET DE DOUHET, avocat plaidant - barreau de PARIS

****************

DÉFENDERESSES DEVANT LA COUR DE RENVOI

SAS EDITIONS ROBERT LAFFONT

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1860833

Me Anne BOISSARD de l'AARPI ARTLAW, avocat plaidant - barreau de PARIS, vestiaire : B0412,

SAS INTERFORUM

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Localité 7]

Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1860833

Me Marie-Hélène VIGNES de la SELEURL ARTWORKS AVOCATS, avocat plaidant - barreau de PARIS, vestiaire : P0135,

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Juin 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne LELIEVRE, Conseiller et Madame Nathalie LAUER, Conseiller chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, Président,

Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

Vu le jugement rendu le 8 novembre 2012 par le tribunal de grande instance de Paris qui a statué comme suit :

Déclare [T] [C] et les Editions Adèle irrecevables à soulever la nullité de la clause 6B du contrat d'édition du 13 novembre 2001,

Condamne la société les Editions Robert Laffont à payer à [T] [C] et les Editions Adèle les sommes de :

2 703, 70 euros au titre de la rémunération due à l'auteur sur 713 exemplaires presse,

1 000, 00 euros au titre du prejudice resultant de la privation de la faculté de rachat pour les pilons de stockage,

Rejette les autres demandes en paiement,

Rejette la demande de communication de pièces,

Rejette la demande d'expertise,

Rejette les demandes tendant à voir reconnaître la responsabilité délictuelle de la société Interforum,

Rejette la demande en dommages intérêts de la société Interforum pour procedure abusive,

Condamne in solidum [T] [C] et les Editions Adèle à payer à la société Interforum la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum [T] [C] et les Editions Adèle à payer à la société Interforum la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne l'exécution provisoire,

Rejette la demande tendant à voir mettre les frais de l'expertise à la charge des défendeurs,

Condamne in solidum [T] [C] et les Editions Adèle aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Me [N] et de la société Go associés représentée par Me Vignes, selon les règles de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu l'arrêt du 25 novembre 2012 de la cour d'appel de Paris qui a :

Débouté M. [T] [C] et de la SAS Éditions Adèle de leur demande de renvoi de l'affaire et de leur demande de rejet des débats les pièces n°33 et 40 communiquées par la SA Éditions Robert Laffont et des pièces n°13 et 17 communiquées par la SA Interforum ;

Déclaré par voie de conséquence sans objet la demande subsidiaire de la SA Éditions Robert Laffont en rejet des conclusions des appelants transmises le 30 septembre 2014 ;

Confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge de la mise en état en date du 04 novembre 2010 ;

Rectifié l'erreur matérielle du jugement du 08 novembre 2012 en ce qu'à son dispositif il a mentionné la date du 13 novembre 2001 comme étant celle du contrat d'édition au lieu du 02 mai 2005 et rectifié le jugement en ce qu'à son dispositif, au deuxième paragraphe de la page 15 commençant par "Déclare [T] [C] et les Editions Adèle et se terminant par du contrat d'édition du 13 novembre 2001", la date du "13 novembre 2001" sera remplacée par la date du "02 mai 2005" ;

Rectifié l'erreur matérielle du jugement entrepris en ce qu'à son dispositif il a alloué à la SA Interforum une somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et rectifié le jugement en ce qu'à son dispositif, au dixième paragraphe de la page 15 commençant par les mots "Condamne in solidum [T] [C] ..." et se terminant par les mots "... sur le fondement de l 'article 700 du code de procédure civile", le mot "Interforum" sera remplacé par les mots "Editions Robert Laffont" ;

Confirmé en toutes ses dispositions le jugement du 08 novembre 2012 sauf en ce qu'il a condamné la SA Éditions Robert Laffont à payer à M. [T] [C] et à la SA Éditions Adèle la somme de 2 703,70 euros au titre de la rémunération due à l'auteur sur 713 exemplaires presse et la somme de 1 000 euros au titre du préjudice résultant de la privation de la faculté de rachat pour les pilons de stockage et en ce qu'il a rejeté la demande en dommages et intérêts de la SA Interforum pour procédure abusive, infirmant et statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant :

Débouté M. [T] [C] et la SA Éditions Adèle de l'ensemble de leurs demandes en paiement au titre de la rémunération due à l'auteur sur les exemplaires presse et au titre du préjudice résultant de l'absence d'information des pilons de stockage ;

Condamné in solidum M. [T] [C] et la SA Éditions Adèle à payer à la SA Interforum la somme de DIX MILLE EUROS (10 000 euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour procédure abusive ;

Déclaré irrecevable comme constituant une prétention nouvelle en cause d'appel, la demande de M. [T] [C] et de la SA Editions Adèle en condamnation de la SA Interforum au paiement de la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;

Condamné in solidum M. [T] [C] et la SA Éditions Adèle à payer à la SA Interforum la somme complémentaire de DIX MILLE EUROS (10 000 euros) au titre des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens ;

Condamné in solidum M. [T] [C] et la SA Éditions Adèle à payer à la SA Éditions Robert Laffont la somme complémentaire de TRENTE MILLE EUROS (30 000 euros) au titre des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens ,

Débouté M. [T] [C] et la SA Editions Adèle de leur demande en paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné in solidum M. [T] [C] et la SA Éditions Adèle aux dépens de la procédure d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 16 mai 2018 qui a':

Cassé et annulé ledit arrêt mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'annulation de la clause 6 B du contrat d'édition, la demande en paiement d'une certaine somme au titre de la diffusion gratuite de l'ouvrage et la demande de condamnation de la société Interforum fondée sur sa responsabilité délictuelle,

Remis, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles,

Condamné les sociétés Editions Robert Laffont et Interforum aux dépens,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 10 octobre 2018 ayant rejeté la requête de M. [C] et de la société les éditions Adèle en rectification d'erreurs matérielles de l'arrêt du 16 mai 2018,

Vu la déclaration de saisine de la cour de renvoi en date du 29 octobre 2018 par M. [T] [C] et la société les éditions Adèle,

Vu leurs dernières conclusions notifiées le 22 mai 2019 par lesquelles ils demandent :

Vu l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention Européenne des droits de l'homme,

Vu l'article 6 alinéa 1 de la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l'homme,

Vu les articles L.111-1, L.131-3, L.131-4, L.132-11, L.132-12, L.132-14 et L.122-4, L.335-2 et

L.335-3 du code de la propriété intellectuelle,

Vu les articles 564, 565, 566, 623, 624 et 638 du code de procédure civile,

Vu les articles 1134 dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 devenu 1103 du code civil, 2241, ensemble 1304 dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, 1382 (ancien) devenu 1240 du code civil,

SUR L'APPEL DU JUGEMENT DU 8 NOVEMBRE 2012

Confirmer le jugement rendu le 8 novembre 2012 en ce qu'il condamne la société Éditions Robert Laffont à verser à [T] [C] et la société Editions Adèle une rémunération au titre exemplaires de presse et spécimens,

L'infirmer en ce qui concerne le montant alloué en réparation du préjudice subi,

STATUANT A NOUVEAU :

Condamner la société Éditions Robert Laffont à verser à [T] [C] et la société Editions Adèle la somme de 4.225,43 euros TTC pour 1.013 exemplaires de presse,

Infirmer le jugement rendu le 8 novembre 2012 en ce qu'il déclare [T] [C] et les Éditions Adèle irrecevables à soulever la nullité de la clause 6 B du contrat d'édition du 2 mai 2005,

STATUANT A NOUVEAU :

Déclarer [T] [C] et les Éditions Adèle recevables à soulever la nullité de la clause 6 B du contrat d'édition du 2 mai 2005 qui vise à l'exécution du contrat sans cette clause et qui tend au paiement de rémunérations complémentaires,

Déclarer M. [C] et les Editions Adèle recevables à solliciter l'anéantissement rétroactif de la clause en question, à demander que les rémunérations dues soient recalculées à l'aune du contrat expurgé des stipulations devant être tenues pour non écrites, et à réclamer la condamnation de l'éditeur à leur verser les sommes complémentaires dont ils ont été indûment privés par l'effet qui avait, à tort, été donné à cette clause irrégulière.

Dire et juger nulle la clause prévue à l'article 6 B du contrat du 2 mai 2005 qui prévoit que « l'éditeur devra à l'Auteur, en cas d'exploitation par un tiers des autres droits (i.e. édition en format de poche et édition club) 50% des sommes, de toute nature, nettes de tous frais et taxes effectivement encaissées par lui »,

Dire et juger en conséquence cette clause inapplicable aux exploitations confiées par la société Éditions Robert Laffont aux sociétés Le Grand Livre du Mois et France Loisirs,

Dire et juger inapplicable aux exploitations confiées par la société Éditions Robert Laffont aux sociétés Le Grand Livre du Mois et France Loisirs les dispositions de l'article 6A du contrat d'édition du 2 mai 2005 conformes aux dispositions impératives de l'article L.131-4 du code de la propriété intellectuelle,

Condamner en conséquence à titre principal la société Éditions Robert Laffont au paiement à [T] [C] et la société Editions Adèle de la somme de 27.557,03 euros TTC au titre de l'exploitation effectuée par Le Grand Livre du Mois,

Condamner en conséquence à titre principal la société Éditions Robert Laffont au paiement à [T] [C] et la société Editions Adèle de la somme de 96.938,40 euros TTC au titre de l'exploitation effectuée par France Loisirs,

A titre subsidiaire et si par impossible, la cour d'appel de renvoi considérait que la violation du principe légal de rémunération de l'auteur ne peut être sanctionnée que par l'attribution de dommages et intérêts, condamner la société Éditions Robert Laffont au paiement, à titre de dommages et intérêts, de la somme de 96.938,40 euros, au titre de l'exploitation autorisée France Loisirs.

A titre subsidiaire et si par impossible, la cour d'appel de renvoi considérait que la violation du principe légal de rémunération de l'auteur ne peut être sanctionnée que par l'attribution de dommages et intérêts, condamner la société Éditions Robert Laffont au paiement, à titre de dommages et intérêts, de la somme de 27.557,03 euros au titre de l'exploitation autorisée le Grand Livre du Mois.

Infirmer le jugement rendu le 8 novembre 2012 en ce qu'il a rejeté la demande tendant à voir reconnaître la responsabilité délictuelle de la société Interforum,

STATUANT A NOUVEAU :

-Dire et juger que M. [C] et la société Éditions Adèle sont en droit d'opposer à la société Interforum l'exécution défectueuse de ses conditions générales de vente et de son contrat de distribution renvoyant aux usages de la profession et à ses conditions générales de vente auquel ils sont tiers mais qui leur cause personnellement préjudice,

-Dire et juger que cette exécution défectueuse constitue à leur égard une faute de nature à engager la responsabilité délictuelle de la société Interforum, sans qu'ils aient à rapporter d'autre preuve que cette exécution défectueuse,

-Dire et juger qu'en acceptant le retour d'ouvrages en méconnaissance des stipulations contractuelles déterminant les conditions dans lesquelles la vente prend un caractère ferme et définitif, le distributeur cause nécessairement un dommage à l'auteur privé des redevances auxquelles il peut prétendre sur les ouvrages effectivement vendus,

-Condamner la société Interforum à réparer le dommage qui en découle par le paiement à [T] [C] et la société Editions Adèle d'une somme de 328.836,552 euros à titre de dommages et intérêts,

-Débouter les sociétés Editions Robert Laffont et Interforum de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

-Infirmer le jugement du 8 novembre 2012 en qu'il a condamné in solidum M. [C] et la société Éditions Adèle à verser à la société Interforum la somme de 10 000 euros et à la société Éditions Robert Laffont la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

STATUANT À NOUVEAU

-Condamner la société Éditions Robert Laffont à verser à M. [C] et la société Éditions Adèle, la somme de 30.000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

-Condamner la société Interforum à verser à M. [C] et la société Éditions Adèle, la somme de 30 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

-Condamner en outre la société Éditions Robert Laffont à verser à M. [C] et la société Éditions Adèle, au titre de la présente procédure, la somme de 40 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

-Condamner la société Interforum à verser à M. [C] et la société Éditions Adèle, au titre de la présente procédure, la somme de 40 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

-9 décembre 2019ébouter les sociétés Éditions Robert Laffont et Interforum de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

-Condamner solidairement les sociétés Editions Robert Laffont et Interforum aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Monique Tardy.

Vu les dernières conclusions notifiées le 20 mai 2019 par la société des éditions Robert Laffont qui demande de :

Vu l'article 638 du code de procédure civile, vu les arrêts de la Cour de Cassation des 16 mai et 10 octobre 2018,

Déclarer Monsieur [C] et les Editions ADÈLE irrecevables en leurs demandes d'indemnisation au titre des ventes France Loisirs et le Grand Livre du Mois ;

Vu le principe qui interdit de se contredire au détriment d'autrui,

Déclarer Monsieur [C] et les Editions ADÈLE irrecevables en leur demande en paiement de droits d'auteur au titre des 300 exemplaires du « Café du Pont » leur ayant été livrés en sus des 100 exemplaires prévus par le contrat du 2 mai 2005 ;

En tout état de cause, mais dans la limite de la cassation intervenue,

Confirmer le jugement du 8 novembre 2012, en ce qu'il a débouté les Editions ADÈLE et Monsieur [C] de toutes leurs demandes pécuniaires (hors les 713 exemplaires du service de presse) et les a condamnés in solidum à payer aux Editions ROBERT LAFFONT une somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 CPC (l'erreur matérielle qui affecte le dispositif de ce jugement, en ce qu'il attribue ces 20 000 euros à la société INTERFORUM, devant bien entendu être corrigée) ;

En conséquence,

Débouter Monsieur [C] et les Editions ADÈLE de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

Mais vu l'article 1240 du code civil, recevoir les Editions ROBERT LAFFONT en leur demande reconventionnelle et les y déclarant bien fondées,

Condamner in solidum les Editions ADÈLE et Monsieur [C] à payer aux Editions ROBERT LAFFONT une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Les condamner in solidum à payer aux Editions ROBERT LAFFONT une somme de 35 000 euros sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de LEXAVOUE, avocat ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 22 mai 2019 par la société interforum qui demande de :

DÉCLARER la société Interforum recevable et bien fondée en ses demandes, conclusions et son appel incident,

Vu l'article 638 du code de procédure civile,

Vu les arrêts de la Cour de Cassation des 16 mai et 10 octobre 2018,

CONSTATER qu'aux termes des arrêts de la Cour de cassation des 16 mai et 10 octobre 2018, la condamnation prononcée le 25 novembre 2014 par la Cour d'appel de Paris à l'encontre de M. [T] [C] et des Éditions Adèle pour procédure abusive est définitive et passée en force de chose jugée,

CONSTATER que la demande de M. [T] [C] et des Éditions Adèle visant à voir « confirmer le jugement rendu le 8 novembre 2012 en ce qu'il a rejeté la demande en dommages et intérêts de la société Interforum pour procédure abusive » se heurte aux dispositions de l'article 638 du Code de procédure civile dont il résulte que la Cour d'appel de renvoi ne peut connaître que des chefs non atteints par la cassation,

DÉCLARER M. [T] [C] et les Éditions Adèle irrecevables en cette demande et les en débouter.

Vu les articles 2224, 2241 2243 du code civil,

Vu l'article 1240 du code civil,

Vu l'article 9 du code de procédure civile,

CONSTATER que la demande de M. [T] [C] et des éditions Adèle visant à obtenir la condamnation de la société Interforum à leur payer la somme de 200 000 euros au titre de « l'exécution défectueuse de ses conditions générales » et du contrat de distribution allégué a été formée pour la première fois par leurs conclusions d'appel devant la Cour d'appel de Paris du 15 juillet 2014, avant d'être réévaluée par les appelants à la somme de 298.942,32 euros à l'occasion de leurs conclusions devant la Cour d'appel de renvoi du 21 décembre 2018, puis à la somme de 328 836,522 euros à l'occasion de leurs conclusions du 16 avril 2019,

CONSTATER en conséquence que ces demandes de condamnation sont prescrites, pour avoir été formées plus de 5 ans après le terme du contrat d'édition du 2 mai 2005, et alors que la commercialisation de l'ouvrage a cessé au 31 décembre 2005,

CONSTATER qu'aucun effet interruptif de prescription ne saurait s'attacher aux demandes de M. [T] [C] et des Éditions Adèle à l'égard des sociétés Editions Robert Laffont et de la société Interforum fondées sur l'opacité des comptes, le défaut de communication des justificatifs relatifs à l'exploitation de l'ouvrage Le Café du Pont, notamment les retours et mises au pilon ainsi que les avoirs correspondants, et tendant à leur condamnation solidaire au paiement d'un complément de rémunération et d'une provision de 209.030 euros, ces demandes ayant définitivement été rejetées,

CONSTATER que le rejet de ces demandes fait irrémédiablement obstacle à ce que la demande de M. [T] [C] et des éditions Adèle, visant à obtenir la condamnation de la seule société Interforum à leur payer des dommages-intérêts au titre de « l'exécution défectueuse de ses conditions générales » et du contrat de distribution allégué, bénéficie d'une interruption de prescription par extension du chef de ces demandes,

CONSTATER que M. [T] [C] et les Éditions Adèle sont mal fondés à solliciter de la Cour d'appel qu'elle constate un report du point de départ de la prescription au 15 mai 2010, et à alléguer que leurs conclusions du 17 août 2012 auraient eu effet interruptif de prescription,

CONSTATER surabondamment que M. [T] [C] et les éditions Adèle ne font preuve ni de la faute, ni du dommage, ni du lien de causalité allégués aux fins de leur demande de condamnation contre la société Interforum et pas davantage du quantum des dommages et intérêts sollicités,

En conséquence,

DÉBOUTER M. [T] [C] et les Éditions Adèle de leur demande au titre de la responsabilité délictuelle.

Vu l'article 1240 du code civil,

CONSTATER l'abus du droit d'ester en justice commis par les appelants à l'occasion de la présente procédure de renvoi après cassation,

RECEVOIR la société Interforum en sa demande reconventionnelle,

CONDAMNER in solidum M. [T] [C] et les Éditions Adèle à payer à la société Interforum la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

En tout état de cause,

CONFIRMER en tant que de besoin la condamnation prononcée à l'encontre de M. [T] [C] et les Éditions Adèle par le jugement du 8 novembre 2012 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

CONDAMNER in solidum M. [T] [C] et les Éditions Adèle à payer à la société Interforum la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER in solidum M. [T] [C] et les Éditions Adèle aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué Paris-Versailles conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 2 mai 2005, [T] [C] représenté par les Editions Adèle, a conclu avec la société Les éditions Robert Laffont un contrat d'édition de l'ouvrage "Le café du pont" aux termes duquel il lui a cédé, à titre exclusif, ses droits d'exploitation sur l'oeuvre jusqu'au 31 décembre 2005.

Les éditions Robert Laffont ont fait imprimer l'ouvrage et celui-ci a été diffusé par son distributeur la société Interforum.

En 2007, [T] [C] et la société Les éditions Adèle ont saisi le juge des référés pour obtenir la désignation d'un expert chargé d'établir un compte entre les parties et le paiement d'une provision.

Par une ordonnance rendue le 2 mai 2007, le juge des référés a mis hors de cause l'imprimeur et le distributeur, a fait droit à la demande d'expertise et a rejeté les autres demandes. Cette ordonnance a été confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 février 2008 qui a précisé que l'expert devrait établir ses comptes selon chacune des interprétations données de la clause 7B du contrat par les parties.

Les 2 et 3 décembre 2008, [T] [C] et la société Les éditions Adèle ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris la société Les éditions Robert Laffont ainsi que la société Interforum en vue de voir établir la responsabilité délictuelle de cette dernière dans le dommage résultant d'une mauvaise reddition des comptes, voir ordonner une expertise à laquelle elle sera partie et ayant pour objet d'analyser les mouvements commerciaux et le traitement des sorties, retours, pilons stocks relatifs à l'exploitation du livre "Le café du pont" et obtenir la condamnation solidaire des défenderesses au paiement d'une provision à valoir sur les droits dus à l'auteur.

Les demandeurs faisaient également valoir que la société les Editions Robert Laffont avait commis une faute en incitant les points de vente à retourner les ouvrages dès le mois d'octobre 2005 et ils lui réclamaient la somme de 100 000 euros à titre de dommages intérêts.

Enfin, ils demandaient l'exécution provisoire du jugement et l'allocation d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'expert a déposé son rapport le 12 janvier 2009 en effectuant plusieurs propositions de compte.

Par une ordonnance du 4 novembre 2010, le juge de la mise en état a rejeté des demandes de communication de pièces.

Pour l'essentiel, dans son jugement du 8 novembre 2012, le tribunal de grande instance de Paris a considéré que les demandes fondées sur la nullité de la clause 6B du contrat d'édition du 13 novembre 2001 étaient prescrites. Il n'a fait droit qu'à la demande concernant les exemplaires presse et le préjudice résultant de la privation de la faculté de rachat pour les pilons de stockage.

Par un arrêt du 25 novembre 2014, la cour d'appel de Paris a infirmé ces dispositions et confirmé le jugement pour le surplus.

Par un arrêt du 16 mai 2018, la cour de cassation a cassé ledit arrêt mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'annulation de la clause 6B du contrat d'édition, la demande en paiement d'une certaine somme au titre de la diffusion gratuite de l'ouvrage et la demande de condamnation de la société Interforum fondée sur sa responsabilité délictuelle.

Sur le premier motif de cassation, la Cour de cassation juge que la Cour d'appel de Paris a violé les articles 2241 du code civil et l'article 1304 du même code dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 en retenant que ni l'assignation en référé et les conclusions soutenues par les parties, ni l'assignation au fond ne comporte de demande ou de moyen relatif à la nullité de cet article alors que l'action en nullité de la clause litigieuse visait à l'exécution du contrat sans cette clause et tendait au même but que l'action en paiement de rémunérations complémentaires.

Sur le second motif de cassation, la Cour de cassation juge que la cour d'appel de Paris a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 en retenant, pour rejeter la demande en paiement d'une certaine somme au titre des ouvrages distribués gratuitement, que cette distribution ne saurait être assimilée à une vente ouvrant droit à une rémunération pour l'auteur et que le nombre d'exemplaires en cause, mentionné au contrat s'est révélé insuffisant tant pour l'auteur que pour l'éditeur, alors qu'il résultait de ses propres constatations que le contrat mettait à la charge de l'éditeur, à ses frais exclusifs, la publicité et la promotion de l'ouvrage.

Sur le troisième motif de cassation, la cour de cassation juge que la cour d'appel de Paris a violé les articles 564 et 565 du code de procédure civile en retenant, pour déclarer irrecevable, comme nouvelles en cause d'appel, la demande de M. [C] et de la société Éditions Adèle tendant à la condamnation de la société Interforum sur le fondement de sa responsabilité délictuelle, au paiement d'une certaine somme à titre de dommages et intérêts, que ceux-ci n'avaient formé cette demande ni dans leur acte introductif d'instance ni dans leurs conclusions récapitulatives de première instance, aux termes desquels ils avaient seulement sollicité la condamnation solidaire de la société Interforum avec l'éditeur pour avoir été complices de celui-ci dans la violation de ses obligations contractuelles, alors que la demande de condamnation de la société Interforum en paiement de dommages et intérêts tendait aux mêmes fins que la prétention formée en première instance.

M. [C] et la société Éditions Adèle ont déposé une requête en rectification d'erreurs matérielles de l'arrêt de cassation du 16 mai 2018 qui a été rejetée par la Cour de cassation par un arrêt du 10 octobre 2018.

M. [C] et la société Éditions Adèle demandaient à la Cour de cassation de compléter le dispositif de son arrêt du 16 mai 2018 en ce que la cassation sur le premier moyen de la demande d'annulation de la clause 6B du contrat d'édition devait atteindre selon eux en particulier le rejet des demandes en paiement de certaines sommes au titre de l'exploitation non autorisée de l'ouvrage par la société France-Loisirs et au titre de l'exploitation de l'ouvrage par la société Le Grand livre du mois.

Pour rejeter cette requête, la Cour de cassation retient que l'arrêt de la cour d'appel de Paris a rejeté ces demandes au motif que la société Éditions Adèle avait validé l'intégralité des impressions réalisées par la société France-Loisirs et avait été payée, ainsi que M. [C], de l'intégralité des droits sur cette opération et que tous deux avaient donné leur autorisation pour l'exploitation de l'ouvrage par la société Le Grand livre du mois.

Par application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément référé aux conclusions des parties pour un exposé développé de leurs moyens.

SUR CE , LA COUR,

Sur les demandes de M. [C] et de la société les éditions Adèle en paiement de rémunérations supplémentaires au titre des exploitations France-Loisirs et Le Grand livre du mois

Sur la recevabilité de ces demandes

Les éditions Robert Laffont soutiennent que ces demandes sont irrecevables dès lors qu'elles portent sur des chefs non atteints par la cassation. Elles invoquent en ce sens l'arrêt de la Cour de cassation du 16 mai 2018 qui a rejeté leur deuxième moyen spécifiquement consacré aux ventes France-Loisirs ainsi que leur quatrième moyen dédié aux ventes effectuées par Le Grand livre du mois. Ils se prévalent également de l'arrêt du 10 octobre 2018 qui rejette la requête en rectification d'erreur matérielle qui visait en particulier à ce que la Cour de cassation complète le dispositif de son arrêt du 16 mai 2018 sur les demandes en paiement de certaines sommes au titre de l'exploitation non autorisée de l'ouvrage par la société France-Loisirs et au titre de l'exploitation de l'ouvrage par la société Le Grand livre du mois. Ils prétendent que le lien de dépendance invoqué par les appelants entre la demande d'annulation de la clause 6B du contrat d'édition et ces demandes en paiement a déjà été développé, mais sans succès, dans le cadre de leur requête en rectification d'erreur matérielle. En réponse au moyen des appelants suivant lequel la cour d'appel de Paris n'aurait rejeté définitivement ces demandes que sur le fondement de l'article 6 A, ils font valoir que les chefs de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 25 novembre 2014 rejetant chacune des demandes litigieuses ont acquis un caractère définitif. Elles affirment que s'il appartient en général à la juridiction de renvoi désignée de déterminer si un lien d'indivisibilité ou de dépendance existe entre les chefs annulés et ceux censurés, il n'en va évidemment pas de même lorsque par un second arrêt, rendu dans la même affaire, la Cour de cassation s'est elle-même prononcée sur cette question en considérant que ce lien n'existait pas comme l'a fait la Cour de cassation dans son arrêt du 10 octobre 2018. Elles observent que les appelants confondent demandes et fondements de demande et que, contrairement à ce qui lui est demandé, la cour de renvoi ne peut pas statuer sur des prétentions qui ont été irrévocablement rejetées même sur un autre fondement. Elles invoquent en ce sens un arrêt de la Cour de cassation qui a jugé qu'il ne pouvait être opposé à une partie irrévocablement déclarée recevable en ses demandes de nouvelle fins de non recevoir devant la cour d'appel de renvoi saisie après cassation partielle. Elles affirment que c'est d'ailleurs bien parce qu'ils étaient parfaitement conscients de l'obstacle qui se dressait devant eux que M. [C] et la société les Éditions Adèle ont tenté par leur requête en rectification d'erreurs matérielles de le contourner.

M. [T] [C] et la société les Éditions Adèle répliquent que la cour d'appel de Paris n'a pas examiné ni statué sur la demande d'annulation des dispositions de l'article 6 B du contrat d'édition et ses conséquences patrimoniales puisqu'elle a considéré cette demande irrecevable comme prescrite. Ils en déduisent que contrairement à ce que soutiennent les éditions Robert Laffont, l'arrêt de la cour d'appel de Paris ne saurait avoir autorité de chose jugée sur le caractère fondé ou non de ces prétentions et leurs conséquences. Ils ajoutent que si par arrêt du 10 octobre 2018, la Cour de cassation a estimé que l'arrêt rendu par elle le 16 mai 2018 était justifié par d'autres causes que celles qu'ils avaient évoquées et a par conséquent rejeté la requête, cet arrêt ne complète ni ne contredit l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 16 mai 2018. Ils estiment que les articles 623 et 624 du code de procédure civile invitent à rechercher, lorsqu'une censure intervient sur un chef, si ce chef est dissociable des autres ou s'il y a entre les différentes dispositions de la décision attaquée, un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire. Ils en déduisent que c'est aux juges d'appel qu'il incombe d'identifier les implications de la censure prononcée, lesquels devront donc tirer toutes les conséquences de la cassation le 16 mai 2018 de l'arrêt rendu le 25 novembre 2014 par la cour d'appel de Paris en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de la clause 6B du contrat et ce, en ce compris les demandes qui en sont la conséquence, à savoir la demande d'anéantissement rétroactif de la clause en question, la demande tendant au calcul de la rémunération de l'auteur à l'aune du contrat expurgé des stipulations devant être tenues pour non écrites et la demande de condamnation de l'éditeur au paiement de rémunération complémentaire et ce d'autant plus que la cour d'appel de Paris n'a pas examiné le bien-fondé de ces demandes. Ils concluent que la censure prononcée le 16 mai 2018 autorise donc à contester, devant la juridiction de renvoi, la validité de ladite clause, et, subséquemment, de discuter des implications patrimoniales de son annulation. Ils rappellent que si l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première. En l'espèce, ils soutiennent que l'objet de cette demande était nécessairement compris dans les précédentes actions en référé de février 2007 et au fond du 3 décembre 2008 qui étaient des actions en paiement d'indemnités à titre de dommages et intérêts et de rémunérations complémentaires, lesquelles ont été intentées moins de cinq ans après la signature du contrat d'édition du 2 mai 2005. Ils précisent que l'auteur a en effet contesté le montant de sa rémunération dès son assignation en référé délivrée en février 2007 et a demandé la révision des comptes présentés par l'éditeur et sa condamnation au paiement d'un complément de redevances et de dommages et intérêts dans son assignation au fond du 3 décembre 2008. Ils répliquent par ailleurs que leurs demandes devant la cour d'appel de Paris concernant ces exploitations étaient fondées sur l'article 6A du contrat d'édition qui prévoyait l'autorisation préalable de l'auteur pour de telles exploitations, ce qui n'avait pas été le cas en l'espèce et qu'en conséquence l'arrêt de la cour d'appel de Paris n'est définitif qu'en ce qu'il rejette leurs demandes sur ce fondement.

Considérant ceci exposé qu'il résulte de l'article 624 du code de procédure civile que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ; elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ;

Considérant en l'espèce que par son arrêt du 10 mai 2018, la Cour de cassation a expressément jugé que l'action en nullité de la clause stipulée à l'article 6B du contrat d'édition visait à l'exécution du contrat sans cette clause et tendait au même but que l'action en paiement de rémunérations complémentaires, raison pour laquelle elle a cassé la disposition de l'arrêt du 25 novembre 2014 en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de cette clause ;

Considérant que si la société Robert Laffont fait valoir que la Cour de cassation a rejeté les deuxième et quatrième moyens soulevés par M. [C] et les éditions Adèle relatifs aux exploitations France-Loisirs et Le Grand livre du mois, ces deux moyens sont sans lien avec le problème de la nullité de l'article 6B du contrat d'édition sur lequel les appelants fondent leur demande ; qu'il en va ainsi également du rejet de la requête en rectification d'erreurs matérielles, la Cour de cassation retenant dans son arrêt du 10 octobre 2018 que la cour d'appel de Paris avait rejeté ces demandes aux motifs que la société Éditions Adèle avait validé l'intégralité des impressions réalisées par la société France-Loisirs et avait été payée, ainsi que M. [C] de l'intégralité des droits sur cette opération, et que tous deux avaient donné leur autorisation pour l'exploitation de l'ouvrage par la société Le Grand livre du mois ; qu'il y a lieu de rappeler que ces demandes étaient alors fondées sur l'article 6A du contrat d'édition et non sur l'article 6B ;

Considérant que l'arrêt de la cour d'appel de Paris, non atteint par la cassation sur ce point, est donc devenu irrévocable en ce qu'il rejette les demandes de M. [C] et de la société Les éditions Adèle au titre des exploitations France-Loisirs et Le Grand livre du mois fondées sur l'article 6A ;

Considérant qu'il est ainsi définitif que M. [C] et la société les Éditions Adèle, qui se plaignaient d'une absence d'autorisation desdites exploitations contrairement à ce qui était requis par l'article 6A du contrat, ont validé cette exploitation ; que, néanmoins, l'arrêt de la cour d'appel de Paris considère qu'ils ont été remplis de leurs droits sur le fondement de l'article 6B alors que la disposition de cet arrêt rejetant leur demande de nullité de cette clause a été cassée ; qu'il appartient donc, comme les appelants le demandent, de statuer à la fois sur cette demande ainsi que sur ses conséquences, notamment financières ; qu'il s'ensuit que les demandes de rémunérations complémentaires fondées sur la nullité de l'article 6B du contrat d'édition sont recevables ; qu'elles ne sont pas davantage prescrites dès lors que, ainsi qu'il en résulte de l'arrêt de cassation du 16 mai 2018, l'action en nullité de la clause litigieuse vise à l'exécution du contrat sans cette clause et tend au même but que l'action en paiement de rémunérations complémentaires ;

Sur le bien-fondé de ces demandes

M. [C] et la société les Éditions Adèle invoquent la contrariété de l'article 6B du contrat d'édition aux dispositions impératives de l'article L 131-4 du code de la propriété intellectuelle relatives à la rémunération proportionnelle de l'auteur. Ils demandent donc l'application de l'article 6A du contrat, lequel prévoit lui une rémunération proportionnelle conforme aux dispositions de l'article L 131-4 du code de la propriété intellectuelle. Ils soutiennent que les conditions émises par les Éditions Adèle dans leur lettre du 26 août 2005, tenant à la communication des états de compte et à l'absence de vente après le 31 décembre 2005, n'ont pas été respectées par la société Robert Laffont. Ils relèvent également que les constatations de l'expert judiciaire sont en contradiction avec les déclarations mêmes de l'éditeur. Ils revendiquent une rémunération calculée sur le prix de vente public hors-taxes telle qu'elle était due à l'auteur en l'absence de la clause nulle, la base de calcul étant constituée par la vente par la société Robert Laffont à la société France-Loisirs des 28'000 ouvrages indiqués comme ayant été imprimés pour cette exploitation et qui lui ont été vendus. Le contrat d'édition prévoyant en son article 6A un taux contractuel de 20 % du prix public hors-taxes au-delà de 100'000 exemplaires vendus, et 28'000 exemplaires ayant été commandés par la société France-Loisirs et vendus à cette dernière, ils demandent au titre des exploitations France-Loisirs la somme de 28'000 X 18,96 euros X 20 %, soit 106'167 euros hors-taxes -18'050,18 euros hors-taxes déjà versés = 88'125,52 euros hors-taxes + 8812,58 euros (TVA à 10 %) = 96'938,40 euros TTC.

Subsidiairement, si la cour estimait que la violation du principe légal de rémunération proportionnelle de l'auteur ne pouvait être sanctionnée que par l'attribution de dommages et intérêts, ils demandent le paiement de cette somme à titre de dommages et intérêts. En réplique à la société Robert Laffont qui soutient qu'en percevant 50 % des sommes de toute nature nette de tous frais, M. [C] se serait vu en fait appliquer une rémunération de 3,75 % du prix public hors-taxes, ils indiquent qu'ils n'ont jamais accepté un tel taux de rémunération. Ils nient que la facture du 13 janvier 2006 émise par la société les Éditions Adèle puisse valoir ratification des sommes versées à ce titre par l'éditeur en rappelant que ce dernier a refusé de l'acquitter au motif qu'elle n'avait aucune valeur ; ils estiment également qu'il ne saurait être déduit de cette facture que la société Éditions Robert Laffont serait en droit de passer outre les dispositions impératives de la loi. Ils observent qu'ils n'ont d'ailleurs pas cessé de faire part de leur plein désaccord à ce sujet. Enfin, ils invoquent en ce sens l'arrêt rendu le 30 mars 2018 par la cour d'appel de renvoi concernant l'ouvrage « le parler des métiers ».

En ce qui concerne l'exploitation de l'ouvrage par le Grand livre du mois, ils invoquent une reddition de comptes annuels du 12 janvier 2006 faisant état de 7000 exemplaires, le rapport de l'expert judiciaire révélant au contraire que 7294 exemplaires ont été fabriqués et livrés et donc vendus au Grand livre du mois. Ils demandent donc une rémunération complémentaire de 7294 X 18,96 euros hors-taxes X 20 % -2607 euros hors-taxes, soit 27'658,85 euros hors-taxes, soit 27'557,03 euros TTC pour un taux de TVA de 10 %. Subsidiairement, ils demandent la même somme à titre de dommages et intérêts.

Subsidiairement, la société Robert Laffont pointe la variation des demandes de M. [C] et de la société les Éditions Adèle et conteste les montants réclamés.

Considérant ceci exposé qu'en vertu de l'article L 131-4 du code de la propriété intellectuelle, la cession par l'auteur de ses droits sur son oeuvre peut être totale ou partielle. Elle doit comporter au profit de l'auteur la participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l'exploitation ; qu'il est de jurisprudence constante que cette rémunération doit être calculée par référence au prix de vente au public ;

Considérant en l'espèce que le contrat d'édition du 2 mai 2005 régularisé entre la société les éditions Adèle, M. [C] et les éditions Robert Laffont contient un article numéro 6B stipulant que l'éditeur devra à l'auteur, en cas d'exploitation par un tiers des autres droits (i.e éditions en format de poche et en édition club) 50 % des sommes, de toute nature, nettes de tous frais et taxes effectivement encaissés par lui ; que cet article contrevient donc aux dispositions d'ordre public de l'article L 131-4 du code de la propriété intellectuelle ; qu'il convient donc d'annuler cette clause ; que, néanmoins, le contrat prévoyant également en son article 6A une rémunération proportionnelle sur les ventes de l'ouvrage par les libraires, il n'y a pas lieu de recourir aux dispositions de l'article L 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle régissant le calcul des dommages et intérêts dus à l'auteur en cas de contrefaçon ; qu'en effet, les stipulations de l'article 6A peuvent être transposées aux ventes réalisées par France-Loisirs et Le Grand livre du mois ;

Considérant par ailleurs que les relations contractuelles sont émaillées de réclamations diverses de la part de M. [C] et de la société les Éditions Adèle ; que, dans ce contexte, il n'est pas permis de considérer que la facture qu'ils ont adressée à la société Robert Laffont vaille renonciation à contester la validité de l'article 6B et à solliciter, par voie de conséquence des rémunérations supplémentaires ;

Considérant que l'article 6A du contrat d'édition stipule que l'éditeur devra à l'auteur, pour chaque exemplaire vendu, un droit ainsi calculé sur le prix de vente au public hors-taxes :

- 15 % jusqu'à 50'000 exemplaires,

- 17 % du 50'001èmes exemplaires aux 100'000èmes exemplaires,

- 20 % au-delà de 100 000 exemplaires ;

Qu'il est également prévu que pour le passage d'un palier à l'autre, il est clair entre les parties que sera pris en compte l'ensemble des exemplaires vendus quelle que soit l'édition retenue ;

Considérant qu'il résulte de l'expertise judiciaire et plus particulièrement du comptage des stocks à partir du nombre total d'ouvrages fabriqués, que peuvent être considérés comme vendus 129'209 ouvrages ; que l'auteur a donc vocation à percevoir sur les ouvrages vendus par France-Loisirs et Le Grand livre du mois un taux de rémunération de 20 % ; qu'en aucun cas, il n'a consenti à un taux de 3,75 % comme tente de le faire prévaloir les éditions Robert Laffont'; qu'en revanche, la majoration de cette rémunération du taux de la TVA en vigueur est dépourvue de tout fondement contractuel ;

Considérant en outre que quelles que soient les déclarations des parties sur ce point, il n'y a lieu de prendre en compte que les exemplaires effectivement vendus tels qu'ils ont été calculés par l'expert ; que celui-ci a ainsi dénombré 7 000 exemplaires vendus par Le Grand livre du mois et 26'744 exemplaires vendus par France-Loisirs ; que de même l'expert a-t-il vérifié au titre de l'exploitation le Grand livre du mois, que les appelants avaient perçu la somme de 4 977 euros et au titre de l'exploitation France-Loisirs, la somme de 18'052 euros ; qu'ainsi, compte tenu des montants déjà versés, il est dû à M. [C] et à la société les Éditions Adèle la somme de :

France-Loisirs : 26'744 x 18,96 euros x 20 % = 101'527 euros -18'052 euros = 83'475 euros ;

Le Grand livre du mois : 7 000 x 18,96 euros x 20 % = 26'544 ' 4 977 = 21'567 euros ;

Que le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [C] et les Éditions Adèle de leurs demandes à ce titre ; que la société des éditions Robert Laffont sera donc condamnée à payer lesdites sommes à M. [C] et à la société les Éditions Adèle ;

Sur les demandes en paiement relatives à la promotion et à la diffusion gratuite de l'ouvrage

M. [C] et la société les Éditions Adèle approuvent les premiers juges, appliquant les dispositions contractuelles, d'avoir retenu que le mot recettes figurant dans l'article L 131-4 du code de la propriété intellectuelle s'entend du produit brut d'exploitation et non pas des bénéfices et qu'il est d'usage dans le domaine de l'édition que les droits d'auteur ne portent pas sur les exemplaires destinés à la presse. En revanche, ils leur reprochent d'avoir exclu de la rémunération de l'auteur les exemplaires distribués gratuitement sauf pour seulement 400 d'entre eux, soit 100 exemplaires remis gratuitement à l'auteur et 300 exemplaires destinés au service de presse. Ils estiment qu'à supposer que ces besoins aient été sous-estimés, ce qui relève de la responsabilité de l'éditeur, il n'y a aucune raison que l'auteur s'en trouve pénalisé. Ils prétendent donc qu'en excluant tout droit à rémunération de l'auteur pour 300 exemplaires, le tribunal a bouleversé la répartition négociée entre les cocontractants alors qu'il était expressément stipulé que la charge des coûts de publicité et de promotion de l'ouvrage incomberait à l'éditeur. Ils demandent donc l'application du contrat, qui fait la loi des parties, et qui met à la charge de l'éditeur, à ses frais exclusifs, la publicité et la promotion de l'ouvrage, ce que rappelle la Cour de cassation, dans son arrêt du 16 mai 2018. Ils invoquent en ce sens l'arrêt rendu le 28 mai 2014 par la cour d'appel de Paris à propos de l'ouvrage « le parler des métiers » qui a appliqué, au même cas de figure, une clause rédigée en termes identiques, et mettant donc la promotion de l'ouvrage à la charge exclusive de l'éditeur. Rappelant que le contrat a exclu la rémunération sur 100 exemplaires remis gratuitement à l'auteur et 300 destinés à la presse et qu'en fait 1413 exemplaires ont été nécessaires, dont 400 remis à l'auteur, ils demandent que l'auteur soit rémunéré sur 1 013 exemplaires, soit la somme de 1 013 x 18,96 euros x 20 % = 3 841,30 euros hors-taxes, soit 4225,43 euros, TVA au taux de 10 % incluse.

La société des éditions Robert Laffont indique ne pas former appel incident de la disposition du jugement déféré l'ayant condamnée à paiement à ce titre. En revanche, elle s'oppose à toute demande supplémentaire des appelants. Elle expose que sur les 1 400 exemplaires concernés, 400 au moins ont en réalité été livrés directement aux éditions Adèle, soit 100 le 16 mai 2005 et 300 le 8 juillet 2005, ce qui explique, selon elle, que l'expert judiciaire ait déduit des 1 413 exemplaires annoncés, 700 ouvrages (300 au titre du service de presse « contractuel » et 400 livrés aux appelants et que le tribunal n'ait pas raisonné différemment. Elle estime néanmoins injuste la condamnation prononcée à ce titre en première instance et estime que le contrat comportait une vraie incohérence en donnant le sentiment, à travers l'article 6A, de restreindre le nombre d'exemplaires de l'ouvrage susceptibles d'être adressés aux médias, tout en exigeant de l'éditeur, à l'article 5 d'assurer la publicité et la promotion de l'ouvrage de manière significative. Elle estime également inappropriée la sanction consistant à réintégrer les exemplaires de presse surnuméraires dans le calcul de la rémunération de l'auteur car les bénéficiaires de ces envois ont contribué à la promotion de l'ouvrage. Dans ces conditions, elle s'oppose à toute rémunération sur les exemplaires supplémentaires, livrés à l'auteur et invoque en ce sens, les termes du contrat.

Considérant ceci exposé que l'article 5 du contrat d'édition stipule que l'éditeur s'engage, à ses frais exclusifs, à assurer la publicité et la promotion de l'ouvrage de manière significative et de la façon la plus active ; qu'il prévoit également que le budget publicitaire, sera entièrement à la charge de l'éditeur ; que de son côté l'article 6A du contrat prévoit que, conformément aux usages, les droits d'auteur ne porteront pas sur les 100 exemplaires remis gratuitement à l'auteur et sur les 300 exemplaires destinés au service de presse ;

Considérant qu'il n'est pas contesté qu'en fait, 400 exemplaires ont été remis gratuitement à l'auteur, et que 1 013 exemplaires ont été nécessaires au service de la promotion de l'ouvrage, l'éditeur, devant l'assumer d'après les termes du contrat, à ses frais exclusifs ; qu'il a donc sous-estimé les besoins à ce titre ; que néanmoins, il était contractuellement prévu, que les droits d'auteur ne porteraient pas sur 300 exemplaires destinés au service de presse ; que la rémunération de l'auteur doit donc porter sur les 713 exemplaires supplémentaires ;

Considérant que si M. [C] et la société les Éditions Adèle invoquent la lettre du contrat, son esprit est toutefois d'exclure la rémunération de l'auteur, sur les ouvrages qui lui sont remis gratuitement, ce qui est conforme aux usages ; qu'ainsi, 400 ouvrages, et non pas seulement les 100 qui étaient prévus, ont été remis gratuitement à l'auteur ; qu'ainsi, la rémunération ne portera pas sur ces 400 ouvrages ;

Considérant que le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point ;

Sur la responsabilité délictuelle de la société Interforum

La société Interforum soutient que les demandes de dommages et intérêts formées à son encontre sont prescrites. À l'appui, invoquant l'article 2224 du Code civil, elle fait valoir que l'exploitation de l'ouvrage litigieux a cessé le 31 décembre 2005, terme du contrat d'édition et point de départ de la prescription quinquennale. Elle conteste les interruptions de prescription invoquées par les appelants. Elle souligne en premier lieu que le rejet de leur demande tendant, aux termes de son assignation du 3 décembre 2008, à sa condamnation solidaire avec la société Édition Robert Laffont a été rejetée définitivement si bien que par application de l'article 2243 du Code civil, aucun effet interruptif de prescription ne s'attache à cette demande. Elle estime que, dans le prolongement, la seconde demande des appelants visant à obtenir sa seule condamnation pécuniaire pour un montant de 200'000 euros est prescrite, ce constat s'imposant de plus fort à l'égard des demandes nouvellement majorées. Elle observe qu'au fil de leurs conclusions successives, M. [C] et la société les Éditions Adèle n'ont pas cessé de modifier le point de départ de la prescription. Elle observe qu'ils se prévalent de sa supposée exécution défectueuse de ses propres conditions générales de vente, datant de 2007 et 2009 ainsi que de la violation d'usages datant de 1991, 2001 et 2008, ce qui signifie selon elle qu'ils connaissaient le fait leur permettant d'agir dès la conclusion du contrat d'édition du 2 mai 2005, la meilleure preuve en étant qu'ils n'avaient pas manqué de le dénoncer bien avant le mois de juillet 2014, ceci d'autant qu'elle ne s'était jamais cachée de sa politique de retour très souple. Elle affirme que le contrat de distribution produit par les appelants en pièce numéro 99 dont ils n'auraient eu connaissance n'est en aucun cas le contrat de distribution la liant aux éditions Robert Laffont. Elle estime qu'ils le savent d'ailleurs pertinemment puisqu'ils ont délivré sommation de communiquer le 10 avril 2019, sommation à laquelle il a été aussitôt répondu. Elle affirme en outre que cette pièce numéro 99 prétendument découverte en juillet 2014 était entre leurs mains avant cette date alors que de plus, ils n'ont évidemment nul besoin de cette pièce pour tenter d'engager, comme ils l'ont d'ailleurs fait, sa responsabilité délictuelle en qualité de distributeur de l'ouvrage. Elle précise à cet égard que sa responsabilité individuelle est en effet recherchée sur d'autres fondements que les termes exacts du contrat de distribution, notamment les usages et les conditions générales de vente. Quant au point de départ fixé par les appelants, au dernier état de la procédure, au 15 juin 2010, date qui correspond à celle où elle aurait admis par conclusions devant le juge de la mise en état, avoir pratiqué une politique de retour très large, elle répond que les appelants omettent qu'elle a toujours été très transparente sur sa politique de retour, portée à la connaissance de l'auteur et de son représentant bien avant la date du 15 juin 2010, ce dont atteste notamment une lettre du 7 mai 2008 à l'expert [H]. Elle réplique à ce sujet que si cette lettre concerne l'ouvrage « le parler des métiers », cette politique n'est pas propre à ce seul ouvrage mais s'applique à tous les ouvrages dont elle assure la distribution. Elle relève que le dispositif des conclusions de M. [C] et de la société les Éditions Adèle du 17 août 2012 devant le tribunal de grande instance de Paris ne comporte aucune demande à son égard du chef de l'exécution défectueuse de ces conditions générales de vente mais énonce une demande de condamnation pécuniaire formée solidairement au seul grief d'une prétendue opacité des comptes. Elle indique que la demande de condamnation pécuniaire pour exécution défectueuse de ces conditions générales de vente et du contrat de distribution alléguée n'a été formée pour la première fois que par les conclusions d'appelants du 15 juillet 2014 devant la cour d'appel de Paris.

M. [C] et la société les Éditions Adèle répliquent que cette argumentation de la société Interforum fait l'impasse sur l'arrêt de la Cour de cassation du 16 mai 2018 en faisant reposer la fin de non recevoir tirée de la prescription sur un postulat déclaré erroné par la Cour de cassation ; qu'en effet, cet arrêt a jugé que la demande, devant la cour d'appel de Paris, de condamnation de la société Interforum avait déjà été formée devant les premiers juges ; qu'elle n'était pas nouvelle et était recevable si bien que les parties ont été renvoyées devant la cour d'appel de Versailles afin qu'elle examine cette demande. Ils précisent que le litige, depuis le 20 février 2007 date de l'assignation en référé puis 3 décembre 2008, date de l'assignation au fond n'a cessé d'évoluer, du fait des déclarations et des contrevérités tenues par la société Interforum et qu'ils ont découvert le 15 juin 2010 que celle-ci avait accepté tous les retours de l'ouvrage et ce au mépris de ses conditions générales de vente. Ils observent que la société Interforum a fait cette déclaration à l'occasion d'une instance en communication de pièces devant le juge de la mise en état et que c'est donc, par des conclusions du 17 août 2012, donc moins de cinq ans à compter de la découverte de leur dommage résultant de cette faute particulière, qu'ils ont alors poursuivi, devant les premiers juges, sa responsabilité délictuelle. Ils remarquent d'ailleurs que la société Interforum n'a soulevé la prescription ni devant les premiers juges ni devant la cour d'appel de Paris devant laquelle ils ont réitéré leur demande de condamnation pour exécution défectueuse des conditions générales de vente de la société Interforum. Ils ajoutent que par conclusions du 15 juillet 2014, ils ont également sollicité sa condamnation sur le fondement de son exécution défectueuse de son contrat de distribution dont ils n'ont pris connaissance que le 6 mars 2014. Ils estiment qu'il appartient à la cour de renvoi de statuer sur cette demande dès lors que la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Paris qui a jugé cette demande irrecevable en décidant de manière erronée qu'il s'agissait d'une prétention nouvelle. En effet, selon eux, seule est définitive la disposition de l'arrêt de la cour d'appel de Paris qui rejette leur demande fondée sur l'opacité des comptes et le concours de ce fait de la société Interforum à la mauvaise exécution du contrat d'édition, laquelle n'a pas la même cause que la demande maintenue devant la cour d'appel de renvoi. Ils fondent également leur demande sur le droit à un recours effectif posé à l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Considérant, ceci exposé et en préambule, qu'il convient de rappeler que la cour n'est saisie que par les dernières conclusions notifiées par les parties ; que seule est donc dans le débat le point de départ du délai de prescription invoqué par les appelants dans leurs conclusions notifiées en dernier lieu ; que la cour l'appréciera pour sa part au seul vu des pièces soumises à son appréciation ;

Considérant qu'il résulte de l'article 2224 du code civil que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ;

Considérant en l'espèce que M. [C] et la société les Éditions Adèle reprochent à la société Interforum d'une part une inexécution de ses propres conditions générales de vente et d'autre part une inexécution du contrat de distribution la liant à la société des éditions Robert Laffont ; que selon le texte susvisé, le point de départ du délai de la prescription quinquennale ne peut être que la date à laquelle ils ont eu connaissance des inexécutions qu'il reproche à la société Interforum ; que c'est donc à tort que cette dernière soutient que celui-ci doit être situé au 31 décembre 2005, date de fin d'exploitation de l'ouvrage; que, pour la même raison, il n'est pas pertinent d'invoquer la date elle-même des conditions générales ou des usages, le débat portant, au regard de la prescription, sur la date à laquelle les appelants ont eu connaissance de la violation de ces usages et des conditions générales que les appelants reprochent à la société Interforum ;

Considérant que M. [C] et la société les Éditions Adèle soutiennent qu'ils n'ont pris connaissance de l'inexécution par la société Interforum de ses conditions générales de vente concernant sa politique des retours qu'aux termes des conclusions signifiées par cette dernière devant le juge de la mise en état le 15 juillet 2010 ; que néanmoins dans ces conclusions, celle-ci fait référence à un courrier adressé à l'expert [H], désigné dans le cadre du litige concernant l'ouvrage de [T] [C] «'le parler des métiers » » dont les appelants, demandeurs dans le cadre de cet autre litige, ont nécessairement eu connaissance ;

Considérant ensuite que dans ce courrier adressé le 7 mai 2008 à l'expert [H], la société Interforum indique en substance que les métiers de l'édition se caractérisent désormais essentiellement par la pratique du droit de retour, c'est-à-dire le droit pour un libraire de retourner au diffuseur les exemplaires livrés qu'il n'est pas parvenu à vendre à ses clients, ceci, dans l'intérêt des auteurs, des éditeurs et des diffuseurs puisque le libraire, assuré de pouvoir retourner les ouvrages invendus, ne sera pas tenté de restreindre ses stocks, ce qui favorisera l'exposition de l'ouvrage au public et donc la vitalité de l'édition ;

Considérant que, dans ce courrier, la société Interforum informe donc l'expert de l'assouplissement de sa politique des retours en évoquant de manière générale l'évolution des métiers de l'édition qui se caractérise désormais essentiellement par la pratique du droit de retour ; qu'il ne peut qu'en être conclu que cette politique concerne tous les ouvrages distribués par la société Interforum ; que c'est donc à tort que M. [C] et la société les Éditions Adèle font valoir que, ce courrier ayant été adressé à l'expert désigné dans le cadre du litige concernant l'ouvrage « le parler des métiers », il n'a pas permis de leur faire prendre connaissance de l'assouplissement de la politique des retours de la société Interforum visant précisément l'ouvrage « le café du Pont », objet du présent litige ; que c'est donc à la date du 7 mai 2008 qu'ils ont eu connaissance de l'inexécution de ses conditions générales de vente qu'ils reprochent à la société Interforum ;

Considérant que si M. [C] et la société les Éditions Adèle ont sollicité, par conclusions signifiées le 17 août 2012 devant le tribunal de grande instance de Paris, produites de manière tronquée par la société Interforum, il résulte des énonciations du jugement déféré qu'ils demandaient la condamnation solidaire de la société les Éditions Robert Laffont et de la société Interforum à leur verser la somme de 225'508,50 euros TTC et qu'en ce qui concerne la société Interforum, ils faisaient précisément valoir qu'en acceptant les retours hors les conditions contractuelles régissant ses rapports avec les distributeurs et hors les usages de la profession, la société Interforum avait commis une faute créant un préjudice à l'auteur en le privant d'une partie de sa rémunération proportionnelle ;

Considérant enfin que la Cour de cassation dans son arrêt du 16 mai 2018, pour casser la disposition de l'arrêt du 25 novembre 2014 de la cour d'appel de Paris déclarant irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande de M. [C] et de la société les Éditions Adèle de condamnation de la société Interforum sur le fondement de sa responsabilité délictuelle retient que cette demande tend aux mêmes fins que la prétention formée en première instance ; qu'il s'ensuit que le fait permettant à M. [C] et à la société les Éditions Adèle d'agir au sens de l'article 2224 du code civil, ayant été soulevé pour la première fois par les conclusions signifiées le 15 août 2012 devant le tribunal de grande instance de Paris moins de cinq ans avant la révélation de ce fait par le courrier du 7 mai 2008, la demande de dommages et intérêts fondée sur la responsabilité délictuelle de la société Interforum n'est pas prescrite, étant précisé que la prescription est interrompue jusqu'à ce qu'une décision soit rendue de manière irrévocable ;

Considérant par ailleurs que la société Interforum est mal fondée à soulever la prescription des demandes fondées sur l'inexécution du contrat de distribution qui la lie avec la société les Éditions Robert Laffont, contrat qu'elle a toujours refusé de produire et dont elle indique que la pièce numéro 99 produite par les appelants n'est pas le contrat concerné ; qu'il est ainsi impossible de déterminer à quelle date les appelants ont pu avoir connaissance du fait leur permettant d'agir au sens de l'article 2224 du code civil ;

Sur le bien-fondé de la demande

Au soutien de leur demande de dommages et intérêts, M. [C] et la société les Éditions Adèle font valoir que les usages de la profession sont consignés dans trois protocoles d'accord sur les usages commerciaux de l'édition avec la librairie signés en 1991 par le syndicat national de l'édition et les représentants des libraires, le 19 mars 2001 et renouvelés le 26 juin 2008 et que ces trois protocoles d'accord constituent un engagement des parties signataires. Ils indiquent qu'ils offrent la faculté au point de vente d'exercer un droit de retour sur les nouveautés en dehors desquelles les points de vente ne peuvent bénéficier d'un droit de retour sur leurs commandes. Ils soulignent que le livre facturé par le diffuseur/distributeur au point de vente dans le cadre de l'office, qui est donc vendu et qui est retourné par ce point de vente lui donne droit, sous certaines conditions, à l'émission d'un avoir qui est une écriture comptable donnant lieu à un crédit utilisable sur l'achat d'un quelconque autre ouvrage. Ils ajoutent que les conditions générales de vente émises en 2007 puis en 2009 par la société Interforum, identiques à celles émise en 2005 à l'époque de la signature du contrat d'édition en cause, prévoient que sont refusés les retours effectués hors le délai fixé, qui sont défraîchis ou abîmés ou qui correspondent à des réassorts, si bien que de tels ouvrages sont considérés par la société Interforum comme des ventes fermes sur laquelle elle a perçu des recettes et dont l'auteur doit donc recevoir sa participation proportionnelle, laquelle doit être calculée en fonction du prix de vente au public, faute de quoi l'auteur est victime d'une atteinte à son droit de propriété et de contrefaçon au sens de l'article L 335-2 et L 335-3 du code de la propriété intellectuelle. Ils invoquent également le contrat de distribution qu'ils disent lier la société Interforum et la société les Éditions Robert Laffont, lequel n'aurait selon eux aucun sens sans le contrat passé par l'auteur avec l'éditeur. Ils estiment ainsi que ces contrats sont indivisibles car ils poursuivent un but commun. Dans ces conditions, se fondant sur la déclaration de la société Interforum consignée dans des conclusions du 15 juin 2010 suivant lesquelles elle s'opposait à la communication du contrat de distribution en indiquant qu'elle avait accepté tous les retours de l'ouvrage « le café du Pont », ils soutiennent que cette méconnaissance par le distributeur tant de ses propres conditions générales de vente que du contrat de distribution le liant avec l'éditeur constitue une faute qui cause un préjudice à l'auteur en le privant de sa rémunération proportionnelle sur les ventes fermes retournées dans des conditions ne respectant pas ces stipulations contractuelles. Ils affirment que c'est en considération de ce système qu'ils ont souscrit aux articles 6 et 7 du contrat d'édition du 2 mai 2005 dont il résulte que l'assiette des redevances versées à l'auteur est déterminée par la différence entre le nombre des ouvrages sortis des stocks et le nombre des retours effectivement acceptés par le distributeur. Ils se fondent sur la déclaration du 7 juillet 2007 de la société Éditions Robert Laffont à l'expert judiciaire suivant laquelle sur les 15'767 exemplaires mentionnés dans la rubrique retour, 8266 avaient été pilonnés, ces ouvrages étant défraîchis ou abîmés. Ils déclarent que c'est 8266 ouvrages qui ont été réglés par les points de vente à la société Interforum et qui n'ont pas été acceptés comme retours correspondent pour elle à des ventes fermes et donc à des recettes pour lesquelles l'auteur a été privé irrégulièrement de sa rémunération proportionnelle. Ils indiquent que dans les faits le chiffre de 15'767 exemplaires retournés a été démenti dès lors qu'à la date du 21 décembre 2005, il n'y avait plus aucun ouvrage en stock si bien qu'il n'y avait donc selon eux, aucun ouvrage retourné, ce qui a d'ailleurs contraint à la réimpression à cette date de 1 185 ouvrages qui sont donc des réassorts dont le retour n'est pas accepté par la société Interforum et qui sont considérés par elle comme des ventes fermes et qui ont généré des recettes sur lesquelles l'auteur a été privé irrégulièrement de sa rémunération proportionnelle.

Ils font valoir que suite à la cassation de la disposition de l'arrêt de la cour d'appel de Paris rejetant la demande de condamnation de la société Interforum à réparer leur préjudice résultant de l'exécution défectueuse par celle-ci de ses conditions générales de vente et de son contrat de distribution, la cour de renvoi doit donc statuer sur cette demande, seul étant revêtue de l'autorité de la chose jugée la décision de rejet de la demande de condamnation de la société Interforum à réparer leur préjudice résultant de la participation de la société Interforum à l'opacité des comptes et de son concours, de ce fait à la mauvaise exécution du contrat d'édition, demande qui n'a pas la même cause que la demande dont est saisie la cour de renvoi. Ils rappellent qu'un contrat, s'il n'oblige que les parties à raison de son effet relatif, créé à l'égard des tiers une situation juridique qui leur est opposable qu'ils peuvent opposer aux contractants et qu'ils n'ont qu'à rapporter la preuve de l'exécution défectueuse de ce contrat, l'auteur ayant un intérêt propre à se prévaloir, à l'égard du distributeur, du régime du droit de retour des libraires. Ils soutiennent que l'exécution défectueuse est établie de l'aveu même de la société Interforum qui, interrogé à propos de son exploitation de l'ouvrage « le café du Pont » a dit accepter tous les retours et ce, au mépris des dispositions de ses conditions générales de vente et de son contrat de distribution. Au soutien de leur argumentation, ils invoquent une consultation d'un professeur de droit qui a conclu à la responsabilité délictuelle de la société Interforum.

La société Interforum réplique que l'argumentation des appelants est inédite en ce qu'elle revient à faire plaider que la rémunération d'un auteur ne serait plus proportionnelle aux ventes de son 'uvre au public mais devrait inclure des ouvrages défraîchis abîmés et porter également sur des ouvrages non vendus, ceci uniquement parce que les libraires les auraient retournés tardivement au distributeur. Elle précise que si certes, l'auteur n'a pas d'autres preuves à rapporter que celle de l'exécution défectueuse sur le strict plan de la faute alléguée, il reste néanmoins tenu pour le succès de son action de faire preuve de son préjudice et du lien de causalité. Elle conteste en premier lieu la faute qui lui est reprochée au titre de l'inexécution de ses conditions générales d e vente. Elle soutient en effet que l'inexécution contractuelle poursuivie par les appelants, à la supposer constituée, est ici le fait des libraires et points de vente, seuls débiteurs des obligations énoncées en termes de retours de sorte qu'elle ne saurait constituer un manquement contractuel du distributeur. Elle relève surtout que, créancière de ladite obligation, elle était parfaitement libre pour sa part d'assouplir les obligations mises à la charge de ses cocontractants par ses propres conditions générales, sans qu'aucune faute ne puisse lui être reprochée de ce chef, nonobstant la valeur contractuelle de ses conditions générales. Elle invoque en ce sens l'article L441-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable au présent litige aux termes duquel les conditions générales constituent tout au plus le socle de la négociation commerciale, ce qui dit bien que leur auteur peut les amender, par exemple par des conditions particulières. Elle se prévaut d'ailleurs des termes du jugement déféré sur ce point. Elle relève que la Cour de cassation, dans l'affaire parallèle ayant opposé les parties au titre de l'ouvrage « le parler des métiers » n'a pas statué autrement lorsqu'elle a validé le raisonnement de la cour d'appel de Paris. Elle rappelle également que l'article 1 desdites conditions générales stipule que le fait qu'elle ne se prévale pas à un moment donné de l'une quelconque de leurs dispositions ne peut être interprété comme valant renonciation à s'en prévaloir ultérieurement, ce qui signifie selon elle que l'inexécution défectueuse qui lui est reprochée ne saurait sérieusement résulter du simple usage d'une faculté contractuelle expressément stipulée et qui, contrairement à ce que soutiennent les appelants, a vocation à s'appliquer à toutes les dispositions des conditions générales, en ce compris celles régissant le droit de retour. En conséquence, subsidiairement, elle soutient que le grief tenant à la souplesse dans sa politique de retour est parfaitement arbitraire dès lors qu'il méconnaît les usages et pratiques de l'édition que les appelants prétendent pourtant défendre et qu'il ignore que les appelants ont été jugés définitivement mal fondés à reprocher à la société Robert Laffont une mauvaise exécution du contrat de distribution à leur encontre. Elle en infère qu'ils sont ainsi tout aussi mal fondés à lui faire grief d'une faute à leur préjudice. Elle précise qu'au-delà des déclarations générales d'intention destinées à dissuader les libraires de multiplier les retours, la pratique veut que, dans les faits, la très grande majorité desdits retours est acceptée, ceux-ci étant alors soit pilonnés, s'ils sont défraîchis ou abîmés, soit réintégrés dans les stocks. Elle invoque en ce sens d'ailleurs, une étude de 2005 du syndicat national de l'édition lui-même. Quant à l'obstacle résultant de l'absence de faute des éditions Robert Laffont dans l'exécution du contrat d'édition, elle fait valoir que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 25 novembre 2014 est aujourd'hui définitif en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [C] et de la société Adèle qui sollicitaient le paiement de l'intégralité de la rémunération due à l'auteur pour chaque exemplaire vendu en soutenant que les intimés n'ont justifié ni des 15'767 retours, ni des 8 226 pilons que l'éditeur entend déduire de la rémunération. Elle souligne que ces demandes, alors formées sur le fondement de la responsabilité contractuelle s'agissant des éditions Robert Laffont, et de la responsabilité délictuelle pour complicité de violation de contrat en ce qui la concerne, procédaient de la même thèse que celle qui est aujourd'hui défendue devant la cour de renvoi. Elle estime donc qu'il s'agissait déjà pour les appelants de clamer à une méconnaissance de ses conditions générales de vente en termes de retour, thèse que la cour d'appel de Paris a condamnée en constatant que M. [C] avait intégralement été rempli de ses droits au titre de sa rémunération. Elle conclut que M. [C] et les éditions Adèle ne sauraient donc sérieusement prétendre que les droits qu'ils tiraient du contrat d'édition auraient été bafoués par le diffuseur. Enfin, elle soutient que les appelants ne font pas preuve du moindre préjudice. Elle observe en effet, qu'au dernier état de leurs écritures, ils revendiquent la somme de 328'836,522 euros, calculée sur la somme de 15'767 x 18,96 euros x par TVA à 10 %, ce qui revient à réclamer l'intégralité de ce qu'aurait représenté la vente effective des 15'767 ouvrages litigieux s'ils n'avaient pas été retournés en multipliant le nombre de ces exemplaires par le prix de vente au public hors-taxes et en majorant la somme ainsi obtenue de la TVA. Selon elle, ce calcul heurte les principes les plus élémentaires de droit d'auteur et de responsabilité délictuelle en ce que d'une part les 15'767 exemplaires litigieux, pilonnés, n'ont jamais été vendus au public et que d'autre part l'auteur n'aurait jamais eu vocation à percevoir 100 % de leur prix de vente au public, mais un seul pourcentage de celui-ci, la TVA par surcroît ne pouvant en aucun cas intégrer l'assiette de la rémunération de l'auteur. Elle estime également que la politique de retour n'a nullement privé l'auteur des redevances auxquelles il pouvait prétendre. Elle se réfère à cet égard aux principes qui régissent la rémunération de l'auteur, au constat judiciaire, aujourd'hui définitif, selon lequel M. [C] a été rempli de ses droits au regard du contrat d'édition et aux usages de l'édition dont il résulte qu'une politique souple de retour, loin de préjudicier à la commercialisation de l'ouvrage, favorise les ventes dans l'intérêt bien compris de l'auteur. Elle affirme en outre que les retours figurant sur les relevés de l'éditeur sont soit venus abonder les stocks, de sorte qu'ils n'ont pas correspondu à des ouvrages vendus à ce moment, soit ont été passés au pilon. Elle en infère que dans l'un comme l'autre cas, il ne peut donc être question de considérer comme une vente au public un ouvrage qui n'a ainsi jamais été acheté par le public sauf à favoriser les auteurs dont les ouvrages se vendent mal puisque ceux-ci, par définition, font l'objet de retours plus massifs. Enfin, elle soutient que le lien de causalité fait également défaut en ce que en particulier nombre des retours en question, ceux qui sont venus abonder les stocks, ont ensuite permis de faire face à de nouvelles commandes dont la plupart a incontestablement abouti à des ventes au public si bien que l'auteur n'a définitivement subi aucun dommage.

Considérant ceci exposé que M. [C] et les éditions Adèle reprochent en substance à la société Interforum la gestion des retours dont l'admission indue a privé l'auteur de sa rémunération proportionnelle sur les ouvrages retournés ; qu'ils invoquent la méconnaissance des usages de la profession à cet égard, la méconnaissance par la société Interforum de ses propres conditions générales de vente et sa méconnaissance du contrat de distribution qui la liait à la société Robert Laffont ; que, de son côté, la société Interforum conteste les usages invoqués par M. [C] et les éditions Adèle et nie toute faute contractuelle de nature à engager sa responsabilité délictuelle vis-à-vis de M. [C] et des éditions Adèle ;

Considérant en premier lieu que les usages commerciaux ont force juridique lorsque les règles invoquées sont générales, constantes et anciennes et qu'elles sont acceptées expressément ou tacitement ;

Considérant en l'espèce que M. [C] et les éditions Adèle invoquent trois protocoles d'accord signés respectivement en 1991 par le syndicat national de l'édition et les représentants des libraires, le 19 mars 2001 et renouvelé le 26 juin 2008 par le syndicat national de l'édition et le syndicat de la librairie française ; qu'il résulte de ces usages, en substance, que la faculté de retour n'est accordée aux libraires que pour le service des nouveautés, appelé « office » ; qu'ils estiment donc que la société Interforum ayant déclaré expressément avoir accepté tous les retours, elle a contrevenu à ces usages ; que, néanmoins, de son côté, la société Interforum produit une enquête, réalisée en 2005 par le syndicat national de l'édition et le syndicat de la librairie française en direction des libraires qui met en exergue la nécessité, en particulier, pour les petites librairies de disposer d'une souplesse des retours ; que l'étude précise que les libraires subissent en effet la double contrainte de réduire autant que faire se peut les retours qui génèrent en particulier des coûts mais aussi de veiller à s'assurer que son choix de livres nouveaux soit le plus approprié à sa clientèle et aussi se mettre en position favorable face à une concurrence qui pourrait proposer une meilleure offre que la sienne ; que la société Interforum produit également un extrait de l'ouvrage de M. [V], « les métiers de l'édition » (2007), mettant en exergue l'évolution de la pratique des retours par les diffuseurs vers une plus grande souplesse en particulier parce que l'accès au retour, uniquement pour les ouvrages envoyés à l'office, diminuait la possibilité de réassort des ouvrages ; que l'auteur précise qu'en effet pour limiter les risques de retours, un point de vente avait tendance à ne pas recommander un ouvrage après avoir vendu sa quantité d'«office» ; que l'auteur conclut que par sa nouvelle flexibilité, la dynamique de l'office facilite le flux d'ouvrage en points de vente et participe ainsi à la vitalité éditoriale actuelle ;

Considérant que la confrontation des pièces produites de part et d'autre démontre que les usages invoqués par M. [C] et les éditions Adèle ne sont pas unanimement admis par la profession ; qu'il ne peut donc être reproché à la société Interforum de ne pas les avoir appliqués à la lettre ;

Considérant par ailleurs qu'il est constant qu'une faute contractuelle peut engager la responsabilité du débiteur vis-à-vis d'un tiers ; que si ce tiers n'a pas d'autre preuve à rapporter que celle de l'inexécution, cela signifie qu'il n'a pas à prouver une faute distincte de l'inexécution ; que néanmoins, s'agissant d'engager la responsabilité délictuelle du cocontractant défaillant à son égard, encore convient-il qu'il rapporte la preuve d'un préjudice en lien avec l'inexécution reprochée ;

Considérant en l'espèce que M. [C] et les éditions Adèle invoquent l'article 6. 1 des conditions générales de vente de la société Interforum aux termes duquel :

« les produits retournés par le client devront être en parfait état ; les produits défraîchis' seront refusés et donneront lieu à réexpédition au client à ses frais et risques. Les frais et les risques du retour sont à la charge du client' les produits retournés sont accompagnés d'un bon de retour établi par le client' le retour de produits en vrac est interdit (')

les livres de littérature générale (') ainsi que les livres au format de poche faisant partie du service des nouveautés peuvent faire l'objet d'un retour à partir du troisième mois et jusqu'au 12e mois suivant la date de parution.

Aucun retour ne sera accepté passé ce délai. Les livres en réassortiment vendu en « compte ferme » ne peuvent en aucun cas faire l'objet de retour, sauf erreur d'Interforum ou autorisation expresse et par écrit du service commercial (') »

Considérant que M. [C] et les éditions Adèle soutiennent qu'ayant déclaré qu'elle avait accepté tous les retours, la société Interforum a commis une faute en ne respectant ainsi pas ses propres conditions générales de vente ;

Considérant toutefois qu'en application de l'article 6.1 des conditions générales de vente susvisées qui ont été acceptées par le point de vente, il appartient à celui-ci de ne retourner les ouvrages reçus et qui constituent des ventes fermes, que dans les conditions prescrites ; qu'en d'autres termes, le débiteur de cette obligation est le point de vente tandis que la société Interforum en est le créancier ; qu'en tant que créancier de cette obligation, la société Interforum était donc libre de son côté de ne pas appliquer, en tant que de besoin, ces conditions générales de vente sur ce point; qu'en outre, aucun manquement à ses propres obligations contractuelles vis-à-vis de ses points de vente n'est allégué ; que M. [C] et les éditions Adèle ne rapportent donc pas la preuve d'un tel manquement contractuel ;

Considérant à supposer que le fait de laisser inappliquées ses conditions générales de vente sur ce point constitue une faute autonome vis-à-vis de l'auteur, encore conviendrait-il de rapporter la preuve que celui-ci en a subi un préjudice ;

Considérant que M. [C] et les éditions Adèle sollicitent la condamnation de la société Interforum à leur verser la somme de 328'836,55 euros de dommages et intérêts, soit 15'767 euros X 18,96 euros hors-taxes X TVA à 10 % ; qu'ils se fondent à cet effet sur le tableau de reddition de comptes à la date du 31 décembre 2005 que leur a adressé la société Robert Laffont faisant état de 15'767 retours ; que néanmoins, d'une part, il n'est en rien justifié que la totalité de ces retours contrevenaient aux conditions prévues pour les retours par les conditions générales de vente de la société Interforum ; que d'autre part, le contrat d'édition qui les liait à la société Robert Laffont n'a jamais prévu qu'il percevrait la totalité du prix de vente de l'ouvrage ;

Considérant que l'article L 131- 4 prévoit que la cession par l'auteur de ses droits sur son oeuvre peut être totale ou partielle. Elle doit comporter au profit de l'auteur la participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l'exploitation ;

Considérant que contrairement à ce que M. [C] et la société les Éditions Adèle soutiennent, il est de jurisprudence constante que la rémunération proportionnelle doit être calculée par référence au prix de vente au public ; que d'ailleurs, l'article 6A du contrat d'édition prévoit que l'éditeur verse à l'auteur pour chaque exemplaire vendu, un droit calculé sur le prix de vente au public hors-taxes de 15 % jusqu'à 50'000 exemplaires, 17 % du 50'001ème aux 100'000 ème exemplaires et de 20 % au-delà de 100'001 exemplaires ;

Considérant par ailleurs que l'expert a constaté que l'analyse des flux intermédiaires, consistant à suivre le parcours de chacun des 143'568 ouvrages livrés à la société Interforum était impossible à réaliser tant par le volume d'ouvrage concerné, que par l'absence d'identification individuelle de chaque ouvrage ; qu'il a donc, afin d'établir le compte entre les parties adopté une démarche consistant à neutraliser les flux intermédiaires en déterminant les ventes d'ouvrage par la différence entre la quantité d'ouvrages imprimés et livrés, la quantité d'ouvrages pilonnés et la quantité d'ouvrage en stock au 31 décembre ; qu'en résumé, il s'est fondé sur les ventes effectives au public, soit les seules sur lesquelles l'auteur pouvait prétendre à sa rémunération proportionnelle ;

Considérant en effet que les ouvrages retournés qui n'étaient pas défraîchis ou abîmés ont été remis dans les stocks par la société Interforum ; qu'ils pouvaient donc faire ensuite l'objet d'une nouvelle distribution et donc être vendus au public, nouvelles ventes à l'occasion desquelles, l'auteur pouvait percevoir sa rémunération ; quant aux exemplaires défraîchis ou abîmés, qui ne pouvaient donc ni être redistribués par la société Interforum ni vendus par les libraires, faute de vente, l'auteur ne pouvait percevoir de rémunération ;

Considérant en bref qu'il n'est justifié d'aucun préjudice ;

Considérant en ce qui concerne le contrat de distribution entre la société Interforum et la société Robert Laffont que la cour ne dispose pas de la preuve que le contrat produit par les appelants en pièce numéro 99 ait régi les rapports de l'éditeur et du diffuseur ; qu'il s'agit en effet d'un modèle de contrat, vierge de toute mention du cocontractant de la société Interforum ; qu'en tout état de cause, le même raisonnement que celui suivi pour les conditions générales de vente de la société Interforum ne peut qu'être adopté ; qu'il convient de s'y référer expressément ;

Considérant en définitive que M. [C] et la société les Éditions Adèle seront déboutés de toutes leurs demandes à l'encontre de la société Interforum ; que le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point ;

Sur les demandes reconventionnelles de dommages et intérêts

Considérant que, compte tenu du sens du présent arrêt, l'action engagée à l'encontre de la société Robert Laffont n'est pas abusive ; que, par ailleurs, il n'est pas plus abusif pour M. [C] et la société les Éditions Adèle d'avoir attrait la société Interforum devant la cour de renvoi dès lors que la cour de cassation a cassé la disposition de l'arrêt de la cour d'appel de Paris ayant déclaré irrecevable la demande de M. [C] et des éditions Adèle de condamnation de cette société sur le fondement de sa responsabilité délictuelle ; que celle-ci sera donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts supplémentaires ;

Sur les demandes accessoires

Considérant que, compte tenu du sens du présent arrêt, le jugement déféré sera infirmé sur les dépens ainsi que sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile ; que la société Robert Laffont sera donc condamnée aux entiers dépens et ce depuis la première instance ; qu'elle sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; que le jugement déféré sera toutefois confirmé en ce qu'il a fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société Interforum ; que néanmoins, l'équité ne commande pas de faire application des dites dispositions au bénéfice de M. [C] et de la société les éditions Adèle qui seront donc également déboutés de leur demande à ce titre ; qu'en revanche, ils verseront sur ce même fondement à la société Interforum la somme de 5 000 euros ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant contradictoirement par arrêt mis à disposition et dans les limites de la cassation intervenue le 16 mai 2018,

INFIRME partiellement le jugement rendu le 8 novembre 2012 par le tribunal de grande instance de Paris,

Et, statuant à nouveau,

DIT que la demande d'annulation de l'article 6 B du contrat d'édition du 2 mai 2005 et les demandes financières subséquentes ne sont pas prescrites et qu'elles sont recevables,

ANNULE l'article 6B du contrat d'édition du 2 mai 2005,

En conséquence,

CONDAMNE la société Éditions Robert Laffont à payer à M. [C] et la société Éditions Adèle la somme de 21'567 euros au titre des ouvrages vendus par Le Grand livre du mois,

CONDAMNE la société Éditions Robert Laffont à payer à M. [C] et la société Éditions Adèle la somme de 83'475 euros au titre des ouvrages vendus par France-Loisirs,

DÉBOUTE la société Éditions Robert Laffont de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONFIRME pour le surplus le jugement rendu le 8 novembre 2012 par le tribunal de grande instance de Paris,

Et, y ajoutant,

DIT que la demande fondée sur la responsabilité délictuelle de la société Interforum n'est pas prescrite et qu'elle est recevable,

DÉBOUTE M. [C] et la société les Éditions Adèle de leur demande de dommages et intérêts à l'encontre de la société Interforum,

DÉBOUTE la société Interforum de sa demande de dommages et intérêts supplémentaires,

DÉBOUTE M. [C] et les éditions Adèle ainsi que la société Robert Laffont de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [C] et les éditions Adèle à payer à la société Interforum la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Robert Laffont aux entiers dépens et ce depuis la première instance,

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Anne LELIEVRE, conseiller pour le président empêché, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Conseiller,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 18/07419
Date de la décision : 10/12/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°18/07419 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-12-10;18.07419 ?
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