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26/11/2019 | FRANCE | N°18/04573

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 26 novembre 2019, 18/04573


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 57A



13e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 26 NOVEMBRE 2019



N° RG 18/04573 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SPNT



AFFAIRE :



SA LA FRANÇAISE DES JEUX



C/



SAS ETABLISSEMENTS MOUGEOLLE







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Avril 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2013F02989>




Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 26/11/2019





à :



Me [R] DUPUIS



Me Pascale REGRETTIER-

GERMAIN



TC NANTERRE



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 57A

13e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 26 NOVEMBRE 2019

N° RG 18/04573 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SPNT

AFFAIRE :

SA LA FRANÇAISE DES JEUX

C/

SAS ETABLISSEMENTS MOUGEOLLE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Avril 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2013F02989

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 26/11/2019

à :

Me [R] DUPUIS

Me Pascale REGRETTIER-

GERMAIN

TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

LA SA FRANÇAISE DES JEUX société d'économie mixte, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Maître Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1859980 et par Maître Vanessa BENICHOU avocat plaidant au barreau de PARIS.

APPELANTE

****************

LA SAS ETABLISSEMENTS [E] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : B 3 34 383 007

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Maître Pascale REGRETTIER-GERMAIN de la SCP HADENGUE & ASSOCIES avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 - N° du dossier 1800451 et par Maître François MOREL avocat plaidant au barreau de PARIS.

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Septembre 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN,

La société anonyme d'économie mixte La Française des jeux (la FDJ) bénéficie au titre de décrets successifs d'un monopole légal sur l'organisation et la gestion des loteries et paris sportifs. Son capital est détenu à hauteur de :

- 72% par l'Etat français,

- 20 % par les «Emetteurs», principalement des associations d'anciens combattants, lesquels ont mis en place la vente de dixièmes de billets de loterie par l'intermédiaire de distributeurs,

- 5% par les salariés,

- 3% par les courtiers-mandataires, via la société Soficoma.

Jusqu'en 2014, la distribution des jeux d'argent reposait principalement sur deux acteurs indépendants :

- les détaillants, essentiellement des commerces de proximité, qui commercialisent les jeux auprès du public en qualité de mandataires de la FDJ,

- les courtiers-mandataires, qui prospectent et gèrent les réseaux des détaillants dans un secteur géographique déterminé, assurent leur approvisionnement en tickets, collectent les mises, paient les gains et bénéficient d'un droit sur la clientèle des détaillants. Ils agissent au nom et pour le compte de la FDJ, qui les rémunère par commissions. Ils sont regroupés régionalement au sein de groupements d'intérêt économique (GIE) afin de faciliter l'organisation de leur activité.

Les relations entre la FDJ et les courtiers-mandataires sont depuis 1987 organisées dans le cadre d'un contrat qualifié de mandat d'intérêt commun par la jurisprudence, dont les termes sont identiques pour tous les courtiers-mandataires et négociés au niveau national. Le contrat actuellement en cours a été conclu en 1991, et a fait l'objet de plusieurs avenants. Le dernier, signé en 2003, a notamment porté à la baisse la rémunération des courtiers-mandataires et engagé une réorganisation des secteurs de distribution, les courtiers-mandataires se voyant proposer d'opter entre la poursuite de leur activité aux conditions de ce nouvel avenant ou sa cessation assortie d'une indemnisation renforcée. Les secteurs vacants dans le cadre de cette réorganisation, ont été réaffectés à d'autres courtiers-mandataires existants ou à des filiales de la FDJ.

Le 6 octobre 2003, la FDJ a transmis à son réseau de distribution des « principes de resectorisation » fondant sa politique commerciale, qui fixaient notamment des objectifs de redécoupage des secteurs.

Les relations entre la FDJ et les courtiers-mandataires se sont dégradées. En décembre 2007 les courtiers-mandataires, reprochant à la FDJ d'avoir conservé une dizaine de secteurs sous son contrôle par l'intermédiaire de ses filiales, ont déposé une plainte devant l'Autorité de la concurrence dont ils se sont finalement désistés.

Des négociations en vue d'un nouvel avenant ont été engagées en 2008 entre la FDJ et l'UNDJ, organisation représentant les courtiers-mandataires au niveau national, et un programme de travail a été signé le 7 septembre 2009 entre les parties. Ces négociations portaient notamment sur la resectorisation de la distribution dans un objectif de réduction des coûts de distribution de la filière. Ces négociations ont finalement échoué, les courtiers-mandataires refusant de ratifier un projet d'accord adressé par la FDJ les 29 avril et 27 juillet 2011.

Par courriers des 13 octobre 2011 et 17 février 2012, la FDJ a informé les courtiers-mandataires de son intention de réorganiser sa distribution intermédiaire. Les courtiers-mandataires ont alors introduit plusieurs instances à l'encontre de leur mandante, directement ou par l'intermédiaire de l'UNDJ.

Par lettre du 22 mai 2014, la FDJ a notifié à chaque courtier-mandataire la résiliation de son contrat sur le fondement de l'article 7 de l'avenant de 2003, avec préavis et versement de l'indemnité de 1,65 fois le montant des commissions de l'année précédente. Cette résiliation a elle aussi donné lieu à des contestations devant les juridictions judiciaires.

M. [X] [E] est le dirigeant de la SAS Etablissements Mougeolle, qui exerce l'activité de courtier-mandataire dans un secteur situé dans le département des Vosges (88) selon contrat du 20 décembre 1988. La société Etablissements Mougeolle exerce son activité au sein du GIE Est.

Le 16 février 1991 la société Etablissements Mougeolle, représentée par M. [E], a signé un nouveau contrat de courtier-mandataire avec la FDJ organisant l'exercice de son activité selon les nouvelles conditions négociées cette année-là au niveau national.

Le 11 juillet 2003, à l'issue des négociations menées entre la FDJ et l'UNDJ, la société Etablissements Mougeolle et la FDJ ont signé un avenant à ce contrat de courtier-mandataire.

Lorsque M. [E] a atteint l'âge de 66 ans, terme du contrat, la FDJ l'a informé que ce dernier prendrait fin le 1er juillet 2012.

Par courrier du 6 janvier 2012, la FDJ a informé le GIE Est de la cessation d'activité à venir de M. [E] et lui a rappelé qu'il disposait d'un délai d'un mois pour lui proposer, en accord avec le courtier-mandataire, un ou plusieurs candidats à la reprise du secteur.

Suivant lettres recommandées avec avis de réception du 3 février 2012 le GIE Est a soumis à la FDJ, en accord avec M. [E], trois propositions de reprise.

Le 8 mars 2012, la FDJ a informé le GIE Est du rejet de la candidature de Mme [E] et a précisé qu'elle étudierait les deux autres propositions dans un second temps.

En parallèle, le 17 avril 2012, elle s'est rapprochée de Mme [G], courtier-mandataire, pour lui proposer la reprise du secteur de la société Etablissements Mougeolle dans le cadre d'un contrat de prestation à durée déterminée.

Par courrier du 15 mai 2012, la FDJ a refusé les deux dernières propositions du GIE Est.

Par lettres recommandées avec accusé de réception du 23 mai 2012, elle a fait part au GIE Est, d'une part, et à M. [E], d'autre part, de son refus des trois candidatures soumises par le GIE Est, de sorte que le contrat de ce dernier prendrait fin le 1er juillet 2012 à minuit et qu'elle lui verserait l'indemnité de résiliation prévue à l'article 10 du contrat. Elle l'a également informé de la reprise du secteur par M. [N].

Le 25 mai 2012, elle a confirmé à M. [N] sa nomination à la reprise du secteur.

Le 19 juin 2012, la FDJ a adressé à la société Etablissements Mougeolle le contrat de résiliation à lui retourner signé. Par courrier du 27 juin 2012, M. [E] a contesté les modalités de cessation d'activité, estimant que les dispositions de l'article 10 du contrat de courtier-mandataire « prévoyaient la cession de son contrat mais en aucun cas sa résiliation », et a informé la mandante de son refus de signer le contrat de résiliation.

Par versements des 18 et 24 juillet 2012, la FDJ a adressé à la société Etablissements Mougeolle la somme totale de 1 420 802,99 euros correspondant à l'indemnité de résiliation, soit 1,65 fois le montant de ses commissions pour l'année 2011.

Le 25 juillet 2012, la société Etablissements Mougeolle a réitéré son désaccord aux modalités de fin de cessation d'activité et mis en demeure la FDJ de lui verser la somme de 2 000 000 euros correspondant au montant des propositions de rachat présentées par le GIE Est. La FDJ a refusé, rappelant qu'après avoir refusé d'agréer les candidats présentés par un GIE et constaté qu'il était impossible de désigner un cessionnaire, elle était tenue de « verser une indemnité telle que déterminée dans le contrat de résiliation » et était alors en droit « de désigner un autre successeur » dans le cadre d'un nouveau contrat.

C'est dans ces circonstances que, par assignation du 8 juillet 2013, la société Etablissements Mougeolle a saisi le tribunal de commerce de Nanterre aux fins d'obtenir la condamnation de la FDJ à lui payer la somme de 1 409 931 euros en réparation du préjudice subi du fait du non-respect de la procédure de cession prévue à l'article 10 du contrat de courtier-mandataire.

Selon jugement contradictoire rendu le 10 avril 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- dit que la Française des jeux a commis une faute en ne justifiant pas de son obligation contractuelle de rechercher un cessionnaire ;

- condamné la FDJ à payer à la société Etablissements Mougeolle la somme de 90 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2012 ;

- ordonné la capitalisation des intérêts par année entière en application des dispositions de l'article 1154 ancien du code civil ;

- condamné la FDJ à payer à la société Etablissements Mougeolle la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Etablissements Mougeolle du surplus de ses demandes ;

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire ;

- condamné la FDJ aux dépens.

La Française des jeux a interjeté appel de cette décision le 28 juin 2018.

Dans ses dernières conclusions, déposées au greffe et notifiées par RPVA le 19 août 2019, elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit :

* qu'elle était libre d'organiser sa politique commerciale,

* qu'elle n'avait commis aucune faute ni aucun abus en refusant d'agréer les candidats qui lui avaient été présentés,

* que le préjudice subi par la société Etablissements Mougeolle ne pouvait s'analyser en un gain manqué ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit :

* qu'elle avait fait preuve de mauvaise foi dans l'exécution de ses obligations contractuelles en sollicitant directement madame [G] sur une proposition distincte, sans répondre à la proposition du GIE,

* qu'elle avait commis une faute en ne justifiant pas de son obligation contractuelle de rechercher un cessionnaire,

* l'a condamnée à payer à la société Etablissements Mougeolle une somme de 90 000 euros à titre de dommages et intérêts,

* l'a condamnée à payer à la société Etablissements Mougeolle une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* l'a condamnée aux dépens ;

Statuant à nouveau,

- dire et juger qu'elle a parfaitement respecté les termes de l'article 10 du contrat de courtier-mandataire en :

* ayant refusé d'agréer les candidats présentés sur le fondement de ses principes de resectorisation, connus et revendiqués par les courtiers-mandataires,

* constatant qu'il était impossible de désigner un cessionnaire au courtier partant compte tenu du contexte de réorganisation du réseau en cours,

* versant l'indemnité contractuelle de 1,65 fois les commissions N-1,

* proposant à M. [N], courtier-mandataire en exercice, de reprendre le secteur libéré dans le cadre d'un nouveau contrat, distinct du contrat de courtier-mandataire, ce que ce dernier a accepté ;

- dire et juger que la société Etablissements Mougeolle n'a subi aucun préjudice indemnisable;

- constater que l'indemnité contractuelle de 1,65 fois les commissions est destinée à pallier l'absence de possibilité de céder le contrat de courtier-mandataire en dehors de la procédure d'agrément ;

- constater que le montant de cette indemnité a été fixé d'un commun accord entre les parties et correspond au prix du marché ;

- constater que cette indemnité n'est pas de nature à léser les courtiers-mandataires ;

- débouter la société Etablissements Mougeolle de l'ensemble de ses demandes ;

En tout état de cause :

- condamner la société Etablissements Mougeolle au paiement d'une somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Etablissements Mougeolle aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions, comportant appel incident, déposées au greffe et notifiées par RPVA le 19 juillet 2019, la société Etablissements Mougeolle demande à la cour de :

- l'accueillir en ses demandes et l'y déclarer bien fondée ;

- débouter la FDJ de toutes ses demandes, fins et conclusions, particulièrement sur le moyen tiré de l'impossibilité de lui désigner un cessionnaire ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* dit que la FDJ avait commis une faute en ne justifiant pas de son obligation contractuelle de rechercher un cessionnaire,

* ordonné la capitalisation des intérêts par année entière en application de l'article 1154 ancien du code civil,

* condamné la FDJ à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la FDJ aux entiers dépens ;

- infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas répondu à ses demandes tendant à faire constater les fautes de la FDJ, qui :

* n'a pas mis en place la concertation prévue avec le GIE Est pour trouver une solution à la cession de son secteur,

* a tenté de débaucher, en-dehors de la procédure de cession contractuelle, un candidat courtier mandataire présenté par le GIE, Mme [G], qui répondait à ses critères de sélection et à sa politique commerciale et qui était prêt à acquérir son secteur,

* a résilié son contrat pour attribuer son secteur à M. [N],

* a désigné M. [N], en violation des principes de sectorisation mis en place par elle et donc de sa politique commerciale en matière d'agrément, car hors statut de courtier mandataire.

* a refusé d'agréer quelque cessionnaire que ce soit dans le cadre de la procédure de cession établie par l'article 10 du contrat de courtier- mandataire,

et en ce qu'il

- l'a déboutée de sa demande en condamnation de la FDJ au paiement de la somme de 1 409 931 euros, à titre de dommages et intérêts, avec intérêts de droit à compter du 25 juillet 2012, date de la mise en demeure ;

Statuant à nouveau,

- condamner la FDJ à lui payer la somme de 1 409 931 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts de droit à compter du 25 juillet 2012, date de la mise en demeure ;

- condamner la FDJ à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la FDJ aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 septembre 2019.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

A titre liminaire, il est rappelé que la cour n'est pas tenue de statuer sur les demandes des parties tendant à 'constater' ou 'dire et juger' qui ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Sur les fautes

Après avoir présenté son réseau et rappelé, d'une part, plusieurs affaires dans lesquelles les juridictions ont considéré qu'elle n'avait commis aucune faute en refusant d'agréer une candidature de reprise de secteur de courtiers-mandataires ayant cessé leur activité aux motifs qu'elle n'avait fait qu'appliquer les stipulations contractuelles et sa politique commerciale et, d'autre part, les principes de liberté contractuelle et de liberté du commerce, dont découlent les droits pour chaque contractant de conclure un contrat avec la personne de son choix, de refuser de contracter et d'octroyer un agrément à un candidat, de conclure la convention de son choix et de la modifier, et enfin de résilier le contrat conclu ou de modifier sa politique commerciale et son réseau de distribution en fonction des circonstances économiques et des impératifs de réorganisation, la FDJ indique que si les juridictions analysent la précision et l'objectivité des critères retenus pour sélectionner un candidat, elles ne peuvent, en revanche, en apprécier l'opportunité, sous peine de s'immiscer dans les choix commerciaux d'une entreprise privée.

Elle soutient ensuite que la cessation d'activité de la société Etablissements Mougeolle a été opérée en parfaite adéquation avec les stipulations contractuelles ainsi qu'avec sa politique commerciale en vigueur, connue de la profession, et qu'elle n'a commis aucune faute.

Elle fait valoir à cette fin que l'article 10 du contrat, seul applicable dans la mesure où le contrat a pris fin au soixante-sixième anniversaire de M. [E], doit s'interpréter à la lumière des principes de resectorisation communiqués au réseau le 6 octobre 2003 et qui constituent une norme contractuelle liant les parties, ce que reconnaît la société Etablissements Mougeolle puisqu'elle lui reproche au visa des articles 1101 et suivants du code civil une violation de ces principes. Elle explique que son obligation de désigner un cessionnaire au contrat de courtier-mandataire par la conclusion d'un contrat de même nature est une obligation de moyen, qui connaît un tempérament si elle ne peut plus agréer de courtiers-mandataires en raison d'une réorganisation de son réseau et s'il n'y a pas de cessionnaire répondant aux objectifs de viabilité et de pérennité du courtage. Elle ajoute que la réorganisation en cours de son réseau de distribution, liée au refus des courtiers-mandataires de signer l'accord présenté en 2011, induisait nécessairement la résiliation du contrat de courtier-mandataire de la société Etablissements Mougeolle et qu'aux termes de l'article 10.4 alinéa 2 du contrat, elle était alors libre de conclure un nouveau contrat d'une nature différente avec le courtier-mandataire de son choix, et, à défaut, d'assurer la gestion du secteur laissé vacant dans le cadre d'un portage temporaire, étant observé que l'interprétation des termes du contrat doit tenir compte de l'économie générale de ce dernier. Elle considère que le contrat dans son ensemble fait apparaître l'indispensable agrément de l'opérateur préalablement à toute cession et qu'elle n'est nullement tenue de favoriser une cession du contrat.

Elle précise que les motifs du refus d'agrément qu'elle a opposés aux candidats présentés par le GIE Est étaient parfaitement légitimes puisque fondés sur sa politique commerciale et qu'elle n'était pas tenue de se concerter avec ce GIE avant de refuser d'accorder son agrément. Elle expose à ce titre, que depuis 2003, aucun agrément n'a été accordé à des tiers au réseau et que la candidature de Mme [I] [E], extérieure au réseau, n'était pas compatible avec sa politique commerciale, ce que ne conteste pas la société Etablissements Mougeolle.

Elle explique, ensuite, que le refus de la candidature de Mme [G] était également parfaitement justifié en ce qu'elle ne répondait pas aux principes de resectorisation puisque celle-ci exerçait déjà son activité sur un secteur à cheval entre les départements de Meurthe-et-Moselle et Moselle, de sorte que lui confier le secteur de la société Etablissements Mougeolle, situé dans les Vosges, n'aurait pas été conforme à l'objectif de simplification de l'organisation commerciale, ajoutant que le projet de financement de la candidature n'était par ailleurs pas économiquement viable.

Elle conteste avoir tenté de «débaucher » Mme [G] indiquant s'être rapprochée d'elle pour lui soumettre une proposition différente de celle déposée par le GIE Est qui a été refusée.

Enfin concernant la troisième proposition du GIE Est, qui visait à resectoriser les courtiers de ce groupement, elle considère que celle-ci était imprécise et que le GIE lui ayant communiqué les modalités de reprise hors délai, elle n'avait pas à en tenir compte.

Elle affirme également que les dispositions du contrat de courtier-mandataire mettent à sa charge une obligation de moyen de désigner un cessionnaire et non de le rechercher et qu'en l'espèce elle s'est trouvée dans l'impossibilité de désigner un cessionnaire au courtier partant en raison de la réorganisation en cours de son réseau de distribution et de l'absence de tout repreneur susceptible d'être agréé.

Elle ajoute que n'étant pas en mesure d'attribuer le secteur libéré à un autre courtier-mandataire dans le cadre d'un contrat de courtier-mandataire, en raison de sa politique commerciale de resectorisation, elle était fondée à conclure un contrat d'une nature différente avec le courtier-mandataire de son choix, conformément à l'article 10.4 alinéa 2 du contrat et que Mme [G] ayant refusé de partager le secteur libéré avec M. [N], elle a proposé à ce dernier, qui exploitait un secteur limitrophe à celui de la société Etablissements Mougeolle, de le reprendre seul, dans le cadre d'un nouveau contrat, sans être soumise à une obligation d'opérer cette désignation dans le cadre d'une cession de contrat de courtier-mandataire et de le présenter comme cessionnaire à la société Etablissements Mougeolle. Elle considère qu'elle était ainsi fondée à verser l'indemnité de 1,65 fois les commissions de 2011 à la société Etablissements Mougeolle, soit la somme de 1 420 802,99 euros.

Après avoir rappelé que le contrat de courtier-mandataire est un mandat d'intérêt commun, constituant l'élément essentiel de son activité, et que le contrat de 1991 a réaffirmé le principe de cessibilité du contrat de courtier-mandataire aux termes de son article 10, la société Etablissements Mougeolle explique que cette liberté de cession a été restreinte par les critères de sélection préalables à l'agrément mis en place par la FDJ et les principes de sectorisation établis et adressés à son réseau le 6 octobre 2003. Elle fait valoir que depuis 2010, la FDJ détourne, de mauvaise foi, les termes de l'article 10 du contrat afin de refuser tous les cessionnaires présentés par des GIE et d'empêcher toute cession et qu'elle mène une politique visant à refuser systématiquement toute cession amiable et de gré à gré pour appréhender tous les secteurs libérés et les attribuer à ses filiales ou à des intermédiaires, hors contrat et statut de courtier-mandataire.

Elle soutient que la FDJ a écarté la procédure de cession et poursuivi la résiliation de son contrat, alors même qu'elle disposait d'un candidat qui l'agréait, commettant ainsi un abus de droit dans le cadre de l'agrément de son successeur, constitutif d'une faute génératrice d'un préjudice.

Elle prétend, également, que les propositions de candidatures n'ont jamais été examinées, que la FDJ ne s'est pas concertée avec le GIE Est pour tenter de trouver, en comité commercial, une solution portant sur les différentes candidatures, comme le prévoyaient les principes de sectorisation ; que la FDJ a tenté de débaucher Mme [G], dont la candidature lui avait été présentée par le GIE Est, en lui faisant signer un contrat de nature différente afin d'écarter la cession du contrat de courtier-mandataire, alors même qu'elle était tenue par l'article 1134 du code civil et l'article 10 du contrat de l'agréer pour permettre cette cession puisque cette candidature lui convenait ; qu'elle n'a pas rempli son obligation de rechercher puis de désigner un cessionnaire alors qu'elle disposait d'un courtier-mandataire susceptible de lui succéder en la personne de Mme [G] ou de M. [N].

Elle en déduit que la FDJ se trouvait dans l'obligation de désigner l'un d'eux comme cessionnaire, et ne pouvait dès lors pas lui verser une indemnité de résiliation égale à 1,65 fois le montant de ses commissions de l'année précédente pour s'affranchir du paiement d'un prix de cession correspondant à la valeur du contrat.

Faisant état des jurisprudences [O] et [B], elle conteste ensuite l'argument de la FDJ selon lequel l'impossibilité de désigner un cessionnaire résulterait de la réorganisation en cours de son réseau et du refus par les courtiers-mandataires de signer son projet d'avenant en 2011, ce projet ne prévoyant nullement la mise en place d'un nouveau circuit de distribution. Elle considère que la FDJ ne peut pas se prévaloir des principes de sectorisation pour interpréter unilatéralement l'article 10.4 du contrat comme lui permettant de confier les secteurs libérés à ses propres filiales. Elle ajoute que pour ne pas être fautif, le refus d'agrément doit répondre à des critères objectifs, appliqués de manière non discriminatoire et respecter la procédure de l'article 10 du contrat mais qu'en l'espèce la FDJ a abusé de ce droit en refusant de comparer, au regard des principes de sectorisation, les situations respectives de chacun des prétendants et en écartant les candidatures déposées par le GIE. Ainsi, la candidature de Mme [G], courtier-mandataire en activité dans un secteur limitrophe et la mieux positionnée géographiquement parlant, qui répondait le mieux aux principes de sélection de la FDJ et se proposait d'acquérir le contrat de courtier-mandataire, a été écartée pour des motifs fallacieux puisque le contrat de prestation à durée déterminée qui lui a ensuite été proposé portait sur le même secteur et que dans ses calculs sur le caractère viable ou non de l'opération, la FDJ a omis de prendre en considération le montant des commissions réalisées sur le secteur cédé.

Elle lui reproche également d'avoir écarté la proposition de resectorisation interne du GIE sans avoir tenu compte des modalités précisées par courrier du 8 février 2012 et sans chercher à en débattre avec le GIE.

Elle affirme que la FDJ n'était pas dans l'impossibilité de désigner M. [N] comme cessionnaires, et a affecté le secteur à ce dernier, qui ne répondait pas au mieux aux principes de sectorisation, uniquement car celui-ci a accepté de signer un contrat de prestation à durée déterminée, incompatible avec le statut de courtier-mandataire et en infraction au contrat de mandataire et aux principes de sectorisation.

Elle conclut enfin que le refus d'agrément de Mmes [G] et [D], cette dernière étant également courtier-mandataire en exercice sur un secteur limitrophe, au profit de ce candidat, qui ne remplit pas les critères qualitatifs de sélection est constitutif d'une discrimination.

Les parties s'accordent pour reconnaître au contrat du 16 février 1991 et ses avenants successifs la qualification de mandat d'intérêt commun.

En l'espèce, les articles 6 et 10, relatifs respectivement à la durée et à la cession du contrat conclu le 20 décembre 1988, modifié, entre la société Etablissements Mougeolle et la société SLNLN, devenue FDJ, sont rédigés en ces termes :

- Le présent contrat est conclu pour une durée indéterminée...Toutefois, sauf dérogation accordée par [la FDJ], le présent contrat cessera de plein droit et sans préavis au soixante-sixième anniversaire de M. [E] [X]. Auparavant, le courtier-mandataire aura mis en oeuvre la procédure de cession prévue à l'article 10 du présent contrat.

-10.1 Le courtier-mandataire souhaitant cesser son activité ou céder une partie de celle-ci doit en informer [la FDJ] par courrier recommandé avec demande d'avis de réception, avec un préavis d'au moins trois mois et préciser la date souhaitée de la cessation de son activité.

[la FDJ] en informe immédiatement le GIE territorialement compétent qui dispose d'un mois pour proposer à [la FDJ], en accord avec le courtier-mandataire cédant, un ou plusieurs successeurs, personnes physiques représentant le nouveau courtier-mandataire proposé.

10.2 Les renseignements suivants sont également communiqués (...)

10.3 Après trois refus successifs des candidats présentés, [la FDJ] doit, soit désigner elle-même un cessionnaire au courtier-mandataire cédant, soit, si cette solution s'avère impossible, verser au courtier-mandataire cédant une indemnité fixée, sous réserves des dispositions de l'article 10.4 ci-après, à une fois virgule soixante-cinq les commissions du courtier-mandataire au titre de l'année civile précédente, recalculées sur la base des taux de commission applicables à la date de la cessation d'activité (').

10.4 Toutefois, le montant de ces indemnités ne peux excéder le prix le moins élevé proposé

par le(s) candidat(s) cessionnaire(s) présenté(s) par le courtier-mandataire cédant dont la

candidature n'aura pas été agréée par [la FDJ].

[la FDJ] est alors libre de conclure un nouveau contrat avec le courtier-mandataire de son choix.

Les parties s'accordent également pour reconnaître l'application des 'Principes de resectorisation' tels qu'ils ressortent d'une note du 6 octobre 2003 diffusée par la FDJ dans son réseau à savoir : Efficacité ('établir une cartographie des courtages propre à mettre en oeuvre le plus efficacement possible la politique commerciale de l'entreprise') et Pérennité ('mettre en place, dès que possible, des secteurs propres à assurer la viabilité du courtage, à court et moyen terme...doter chaque courtier de la capacité optimale à mettre en oeuvre la politique commerciale de l'entreprise'). Ceux-ci prévoient notamment de rechercher une meilleure efficacité du réseau en homogénéisant la taille des secteurs au fur et à mesure des départs des courtiers-mandataires en privilégiant les cessions aux courtiers-mandataires présents dans le réseau et en favorisant un meilleur découpage du territoire par le rachat des secteurs limitrophes et l'harmonisation avec les limites des départements.

Il est constant que M. [E] étant né le [Date naissance 1] 1945, la FDJ l'a informé de l'application de la clause de fin de contrat, dont la date a été fixée d'un commun accord au 1er juillet 2012, puis que par lettre du 6 janvier 2012 elle en a avisé le GIE Est, lui rappelant que conformément à l'article 10.1 du contrat il disposait d'un délai d'un mois pour lui proposer, en accord avec le courtier-mandataire, un ou plusieurs candidats à la reprise du secteur concerné.

Il est établi par ce courrier qu'à l'origine la FDJ a convenu que le contrat de la société Mougeolle s'inscrivait dans une procédure de cession et non dans un processus de résiliation visé à l'article 12 du même contrat.

Conformément à la procédure de l'article 10, le GIE de Est a présenté le 3 février 2012, en accord avec M. [E], une première candidate à la reprise, Mme [I] [E], puis, par lettre recommandée avec avis de réception séparée du même jour, une autre candidate, Mme [R] [G], ainsi qu'une proposition de sectorisation du secteur libéré au profit de tous les courtiers-mandataires du secteur restant en activité.

Par courriers des 8 mars et 15 mai 2012, la FDJ a, d'abord, rejeté la candidature de Mme [E] au motif que celle-ci, extérieure, ne répondait pas à l'objectif consistant à homogénéiser la taille des secteurs et à en réduire le nombre, indiquant réserver sa décision sur les autres propositions, puis celle de Mme [G] considérant qu'elle ne correspondait que partiellement au schéma de sectorisation qu'elle souhaitait pour la région et enfin la proposition de resectorisation en l'absence de précision quant aux modalités de celle-ci.

Si aux termes de l'article 10 susvisé la FDJ n'avait pas l'obligation de se concerter avec le GIE Est pour tenter de trouver, en comité commercial, une solution portant sur les différentes candidatures, les principes de resectorisation, qu'elle a elle-même établis, précisent cependant qu'afin de veiller à l'équité entre courtiers, il convient de 'connaître l'ensemble des propositions : après concertation entre les responsables régionaux et le GIE, les propositions de candidatures seront transmises à la FDJ pour une mise en cohérence nationale. Ces propositions seront débattues entre la FDJ et les GIE concernés et feront également l'objet d'un examen en comité commercial'.

La FDJ ne conteste pas que les trois propositions qui lui ont été adressées n'ont pas été débattues avec le GIE Est concerné et qu'elles n'ont pas fait l'objet d'un examen en comité commercial.

Or en ne respectant pas les principes qu'elle avait elle-même établis, la FDJ a commis une faute.

Par ailleurs, il est établi par les échanges de mails et de courriers intervenus entre la FDJ et Mme [G], des 18 avril et 10 mai 2012, qu'avant même la fin du processus de cession tel que décrit à l'article 10 du contrat de courtier-mandataire et sa réponse sur les candidatures, dont celle de Mme [G], proposées par le GIE Est, la FDJ a proposé à celle-ci de régulariser un projet de contrat de prestation d'une durée de cinq années. En ne respectant pas les dispositions du contrat qui la liait à la société Etablissements Mougeolle, la FDJ a également commis une faute.

Il convient ensuite d'examiner chacune des candidatures ou proposition pour rechercher si la FDJ a abusivement refusé de les agréer.

Concernant Mme [E] qui, bien que travaillant avec son père depuis de nombreuses années, n'était pas courtier-mandataire, le refus d'agrément de la FDJ était conforme à ses principes de resectorisation tendant à privilégier les courtiers-mandataires déjà présents dans le réseau.

S'agissant de la troisième proposition, consistant en une sectorisation des courtiers du GIE Est à l'identité non précisée, il est constant que celle-ci ne respectait pas la procédure convenue puisqu'elle ne comportait aucun des renseignements prévus à l'article 10.2 du contrat, sans qu'il puisse être reproché à la FDJ d'avoir refusé d'examiner les éléments transmis hors délai, étant relevé que la lettre du GIE du 8 février 2012 précisant que 'le prix de cession convenu entre les parties est identique aux 1ère et 2ème propositions (sous réserve des mêmes conditions suspensives notamment pour l'obtention des crédits)' est insuffisante au regard de l'article susvisé selon lequel doivent notamment être précisés 'le prix et les modalités de financement de l'acquisition'.

La candidature de Mme [R] [G], courtier-mandataire en exercice sur les départements de la Meurthe et Moselle et de la Moselle, transmise le 3 février 2012, comportait au contraire tous les renseignements nécessaires.

En dépit de ce qu'affirme la FDJ, la gestion d'un secteur sur trois départements différents, était compatible avec ses principes de resectorisation visant notamment à simplifier la lecture de l'organisation commerciale en harmonisant 'les limites des secteurs avec les limites des départements quand cela sera possible' dès lors que le secteur de la société Etablissements Mougeolle, qui se situait sur le département des Vosges était limitrophe de celui de Mme [G]. Cette compatibilité est d'ailleurs démontrée par la proposition que la FDJ a adressée à cette dernière, courant avril 2012, d'étendre son secteur en concluant un contrat d'un autre type, précisément sur le secteur de la société Etablissements Mougeolle et non uniquement sur une partie de celui-ci comme proposé ultérieurement.

Contrairement à ce qui est vainement soutenu par la FDJ, Mme [G] n'a pas refusé cette proposition mais a demandé par lettre du 16 mai 2012 qu'il soit auparavant statué sur sa candidature comme cessionnaire du contrat de courtier-mandataire de la société Etablissements Mougeolle.

En outre, l'argument de la FDJ relatif à l'aspect non économiquement viable de cette opération est erroné en ce que pour arriver à un taux d'endettement de 64% du chiffre d'affaires brut, elle a pris en considération la moyenne des commissions perçues par Mme [G] sur les cinq dernières années, mais n'a pas ajouté à ce chiffre d'affaires, celui réalisé sur le secteur de la société Etablissements Mougeolle en 2011, soit 861 090 euros selon le tableau récapitulatif des commissions des courtiers-mandataires de 2003 à 2011, produit par la FDJ elle-même dans le cadre d'une autre instance. Si tel avait été le cas, le remboursement d'un prêt à hauteur de 510 960 euros par an n'aurait représenté qu'environ 30,60% du chiffre d'affaires soit un endettement courant en la matière.

En outre, il convient de souligner que la FDJ avait également en la personne de M. [N], courtier-mandataire sur une partie du département limitrophe du Bas Rhin, qui a constitué une société avec laquelle la FDJ a régularisé un nouveau contrat de prestation à durée déterminée pour reprendre le secteur de la société Etablissements Mougeolle, un courtier-mandataire qui remplissait les conditions requises par les principes de resectorisation, susceptible d'être désigné comme cessionnaire au courtier cédant.

La FDJ ne peut pas plus prétendre s'être trouvée dans l'impossibilité d'agréer Mme [G], voire de désigner M. [N], comme cessionnaire au courtier partant en raison de la réorganisation en cours de son réseau de distribution alors qu'en juin 2012 aucune négociation n'était plus d'actualité du fait notamment du refus des courtiers-mandataires d'adhérer au protocole d'accord daté du 27 juillet 2011 et des actions judiciaires engagées en octobre et décembre 2011 par les courtiers-mandataires et leur représentant, l'UNDJ. Il résulte ainsi des lettres du 13 octobre 2011 et du 17 février 2012 adressées par la FDJ aux courtiers-mandataires que les contrats continuaient à s'appliquer et que son conseil d'administration lui avait demandé de mettre en place un programme de travail pour proposer un dispositif commercial incluant les aspects organisationnels et contractuels, ce qui ne constituait pas un obstacle à la signature d'un nouveau contrat de courtier-mandataire.

Il se déduit de ces éléments que la FDJ a commis des fautes en refusant d'une part d'agréer Mme [G] et d'autre part de désigner M. [N] comme candidat à la reprise du secteur de la société Etablissements Mougeolle. Il n'y a pas lieu, dès lors, de rechercher si la FDJ a également commis une faute en ne recherchant pas un cessionnaire, notamment en la personne de Mme [D].

Puisqu'il n'était pas impossible à la FDJ d'agréer Mme [G] ou de désigner M. [N] comme cessionnaire, le paiement de l'indemnité contractuelle de résiliation à hauteur de 1,65 fois le total des commissions de l'année précédente est exclu.

Sur le préjudice et le lien de causalité

Après avoir critiqué la décision des premiers juges qui ont estimé que le préjudice subi par la société Etablissements Mougeolle s'analysait en une perte de chance tant de présenter un successeur à son agrément que de céder son activité à un cessionnaire qui aurait pu être désigné, la FDJ soutient en premier lieu que l'intimée n'a subi aucun préjudice indemnisable dès lors que seule la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable constitue une perte de chance réparable alors qu'à l'inverse si l'événement qui ne s'est finalement pas produit n'était qu'hypothétique, le préjudice escompté de sa réalisation n'est qu'éventuel et ne peut donner lieu à réparation.

Elle considère en effet, d'une part, que la société Etablissements Mougeolle ne peut pas se prévaloir d'une perte de chance de présenter un successeur à son agrément dans la mesure où elle a proposé, via son GIE, trois candidats qui ont été légitimement écartés et, d'autre part, qu'il n'est pas certain qu'elle aurait trouvé un cessionnaire qui aurait nécessairement acquis le secteur libéré aux conditions proposées par la société Etablissements Mougeolle, puisqu'elle a démontré qu'il lui était impossible de désigner un cessionnaire compte tenu de la réorganisation en cours de son réseau de distribution et d'agréer un autre courtier-mandataire. Elle ajoute qu'elle n'a pu que proposer à M. [N] la reprise du secteur dans le cadre d'un nouveau contrat, distinct du contrat de courtier-mandataire, et qu'aucune cession n'est donc intervenue entre le courtier-mandataire partant et le courtier-mandataire repreneur et qu'en outre, la société Etablissements Mougeolle a perçu l'indemnité contractuelle de 1,65 fois les commissions de l'année précédente précisément destinée à pallier l'impossibilité pour les courtiers de céder leur activité sans son agrément.

Considérant que les décisions sur lesquelles la société Etablissements Mougeolle se fonde pour indiquer que le propre de la réparation serait de remettre la victime des faits fautifs dans la situation qui aurait été la sienne si la faute n'avait pas été commise, ont été rendues dans des affaires qui n'ont rien à voir avec le présent litige, la FDJ soutient également que le préjudice allégué ne peut pas s'analyser en un gain manqué car, d'une part, Mme [G] n'aurait pas été agréée en qualité de cessionnaire, en sorte que la cession du secteur concerné à celle-ci était loin d'être certaine, et, d'autre part, la preuve n'est pas rapportée par l'intimée que M. [N] lui aurait proposé un prix de cession au coefficient de 1,65, compte tenu notamment du risque annoncé par lettre du 13 octobre 2011 de résiliation des contrats.

Elle fait valoir ensuite que l'indemnisation à hauteur de 1,65 fois les commissions de l'année précédente, qui a été instituée pour pallier l'impossibilité de céder le courtage en dehors de la procédure d'agrément et qui correspond à une réalité tant juridique qu'économique, est la seule applicable en l'espèce.

Elle critique enfin l'évaluation que la société Etablissements Mougeolle fait de son préjudice, représentant un coefficient de 2,15 fois ses commissions de l'année précédente, ainsi que celle faite par le tribunal de commerce, qui pour indemniser la société Etablissements Mougeolle à hauteur de 90 000 euros, a retenu une valeur de marché correspondant à un coefficient de 1,77.

La société Etablissements Mougeolle réplique que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, son préjudice ne s'analyse pas en une perte de chance mais en une perte subie et en un gain manqué, c'est à dire le manque à gagner certain qui aurait été perçu en l'absence de faute de la FDJ.

Elle prétend que si la FDJ n'avait pas commis de fautes, il est certain qu'elle aurait cédé son contrat en sorte qu'il n'y a pas d'aléa et que le manque de gains qui en est résulté doit être indemnisé sur le fondement de la réparation intégrale du préjudice laquelle est exclusive de toute perte de chance, étant souligné le caractère dolosif des fautes commises de manière délibérée et intentionnelle. Rappelant les dispositions des articles 1142 et 1147 anciens du code civil, elle précise que la nature des sommes demandées consiste en des dommages et intérêts et non en une indemnité contractuelle de résiliation et que par conséquent le coefficient de 1,65 pour calculer le montant de son indemnité n'a aucune légitimité économique.

Elle soutient que le quantum de son préjudice, correspondant au montant du gain dont elle a été privée, doit s'analyser au regard de la valeur vénale du contrat de courtier-mandataire en 2012, qui ne peut être établie sur la base des cessions intervenues entre 1998 et 2001 car antérieures aux resectorisation de 2003 et au décret de 2006. Elle expose que les offres d'achat formulées par les candidats repreneurs en 2012 pour les secteurs qui se libéraient du fait du départ à la retraite de courtiers-mandataires étaient en moyenne de 2,57 fois les commissions de l'année précédente pour une reprise directe du contrat et que par ailleurs, M. [E] avait reçu plusieurs propositions fermes de rachat des actions qu'il détenait dans le capital de sa société pour un montant de 2 000 000 euros. La valeur du contrat doit être réévaluée à la somme de 2 830 733 euros en raison d'incidences fiscales dont M. [E] a perdu le bénéfice du fait du non-respect des stipulations contractuelles par la FDJ. Elle en déduit que son préjudice peut être évalué à la somme de 1 409 931 euros a minima en prenant en considération la valeur de son contrat résultant des offres d'achat qui lui avaient été faites, sur la base de deux années de chiffre d'affaires (2 000 000 euros et 2 830 733 euros en tenant compte des incidences fiscales) et déduction faite de l'indemnité de résiliation versée.

Elle propose enfin à la cour d'autres critères d'appréciation pour calculer le montant des dommages et intérêts en prenant en considération la jurisprudence rendue en matière de ruptures irrégulières de mandats d'intérêt commun, l'étude faite par M. [K] et les indemnités de résiliation antérieurement versées par la FDJ.

Aux termes des articles 1142 et 1149 anciens du code civil, toute inexécution contractuelle se résout par l'allocation au créancier de dommages et intérêts qui sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé.

En refusant abusivement d'agréer Mme [G], la FDJ a privé la société Etablissements Mougeolle du prix de cession proposé par celle-ci, en sorte que l'intimée est bien fondée à solliciter réparation du préjudice subi lequel s'analyse justement en un gain manqué.

Il résulte de la lettre adressée le 3 février 2012 par le GIE Est à la FDJ que Mme [R] [G] s'est engagée à reprendre la totalité des actions de la société Etablissements Mougeolle moyennant le prix de 2 000 000 euros, étant précisé que pour obtenir ce chiffre l'expert-comptable de la société a valorisé le contrat à la somme de 1 850 000 euros, soit un coefficient de 2,15 fois les commissions de l'année précédente. Bien que non signée par elle, cette proposition a nécessairement été confirmée par Mme [G] lorsqu'elle a, par lettre du 10 mai 2012, sollicité de la FDJ qu'elle se prononce sur sa candidature.

Pour évaluer la valeur de marché du contrat de la société Etablissements Mougeolle, le tribunal a retenu un coefficient moyen de 1,77 appliqué au chiffre d'affaires réalisé en 2011 soit 861 093 euros.

Le tableau récapitulatif des cessions de courtage produit par la FDJ pour invalider tant ce coefficient que celui de 2,15, dont il résulte un coefficient moyen de 1,598, ne peut être seul retenu dès lors que les cessions qui y figurent, qui datent de 1998 à 2002, sont trop anciennes pour servir de base à une cession de 2012.

Les éléments communiqués par l'intimée, dont il ressort que les offres d'achat formulées par les candidats repreneurs en 2012 pour les 13 secteurs qui se libéraient du fait du départ à la retraite de courtiers-mandataires étaient en moyenne de 2,18 fois les commissions de l'année précédente pour une cession d'actions et de 2,57 fois pour une reprise directe du contrat, sont probants contrairement à ce qui est soutenu par la FDJ dès lors que s'il n'est pas démontré que ces offres se seraient concrétisées par des cessions, il ne peut en être conclu que c'est en raison d'un désaccord sur le prix alors que celles-ci étaient soumises à la condition suspensive de l'agrément du cessionnaire par la FDJ.

L'offre de prix de rachat du contrat formée par Mme [G], qui appliquait un coefficient très proche de la moyenne des trois coefficients susvisés (1,598 ; 2,18 et 2,57), soit 2,11, au chiffre d'affaires 2011 se situait donc dans la fourchette économiquement admise et ne peut être qualifiée comme le fait la FDJ de 'mascarade'. La société Etablissements Mougeolle est dès lors fondée à fixer son préjudice à la somme de 579 197,01 euros (2 000 000 - 1 420 802,99 euros) correspondant au prix le moins élevé proposé par le candidat cessionnaire présenté par le courtier-mandataire cédant dont la candidature n'a pas été agréée par la FDJ, conformément à l'article 10.4 du contrat, déduction faite de l'indemnité de résiliation déjà perçue, étant précisé qu'il n'y a pas lieu de tenir compte des incidentes fiscales liées à cette indemnisation.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

La disposition du jugement fixant le point de départ des intérêts au taux légal non pas à compter de sa date mais à partir du 25 juillet 2012, date de la mise en demeure, sera confirmée en ce qu'elle permet l'indemnisation totale de la société Etablissements Mougeolle.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts au taux légal au 25 juillet 2012, condamné la société La Française des jeux au paiement d'une indemnité procédurale ainsi qu'aux dépens et ordonné la capitalisation des intérêts ;

Statuant à nouveau,

Dit qu'en ne respectant pas les stipulations du contrat de courtier-mandataire la liant à la société Etablissements Mougeolle dans la mise en oeuvre de la procédure contractuelle de cession de ce contrat la société La Française des jeux a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité contractuelle ;

Condamne la société La Française des jeux à payer à la société Etablissements Mougeolle la somme de 579 197,01 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice;

Condamne la société La Française des jeux à payer à la société Etablissements Mougeolle la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société Etablissements Mougeolle du surplus de ses prétentions ;

Condamne la société La Française des jeux aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Sgné par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 18/04573
Date de la décision : 26/11/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 13, arrêt n°18/04573 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-26;18.04573 ?
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