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29/10/2019 | FRANCE | N°18/03217

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 29 octobre 2019, 18/03217


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





1ère chambre 1ère section





ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE

Code nac : 63C





DU 29 OCTOBRE 2019





N° RG 18/03217

N° Portalis DBV3-V-B7C-SLXO





AFFAIRE :



[Q] [R] épouse [F]

[M] [F]

C/

[X] [T]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Février 2018 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 1

N° Section : r>
N° RG : 16/00996



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-Me Anne-laure DUMEAU,



-Me Mélina PEDROLETTI

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT NEUF OCTOBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appe...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 63C

DU 29 OCTOBRE 2019

N° RG 18/03217

N° Portalis DBV3-V-B7C-SLXO

AFFAIRE :

[Q] [R] épouse [F]

[M] [F]

C/

[X] [T]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Février 2018 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 1

N° Section :

N° RG : 16/00996

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-Me Anne-laure DUMEAU,

-Me Mélina PEDROLETTI

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF OCTOBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant après prorogation le 1er et 22 octobre 2019, les parties en ayant été avisées dans l'affaire entre :

Madame [Q] [R] épouse [F]

née le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Monsieur [M] [F]

né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentés par Me Anne-laure DUMEAU, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 42343

Me Philippe LE GALL, avocat plaidant - barreau de PARIS, vestiaire : E0578

APPELANTS

****************

Monsieur [X] [T]

né le [Date naissance 3] 1967 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté par Me Mélina PEDROLETTI, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : V 626 - N° du dossier 24037

Me Laure-Anne FOURNIER substituant Me Marie-laure TIROUFLET DE BUHREN de la SELARL EDOU DE BUHREN, avocat plaidant - barreau de PARIS, vestiaire : P0021

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Juin 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne LELIEVRE, conseiller et Madame Nathalie LAUER, conseiller chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, Président,

Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

Vu le jugement rendu le 8 février 2018 par le tribunal de grande instance de Nanterre qui a :

-ordonné le rabat de l'ordonnance de clôture pour recevoir le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Versailles le 23 novembre 2017 produit en défense, et prononce de nouveau la clôture,

-dit recevables M. et Mme [F] en leur action en responsabilité civile délictuelle exercée à l'encontre de M. [T],

-débouté M. et Mme [F] de l'ensemble de leurs demandes,

-débouté M. [T] de sa demande au titre de la procédure abusive,

-débouté les parties de leurs demandes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné M. et Mme [F] aux dépens, lesquels pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile,

-dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.

Vu l'appel de ce jugement interjeté le 7 mai 2018 par Madame [R] [Q],

Vu les dernières conclusions notifiées le 1er avril 2019 par lesquelles Madame [R] [Q] demande à la cour de :

Vu le code civil, notamment son article 1240 du Code Civil anciennement 1382,

Vu le code de procédures civile, notamment ses articles 239 et 276,

Vu le jugement du 8 février 2018 du TRIBUNAL DE GRANDE Instance de NANTERRE

Vu la déclaration d'appel,

Vu les pièces produites,

-recevoir Madame et Monsieur [F] en l'ensemble de leurs demandes ; fins et conclusions ; les dire bien fondés,

-débouter Monsieur [T] en l'ensemble de ses demandes fins et conclusions, le dire mal fondé,

-débouter Monsieur [T] de sa demande d'irrecevabilité au titre des dispositions de l'article 564 du CPC au vu des conclusions et des éléments de première instance,

-confirmer les termes du jugement du 8 févier 2018 en ce qu'il a estimé recevable les époux [F] en leur action en responsabilité civile délictuelle exercée à l'encontre de Monsieur [T],

-constater que Monsieur [X] [T] a commis des fautes dans l'exécution de sa mission d'expertise,

-infirmer pour le surplus les termes du jugement du Tribunal de Grande Instance de NANTERRE du 8 février 2018 et statuant à nouveau,

-condamner Monsieur [X] [T] à verser à Monsieur et Madame [F] une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour tromperie sur la fausse qualité d'expert de Monsieur [T],

-condamner Monsieur [X] [T] à verser à Monsieur et Madame [F] une somme de 39 733 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des divers préjudices subis,

-condamner Monsieur [X] [T] à rembourser les provisions d'expertise à hauteur de 4972,41 euros,

-condamner Monsieur [X] [T] au paiement de la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les dernières conclusions notifiées le 6 novembre 2018 par lesquelles M. [T] [X] demande à la cour de :

-recevoir Monsieur [T] en ses conclusions d'intimé, le dire bien fondé,

En conséquence,

-confirmer le jugement du Tribunal de grande d'instance de Nanterre du 8 février 2018, (RG 16/00996), en toutes ses dispositions,

En tant que de besoin, statuant à nouveau,

A titre principal,

Vu l'article 564 du Code de procédure civile,

-dire irrecevable la demande de condamnation de Monsieur [T] au titre de la tromperie sur la fausse qualité d'expert de ce dernier,

A titre subsidiaire,

-dire mal fondée la demande de condamnation de Monsieur [T] au titre de la tromperie sur la fausse qualité d'expert de ce dernier,

-débouter Monsieur et Madame [F] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

-condamner Monsieur et Madame [F] à payer à Monsieur [T] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

-condamner Monsieur et Madame [F] au paiement des entiers dépens, dont distraction au profit de Me Mélina PEDROLETTI, avocat au Barreau de VERSAILLES, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Par exploit d'huissier de justice délivré le 1er février 2006, M. [M] [F] et Mme [Q] [R], épouse [F], propriétaires d'un bien immobilier à usage de résidence principale, ont fait assigner devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Versailles M. et Mme [A], propriétaires d'un fonds voisin, aux fins de désignation d'un expert sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, pour prévenir des désordres occasionnés sur leur bien par des travaux réalisés par les époux [A], de démolition d'un local adossé à leur habitation et de construction d'une extension.

Par ordonnance du 2 mars 2006, le juge des référés du tribunal de grande instance de Versailles a accueilli la demande des époux [F] et désigné, en qualité d'expert, M. [U] [U], lequel étant indisponible a été remplacé par M. [X] [T] selon ordonnance du juge chargé du contrôle des expertises en date du 23 mars 2006.

L'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Versailles fixait la consignation à hauteur de 2.500 euros.

Le rapport définitif de M. [T] a été remis le 22 mai 2015.

Les époux [F] ayant informé l'expert qu'ils envisageaient de voir engager sa responsabilité professionnelle compte tenu du délai disproportionné pour la remise de son rapport, M. [T], par courrier en retour du 12 juin 2015, a alors précisé que le retard allégué était dû aux différentes diligences réalisées par les avocats des deux parties, rappelant notamment n'avoir reçu le premier dire des époux [A] que le 27 septembre 2011, que les époux [F] avaient ensuite changé de conseil, notamment les 17 novembre 2011 et 18 septembre 2012, et que les ultimes observations de leur dernier avocat, Me [N], ne lui étaient parvenues que le 20 août 2013, date à laquelle il disposait de l'ensemble des éléments nécessaires à son rapport. Reconnaissant toutefois que 'depuis cette date (août 2013), il aurait dû être plus diligent' mais invoquant une charge importante de travail pour les tribunaux, il a consenti une remise de 10% sur ses honoraires et frais.

C'est dans ces circonstances que, par acte d'huissier de justice du 19 janvier 2016, M. et Mme [F] ont fait assigner M. [T] devant le tribunal de grande instance de Nanterre en responsabilité professionnelle compte tenu du retard pris dans le dépôt de son rapport et des erreurs affectant celui-ci.

MOYENS DES PARTIES

Sur l'irrecevabilité de la demande pour tromperie sur la fausse qualité d'expert

M. [T] invoque, sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile, l'irrecevabilité de cette demande qui n'a pas été soumise aux premiers juges. À l'appui, il fait valoir que M. et Mme [F] n'avaient pas formulé cette demande dans leurs conclusions récapitulatives signifiées le 18 novembre 2016 devant le tribunal de grande instance de Nanterre.

M. et Mme [F] répliquent qu'une simple lecture de leurs conclusions en réponse régularisées le 4 octobre 2017 devant le tribunal de grande instance de Nanterre permet de démontrer le contraire puisque le défaut de qualité d'expert de M. [T] est clairement visé.

Sur les fautes reprochées à M. [T]

M. et Mme [F] prétendent que la nomination de M. [T] en qualité d'expert judiciaire dans le cadre de la présente procédure est irrégulière ; qu'en effet, lorsqu'il a été nommé, il n'était aucunement expert auprès de la cour d'appel de Versailles, son nom ne figurant à aucun moment dans la liste des experts ; qu'il ne l'a été que de manière fugace, inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Versailles entre le 4 mai 2009 et le 7 juin 2010, soit postérieurement à sa nomination dans le présent litige. Ils en infèrent que ce retrait de la liste des experts démontre la carence dont M. [T] est indiscutablement coupable selon eux.

En outre, M. et Mme [F] sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu que M. [T] avait commis des fautes susceptibles d'engager sa responsabilité. En revanche, ils soutiennent que le jugement a à tort estimé que le délai de cinq ans et sept mois qui s'est écoulé entre la désignation de l'expert du 23 mars 2006 à la date du 20 août 2013 n'était pas imputable à M. [T]. En ce sens, ils invoquent les dires et le rapport d'expertise communiqués aux débats. Ils ajoutent que la fin de l'expertise est arrêtée par le dépôt du rapport d'expertise qui a eu lieu le 22 mai 2015, fixant donc un délai incompressible de neuf ans pour obtenir le dépôt du rapport où une mission de sauvegarde était sollicitée. Ils s'estiment donc fondés à estimer que la notion de sauvegarde a parfaitement échappé à M. [T] ceci, d'autant plus selon eux, que la lenteur d'intervention de l'expert leur a indéniablement causé un préjudice dès lors que leur bien présente une semelle filante de fondation entourant et débordant l'entourage de leur construction qui rend impossible d'adosser l'extension construite par les époux [A], sans le détruire, ce qu'ils ont fait en sa partie arrière du mur pignon.

Ils considèrent en outre que les magistrats de première instance ont omis de prendre en compte la mise en demeure préalable diligentée à l'encontre de M. [T] qui a reconnu sa faute et en déduisent au sens de l'article, aujourd'hui 1240, du Code civil une reconnaissance de faute et de préjudice indéniable.

Ils rappellent les diverses fautes commises, à savoir absence de respect du calendrier des opérations, absence d'éléments d'ordre cadastral, absence de mesures de sauvegarde qu'ils ont sollicitée de par leur assignation en référé, absence d'incitation des consorts [A] à mettre en 'uvre de telles mesures, absence, suite à la réunion d'expertise d'octobre 2009, de constatation des infiltrations d'humidité provenant de la partie contre mur édifiée par les époux [A] sur le mur pignon de leur construction, absence de rapport en suite de cette réunion, ce qui a entraîné des coûts de rénovation d'un montant de 749 €, étant observé que la récidive de l'humidité s'est reproduite en mai 2013 et a été constatée par voie d'huissier le 6 mai 2013 pour un montant de 280,96 €.

Ils reprochent encore à M. [T] une violation du principe de la contradiction. Ils soulignent que l'expert doit répondre aux observations reçues en cours d'opérations. À cet égard, ils prétendent que loin de répondre à leur courrier du 26 juin 2006, l'expert s'est abstenu d'y répondre, omettant l'existence même de ce courrier dans sa note aux parties du 4 mai 2009 et osant indiquer » qu'il n'avait jamais été saisi d'aucune réclamation depuis sa dernière visite, son attitude ayant été identique sur l'ensemble des autres dire qu'ils ont diligentés.

Sur sa désignation, M. [T] réplique que rien ne démontre qu'il aurait trompé le juge du contrôle des expertises concernant sa qualité d'expert alors que les experts remplacés, le sont à partir de la liste à jour des experts et qu'il n'existe aucune démarche possible de la part d'une personne qui ne serait pas expert pour tenter de convaincre le juge du contrôle de le désigner. Il considère par ailleurs que cette problématique, en tout état de cause, relèverait de la responsabilité de l'État du fait du fonctionnement de la justice.

En ce qui concerne la prétendue absence de pré-rapport, il prétend que sa note n° 8 du 31 août 2011, en tenait lieu dès lors qu'elle a été établie « en vue de la clôture des opérations d'expertise », ceci d'autant qu'il a maintenu des positions constantes et que ses observations ont simplement été complétées en 2011 s'agissant de l'humidité apparue à proximité du contre mur. Il précise que la seule difficulté qui subsistait à l'issue des travaux menés par les époux [A] de 2006 à 2009 était précisément la protection de la tête de contre mur, pour laquelle il a donné son avis dans la note aux partis n° 8 précitée. Les travaux s'étant déroulés de 2006 à 2009, il considère qu'il était nécessaire que les opérations d'expertise se poursuivent jusqu'à leur achèvement, date à laquelle il a proposé de déposer son rapport en l'absence d'aucune nouvelle réclamation et alors que le contre mur, rétablissant la configuration des lieux initiale avait été monté sur le fonds voisin. Il estime que de 2009 à 2013, les opérations se sont prolongées du fait des demandeurs. Il affirme qu'en 2011, il était à nouveau sur le point de déposer son rapport, ce qui lui a été refusé. Il admet un retard imputable à son propre fait seulement de 2013 à 2015.

Sur le préjudice et le lien de causalité

M. et Mme [F] font valoir qu'en cause d'appel, contrairement à ce qu'il en est advenu en première instance, il ne pourra leur être reproché de n'avoir versé au dossier aucun élément établissant l'existence de troubles anormaux consécutifs à la réalisation d'une opération de construction en milieu urbain. Ils s'étonnent de ce que le tribunal ait constaté l'absence aux débats des dires ainsi que du rapport d'expertise, ce qui n'est pas le cas en l'espèce selon eux.

En l'absence de mesures de sauvegarde prises par M. [T], ils font valoir que les fissurations engendrées par les travaux menés de manière non conforme aux règles de l'art par les consorts [A] durant plus de trois ans leur ont fait subir un préjudice de 7258,35 € sans compter la réfection de la peinture du plafond de la salle de bain d'un montant de 1000 € et indiscutablement, la dépréciation du bien leur appartenant.

Ils soutiennent que les fautes de M. [T] leur ont fait perdre la chance d'obtenir la cessation des troubles liés aux travaux, l'expert les ayant mis dans l'impossibilité de pallier toutes dégradations commises par les auteurs et les ayant contraints à vivre dans leur habitation telle qu'elle a été atteinte alors que le constat d'huissier du 6 décembre 2005, antérieur aux travaux entrepris par les époux [A], et la pièce n° 31 démontrent que l'intérieur de leur habitation était en parfait état. Ils se prévalent également d'un constat d'huissier du 6 mai 2013 ayant constaté un décollement du papier peint, une humidité sur le mur, des taches sur le parquet et des fissures sur les murs extérieurs, cet état étant confirmé par les constatations d'un expert privé du 7 avril 2006 mandaté par leur assurance.

Ils prétendent que M. [T] ne s'est jamais préoccupé de l'état de leur mur pignon qui s'est logiquement fortement dégradé depuis les travaux de démolition réalisés 2006 en janvier puisque celui-ci était a été mis à nu ainsi qu'une nouvelle photo en atteste, de sorte que les travaux qu'ils ont proposés en février 2006 sur le mur pignon étaient justifiés. Ils contestent donc le refus de M. [T] de constater les microfissures et affirment qu'il n'a fait aucune constatation sérieuse sur ce plan. Ils en infèrent que les conclusions du rapport d'expertise étaient inexploitables du fait de leur ancienneté, ce qui permet, selon eux d'après la jurisprudence, d'engager sa responsabilité.

Ils se plaignent également des nuisances sonores causées durant les travaux.

Ils invoquent enfin un préjudice moral consécutif à l'inertie de M. [T], un sentiment d'incompréhension, d'indignation et d'injustice face à son absence prolongée et une source d'angoisse perpétuelle quant à l'état de leur domicile, demeure familiale dont ils sont propriétaires depuis 1983.

M. [T] réplique que les demandes formulées par M. et Mme [F], concernant les dommages à leur bien et les nuisances subies portent sur la réparation de désordres et nuisances directement consécutifs au chantier voisin et non sur une quelconque perte de chance. Il ajoute qu'à supposer que les appelants démontrent l'existence de désordres en lien avec le chantier et considérés comme excédant les troubles anormaux du voisinage, la responsabilité en incombe au maître d'ouvrage voisin. Il en déduit qu'il leur appartenait de diriger l'intégralité de leurs demandes indemnitaires concernant les dommages et nuisances alléguées contre M. et Mme [A], ou éventuellement leur locateur d'ouvrage, à l'exception de toute autre personne, ce qu'ils ont d'ailleurs fait, concernant des montants étrangement inférieurs, croyant devoir réclamer la moitié à leurs voisins et l'autre moitié des sommes à lui-même, comme s'ils agissaient selon les mêmes fondements à l'égard de l'un et de l'autre. Il soutient que M. et Mme [F] ne démontrent nullement l'existence d'un préjudice, distinct des désordres et nuisances, qui auraient un lien de causalité direct avec les conditions dans lesquelles se sont déroulées les opérations d'expertise qui lui ont été confiées. Il considère le retard de deux années qu'il admet lui être imputable sans incidence sur la situation de M. et Mme [F] puisque depuis sa note aux parties n° 8 du 31 août 2011, sa position était établie de façon très claire quant aux désordres et notamment quant à la nécessité de mettre en 'uvre une protection de la tête du contre mur. Cette position prise, il fait valoir que ses opérations n'avaient plus d'objet et que M. et Mme [F] disposaient de leur liberté d'action. Il soutient que ce dossier ne concernait pas la détermination des responsabilités de locateur d'ouvrage concernant la survenance de désordres à la suite de travaux de construction au profit d'un maître d'ouvrage de sorte qu'il juge non transposables les jurisprudences invoquées par M. et Mme [F]. Au cas présent au contraire, il prétend que M. et Mme [A] étaient nécessairement responsables des désordres causés à la propriété de leurs voisins, une fois le lien de causalité établi par l'expert entre ces dommages et les travaux voisins, sur le fondement des troubles anormaux de voisinage. Il en déduit qu'une fois diffusée la note aux parties n° 8, M. et Mme [F] pouvaient valablement exiger de M. et Mme [A] la pose de la bande solin et de l'élément de zinguerie qu'il préconisait. Il maintient par ailleurs ses positions sur le plan technique et considère que la faute délictuelle qui lui est reprochée provient en réalité du désaccord de M. et Mme [F] avec ses positions techniques.

Il juge infondée la demande de remboursement des provisions qui ont été versées dès lors qu'il estime avoir répondu aux chefs de mission qui lui ont été confiées par l'ordonnance de référé du 2 mars 2016 et que les opérations menées n'ont nullement été inutiles contrairement à ce qu'affirment M. et Mme [F].

SUR CE , LA COUR,

Sur l'irrecevabilité de la demande pour tromperie sur la fausse qualité d'expert

Considérant que les conclusions régularisées le 4 octobre 2017 devant le tribunal de grande instance de Nanterre ne sont pas versés aux débats ;

Mais considérant, quoiqu'il en soit, qu'en vertu de l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges mêmes si leur fondement juridique est différent ;

Considérant en l'espèce que l'action engagée devant le tribunal de grande instance de Nanterre vise à obtenir la condamnation de M. [T] à des dommages et intérêts en raison des fautes qui lui sont reprochées ; que la demande, arguée d'irrecevabilité au sens de l'article 564 du code de procédure civile par M. [T], tend également à obtenir sa condamnation à des dommages et intérêts ; qu'elle tend donc aux mêmes fins que les demandes initiales bien qu'invoquant une faute supplémentaire ; qu'elle est donc recevable ;

Sur les fautes reprochées à M. [T]

Sur la nomination irrégulière de M. [T] en qualité d'expert

Considérant que la désignation de M. [T] en qualité d'expert dans le présent litige fait suite à une ordonnance de changement d'expert rendue le 23 mars 2006 par le magistrat chargé du contrôle des expertises du tribunal de grande instance de Versailles, l'expert initialement désigné par l'ordonnance de référé du 2 mars 2006 prescrivant la mesure d'expertise ayant refusé sa mission ; que la nomination de M. [T] n'est donc pas irrégulière ; qu'à supposer qu'une erreur ait été commise dans sa désignation, aucun élément du dossier ne démontre qu'elle soit imputable à faute à M. [T] ; que la faute reprochée à ce dernier à cet égard n'est donc pas établie ; qu'enfin, le retrait d'un expert de la liste des experts du ressort de la cour d'appel de Versailles, peut procéder de raisons diverses ; que, par conséquent, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme [F], ce seul retrait n'est pas de nature en soi à établir la carence de M. [T] surtout dès lors que strictement aucun élément du dossier ne permet de déterminer dans quelles conditions M. [T] a été retiré de cette liste ;

Considérant par ailleurs que c'est au terme d'une analyse scrupuleuse et détaillée des opérations d'expertise que le tribunal, par de justes motifs adoptés par la cour, a retenu que le retard dans le dépôt du rapport d'expertise n'était imputable à M. [T] qu'à compter du 20 août 2013, date à laquelle il n'avait plus réalisé de diligences alors que son rapport n'a été déposé que le 21 mai 2015 ; qu'il suffit de rappeler que les opérations d'expertise ont été émaillées, de la part de M. et Mme [F], de nombreux changements de conseils, contraignant lesdits conseils à demander des reports, en particulier, pour pouvoir examiner les pièces ou demander la tenue de nouvelles réunions d'expertise ; qu'en outre, il n'est pas contesté que le dire récapitulatif adressé à l'expert par le quatrième avocat de M. et Mme [F] n'a été remis que le 20 août 2013 ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que le retard n'était imputable à faute à M. [T] qu'à compter de cette date ; qu'enfin, si M. et Mme [F] font valoir que la notion de sauvegarde aurait échappé à M. [T], strictement aucun élément du dossier, en particulier technique, ne démontre qu'une mesure de sauvegarde était nécessaire ; que la semelle filante de fondation de leur bien n'est pas de nature à constituer un tel élément ; que d'ailleurs, l'expert, sur le plan technique, s'est prononcé sur les conséquences de la mise à nu du mur pignon ; que le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point, étant rappelé que M. [T] lui-même n'a pas formé appel incident ;

Sur le préjudice et le lien de causalité

Considérant que le tribunal a retenu des fautes à l'encontre de M. [T] ; que, toutefois, contrairement à ce que M. et Mme [F] soutiennent, si l'expert a reconnu qu'il aurait dû être plus diligent depuis le mois d'août 2013, il n'en découle en soi aucune reconnaissance du préjudice invoqué ; qu'il appartient au contraire à M. et Mme [F] d'établir que les préjudices qu'ils invoquent sont en lien causal avec les fautes retenues à l'encontre de l'expert ; que le préjudice ne résulte pas de la seule existence des fautes ; que, quel que soit l'étonnement de M. et Mme [F] à cet égard, ce préjudice doit être prouvé conformément à la lettre de l'article 1240 du Code civil qui dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ;

Considérant que comme déjà dit, strictement aucun élément du dossier, en particulier technique, ne démontre que des mesures de sauvegarde étaient nécessaires ni même qu'elles aient jamais été demandées ; que le constat d'huissier du 5 décembre 2005 invoqué par les appelants pour démontrer que l'intérieur de leur habitation était intact avant que les époux [A] n'entreprennent leurs travaux relève au contraire la « présence en angle du mur du pignon des époux [F] de trous de fixation non rebouchés, le pignon est laissé à l'état d'enduit, présence de microfissures en partie haute, et relief sur enduit, lignes horizontales »; qu'il en résulte que ces micros fissurations, constatées avant que les époux [A] n'entreprennent leurs travaux d'extension ne sont pas en lien avec ceux-ci ; qu'en outre, alors qu'aucune mesure de sauvegarde n'a été sollicitée, dans sa note n° 2 du 4 mai 2009, l'expert a indiqué à l'occasion d'un déplacement, que les travaux de ravalement étaient en cours de finition ; que le mur de la maison de M. et Mme [F] mis à nu lors de la démolition voisine avait fait l'objet de la réalisation d'un contre mur rétablissant la protection aux intempéries ; que l'enduit ancien en partie haute du pignon était préexistant ; que cette note indique également qu'il n'a pas été constaté de désordres consécutifs aux travaux entrepris par les époux [A], les microfissures observées affectant la propriété étant préexistantes, ce qui est justifié vu le constat d'huissier du 5 décembre 2005 ;

Considérant que le seul constat d'huissier du 6 mai 2013 ayant constaté un décollement du papier peint, une humidité sur le mur, des taches sur le parquet et des fissures sur les murs extérieurs ne fait pas la preuve de l'imputabilité de ces désordres aux travaux réalisés par les époux [A] ; qu'en outre, il est inconcevable que ce constat puisse être confirmé par les constatations d'un expert privé du 7 avril 2006, donc antérieur ; que d'ailleurs, ce document n'est pas produit ; que la pièce n° 33 visée dans les conclusions de M. et Mme [F] est sans rapport puisqu'il s'agit d'un courrier de leur conseil de l'époque adressé à M. [T] le 26 juin 2006 ;

Considérant que l'expert, dans son rapport, a rappelé que d'après les dires de M. et Mme [F], la mise à nu de leur mur pignon avait duré sept mois, le temps que les époux [A] ne mettent en place un contre mur ; que suite à l'humidité qui s'en est suivie dans leur habitation, il a proposé une solution réparatoire qui, selon lui, pouvait entrer dans un budget de 1500 € ; qu'il a donc écarté les devis de M. et Mme [F] qui reposaient sur des travaux qu'il jugeait inutiles ;

Considérant que l'expert s'est prononcé sur les nuisances ;

Considérant en tout état de cause que les fautes retenues à l'encontre de M. [T] ne sont pas elles-mêmes à l'origine des nuisances ; que la seule circonstance que les conclusions du rapport ne soient pas conformes à ce qu'attendaient M. et Mme [F] n'est pas de nature à les rendre inexploitables ; que d'ailleurs, il n'est justifié d'aucun élément technique de nature à les contredire ;

Considérant que M. [T] n'étant pas responsable des nuisances, la seule question qui se pose est de savoir si le retard des opérations d'expertise a empêché M. et Mme [F] d'agir à l'encontre des époux [A] au titre des désordres et des nuisances constatés dans le rapport d'expertise ; qu'or, comme l'a retenu le tribunal selon de justes motifs adoptés par la cour, M. et Mme [F] disposaient de l'avis technique de l'expert contenu dans sa note aux parties du 31 août 2011 aux termes de laquelle, il retient les seules nuisances sonores, évaluées à 4500 €, exclut l'humidité relevée dans la chambre-bureau du premier étage, la micro fissurations de la salle de bain, selon lui sans lien causal certain avec les travaux entrepris, et prescrit la réalisation de la protection en tête du contre mur, la reprise des embellissements des murs, plafonds et planchers en bois de la chambre de gauche dite bureau, pour un coût total de 3749 € hors-taxes ;

Considérant que cet avis technique permettait d'engager une action en justice à l'égard des époux [A], en particulier devant le juge des référés comme l'a retenu le tribunal, aux fins de faire cesser le trouble manifestement illicite apporté à leur droit de propriété ; que pourtant, M. et Mme [F] n'ont assigné les époux [A] au fond qu'en date du 11 décembre 2005, cette action ayant été jugée prescrite par jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 23 novembre 2017 ;

Considérant en résumé que le retard mis par M. [T] à déposer son rapport n'est pas à l'origine du préjudice dont M et Mme [F] se plaignent ; qu'en effet, s'ils n'ont pu obtenir l'indemnisation des troubles consécutifs aux travaux entrepris par les époux [A], qui seuls en sont responsables, ils le doivent à leur propre retard à engager une action en justice à leur encontre alors qu'ils pouvaient le faire dès la note du 31 août 2011 et que le retard des opérations d'expertise n'est imputable à l'expert qu'à compter du 20 août 2013 ;

Considérant en conséquence que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme [F] de toutes leurs demandes indemnitaires en ce compris la demande de remboursement des provisions versées ;

Sur les demandes accessoires

Considérant que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a exactement statué sur les dépens ainsi que sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant qu'en tant que partie perdante, et comme telle tenue aux dépens, M. et Mme [F] seront déboutés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'en revanche, eu égard aux fautes établies à l'encontre de M. [T], l'équité commande de ne pas faire application des dites dispositions à son profit ; qu'il sera donc débouté de cette demande ;

Considérant que les dépens d'appel pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code civil.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition ;

DIT que la demande fondée sur la tromperie résultant de la fausse qualité d'expert de M. [T] est recevable,

DIT qu'aucune faute n'est établie à l'encontre de M. [T] à cet égard,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 février 2018 par le tribunal de grande instance de Nanterre,

Et, y ajoutant,

DÉBOUTE M. et Mme [F] et M. [T] de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. et Mme [F] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Anne LELIEVRE, conseiller pour le président empêché, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Conseiller,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 18/03217
Date de la décision : 29/10/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°18/03217 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-29;18.03217 ?
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