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05/12/2019 | FRANCE | N°18/02442

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 05 décembre 2019, 18/02442


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





21e chambre

Renvoi après cassation



ARRET N°



REPUTE CONTRADICTOIRE



DU 05 DÉCEMBRE 2019



N° R 18/02442



AFFAIRE :



SA KAPA REYNOLDS L'arrêt de la Cour de cassation porte également le n° de pourvoi

P 16-25031.





C/



[Y] [J]









Décision déférée à la cour :

Arrêt rendu le 23 Juin 2016 et arrêt en rectification d'erreur matérielle rendu le

29 septembre 2016 par la cour d'appel de VERSAILLES

N° R : 14/04751











Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



SCP MOREAU & ASSOCIES



Me Franck LAFON



POLE EMPLOI



le : 06/12/2019

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

21e chambre

Renvoi après cassation

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 05 DÉCEMBRE 2019

N° R 18/02442

AFFAIRE :

SA KAPA REYNOLDS L'arrêt de la Cour de cassation porte également le n° de pourvoi

P 16-25031.

C/

[Y] [J]

Décision déférée à la cour :

Arrêt rendu le 23 Juin 2016 et arrêt en rectification d'erreur matérielle rendu le 29 septembre 2016 par la cour d'appel de VERSAILLES

N° R : 14/04751

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

SCP MOREAU & ASSOCIES

Me Franck LAFON

POLE EMPLOI

le : 06/12/2019

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ DÉCEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE ayant saisi la cour d'appel de Versailles par déclaration enregistrée au greffe social le 30 mai 2019 en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 16 mai 2018 cassant et annulant l'arrêt rendu le 23 juin 2016 et l'arrêt en rectification d'erreur matérielle du 29 septembre 2016 par la cour d'appel de Versailles

SA KAPA REYNOLDS L'arrêt de la Cour de cassation porte également le n° de pourvoi P 16-25031.

N° SIRET : 378 528 863

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Thierry CARRON de la SELARL REQUET CHABANEL, Plaidant, avocat au barreau de LYON

représentant : SCP MOREAU & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C147

DEMANDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

****************

Monsieur [Y] [J]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Isaline POUX de la SELARL IP ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1668

représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618

DEFENDEUR DEVANT LA COUR DE RENVOI

POLE EMPLOI

Dont le siège est [Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Pris en la personne de son représentant légal y domicilié es qualités

non comparant et non représenté

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Octobre 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Philippe FLORES, Président chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe FLORES, Président,

Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Nathalie MULOT,

M. [Y] [J] a été engagé, selon contrat de travail daté du 12 octobre 1998, à effet au 1er décembre 1988, par la société Reynolds European Inc en qualité d'agent commercial. Son contrat de travail a été transféré le 1er juillet 1990 à la société Kapa Reynolds. Depuis juin 1990, il occupait les fonctions de directeur commercial.

L'entreprise, qui exerce une activité de commerce de gros de parfumerie, relève de la convention collective des entreprises de commission, de courtage et de commerce intracommunautaire et d'importation-exportation du 18 décembre 1952, et emploie plus de dix salariés.

Le conseil d'administration de la société Kapa Reynolds a nommé M. [J], qui était déjà administrateur, directeur général le 22 septembre 2000, puis directeur général délégué le 7 novembre 2002.

La société Kapa Reynolds a acquis la société Azeo courant 2008 et a nommé M. [J] président de celle-ci. En dernier lieu, M. [Y] [J] et son frère, M. [P] [J], également directeur commercial de la société Kapa Reynolds, détenaient 38% du capital social de cette dernière tandis que M. [B], président directeur général de la société Kapa Reynolds, en détenait 62% avec sa famille.

En octobre 2012, M. [B] a engagé avec M. [J] des pourparlers relatifs à la cession de la société Kapa Reynolds.

Lors de la réunion du conseil d'administration du 28 août 2013, M. [J] a mis en cause la gestion de l'entreprise par M. [B] et a déclaré voter contre le renouvellement du mandat de président de ce dernier. Le 3 octobre 2013, à l'issue du conseil d'administration et de l'assemblée générale de la société Kapa Reynolds, M. [J] a été révoqué de son mandat d'administrateur et son mandat de directeur général délégué n'a pas été renouvelé.

Le même jour, à 12h34, M. [J] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 15 octobre suivant. Il a été licencié pour faute grave par lettre du 13 novembre 2013.

M. [J] a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation de son licenciement.

Par jugement du 13 octobre 2014, le conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye (section encadrement), après avoir retenu que le licenciement était fondé non sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse, a condamné la société Kapa Reynolds à payer à M. [J] les sommes de 71 597,79 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de 7 159,78 euros au titre des congés payés afférents, de 31 813,28 euros au titre de la mise à pied conservatoire, de 3 181,32 euros au titre des congés payés afférents, de 54 625 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et a débouté les parties de leurs autres demandes.

M. [J] a relevé appel de cette décision.

Par arrêt en date du 23 juin 2016, la cour d'appel de Versailles (dix-septième chambre) a infirmé partiellement le jugement et, statuant à nouveau, a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, a condamné la société Kapa Reynolds à payer à M. [J] les sommes de 100 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 42 750 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 4 275 euros à titre de congés payés sur préavis, de 18 995,98 euros à titre de paiement de la mise à pied conservatoire, et 1 899,59 euros au titre des congés payés afférents. Elle a en outre ordonné le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de trois mois d'indemnités. Elle a condamné la société Kapa Reynolds à payer à M. [J] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle a enfin confirmé le jugement pour le surplus et a débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.

Par arrêt du 29 septembre 2016, la cour d'appel de Versailles a ordonné la rectification de l'arrêt du 23 juin 2016 en complétant le dispositif de celui-ci et en y ajoutant que la société Kapa Reynolds était condamnée à payer à M. [J] la somme de 54 625 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

La société IREA a formé un pourvoi contre ces arrêts des 23 juin et 29 septembre 2016.

Par arrêt rendu le 16 mai 2018, la cour de cassation (chambre sociale) a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'ils déclarent le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamnent la société Kapa Reynolds à payer à M. [J] les sommes de 100 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 54 625 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, de 42 750 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 4 275 euros à titre de congés payés sur préavis, de 18 995,98 euros à titre de paiement de la mise à pied conservatoire, de 1 899,59 euros à titre de congés payés sur la mise à pied conservatoire et ordonnent le remboursement par l'employeur à l'organisme concerné du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié dans la limite de trois mois d'indemnités, l'arrêt rendu le 23 juin 2016 et l'arrêt rectificatif rendu le 29 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles.

La société Kapa Reynolds a saisi le 30 mai 2018 la cour d'appel de Versailles en sa qualité de cour de renvoi par voie électronique.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, la société Kapa Reynolds demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement de M. [J] fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- dire et juger que le licenciement pour faute grave est parfaitement justifié,

- le débouter en conséquence de l'intégralité de ses demandes,

- le condamner aux entiers dépens,

- le condamner à verser à la société Kapa Reynolds la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, M. [J] demande à la cour de :

- ordonner la comparution de Mme [N] afin qu'elle explique les circonstances de la demande faite vis-à-vis de Pôle Emploi,

- d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a dit et jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- confirmer la condamnation de la société Kapa Reynolds à lui verser les sommes de 71 587,79 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 7 158,77 euros au titre des congés payés afférents et subsidiairement à la somme de 62 499 euros outre les congés payés soit 6 249,90 euros bruts, 31 813,28 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période allant du 03 octobre 2013 au 13 novembre 2013, outre les congés payés afférents soit 3 181,32 euros et subsidiairement la somme de 27 777,33 euros bruts outre les congés payés afférents,

- condamner la société Kapa Reynolds à lui verser les sommes de 160 350,45 euros bruts au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement à titre principal, et subsidiairement confirmer la décision entreprise, 800 000 euros nets de CSG et CRDS et charges sociales alignées à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 140 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire ;

- ordonner sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, une nouvelle attestation Pôle emploi devant notamment comporter les douze mois complets précédent le dernier jour travaillé, soit la période allant du mois d'octobre 2012 au mois de septembre 2013,

- condamner la société Kapa Reynolds au paiement de la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonner la capitalisation des intérêts par application de l'article 1154 du code civil ;

- condamner la société Kapa Reynolds aux entiers dépens dont distraction au profit de M. Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Bien que régulièrement convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 21 novembre 2018, l'organisme Pôle Emploi n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter à l'audience du 22 octobre 2019.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

Sur la rupture du contrat de travail :

Le salarié expose en substance que si, comme le soutient l'employeur, son contrat de travail était suspendu jusqu'au 3 octobre 2013, date de révocation de ses mandats de directeur général délégué et d'administrateur, il n'a pu commettre aucune faute au titre de ses fonctions salariées de directeur commercial. Il nie avoir violé l'obligation de loyauté inhérente à son contrat de travail, ou commis le moindre manquement en lien avec ses fonctions salariées. Il estime que son licenciement n'était motivé que par la volonté d'acquérir à vil prix ses titres et de le faire remplacer par les membres de la famille du président et principal actionnaire, M. [R] [B].

La société affirme que le salarié a délibérément créée des conditions présidant à la dégradation des relations de travail entre M. [J] et son employeur, et que le salarié a fait preuve d'un manque évident de loyauté à son égard. Il a, tout d'abord, formé des accusations graves et diffamatoires contre son employeur. Ce comportement déloyal a entraîné des répercussions sur le personnel. Ce comportement agressif et insultant s'est ensuite poursuivi en suite de sa révocation. L'employeur conteste que les circonstances du licenciement aient été vexatoires. Il estime enfin que les motifs prétendument cachés du licenciement ne sont pas du tout établis.

Il résulte des articles L. 1222-1, L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ce dernier texte dans sa rédaction alors applicable, que pendant la période de suspension de son contrat de travail, le salarié devenu mandataire social reste tenu envers son employeur d'une obligation de loyauté.

Au visa de l'article L. 1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. Ainsi, sauf abus, le salarié jouit dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression. En conséquence, au visa de l'article 10 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en raison de l'atteinte qu'il porte à la liberté d'expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d'un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions et qui, s'ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est frappé de nullité.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée :

' Je vous ai convoqué par lettre recommandée avec avis de réception à un entretien préalable fixé au 15 octobre 2013, au cours duquel je vous ai exposé les motifs qui m'ont conduit à envisager une telle mesure et que je vous rappelle ci après :

Vous êtes entré au service de la société REYNOLDS EUROPEAN INC le 12 octobre 1988 en qualité d'Agent commercial, puis de chef de produits.

Votre contrat de travail a été transféré au sein de la société KAPA le 1er juillet 1990 et vous avez été nommé Directeur Commercial.

En 2000, j'ai souhaité vous nommer en qualité de Directeur Général, avec des pouvoirs étendus. En 2002, vous avez été nommé Directeur Général Délégué et administrateur de la société.

Pendant près de treize années vous avez présidé, conjointement avec moi, aux destinées de l'entreprise.

Dès le début de votre collaboration, j'ai tenu à vous associer au capital de la société, en vous prêtant sans intérêt d'ailleurs les fonds pour acquérir 2,5% des titres et vous ai accompagné de la même façon jusqu'à ce que votre participation atteigne les 30% que vous détenez aujourd'hui. J'ai également associé votre frère [P], lequel occupe les fonctions de Directeur commercial, à titre exclusif depuis votre désignation comme mandataire social, et avec votre encouragement.

En 2012, je vous ai fait part, ainsi qu'à votre frère, de mon intention de cesser mes activités professionnelles. Vous avez aussitôt manifesté votre intérêt pour la reprise de mes actions et très vite, vous avez souhaité que je m'engage dans le cadre d'une promesse de vente. Dans la mesure où j'étais seul engagé, j'ai décliné cette procédure tout en vous assurant que vous seriez prioritaire lors de la cession, pour autant que votre offre soit conforme à la valeur des titres.

Cependant, au cours de l'année 2013, et pour des raisons qui vous sont propres, vous avez peu à peu contesté mes orientations et vous avez montré de moins en moins de solidarité envers mes prises de décisions.

Vous avez sans retenue critiqué la gestion dossier AZEO. Je vous rappelle à ce titre que la faiblesse du dossier prud'homal tient à la confusion de votre rôle compte tenu des nombreuses communications que vous avez faites en utilisant votre boîte mail KAPA REYNOLDS au lieu d'utiliser celle d'AZEO.

Votre opposition s'est cristallisée au cours du dernier semestre et vous n'avez eu de cesse que de m'interpeller sur la date de mon départ. Il est d'ailleurs assez troublant de constater à la lecture des messages laissés sur la « boîte à questions » que l'une des principales préoccupations du personnel était de connaitre la date de ma retraite.

La défiance que vous avez manifestée à mon égard, la violence psychologique de vos actes, puis de vos propos m'ont contraint à vous révoquer de l'ensemble de vos mandats sociaux le 3 octobre 2013.

Immédiatement après la séance, vous avez poursuivi vos invectives en me menaçant d'actions judiciaires en tous genres, me contraignant à vous convoquer à un entretien préalable à votre licenciement avec mise à pied conservatoire.

J'espérais que cette spirale, dans laquelle nos relations s'étaient engagées jusqu'à empêcher un fonctionnement normal de l'entreprise, cesse et que la suspension temporaire de votre contrat de travail me permettrait de donner une nouvelle chance à nos projets communs.

Il est clair que nos objectifs n'étaient pas de même nature.

Ainsi, point d'orgue de la manifestation de votre empressement à prendre ma place, vous n'avez pas hésité, sans avoir la loyauté de m'en informer préalablement, à requérir la nomination d'un mandataire « ad 'hoc » aux fins de vérifier la sincérité de ma gestion, alors même que vous exerciez pleinement vos fonctions de directeur général délégué et que vous disposiez des pleins pouvoirs.

L'entretien préalable, que vous avez tenu à enregistrer mais dont vous refusez de me transmettre l'enregistrement, n'a pas permis de modifier mon appréciation des événements.

J'ai pourtant voulu mettre à profit les délais légaux pour mener à bien la réflexion qui s'imposait au regard de l'ancienneté de notre parcours commun.

Je viens d'apprendre, que vous avez mené une procédure d'alerte auprès de nos commissaires aux comptes, m'accusant d'abus de toutes sortes sans aucun fondement légitime, ayant même été semble-t-il jusqu'à déposer une plainte. Vous n'avez même pas eu la courtoisie de m'informer préalablement de cette démarche.

Ces derniers éléments parachèvent ma conviction que vous poursuivez une stratégie strictement personnelle sans aucune considération pour l'intérêt de notre entreprise et de ses collaborateurs.

Un contrat de travail suppose une exécution de bonne foi réciproque, ainsi qu'un devoir de loyauté à l'égard de la direction générale. Poursuivre nos relations de travail aurait impliqué l'acceptation d'une restauration (après une très longue suspension de près de 13 années) d'un lien de subordination. Ces critères constituent l'essence même de la relation contractuelle. Or, la requête en désignation d'un mandataire « ad 'hoc », votre comportement accusateur et agressif, votre volonté permanente de vous affranchir de tout respect de mes positions sont autant de faits particulièrement graves qui rendent impossible l'exécution normale du contrat de travail.

Cela signifie en toute hypothèse qu'aucune collaboration loyale n'est envisageable dans la stratégie de l'entreprise, dans sa politique et ses orientations commerciales.

Il n'est plus envisageable dans ces conditions d'imaginer la poursuite de nos relations de travail une fois votre mandat social révoqué, dès lors qu'au-delà de l'énorme déception que constituent vos agissements, votre comportement est révélateur d'une volonté de déstabiliser l'entreprise toute entière.

Votre ardeur publiquement affichée de me voir quitter la direction de l'entreprise entraîne l'incompréhension des collaborateurs et porte gravement atteinte à mon autorité et à mon pouvoir de direction.

Il est évident que vous privilégiez vos intérêts et votre ambition visant prioritairement à mon éviction et ce, au détriment des intérêts de l'entreprise, ce qui rend impossible le maintien de notre relation de travail.

Il est à cet égard assez étonnant que, par une singulière inversion des rôles, vous me prêtiez une attitude intentionnellement négative à votre égard destinée à « vous asphyxier financièrement ». Mais pourquoi poursuivre un tel but alors que vous étiez censé « racheter » ma participation et devenir mon successeur à la tête de l'entreprise. En quoi ai-je intérêt à vous appauvrir '

A la réflexion et à l'inverse, votre intérêt de déstabiliser l'entreprise par tous moyen pour en diminuer la valeur est autrement plus convaincant.

Dans ces conditions il n'est plus possible d'envisager la poursuite de notre collaboration, même pendant la durée d'un préavis.

La divergence de nos positions, l'exacerbation volontaire de votre part d'un conflit entre actionnaires artificiellement créé, puis amplifié ces derniers mois, alors qu'il n'aurait pas dû avoir d'implication interne, l'instrumentalisation du personnel dont votre propre frère, une mésentente absolue et une hostilité irrationnelle à mon égard, incompatible avec un climat de travail serein dans un contexte où la fédération des équipes et leur cohésion est essentielle ne m'ont pas donné d'autre choix.

Dans ces conditions, je me vois contraint de vous notifier votre licenciement pour faute grave. Cette mesure prend effet immédiatement sans indemnité de préavis, ni de licenciement. La période de mise à pied conservatoire ne sera pas rémunérée. Votre certificat de travail et votre attestation POLE EMPLOI sont à votre disposition.

Je vous informe par la présente que vous êtes délié de toute obligation de non concurrence à l'égard de la société. '

S'agissant de la critique de la gestion du dossier 'Azeo', lors de l'assemblée générale du 3 octobre 2017, M. [R] [B], président, a évoqué la mauvaise gestion de M. [J], en citant comme exemple le dossier Azeo, qui a fait perdre de l'argent à la société. Si M. [P] [J] a également réagi à ce sujet, considérant que M. [B] a commis une erreur en ne mettant pas un terme à son investissement, ces propos n'engagent pas son frère, M. [Y] [J]. Et s'agissant de la gestion critiquée de M. [J], il convient de rappeler qu'il exerçait les fonctions de président de la société Azeo, mandat sans lien avec ses fonctions salariées au sein de l'entreprise Kapa Reynolds. Ce grief n'est donc pas caractérisé.

Le fait d'interpeller le président du conseil d'administration sur sa date envisagée de départ à la retraite, ne caractérise pas un excès du salarié dans son pouvoir d'expression. En outre, M. [J] n'est pas responsable des questions posées par le personnel de l'entreprise au sein d'une 'boîte à questions' dans la mesure où il n'est pas allégué ou utilement démontré qu'il était l'auteur desdites questions.

Sur le comportement de M. [J] après l'assemblée générale du 3 octobre 2017, l'employeur produit deux procès-verbaux de constat émis par M. [N], huissier de justice, datés du 3 octobre 2013. Le premier relate la réunion du conseil d'administration puis de l'assemblée générale ordinaire de la société Kapa Reynolds, qui s'est tenu le 3 octobre 2017 de 10 heures 55 à 12 heures 25, date à laquelle la séance a été levée. A ces occasions, il a été voté le non renouvellement des pouvoirs de M. [J] en qualité de directeur général délégué, ainsi que la révocation de son mandat d'administrateur, à effet immédiat. Le second expose qu'à 12 heures 30, M. [N] a constaté la remise par M. [B] à M. [J] d'une lettre de mise à pied dont il a procédé à la lecture à la demande de M. [B]. L'huissier a fini de constater des diligences à 12 heures 40. Par attestation du 21 mai 2014, M. [N] a ensuite attesté qu'il n'avait pas été initialement sollicité pour la remise de la lettre de convocation à entretien préalable au licenciement de M. [J], mais que M. [B] est venu le chercher dans la salle du conseil, à l'issue de l'Assemblée générale, en lui indiquant qu'il avait des difficultés avec M. [J], ce dernier ne voulant pas prendre en main propre sa convocation à entretien préalable. Il résulte de ces éléments l'absence de constatation par l'huissier des menaces alléguées par l'entreprise allègue, et qui l'ont, selon elle, conduit à notifier à M. [J] une lettre de convocation à un entretien préalable au licenciement cinq minutes après la fin de l'assemblée générale ordinaire. Ces menaces ne sont étayées par aucun autre élément. Ce grief n'est donc pas caractérisé.

L'employeur, qui a admis l'enregistrement de l'entretien préalable par M. [J], n'est plus fondé à lui en faire grief.

Enfin, les attestations des salariés produites faisant état d'un comportement agressif de M. [J] au cours de l'année 2013 et d'un comportement déloyal de sa part, telles que celles de M. [U] [W] et [C] [O], sont rédigées en des termes particulièrement généraux et n'apportent aucune précision circonstanciée et datée.

Sur la requête en désignation d'un mandataire ad hoc de M. [J], il ressort du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration qui s'est tenue le 28 août 2013 que celui-ci a fait lecture d'une déclaration où il est précisé en numéro 8 : ' Malheureusement, il s'avère que le président ne respecte pas le conseil et agit sans accord (art. 39, Kapa Ldt). Devant cette situation de faillite potentielle et des nombreuses irrégularités commises par le président, en tant que plus important actionnaire, je vais demander de tout urgence la mise en place d'un mandataire ad hoc pour protéger les intérêts des actionnaires minoritaires, mais aussi les employés.' Or, le courrier daté du 22 octobre 2013 émis par M. [Z] [L] et [H] [V], associés de la société Grant Thornton, commissaires aux comptes, à l'attention de M. [R] [B], en sa qualité de président directeur général de la société Kapa Reynolds, intitulé 'Lettre d'information au titre de l'article L. 234-1 du code de commerce' indique que M. [J] a effectué le 20 septembre 2013 une requête auprès du tribunal de commerce de Versailles afin de faire désigner un mandataire ad hoc, lequel a été désigné par ordonnance du 1er octobre 2013. Cette demande en justice relève de l'exercice par M. [J] d'une liberté fondamentale. De surcroît, cette action en justice, qui est liée au conflit entre les actionnaires, ne saurait constituer une faute dans le cadre de l'exécution du contrat de travail auquel elle est étrangère.

S'agissant de l'exercice du droit d'alerte, il apparaît que par lettre du 22 octobre 2013, la société Grand Thornton, commissaire aux comptes, a 'confirmé les termes de [l']entretien du 10 octobre 2013 lors du conseil d'administration qui s'est tenu à la même date' (...). S'adressant à M. [B], elle relève que 'vous nous avez informés que vous aviez engagé une procédure de licenciement avec mise à pied à titre conservatoire à l'encontre de Monsieur [Y] [J].'(...) 'Vous nous avez communiqué par ailleurs le compte-rendu de l'entretien préalable qui a eu lieu le 15 octobre 2013 et rédigé en interne (....).' Elle en conclut que 'Compte tenu de la situation, nous pensions que les faits mentionnés ci-dessus sont de nature à compromettre la continuité de l'exploitation de votre société'. Ainsi, la lecture de cette correspondance ne permet pas d'établir que le commissaire aux comptes a engagé la procédure d'alerte à l'initiative de M. [J]. Cette procédure ne saurait donc être l'un des motifs du licenciement engagé, dès lors que celui-ci en est expressément l'une de ses causes, et n'est donc pas imputable au salarié.

S'agissant des reproches relatifs au comportement accusateur et agressif de M. [J], à sa volonté permanente de s'affranchir de tout respect des positions de M. [B] et à sa volonté affichée de voir M. [B] quitter l'entreprise, il apparaît que ces griefs sont, en réalité, liés au comportement de M. [J] en qualité d'actionnaire et au conflit qui a éclaté dans ce cadre avec M. [B]. En effets, ces reproches reposent sur les procès-verbaux du conseil d'administration et de l'assemblée générale produits. Or, lors de ces conseils d'administration, M. [J] exerce ses droits d'actionnaire et les positions qu'il adopte à cette occasion et dans ce cadre sont étrangères au contrat de travail et ne peuvent donc être sanctionnés au titre de l'obligation de loyauté qui subsiste malgré la suspension de ce dernier. Ainsi, la saisine des juridictions consulaires ou les demandes de départ du président susceptibles d'influer sur la vie de la société relèvent soit du droit d'ester en justice soit de la liberté d'expression

En réalité, la lecture même de la lettre de licenciement révèle que la rupture du contrat de travail est liée au conflit entre actionnaires. Ainsi, l'employeur prend soin d'indiquer que pendant près de treize ans, ils ont présidé ensemble aux destinées de la société. L'auteur de la lettre de licenciement souligne avoir aidé M. [J] à acquérir des parts importantes dans l'entreprise et manifeste son incompréhension face aux contestations élevées par ce dernier dans la gestion de l'entreprise. L'employeur précise que c'est en raison de ces contestations, qu'il qualifie de déloyales, qu'il a décidé de révoquer l'ensemble des mandats sociaux de M. [J]. Il ajoute que c'est à la suite de la réaction violente de M. [J], qui l'a menacé d'actions judiciaires, qu'il a engagé la procédure de licenciement. Mais là encore, en indiquant, lors du conseil d'administration, qu'il contestait les décisions de M. [B] et envisageait des actions judiciaire, M. [J] ne faisait qu'user de libertés fondamentales, exprimées de surcroît à l'occasion d'un conflit d'actionnaires qui ne peut être sanctionné au travers du contrat de travail. Du reste, en indiquant, 'il n'est plus envisageable dans ces conditions d'imaginer la poursuite de nos relations de travail une fois votre mandat social révoqué, dès lors qu'au-delà de l'énorme déception que constituent vos agissements, votre comportement est révélateur d'une volonté de déstabiliser l'entreprise toute entière', l'employeur considère que la déception ressentie dans le cadre de la gestion de l'entreprise, empêche la poursuite du contrat de travail, mais le ressentiment de l'employeur à la suite de ce conflit d'actionnaire ne saurait constituer un manquement à l'obligation de loyauté dans le cadre du contrat de travail, sauf à considérer que cette obligation qui subsiste pendant la suspension du contrat de travail interdit à un actionnaire de s'opposer à un autre actionnaire.

Aucun des éléments avancé par l'employeur ne vient établir l'existence d'un manquement imputable à M. [J] et qui serait étranger au conflit entre actionnaires pour se rattacher au contrat de travail. Aucune cause réelle et sérieuse de licenciement n'est démontrée. En conséquence, le jugement entrepris est infirmé de ce chef.

Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail :

Quant à l'ancienneté de M. [J] :

La société Kapa Reynolds affirme que M. [J] a cessé ses fonctions de directeur commercial, de sorte que son ancienneté ne peut être prise en compte pour une durée totale de vingt-cinq ans, mais de treize années seulement. Avec un effectif de quarante personnes, elle estime qu'il n'était pas opportun pour elle d'avoir deux directeur commerciaux, et que M. [Y] [J] avait cédé

ses fonctions commerciales à son frère, M. [P] [J]. Elle considère que l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 23 juin 2016 est définitif sur ce point. L'employeur conclut au rejet de la demande de comparution de Mme [N].

M. [Y] [J] expose avoir été engagé en décembre 1988, et promu directeur commercial de l'entreprise au 1er juillet 1990. Son frère a été engagé comme directeur commercial en 1995, de sorte qu'ils ont travaillé ensemble sur des fonctions similaires bien avant 2002, date de désignation de M. [J] comme directeur général délégué. Il estime qu'il était toujours soumis à un lien de subordination de M. [J] sollicite qu'il soit ordonné la comparution de Mme [N] afin qu'elle explique les circonstances de la demande faite vis-à-vis de Pôle Emploi. Par courrier du 2 août 2012, Pôle Emploi a avisé la société Kapa Reynolds du fait que l'assurance chômage n'était pas applicable à M. [J].

Le contrat de travail d'un salarié désigné comme mandataire social et qui cesse d'être placé à l'égard de la société dans un état de subordination, pour l'exécution de fonctions techniques distinctes du mandat, est seulement suspendu pendant la durée de ce mandat. Par ailleurs, il incombe à celui qui soutient que la nomination du salarié comme mandataire social a mis fin à son contrat de travail d'en rapporter la preuve.

Selon les articles 1351, devenu 1355, du code civil et 480 du code de procédure civile, l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif. Les dispositifs des arrêts rendus le 23 juin 2016 et 29 septembre 2016 par la cour d'appel de Versailles ne tranchent pas la question relative à l'ancienneté de M. [J] dans l'entreprise, de sorte qu'aucune autorité de la chose jugée ne peut être invoquée sur ce point.

M. [J] justifie de la conclusion d'un contrat de travail avec la société Reynolds Europeans aux fonctions d'agent commercial le 12 octobre 1988. L'avenant du 2 janvier 2000 précise que son contrat de travail a été 'repris par la société Kapa Reynolds le 1er juillet 1990, suite au transfert de l'activité du département 'plastiques et produits finis' en qualité de directeur commercial'. Selon procès-verbal du conseil d'administration de la société Kapa Reynolds du 22 septembre 2000, M. [Y] [J] a été désigné directeur général de l'entreprise. La quatrième résolution prise par ce conseil d'administration précise que : 'La nomination de Monsieur [Y] [J] en qualité de directeur général ne met pas fin aux modalité de son contrat de travail en qualité de Directeur commercial de la société Kapa Reynolds'. Il exerçait ses fonctions de directeur commercial bien avant sa désignation aux fonctions de mandataire social, de sorte que l'employeur avait délibérément choisi d'engager deux directeurs commerciaux. Il appartient en conséquence à la société Kapa Reynolds d'établir que les fonctions techniques du salarié ont pris fin à l'occasion de cette désignation.

L'audition de Mme [N], sur les conditions dans lesquelles elle a demandé l'avis de Pôle emploi sur la situation de M. [J], ne présente aucun intérêt pour la solution du litige, ce dernier devant être tranché au vu des fonctions réellement exercées par le mandataire et les éléments apportés à cette fin par les parties.

M. [Y] [J] percevait une rémunération distincte en sa qualité de directeur technique. Or, s'il affirme qu'il travaillait avec son frère, M. [P] [J], au sein de la direction commerciale, il ne produit pas d'éléments susceptibles de caractériser la réalité de cette activité parallèlement à l'exercice des fonctions résultant du mandat social. L'employeur justifie que M. [Y] [J], en sa qualité de directeur général délégué et de directeur général, avait notamment pouvoir de passer et accepter tous traités et marchés rentrant dans l'objet de la société, éléments qui ne relèvent pas de fonctions techniques distinctes. Seul M. [P] [J] s'est vu fixer des objectifs commerciaux, du reste validés par M. [Y] [J] en qualité de représentant de la direction générale. De même les organigrammes produits au titre des années 2009 et 2010 ne font pas apparaître M. [Y] [J] au sein de la direction commerciale, mais au sein de la direction générale encadrant l'ensemble des directions. L'affirmation selon laquelle M. [B] lui aurait imposé ses décisions, en décidant notamment seul de l'acquisition de la société Azeo et en imposant à M. [J] de ne pas déposer le bilan de cette société avant 2011, est inopérante, ces décisions relevant non de fonctions techniques mais du mandat social, même si M. [J] en conteste les modalités d'exercice. En effet, selon l'attestation de M. [A] [D],

directeur commercial de la société Azeo, M. [Y] [J] occupait les fonctions de Président de cette société et c'est en cette qualité qu'il a fait part de son opposition aux décisions de M. [R] [B], président du comité de direction. Dès lors, l'existence de fonctions techniques n'est pas établie, de sorte que le contrat de travail était intégralement suspendu pendant la période d'exercice des mandats sociaux.

En conséquence, l'ancienneté de M. [J] doit être limitée aux périodes de non-cumul entre les fonctions de mandataire social et de salariat, du 1er décembre 1988 au 7 novembre 2002 puis du 3 octobre 2013 au 13 novembre 2013, date du licenciement.

Sur la mise à pied à titre conservatoire :

Il résulte du procès verbal de la réunion du conseil d'administration de la société Kapa Reynolds du 10 décembre 2007 que le conseil a fixé la rémunération de M. [J] due en contrepartie de son mandat de président directeur général, à une somme fixe mensuelle de 14 125 euros et celle au titre de ses fonctions techniques de directeur commercial, même si celles-ci n'ont pas été exercées, à 20 833,33 euros, ainsi qu'il résulte des bulletins de salaire. La somme forfaitaire mensuelle versée au titre des déplacements à l'étranger, au dernier état d'un montant de 2 032,60 euros, qui a été versée en contrepartie de la sujétion liée à ces déplacements et ne constitue pas un remboursement de frais, a une nature salariale et doit être ajoutée à ce salaire de base.

En l'absence de faute grave, le salarié est en droit d'obtenir le paiement de son salaire pour la période durant laquelle il a été mis à pied. Le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a condamné la société Kapa Reynolds à payer à M. [J] un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, laquelle, au vu des bulletins de salaires, s'élève à la somme de 27 564,14 euros, outre 2 756,41 euros au titre des congés payés afférents.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

Conformément à l'article L. 1234-5 du code du travail, l'indemnité compensatrice de préavis doit correspondre à la rémunération brute que le salarié aurait perçue s'il avait travaillé pendant la période du délai-congé. L'article 12 de la convention collective applicable porte à trois mois la période de préavis des ingénieurs et cadres en cas de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur. Eu égard à la rémunération contractuellement prévue au titre de ses fonctions de directeur commercial, il lui sera donc alloué, à titre d'indemnité compensatrice, la somme de 68 597,79 euros bruts, outre celle de 6 859,77 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Conformément à l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, M. [J] peut également prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire, en l'absence de cause réelle et sérieuse à son licenciement.

Au regard de l'ancienneté M. [J] dans l'entreprise, des conditions de son éviction de l'entreprise, de l'absence d'indemnisation Pôle Emploi, le préjudice résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être arrêté à la somme de 200 000 euros bruts.

Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement :

L'article 15 de la convention collective dispose : "A partir d'un an d'ancienneté dans l'entreprise, il sera alloué aux salariés licenciés, sauf pour faute grave ou lourde, une indemnité distincte du préavis tenant compte de leur ancienneté dans l'entreprise et calculée comme suit :

- jusqu'à dix années d'ancienneté dans l'entreprise : un quart de mois par année d'ancienneté ;

- après dix années d'ancienneté dans l'entreprise : un quart de mois par année d'ancienneté pour les dix premières années et un tiers de mois par année d'ancienneté à partir de la onzième année.

Par exemple, pour une ancienneté continue dans l'entreprise de :

1 année : indemnité d'un quart de mois ;

7 années : indemnité de sept quarts de mois ;

7 années et 4 mois : indemnité de sept quarts de mois et un tiers de quart ;

10 années : indemnité de dix quarts de mois ;

10 années et 4 mois : indemnité de dix quarts de mois + un tiers de tiers de mois ;

11 années : indemnité de dix quarts de mois + un tiers de mois ;

38 années : indemnité de dix quarts de mois + vingt-huit tiers de mois ;

38 années 6 mois et plus : indemnité de douze mois.

Le montant de l'indemnité de licenciement ne pourra pas dépasser la somme correspondant à douze mois de salaire.

Le traitement mensuel pris en considération pour le calcul de cette indemnité sera égal au 1/12 des sommes perçues au cours des 12 derniers mois, ou, si cela est plus avantageux, à la moyenne des rémunérations des 3 derniers mois. Cette moyenne prend en compte financièrement les mois de préavis effectués ou non.

Pour l'application de l'alinéa précédent, il sera procédé en tant que de besoin à la reconstitution du salaire correspondant à l'horaire habituel normal du poste de travail de l'intéressé."

M. [J] est également en droit d'obtenir le versement d'une indemnité de licenciement, en application de la convention collective ; il lui sera alloué à ce titre la somme de 87 652,73 euros bruts.

Sur la demande de dommages intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement

Le salarié fait valoir que sa mise à l'écart brutale de l'entreprise était humiliante et vexatoire. Il fait valoir que la mise à pied à titre conservatoire a été mise en oeuvre de manière humiliante, puisqu'il a été expulsé de son poste de travail et accompagné à son bureau par un huissier. Cette mise à pied a, en outre, duré de façon excessive. Cette situation a choqué les salariés de l'entreprise, à qui M. [J] n'a pas pu dire au revoir.

L'employeur conclut au rejet de ces demandes, faute de démonstration d'un préjudice par le salarié.

L'huissier, qui avait été mandaté par l'employeur pour assister à l'assemblée générale atteste certes qu'il n'a été mandaté pour remettre la lettre de mise à pied par l'employeur qu'après cette assemblée générale. Il n'en demeure pas moins que dès la fin de l'assemblée générale au cours de laquelle l'ensemble des mandats de M. [J] ont été révoqués, l'employeur a décidé, dès la fin de la suspension du contrat de travail, de notifier au salarié une convocation à un entretien préalable au licenciement avec mise à pied conservatoire. Dans la mesure où il résulte des procès-verbaux de l'huissier que l'assemblée générale a pris fin à 12h25 et que l'huissier a été mandaté à 12h30 pour remettre la lettre de convocation, et que les cinq minutes intercalaires ont été mises à profit par l'employeur pour tenter, vainement, de remettre cette lettre en mains propres, il en résulte que cette lettre de convocation était prête à l'avance. Le fait pour l'employeur de demander à un huissier, déjà mandaté pour assister à l'assemblée générale au cours de laquelle le salarié avait été démis de ses mandats sociaux, pour notifier la mise à pied conservatoire et inviter le salarié à quitter les lieux immédiatement, ne peux que dramatiser encore les conséquences d'une assemblée générale houleuse. La circonstance de ce que cette notification a eu lieu dans un bureau n'enlève rien à son caractère humiliant dès lors que l'employeur est venu chercher l'huissier à cette fin et que les salariés ont pu ainsi assister à la disqualification de M. [J]. Le licenciement est donc intervenu dans des circonstance brutales et vexatoires et le préjudice en résultant doit être fixé à 5 000 euros.

Sur les autres demandes :

L'employeur est tenu de remettre au salarié une attestation Pôle emploi et des bulletins de salaire conformes à la présente décision. Le dernier jour travaillé étant le 3 octobre 2013, il convient de faire droit à la demande de M. [J] d'obtenir une attestation également rectifiée en ce qu'elle mentionne une période des douze derniers mois de salaire courant d'octobre 2012 à septembre 2013. En revanche, il n'apparaît pas nécessaire d'assortir cette condamnation d'une mesure d'astreinte.

Sur les intérêts :

Conformément aux articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes, alors que les créances indemnitaires porteront intérêt au taux légal à compter de la décision qui les ordonne. La capitalisation des intérêts sera ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.

Sur les frais irrépétibles :

Partie condamnée, la société Kapa Reynolds devra supporter les dépens, sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à ce titre au salarié la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel. Conformément à l'article 699 du code de procédure civile, M. Franck Lafon sera autorisé à recouvrer directement les dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision préalable.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant sur renvoi après cassation, et dans les limites de celles-ci, publiquement, par arrêt réputé contradictoire,

REJETTE la demande de comparution de Mme [N],

INFIRME le jugement rendu le 13 octobre 2014 par le conseil de prud'hommes de Saint Germain en Laye (section encadrement) en toutes ses dispositions,

CONDAMNE la société Kapa Reynolds à payer à M. [J], avec les intérêts légaux à compter de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes, soit le 23 décembre 2013, les sommes suivantes :

- 27 564,14 euros bruts au titre de la mise à pied conservatoire du 3 octobre au 14 novembre 2013,

- 2 756,41 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 68 597,79 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 6 859,77 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 87 652,73 euros bruts au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

CONDAMNE la société Kapa Reynolds à payer à M. [J] la somme de 200 000 euros bruts nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec les intérêts au taux légal à compter de ce jour,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

CONDAMNE la société Kapa Reynolds à payer à M. [J] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE la société Kapa Reynolds de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que la société Kapa Reynolds devra transmettre à M. [J] dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision une attestation Pôle emploi mentionnant la période du mois d'octobre 2012 à septembre 2013, et des bulletins de salaire conformes à cette dernière,

REJETTE la demande d'astreinte,

CONDAMNE la société Kapa Reynolds aux dépens de première instance et d'appel et autorise M. Lafon à recouvrer directement ceux dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision préalable.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Philippe FLORES, Président et par Madame LECLERC, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,LLe PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 21e chambre
Numéro d'arrêt : 18/02442
Date de la décision : 05/12/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 21, arrêt n°18/02442 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-12-05;18.02442 ?
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