La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/10/2019 | FRANCE | N°16/01878

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 30 octobre 2019, 16/01878


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



15e chambre





ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE





DU 30 OCTOBRE 2019





N° RG 16/01878





AFFAIRE :



SNC NULLE PART AILLEURS PRODUCTION





C/





[N] [S]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Mars 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Boulogne Billan

court

Section : Encadrement

N° RG : 14/01786





Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS



SELARL Brihi-Koskas & Associés





le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TRENTE OCTOBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 30 OCTOBRE 2019

N° RG 16/01878

AFFAIRE :

SNC NULLE PART AILLEURS PRODUCTION

C/

[N] [S]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Mars 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Boulogne Billancourt

Section : Encadrement

N° RG : 14/01786

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS

SELARL Brihi-Koskas & Associés

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE OCTOBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SNC NULLE PART AILLEURS PRODUCTION

[Adresse 1]

[Localité 2]

N° SIRET : 402 950 943

représentée par Me Joël GRANGÉ de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0461 substituée par Me Romain GUICHARD, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Monsieur [N] [S]

[Adresse 3]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 1], de nationalité française

comparant en personne, assisté de Me Roger KOSKAS de la SELARL Brihi-Koskas & Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0137, substitué par Me Rudy OUAKRAT, avocat au barreau de PARIS

SYNDICAT NATIONAL DES PERSONNELS DE LA COMMUNICATION ET DE L'AUDIOVISUEL

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Roger KOSKAS de la SELARL Brihi-Koskas & Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0137 substitué par Me Rudy OUAKRAT, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 juillet 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Isabelle VENDRYES, Présidente chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Maryse LESAULT, Présidente,

Madame Isabelle VENDRYES, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

FAITS ET PROCÉDURE,

La SNC NULLE PART AILLEURS PRODUCTION est une société du Groupe Canal Plus qui produit des programmes audiovisuels diffusés sur les chaînes du groupe.

Monsieur [N] [S] (ci-après M. [S]) a exercé différentes missions pour cette société, figurant en 1994, accessoiriste en 1995 puis chef accessoiriste en août 1997 et chef décorateur à compter du mois d'août 2000. Depuis le début de sa carrière, le salarié a conclu 73 contrats de travail à durée déterminée d'usage successifs.

Il a été élu en qualité de délégué du personnel titulaire le 6 juin 2013.

Le dernier contrat de travail à durée déterminée d'usage de M. [S] a pris fin le 20 juin 2014.

M. [S] et le syndicat national des personnels de la communication et de l'audiovisuel CFE-CGC (SNPCA CFE-CGC) ont saisi le Conseil de prud'hommes de Boulogne- Billancourt le 30 octobre 2014 à l'encontre de la SNC NULLE PART AILLEURS PRODUCTION.

A l'audience de jugement, M. [S] et le syndicat national des personnels de la communication et de l'audiovisuel CFE-CGC (SNPCA CFE- CGC) ont sollicité de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

A titre principal,

- requalifier la relation de travail en un contrat à durée indéterminée,

- requalifier la rupture du contrat à durée déterminée d'usage en licenciement nul,

- constater la violation par l'employeur du statut protecteur,

- ordonner la réintégration du salarié au poste de chef décorateur au sein de Groland en contrat à durée indéterminée aux mêmes conditions salariales dans les 15 jours suivant la présente décision, et ce, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard,

- condamner la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION à lui verser l'intégralité des salaires qu'il aurait dû percevoir entre la rupture illicite de son contrat intervenue le 20 juin 2014 et sa réintégration dans l'entreprise sur la base d'une rémunération de 5.844 euros dans les 15 jours suivant la présente décision et ce sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard,

- condamner la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION à verser la somme de 6.000 euros à titre d'indemnité de requalification,

- condamner la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION à payer la somme de 50.000 euros au titre du préjudice subi résultant de la discrimination syndicale,

A titre subsidiaire,

- requalifier la relation de travail en un contrat à durée indéterminée,

- requalifier la rupture du contrat à durée déterminée d'usage en licenciement nul,

- constater la violation par l'employeur du statut protecteur,

- condamner la société défenderesse à verser une indemnité d'un montant de 170.230 euros correspondant au montant de la rémunération que le salarié aurait dû percevoir entre la rupture illicite du contrat et la fin de sa période de protection, c'est à dire entre le 20 juin 2014 et le 6 décembre 2016,

- condamner la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION à payer la somme de 6.000 euros à titre d'indemnité de requalification des CDD en CDI,

- condamner la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION à payer la somme de 17.532 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 1.753 euros au titre des congés payés sur préavis,

- condamner la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION à payer la somme de 39.041,25 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- condamner la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION à verser la somme de 116.880 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- condamner la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION à payer la somme de 50.000 euros au titre du préjudice subi résultant de la discrimination syndicale,

En tout état de cause,

- condamner la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION à verser au syndicat national des personnels de la communication et de l'audiovisuel CFE-CGC (SNPCA CFE- CGC) la somme de 50.000 euros au titre du préjudice subi par l'organisation syndicale ainsi que l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession,

- 3.000 euros pour l'organisation syndicale et 2.000 euros pour le salarié en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par jugement du 25 mars 2016, le Conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt a :

- prononcé la requalification des contrats à durée déterminée d'usage conclus depuis 1994 entre M. [S] et la SNC NULLE PART AILLEURS PRODUCTION en contrat de travail à durée indéterminée,

- constaté la violation par l'employeur du statut protecteur dont aurait dû bénéficier M. [S],

- requalifié la rupture du contrat à durée indéterminée en licenciement nul,

- condamné la SNC NULLE PART AILLEURS PRODUCTION à verser à M. [S] les sommes suivantes :

- 5.844 euros au titre d'indemnité de requalification,

- 17.532 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 1.753,20 euros au titre des congés payés sur préavis,

- 39.041,25 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 70.128 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

- 170.230 euros correspondant au montant de la rémunération que le salarié aurait dû percevoir entre la rupture illicite de son contrat de travail et la fin de sa période de protection, soit entre le 20 juin 2014 et le 6 décembre 2016,

- condamné la SNC NULLE PART AILLEURS PRODUCTION à verser au syndicat national des personnels de la communication et de l'audiovisuel CFE-CGC (SNPCA CFE-CGC) la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession,

le tout avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la demande en ce qui concerne les créances salariales et à compter du prononcé du jugement en ce qui concerne les indemnités,

- rappelé qu'en vertu des dispositions de l'article R. 1454-28 du Code du travail, les sommes visées par l'article R. 1454-14 sont exécutoires de plein droit dans la limite de neuf mois de salaire, calculés sur la base du salaire mensuel moyen,

- fixé cette moyenne à la somme de 5.844 euros,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- débouté M. [S] de toutes ses autres demandes,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ou de tout autre demande plus ample ou contraire,

- condamné la SNC NULLE PART AILLEURS PRODUCTION à payer à M. [S] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la SNC NULLE PART AILLEURS PRODUCTION à payer au syndicat national des personnels de la communication et de l'audiovisuel CFE-CGC (SNPCA CFE-CGC) la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la SNC NULLE PART AILLEURS PRODUCTION aux dépens.

Par déclaration du 22 avril 2016, enregistrée le 25 avril 2016, la SNC NULLE PART AILLEURS PRODUCTION a interjeté appel de la totalité du jugement.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION, appelante, demande à la cour de :

- infirmer le jugement de départage du Conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en date du 25 mars 2016, sauf en ce qu'il a débouté M. [S] de la demande qu'il formait au titre du préjudice soi-disant subi au titre d'une prétendue discrimination syndicale,

A titre principal,

- débouter M. [S] de sa demande de requalification de son contrat de travail à durée déterminée d'usage en contrat à durée indéterminée,

En conséquence,

- débouter M. [S] de toutes ses demandes,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que M. [S] ne peut se prévaloir d'aucune protection,

En conséquence,

- débouter M. [S] de sa demande tendant à requalifier la rupture de son contrat de travail à durée déterminée d'usage en licenciement nul et des conséquences afférentes,

A titre infiniment subsidiaire,

- débouter M. [S] de sa demande de réintégration au sein de celle-ci,

- dire et juger que M. [S] ne peut prétendre qu'à une somme de 35.064 euros à titre d'indemnité réparant le préjudice subi du fait de son licenciement nul,

En tout état de cause,

- dire et juger que M. [S] n'a fait l'objet d'aucune discrimination syndicale,

- débouter M. [S] et le syndicat national des personnels de la communication et de l'audiovisuel CFE-CGC de leur demande de dommages-intérêts au titre du préjudice subi résultant de discrimination syndicale,

- condamner M. [S] à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner le syndicat national des personnels de la communication et de l'audiovisuel CFE-CGC à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner solidairement M. [S] et le syndicat national des personnels de la communication et de l'audiovisuel CFE-CGC aux entiers dépens.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, M. [S] et le syndicat national des personnels de la communication et de l'audiovisuel, intimés, demandent à la cour de :

- dire et juger que les contrats de travail à durée déterminée d'usage conclus entre M. [S] et son employeur ne portaient pas sur un emploi temporaire mais sur un emploi durable et permanent de l'entreprise,

- dire et juger que la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION n'a pas respecté les délais de communication et de signature des CDDU conclus avec M. [S] et que ces contrats encourent de ce chef une requalification automatique en contrat de travail à durée indéterminée,

- dire et juger que la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION n'a pas respecté les délais de prévenance conventionnelle pour mettre un terme à la relation de travail avec M. [S] et que cette relation de travail encourt donc une requalification automatique en contrat de travail à durée indéterminée,

- dire et juger que la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION a commis une véritable politique de répression syndicale à l'encontre de M. [S] au mépris des dispositions des articles L. 1132-1 et suivants et L. 2141-5 du Code du travail,

- dire et juger que l'usage abusif de CDD d'usage au détriment de M. [S], la violation du statut protecteur dont il aurait dû bénéficier ainsi que la discrimination syndicale dont il a été victime portent directement atteinte aux intérêts du syndicat national des personnels de la communication et de l'audiovisuel CFE-CGC ainsi qu'à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente,

En conséquence,

A titre principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il a requalifié la relation de travail entre la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION et M. [S] en contrat de travail à durée indéterminée et condamner la société à lui verser la somme de 6.000 euros nets au titre de l'indemnité de requalification,

- confirmer le jugement en ce qu'il a constaté la violation par l'employeur du statut protecteur dont aurait dû bénéficier M. [S],

- confirmer le jugement en ce qu'il a requalifié la rupture du contrat à durée déterminée d'usage de M. [S] en licenciement nul,

- infirmer le jugement en ce qu'il a considéré impossible la réintégration de M. [S],

- infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que M. [S] n'avait pas subi des faits de discrimination syndicale,

En conséquence,

- ordonner la réintégration de M. [S] au sein de la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION au poste de « chef décorateur » au sein de Groland en contrat de travail à durée indéterminée et aux mêmes conditions salariales qu'antérieurement à son éviction illicite de l'entreprise dans les 15 jours suivant la décision à intervenir, et ce sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard,

- condamner la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION à verser à M. [S] une indemnité d'un montant égal aux salaires qu'il aurait dû percevoir entre la rupture illicite de son contrat de travail le 20 juin 2014 et sa réintégration dans l'entreprise sur la base d'une rémunération mensuelle brute égale à 5.844 euros dans les 15 jours suivant la décision à intervenir, et ce sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard ,

- condamner la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION à verser à M. [S] la somme de 50.000 euros nets au titre du préjudice subi résultant de la discrimination syndicale dont il a été victime,

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement en ce qu'il a requalifié la relation de travail entre la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION et M. [S] en contrat de travail à durée indéterminée et condamner la société à lui verser la somme de 6.000 euros nets au titre de l'indemnité de requalification,

- confirmer le jugement en ce qu'il a constaté la violation par l'employeur du statut protecteur dont aurait dû bénéficier M. [S],

- confirmer le jugement en ce qu'il a requalifié la rupture du contrat à durée déterminée d'usage de M. [S] en licenciement nul et condamner la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION à lui verser la somme de 116.880 euros nets à titre de dommages et intérêts au titre de la nullité de la rupture de son contrat de travail,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION à verser à M. [S] une indemnité de 170.230 euros correspondant au montant de la rémunération que le salarié aurait dû percevoir entre la rupture illicite de son contrat de travail et la fin de sa période de protection, c'est-à-dire entre le 20 juin 2014 et le 6 décembre 2016,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION à verser à M. [S] la somme de 17.532 euros au titre de son préavis, ainsi que la somme de 1.753 euros au titre des congés payés afférents,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION à verser à M. [S] la somme de 39.041,25 euros au titre de son indemnité de licenciement,

- infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que M. [S] n'avait pas subi des faits de discrimination syndicale et condamner la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION à verser à M. [S] la somme de 50.000 euros nets au titre du préjudice subi résultant de la discrimination syndicale dont il a été victime,

En tout état de cause,

- condamner la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION à verser au syndicat national des personnels de la communication et de l'audiovisuel CFE-CGC la somme de 50.000 euros à titre de dommages intérêts en raison du préjudice du préjudice subi par l'organisation syndicale ainsi que l'atteinte porté à l'intérêt collectif de la profession,

- condamner la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION à verser au syndicat national des personnels de la communication et de l'audiovisuel CFE-CGC la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION à verser à M. [S] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION aux entiers dépens,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir sur le fondement de l'article 515 du Code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens

MOTIFS,

1. Sur la requalification des contrats à durée déterminée d'usage en contrat à durée indéterminée

M. [S] fait ici valoir que la régularité et la continuité de ses missions de chef décorateur durant près de 20 ans qui n'étaient interrompues qu'une fois par an au moment des congés d'été et son intégration depuis de nombreuses années dans l'équipe GROLAND dont les émissions continuent à ce jour d'être diffusées sur Canal+ doivent conduire à requalifier la relation de travail au regard de la permanence de son emploi et de sa durabilité.

M. [S] retient également que les règles concernant les contrats à durée déterminée d'usage n'ont pas été respectées alors que de nombreux contrats lui ont été remis postérieurement à leur exécution ce qui l'amenait parfois légitimement à refuser de les signer. Il fait également observer que les dispositions de l'article V.2.4 de la convention collective de la production audiovisuelle n'ont pas été respectées, la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION ne l'ayant jamais informé qu'elle n'entendait pas poursuivre la relation de travail dans les délais de prévenance qui s'imposaient.

La société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION fait pour sa part valoir que M. [S] a été embauché en qualité de figurant, puis d'accessoiriste, de chef accessoiriste, de décorateur ensemblier, de décorateur et de chef décorateur pour participer à la production de programmes produits par la société Nulle part ailleurs production, que n'ayant pas occupé le même emploi tout au long de sa collaboration il ne peut soutenir que celui-ci aurait eu une nature permanente tandis que ces emplois avaient une nature temporaire en ce qu'ils concouraient à la réalisation d'une activité totalement éphémère, liée aux programmes produits et dépendant des contrats de production signés avec le diffuseur pour chaque nouvelle saison.

Elle insiste sur le caractère aléatoire des programmes et sur le fait que la question du maintien de l'émission Groland est posée chaque saison alors qu'elle a perdu 1,7 % de parts de marché en six ans, M. [S] n'étant pour sa part, aux termes de chacun de ces contrats de travail, engagé que pour réaliser un nombre d'émissions déterminés par le diffuseur et n'ayant pas été remplacé.

Elle énonce que les contrats de travail écrit ont été remis à M. [S] dans les délais légaux étant constaté que ce dernier produit l'ensemble des contrats de travail à durée déterminée d'usage conclu tandis que le fait de ne pas avoir respecté le délai de prévenance prévue par la convention collective ne saurait justifié une requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée.

Sur ce,

Selon l'article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

L'article L.1242-2 du code du travail permet de recourir à des contrats à durée déterminée dits d'usage dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu pour des emplois pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

L'article D.1242-1 du code du travail fait, à cet égard, figurer expressément l'audiovisuel parmi les secteurs d'activité dont les besoins particuliers justifient le recours au contrat à durée déterminée d'usage, et un accord national professionnel interbranche conclu le 12 octobre 1998, étendu par arrêté du 15 janvier 1999 mentionne expressément les fonctions de M. [S] comme étant des fonctions pour lesquelles il est d'usage constant de recourir à l'intermittence, de même que l'avenant intermittent du 3 mai 1999 à la convention collective d'entreprise Canal +, la convention collective des intermittents techniques de l'audiovisuel du 12 avril 2000, la convention collective de la production audiovisuelle du 13 décembre 2006.

S'il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1245-1 et D. 1242-1 du code du travail, que dans les secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive numéro 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l'utilisation de ces contrats est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi concerné. Ainsi, la détermination par accord collectif de la liste précise des emplois pour lesquels il peut être recouru au contrat de travail à durée déterminée d'usage ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l'existence de ces raisons objectives.

Or, en l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats et notamment des dizaines de contrats à durée déterminée d'usage conclus entre les parties que M. [S] a exercé de façon régulière et continue les fonctions de figurant, accessoiriste, chef accessoiriste, décorateur et chef décorateur de 1994 à 2014 au sein d'une société de production de programmes, qu'il a été intégré de ce fait pendant 20 ans dans l'équipe participant à la mise en oeuvre de la même émission Groland, afin d'en assurer la fabrication et la mise en oeuvre.

Il s'en déduit que son activité était en réalité rattachée à une activité pérenne de l'entreprise ainsi spécialisée dans la production de programmes pour la télévision alors qu'il participait à la réalisation des programmes diffusés sur les chaînes du bouquet Canal Plus à l'instar d'autres salariés travaillant en contrat à durée indéterminée.

Ces éléments doivent conduire à confirmer le jugement du conseil de Prud'hommes en ce qu'il a requalifié la relation de travail en un contrat à durée indéterminée sans avoir à examiner les autres moyens soulevés à cette fin.

2. Sur les conséquences de la requalification

M. [S] fait ici observer qu'outre l'indemnité prévue à l'article L 1245-2 du code du travail, il est en droit d'opposer à son employeur le fait qu'en interrompant toute relation de travail sans solliciter au préalable d'autorisation de licenciement auprès de l'inspection du travail, la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION a violé les dispositions relatives au statut protecteur dont il aurait dû bénéficier ce qui doit donc conduire à la nullité de la rupture du contrat de travail.

Il sollicite en conséquence de voir prononcer sa réintégration ainsi que le versement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait perçue entre son licenciement et cette réintégration sans qu'il soit retranchées les sommes éventuellement perçues au titre de son assurance chômage et étant précisé que sa réintégration, sollicitée sur la base de la violation de son statut protecteur, est de droit.

La société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION s'oppose à ces demandes en faisant observer que M. [S] ne bénéficiait d'aucun statut protecteur aux termes de son contrat de travail à durée déterminée le 20 juin 2014 de sorte que l'inspecteur du travail n'avait pas à être saisi.

Plus précisément, la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION rappelle qu'un salarié, bien qu'investi du mandat de délégué du personnel, ne saurait être protégé lorsqu'il a fait acte de candidature dans un délai qui ne permet pas à son employeur de saisir l'inspecteur du travail avant l'expiration du contrat à durée déterminée, qu'en l'espèce, M. [S] s'est porté candidat aux élections des délégués du personnel du site Lumière le 21 mai 2013 dans un délai qui ne lui permettait pas de saisir l'inspecteur du travail, le salarié ne s'étant pas porté candidat avant le point de départ du délai dont elle disposait pour saisir l'inspecteur du travail dans les termes de l'article L 2421-8 du code du travail.

Elle retient que M. [S] a perdu son mandat de délégué du personnel le 21 juin 2013, date de rupture de son contrat de travail, qu'il ne bénéficiait d'aucune protection à l'arrivée du terme de son dernier contrat de travail le 20 juin 2014 de sorte que l'inspecteur du travail n'avait pas à être saisi avant l'arrivée du terme de ce contrat.

Elle fait également valoir qu'elle ne pouvait pas solliciter l'autorisation de l'inspecteur du travail tant que M. [S] n'avait pas sollicité la requalification de ses contrats.

Elle s'oppose à titre subsidiaire à la réintégration du salarié en faisant état d'un harcèlement dont celui-ci aurait été l'auteur à l'encontre de la directrice de production.

Sur ce,

Les pièces produites aux débats justifient que le dernier contrat à durée déterminée d'usage conclu par M. [S] l'a été le 20 juin 2013 pour une période s'étendant du 20 août 2013 au 20 juin 2014.

La relation de travail a été ici requalifiée en contrat à durée indéterminée à compter du 14 janvier 1994 jusqu'au 20 juin 2014.

Cette requalification entraîne l'application à la rupture du contrat les règles propres au licenciement.

Celui-ci n'ouvre droit pour le salarié, qu'à des réparations de nature indemnitaire, dès lors cependant qu'aucun texte n'interdisait ou ne restreignait la faculté de l'employeur de licencier.

Or, en l'espèce, M. [S] s'était présenté aux élections des délégués du personnel le 21 mai 2013 et avait été élu le 6 juin 2013 en tant que délégué du personnel titulaire ce qui impliquait, de la part de l'employeur, dans les termes de l'article L 2411-5 du code du travail applicables au regard de la requalification intervenue, de solliciter l'autorisation de l'inspecteur du travail pour le licencier.

En effet, de par les élections intervenues, l'employeur avait nécessairement connaissance de la protection s'en déduisant laquelle était toujours effective au 20 juin 2014.

Cette autorisation faisant défaut, le licenciement est nul de plein droit.

Cette nullité implique le droit à réintégration laquelle a été sollicitée en l'espèce par le salarié lequel continuait de bénéficier de son statut protecteur au jour de sa demande de réintégration devant le conseil de Prud'hommes.

Il est rappelé à cet égard qu'en raison de la protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun dont bénéficient les salariés investis de fonctions représentatives, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, seule une impossibilité absolue peut libérer l'employeur de l'obligation de réintégrer le salarié à son poste de travail, avec maintien de ses conditions de travail antérieures.

La société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION fait valoir sur ce point qu'en raison des agissements inacceptables auxquels s'est livré le salarié, lesquels constituent des faits de harcèlement moral à l'encontre de Madame [C], chargée de production, sa réintégration est impossible.

La cour observe cependant que les pièces produites par l'employeur ne permettent pas de retenir le harcèlement allégué.

En effet, il convient d'observer que les courriels adressés par Mme [C] à M. [S] en date du 14 avril 2011 ou du 16 janvier 2014, justifient au contraire d'une pleine maitrise de son autorité sur le salarié ('je te remercie de faire en sorte de respecter désormais les horaires (..) Je te rappelle qu'aucun scooter ne doit stationner dans le local stockage') ('[N], peux-tu prévenir immédiatement la production des problèmes et incidents sur les tournages qui relèvent notamment de la décoration'), la chargée de production étant par ailleurs pleinement associée aux observations formulées au salarié par Mme [O], directrice de la production des Programmes de Flux de Canal+, dans un courriel du 8 novembre 2013 visant des axes d'organisation à modifier dont l'organisation de l'équipe de M. [S].

Le courriel du 12 mars 2014 de Mme [C] communiqué par l'employeur ne vise pas par ailleurs M. [S] personnellement, mais est relatif à la participation ou non de la chargée de production à 'une réunion d'échanges voulue par nos intermittents'.

La cour observe par ailleurs que dans les termes de son attestation du 9 décembre 2014, Mme [C] ne caractérise pas, par l'énoncé de faits précis, les éléments justifiant 'des relations professionnelles avec M. [S] très compliquées et très conflictuelles' dont elle fait part tandis que Mme [O] se limite à faire état, dans une attestation rédigée à la même date, de 'nombreux échanges sur la non maitrise du budget accessoirisation, des discusssions interminables sur le calendrier des congés, un défaut d'adaptation de M. [S] aux nouvelles normes' sans que des faits de harcèlement à l'encontre de la hiérarchie ne puissent en être déduits.

Pour s'opposer à la réintégration de M. [S], la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION fait également valoir que l'émission ne fait plus appel à un chef décorateur pour sa production, que l'équipe travaille désormais dans un climat d'apaisement et avec motivation depuis le départ du salarié.

Cependant, de tels motifs, dont le premier n'est pas pour sa part établi, ne sauraient, en tout état de cause, constituer une impossibilité absolue de réintégrer le salarié au sein de la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION.

La réintégration sera donc prononcée dans le poste de chef décorateur exercé ou tout poste équivalent, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, ce sous astreinte provisoire d'un montant de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter du prononcé du présent arrêt et pendant une période de six mois, la cour ne se réservant pas la liquidation.

S'agissant des condamnations en paiement induites par la requalification, il sera versé à M. [S] une indemnité de requalification d'un montant de 5.844 euros dans les termes du jugement de première instance.

La société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION sera en outre condamnée à lui régler une indemnité forfaitaire égale au montant de la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à sa réintégration sur la base d'une rémunération brute mensuelle de 5.844 euros, l'indemnité devant être réglée dans les deux mois du présent arrêt, les circonstances de l'espèce ne justifiant pas d'assortir ce paiement d'une astreinte.

Il est rappelé à cet égard au salarié, s'il a perçu des allocations Pôle Emploi, qu'il n'est pas fondé à cumuler les allocations de chômage éventuellement perçues de cet organisme avec l'indemnité susvisée et doit donc prendre attache avec ce dernier.

3. Sur la discrimination syndicale

M. [S] fait ici valoir que la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION l'a empêché d'exercer son mandat de représentant du personnel en lui refusant cet exercice à son retour de congés, en décidant d'interrompre toute relation de travail avec lui quasi immédiatement après son élection, en l'excluant de la vague de régularisation des contrats à durée déterminée d'usage et en faisant preuve d'acharnement à son encontre par le biais d'un contrôle excessif et de griefs injustement proférés à son encontre.

La société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION oppose au salarié son insubordination et mentionne que l'aggravation de son comportement à compter du début de l'année 2013 au cours de la saison 2013/2014 a justifié qu'elle ne lui propose pas de nouvelles collaborations.

Sur ce,

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de ses activités syndicales.

En vertu de l'article L. 1134-1 du même code, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions qui précèdent, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En application des dispositions qui précèdent, lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Afin de justifier d'éléments de faits constituant selon lui une discrimination syndicale, M. [S] se réfère à la lettre du 24 septembre 2013 de la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION l'informant de ce qu'il ne sera plus convoqué aux prochaines réunions des délégués du personnel en raison de la perte de son mandat depuis le 22 juin 2013, le procès verbal de la réunion du comité d'entreprise du 17 juillet 2014 portant sur la transformation des contrats à durée déterminée d'usage des salariés de l'équipe Groland en contrat à durée indéterminée, son courrier du 22 septembre 2014 au défenseur des droits ainsi que diverses attestations de collègues (ses pièces 93 à 97), l'avertissement dont il a fait l'objet le 23 avril 2012, les pièces adverses n°2, 11, 15, 22 et 23.

Aux termes de son courrier du 22 septembre 2014 au défenseur des droits, il mentionne notamment qu'il est délégué du personnel depuis le 3 juin 2013, qu'il est le seul salarié rattaché à la production de l'émission Groland à ne pas s'être vu proposer un contrat à durée indéterminée, le refus lui en étant signifié le 8 septembre 2014. Il ajoute que depuis juin 2013, la direction de Canal+ a toujours refusé de lui reconnaître son mandat et l'a mis dans l'incapacité d'exercer celui-ci allant jusqu'à lui refuser l'accès aux réunions des délégués du personnel.

La cour relève qu'aux termes de son attestation produite par le salarié, M. [L], réalisateur, mentionne avoir été témoin de pressions d'ordre moral et psychologique subies par M. [S] de la part de Madame [C] laquelle a été mutée dans un autre service de Canal+ depuis septembre 2014. Ce salarié énonce que M. [S] ayant pris le risque de se syndiquer dans le but de se faire entendre après quatre années de pression et pour défendre les droits de ses collègues pour leur intégration en contrat à durée indéterminée s'est retrouvé évincé du plan de 'cdisation'.

Madame [I], ancienne salariée, énonce que M. [S] a subi une intense pression de 2012 à 2014 de la part de ses supérieurs, que ces pressions s'exerçaient sur la prise de ses congés, le choix de ses assistants, la gestion de son budget.

M. [G], réalisateur, énonce pour sa part que des pressions quotidiennes ont été subies par M. [S] de la part de la chargée de production, arrivée en 2006, que celle-ci remettait en cause quotidiennement le professionnalisme, le talent artistique et l'honnêteté de M. [S], un climat délétère régnant au sein du groupe dans ces conditions. Il ajoute que depuis la rentrée 2014, l'intimé manque cruellement à l'émission tant au réalisateur qu'à son équipe, aux assistants et régisseurs de par ses choix artistiques et son grand professionnalisme.

Le courrier du 12 février 2014 de CGC Médias adressé à la directive des relations sociales Canal+ justifie également de la contestation à cette date par ce syndicat du fait que M. [S], délégué du personnel, ne soit plus invité aux réunions du site Canal+ Lumière.

Le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 17 juillet 2014 vise pour sa part l'engagement de la direction de Canal+ d'intégrer en contrat à durée indéterminée tous les salariés en contrat à durée déterminée d'usage sauf ceux ayant moins de trois ans parmi lesquels ne peut donc figurer l'intimé.

Ces éléments dont il ressort que M. [S], dont le dernier contrat de travail à durée déterminée a été effectué sur la période du 20 aout 2013 au 20 juin 2014, n'était pas convié aux réunions des délégués du personnel début 2014, n'a pas bénéficié d'un contrat à durée indéterminée en septembre 2014 alors qu'il justifiait des critères pour ce faire, subissait des pressions dans l'exercice de son métier, laissent supposer l'existence d'une discrimination syndicale.

Il incombe donc à l'employeur de prouver que ses décisions ont été justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Or, la cour observe que la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION ne verse ici aux débats que quelques courriels et attestations qui ne permettent pas d'apporter une telle justification.

En effet, ces courriels ne viennent pas établir l'insubordination reprochée à M. [S] alors que:

- la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION ne produit pas aux débats la réponse de M. [S] au courriel de Madame [O] en date du 1er décembre 2011 aux termes duquel celle-ci lui indique voir modifier ou évoluer au plus vite certaines organisations de travail ni ne justifie de ce qu'il n'aurait pas respecté les souhaits ainsi formulés par la directrice, la cour notant par ailleurs que l'envoi par le salarié d'un seul message par le biais de sa boîte mail personnelle le 3 avril 2012 n'a plus fait, à cette date, l'objet d'observations particulières de l'employeur,

- le courriel de Madame [C] en date du 14 avril 2011 se limite à faire le point avec M. [S] sur les horaires respectifs des équipes de décoration et de réalisation ainsi que sur la durée hebdomadaire du travail, sans justifier de ce que les instructions n'auraient pas été suivies d'effet,

- l'avertissement du 23 avril 2012 se réfère aux termes d'un courriel de M. [S] en date du 3 avril 2012 et à la planification qu'il avait effectué de quatre intermittents. Aux termes de ce courriel communiqué aux débats, le salarié faisait état de ce qu'une négligence relativement à un « bon pour accord » aboutissait à un retard sur le planning prévisionnel des préparatifs de l'émission tandis qu'il était vivement souhaitable que Mme [C] fasse le nécessaire afin que le déroulement des préparations et des tournages de Groland soit cohérent. Si le ton employé marque un certain agacement du salarié, il n'en reste pas moins que le courriel reste ponctuel et a été notifié à une époque (2012) bien antérieure à l'année 2014 durant laquelle il a été décidé de ne pas proposer au salarié un contrat à durée indéterminée,

- le courriel du 16 mai 2012 concerne un rappel collectif sur les véhicules de service,

- le courriel du 5 novembre 2012 se borne à faire état d'une avance de 2.000 euros à l'intéressé pour une mission EFN30GROLA tandis que ceux échangés entre Mme [C] et Mme [B] le 19 juin 2013 mentionnent que des problèmes subsistent concernant cette avance malgré 'la production par M. [S] de l'ensemble de ses justificatifs' ce qui conduit d'ailleurs à en prélever la somme sur le solde de tout compte du salarié,

- le courriel du 8 novembre 2013, s'il vise une difficulté relative à la validation des régies par M. [S], permet cependant à Mme [O] d'énoncer 'j'ai noté que tu avais bien compris la distinction entre des missions opérationnelles et les problèmes liés à la régie du mois de juin',

- l'achat de caviar et de boites d'oeufs de lompe pour un sketch Groland en mars 2014 reste pour le moins ponctuel, le courriel de Mme [O] relatif à cet achat le 19 mars 2014 n'étant d'ailleurs pas adressé à M. [S],

- il ressort des échanges de courriels du 21 mars 2014 que le planning des intermittents établi par M. [S] à cette date était uniquement prévisionnel et n'enfreignait donc pas les instructions de Mme [O] telles qu'énoncées dans le couriel du 1er décembre 2011 visant que le salarié faisait sur ce point des propositions ( 'pour ce qui concerne la qualification des intermittents, [N], il convient désormais de faire systématiquement les propositions de dates par mail (...)').

L'employeur est ainsi défaillant à justifier que le défaut de conclusion d'un contrat à durée indéterminée avec M. [S] en septembre 2014 aurait été décidé pour des raisons extérieures à son mandat représentatif, la cour observant par ailleurs que l'employeur ne pouvait opposer le terme du contrat du 21 aout 2012 au 21 juin 2013 pour décider que l'intéressé n'était plus à même d'exercer son mandat de délégué du personnel en février 2014 ce alors que ce contrat avait été suivi d'un autre du 20 août 2013 au 20 juin 2014.

Ces éléments conduiront à retenir la discrimination syndicale.

Compte tenu du préjudice subi, la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION sera condamnée à régler à M. [S] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.

La violation du statut protecteur d'un représentant du personnel ayant porté atteinte à l'intérêt collectif de la profession, la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION sera condamnée à payer au syndicat national des personnels de la communication et l'audiovisuel CFE-CGC (SNPCA CFE- CGC) une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice subi ce, par confirmation du jugement entrepris.

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de sa convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

Il sera statué sur les dépens et frais irrépétibles dans les termes du dispositif.

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant par décision contradictoire,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :

- prononcé la requalification des contrats à durée déterminée d'usage en un contrat à durée indéterminée

- constaté la violation par l'employeur du statut protecteur dont devait bénéficier M. [N] [S],

- requalifié la rupture du contrat à durée indéterminée pour licenciement nul,

- condamné la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION à verser à M. [N] [S] la somme de 5.844 euros au titre de l'indemnité de requalification,

- condamné la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION à verser au syndicat national des personnels de la communication et de l'audiovisuel CFE-CGC (SNPCA CFE-CGC) la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement, en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession,

- condamné la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION à payer à M. [S] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et au syndicat national des personnels de la communication et de l'audiovisuel CFE-CGC (SNPCA CFE-CGC) la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'INFIRMANT sur les autres points,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION à verser à M. [N] [S] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour discrimination syndicale,

ORDONNE la réintégration de M. [N] [S] au sein de la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION au poste de chef décorateur au sein de GROLAND en contrat de travail à durée indéterminée et aux mêmes conditions salariales qu'antérieurement au 20 juin 2004 ou dans un emploi équivalent aux mêmes conditions, sous astreinte provisoire d'un montant de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter du prononcé du présent arrêt et pendant une période de six mois, la cour ne se réservant pas la liquidation de l'astreinte,

CONDAMNE la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION à payer à M. [N] [S] une indemnité d'un montant égal au salaire qu'il aurait dû percevoir entre la rupture de son contrat de travail le 20 juin 2014 et sa réintégration dans l'entreprise sur la base d'une rémunération mensuelle brute égale à 5.844 euros, cette indemnité devant être réglée dans les deux mois à compter du présent arrêt,

DIT n'y avoir lieu d'assortir cette condamnation en paiement d'une astreinte,

DIT que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la convocation de la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires à compter de la décision en fixant à la fois le principe et le montant,

VU l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION à payer à M. [N] [S] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE les autres demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société NULLE PART AILLEURS PRODUCTION aux dépens.

- Prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Maryse LESAULT, Présidente et par Madame Carine DJELLAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 16/01878
Date de la décision : 30/10/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 15, arrêt n°16/01878 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-30;16.01878 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award