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23/10/2019 | FRANCE | N°16/01259

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 23 octobre 2019, 16/01259


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



15e chambre



ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE





DU 23 OCTOBRE 2019





N° RG 16/01259







AFFAIRE :





[X] [R]





C/





SARL [P]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Février 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nanterre

Section : Encadrement



N° RG : F13/00877





Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





SELARL Tréville Société d'Avocats



Me François GAILLARD





le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT TROIS OCTOBRE DEUX MILLE DIX NEUF,



La cour d'appel de Versailles, a r...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 23 OCTOBRE 2019

N° RG 16/01259

AFFAIRE :

[X] [R]

C/

SARL [P]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Février 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nanterre

Section : Encadrement

N° RG : F13/00877

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

SELARL Tréville Société d'Avocats

Me François GAILLARD

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS OCTOBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [X] [R]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 2] (Algérie), de nationalité française

comparant en personne, assisté de Me Alexandre BOULANT de la SELARL Tréville Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B440

APPELANT

****************

SARL [P]

[Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET :

représentée par Me François GAILLARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0898

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 juin 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Maryse LESAULT, Présidente chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Maryse LESAULT, Présidente,

Madame Isabelle VENDRYES, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

FAITS ET PROCÉDURE,

Monsieur [X] [R] (ci-après M. [R]) a été embauché le 12 janvier 2011 par la société [P] ([P]) en qualité de consultant senior.

La convention collective applicable est celle des bureaux d'études techniques cabinets d'ingénieurs conseils, sociétés de conseils, dite Syntec.

La dernière rémunération mensuelle brute de M. [R] est de 6 666,66 euros.

Par lettre recommandée du 6 février 2013, M. [R] a été convoqué à un entretien préalable, qui s'est tenu le 18 février 2013.

Par lettre recommandée du 21 février 2013, M. [R] a été licencié pour insuffisance professionnelle.

Contestant son licenciement, M. [R] a saisi le Conseil de prud'hommes le 26 mars 2013.

Par jugement du 16 février 2016, le Conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- dit qu'en l'espèce le licenciement pour insuffisance professionnelle est fondé,

- dit que la prime de vacances conventionnelle est due,

- condamné la société [P] à payer à M. [R] les sommes de :

- 717,95 euros à titre de prime de vacances conventionnelle,

- 1 000 euros au titre de l'article 700,

- dit que la convention de forfait jours est nulle,

- dit que la demande d'heures supplémentaires n'est pas justifiée,

- dit qu'il n'y a pas exécution déloyale du contrat de travail

- dit qu'il n'y a pas lieu à dommages et intérêts pour clause de non concurrence illicite

- dit qu'il n'y a pas lieu à dommages et intérêts pour défaut d'entretien annuel,

- dit qu'il n'y a pas préjudice distinct,

- débouté le demandeur de toutes ses autres demandes financières,

- débouté la société [P] de sa demande reconventionnelle,

- limité l'exécution provisoire à celle de droit prévue par l'article R. 1424-28 du Code du travail,

- dit que les dépens éventuels seront à la charge de la société [P].

Par déclaration du 22 mars 2016, enregistrée le 23 mars 2016, M. [R] a interjeté appel de la totalité du jugement, sauf sur la condamnation allouée au titre de la prime conventionnelle de vacances et l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, M. [R], appelant, demande à la cour de :

- confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Nanterre du 16 février 2016, en ce qu'il a condamné la société [P] au paiement des sommes de :

- 717,95 euros bruts d'un rappel de prime de vacances conventionnelle,

- 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- infirmer le jugement entrepris pour le surplus, et statuant à nouveau,

- dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société [P] à lui payer les sommes de :

- 10 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail au visa de l'article L.1222-1 du Code du travail,

- 37 878,19 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires,

- 3 787,82 euros bruts de congés payés afférents,

- 20 988,70 euros bruts à titre de rappel de contrepartie obligatoire en repos,

- 2 098,87 euros bruts de congés payés afférents,

- 40 000 euros nets à titre d'indemnité prévue à l'article L.8223-1 du Code du travail,

- 10 000 euros à titre d'indemnité prévue par l'article L.3121-47 du Code du travail,

- 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect de l'article L.3121-46 du Code du travail,

- 40 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au visa de l'article L.1235-5 du Code du travail,

- 18 079,98 euros nets à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct (perte de la priorité de réembauche et du bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle),

- 40 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour clause de non concurrence illicite,

- 5 000 euros nets sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dire que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du Conseil de prud'hommes,

- débouter la société [P] de l'ensemble de ses demandes à son encontre,

- ordonner à la société [P] la remise de bulletin de paye, attestation Pôle emploi, certificat de travail et solde de tout compte conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard à compter d'un mois suivant la notification de l'arrêt, la cour se réservant le droit de liquider l'astreinte,

- condamner la société [P] aux entiers dépens.

Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, la société [P], intimée, demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit que la convention de forfait est nulle,

- l'a condamnée à payer à M. [R] les sommes de :

- 717,95 euros au titre de la prime de vacances conventionnelle,

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- confirmer le jugement pour le surplus, et débouter en conséquence M. [R] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [R] à lui payer la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile, et aux entiers dépens, de première instance et d'appel.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé des faits.

MOTIFS,

1- Demandes relatives à l'exécution du contrat de travail

1-1- Sur la rémunération variable

M. [R] invoque la mauvaise foi de [P] et son manquement contractuel l'ayant privé de la possibilité de percevoir une rémunération variable en sus de sa rémunération fixe, alors que la mise en place d'un tel système était contractuellement prévu. Il soutient avoir ainsi fait l'objet d'une inégalité de traitement par rapport à ses collègues, que la société est incapable de justifier par le moindre élément objectif, et sollicite l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de la société [P] à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail.

La société rappelle les termes du contrat relatifs à la rémunération, le caractère hypothétique d'une possible rémunération variable soumise à l'établissement préalable d'objectifs à atteindre, et à l'atteinte des résultats. Elle demande la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté cette demande, le salarié n'ayant pas été soumis à des objectifs préalablement définis.

Sur ce,

Selon les dispositions du contrat relatives à la rémunération du salarié, il a été prévu : «... une partie variable pourrait être déterminée par l'atteinte d'objectifs qui seront fixés en début de chaque année civile. »

Comme exactement retenu par les premiers juges, il n'y a eu pendant l'exécution du contrat de M. [R] de janvier 2011 à début 2013 aucune définition d'objectifs à atteindre et il n'en a été réclamé aucun, alors qu'il s'agissait d'un complément de rémunération soumis à la réalisation de cette condition. Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande.

1-2- Sur la prime de vacances conventionnelles

M. [R] indique que la société lui a versé en juillet 2012 une prime de vacances de 756,14 euros au titre de la période de janvier 2011 à mai 2012 mais n'a rien versé à ce titre sur la période de juin 2012 à mai 2013. Il reproche à la société de produire une note interne du 23 juillet 2012 aux termes de laquelle la prime de vacances conventionnelle serait versée le 31 juillet de chaque année à tous les salariés présents à cette date, alors que par sa note de service, la société [P] a unilatéralement ajouté une condition de présence pour le paiement de la prime de vacances que la convention collective ne prévoit pas de sorte que cette note de service est inopposable aux salariés. Il sollicite en conséquence la confirmation du jugement entrepris en ce que le Conseil de prud'hommes a condamné la société à ce titre, soit :

- valeur du jour de congés (salaire mensuel / nombres de jours ouvrables par mois) : 6 666,66 / 26 = 256,41 euros (voir bulletin de décembre 2012)

- nombre de jours de congés payés sur la période du 1er juin 2012 au 21 mai 2013 : 28

- valeur des congés payés : 256,41 x 28 = 7 179,48 euros

- montant de la prime de vacances : 7 179,48 x 10% = 717,95 euros.

La société [P] demande l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer au salarié la somme de 717,95 euros au titre de la prime de vacances conventionnelle.

Elle indique que, si elle ignorait que la convention collective Syntec prévoyait le versement d'une prime de vacances, elle a cependant régularisé la situation, et a payé à tous les salariés présents au 1er janvier 2012 la prime de vacances conventionnelle, et ce de façon rétroactive sur 5 ans, de sorte que M. [R] s'est vu verser en juillet 2012 une prime de vacances d'un montant de 756,14 euros correspondant à la période de janvier 2011, date de son embauche, à mai 2012, ce qu'il ne conteste pas. Elle lui reproche d'omettre volontairement de préciser, que le paiement de la prime de vacances est subordonné à une condition de présence dans l'entreprise au 31 juillet, date du versement de la prime. Or, elle indique qu'ayant quitté l'entreprise le 21 mai 2013 (dernier jour de son préavis), M. [R] ne faisait plus partie des effectifs de l'entreprise au 31 juillet 2013, de sorte que ce dernier n'était pas éligible au paiement d'une prime de vacances pour la période du 1er juin 2012 au 21 mai 2013. A titre subsidiaire, elle indique que le calcul présenté par le salarié, qui repose sur « la valeur du jour de congés », n'est pas conforme aux prescriptions de la convention collective qui vise « la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective de l'ensemble des salariés ».

Sur ce,

Selon les dispositions de l'article L 2254'1 du code du travail lorsqu'un employeur est lié par des clauses d'une convention ou d'un accord, cette clause s'applique aux contrats de travail conclu avec lui, sauf stipulation plus favorable.

L'article 31 de la convention collective Syntec ici applicable prévoit que : « l'ensemble des salariés bénéficie d'une prime de vacance d'un montant au moins égal à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective de l'ensemble des salariés. Toute prime de gratification versée en cours d'année à divers titres et quels qu'en soit la nature peuvent être considérées comme prime de vacance à condition qu'elle soit au moins égal aux 10 % prévus à l'alinéa précédent et qu'une partie soit versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre. »

La cour retient qu'aucune disposition de la convention ne prévoyant d'assortir le paiement de cette prime de vacance à la condition d'une présence dans l'entreprise au 31 mai, c'est en ajoutant à cette disposition, et ainsi en la restreignant de manière illicite, que l'employeur a refusé le paiement de la prime sollicitée sorte qu'il reste redevable de la prime de vacance pour la période comprise de juin 2012 à la date de fin de contrat soit au 23 mai 2013.

Si la société conteste le mode de calcul de la prime demandée, force est de constater, alors qu'elle est débitrice de cette prime, qu'elle ne produit pas d'éléments de nature à contredire le calcul du salarié, dont le résultat est cohérent avec la prime précédemment versée, de sorte que le jugement sera confirmé.

1-3- Sur les heures supplémentaires et congés payés y afférents

1-3-1- Sur la clause relative la convention de forfait

M. [R] indique que son contrat de travail contient une clause prévoyant une convention de forfait annuel de 218 jours de travail par an, qui ne peut être applicable que si la société justifie d'un accord collectif étendu et d'un accord collectif d'entreprise le complétant, ce dont elle ne justifie pas, de sorte que le statut de cadre autonome ne pouvait lui être appliqué. Il se prévaut en conséquence, par défaut, du statut de cadre intégré, soumis aux 35 heures, et de son droit de réclamer des heures supplémentaires, des repos compensateurs et des congés payés afférents pour rémunération des heures accomplies au-delà de 35 heures. Il reproche au jugement de ne pas en avoir tiré les conséquences qui s'imposaient de l'inopposabilité de la convention de forfait.

M. [R] soutient avoir travaillé plus de 7 heures quotidiennes pour l'entreprise, la société [P] ayant imposé à ses salariés de travailler au minimum 8 heures par jour, ce qui représente déjà une heure supplémentaire par jour. Il réclame le paiement de la somme de 37 878,19 euros outre congés payés y afférents.

La société rappelle qu'au moment de la conclusion du contrat de travail de M. [R] et durant son exécution, elle était en conformité avec le droit positif alors applicable, et a respecté parfaitement ses obligations légales, conventionnelles et contractuelles en termes d'organisation et de durée du temps de travail. Elle souligne qu'à aucun moment de l'exécution de son contrat de travail le salarié n'a formé d'observation, ni émis de réserves ou de contestation sur la validité de la convention de forfait ainsi conclu et qu'il ne s'est pas davantage plein de ce que ce forfait mettrait en péril sa sécurité et sa santé, ou encore ne garantissait pas que l'amplitude et la charge de travail reste raisonnable et bien répartie dans le temps. Il ajoute que la lettre de son conseil du 25 février 2013 formant différentes demandes n'a d'ailleurs fait aucune référence à la convention de forfait ni aux horaires effectués et à la charge de travail et qu'il n'en a pas davantage été question lors de l'audience de conciliation en mai 2013.

Sur ce,

La cour retient que ni les dispositions de l'article 4 de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, pris en application de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseil du 15 décembre 1987, ni les stipulations des accords d'entreprise du 22 décembre 1999 et 5 novembre 2004, ne sont de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail reste raisonnable et assure une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.

Or le contrat de travail de M. [R] ne se réfère qu'aux dispositions de l'article 4 de l'accord de réduction de temps travail du 22 juin 99, de sorte que la clause de forfait stipulé dans le contrat est inopposable au salarié.

1-3-2- Sur la demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés

Par suite de l'inopposabilité de la convention de forfait le salarié relève de la durée légale du travail.

Selon les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail :

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

La charge de la preuve étant ainsi partagée, il incombe au salarié de produire devant le juge des éléments de nature à étayer sa demande. L'employeur, qui a le contrôle de la durée du travail dans l'entreprise, doit pour sa part apporter des éléments de nature à justifier les horaires accomplis.

En l'espèce M. [R] fait d'abord valoir que la société imposait une durée de présence quotidienne de 9 à 18 heures certes incluant le temps de pause déjeuner, et qu'elle a été pointilleuse sur cette exigence comme cela résulte de courriels des 12 et 13 mars 2012. Il fait ensuite valoir que la société dispose d'un logiciel de facturation du temps passé sur les dossiers de conseil (comptage en jour)et de contentieux des clients (comptage en heures) dont les informations étaient régulièrement revues par la société, sans cependant toutefois que ce système ne prenne en compte les heures de travail pendant les week-ends alors que les dispositions conventionnelles exigent que le système de comptage retenu, quel qu'il soit, doivent permettre d'identifier clairement le temps de travail effectif et compris les tranches exceptionnelles d'activité et les dépassements d'horaire. Il ajoute que l'évaluation du temps de travail était moins précise, pour celui réalisé en interne, puisque non destinée à faire l'objet d'une facturation directe aux clients. M. [R] produit en outre un certain nombre de documents horodatés faisant selon lui la preuve de ce qu'il a souvent travaillé au-delà de 18 heures et parfois très tard, qu'il s'est souvent abstenu de prendre sa pause déjeuner en raison de réunion de travail et qu'il a effectué des heures de travail les samedis et dimanches. Il évalue sa créance à la somme de 37 878,19 euros au titre des heures supplémentaires, outre congés payés, et à la somme de 20 988,70 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos. Il demande d'infirmer le jugement et d'accueillir ses demandes.

La société conclut à leur rejet en faisant valoir de première part que la note de service indiquant les horaires d'ouverture de l'entreprise (9 à 18 heures) concerne la seule indication des horaires d'ouverture des locaux et n'a pas pour objet de fixer les horaires de l'ensemble des salariés quel que soit leur statut. Elle invoque caractère fantaisiste du décompte présenté sur la base de cette note. S'agissant de deuxième part du logiciel de facturation au client du temps passé, elle en rappelle ainsi la destination, indique que les données étaient souvent saisies de manière rétroactive donc avec reconstitution sujette à approximation. Elle soutient encore que M. [R] ne réalisait pas plus de 35 heures de travail hebdomadaire et que des incohérences ressortent des pièces qu'il verse au débat. Ainsi pour la journée du 14 septembre 2012 il mentionne sept heures de travail mais réclame 2h30 supplémentaire ; pour le mois de janvier 2013 il renseigne lui-même 147,5 heures de travail effectif dans le tableau récapitulatif de facturation, dont 40 heures seulement seront facturées au client, tout en réclamant aujourd'hui 31,3 heures supplémentaires ; pour le mois de février 2013 il renseigne 131 heures de travail et réclame aujourd'hui 17,75 heures supplémentaires. La société cite encore à certaines dates un double comptage des heures supplémentaires une fois au titre de la note de service, une fois au titre du logiciel de facturation. Enfin elle rappelle de troisième part que les heures des courriels adressés à l'employeur ne sauraient établir des horaires de travail effectif, et elle souligne que M. [R] n'a jamais fait état d'heures supplémentaires impayées pendant toute la durée de son contrat, ni fait état dans ses relevés, de durée mensuelle supérieure à 151,67 heures soit une durée de travail hebdomadaire de 35heures comme mentionné sur l'attestation de Pôle emploi qu'il n'a jamais contestée.

Sur ce,

Le salarié invoque et produit notamment au titre des éléments étayant ses prétentions :

- les documents de présentation de l'entreprise aux salariés versés aux débats font état d' 'heures de travail' et non d'ouverture « d'ouverture de l'entreprise », de 9 à 18 heures (pièces 15 et 16 réunions du 8 avril 2011 et du 17 mai 2011) et la pièce 16 mentionne expressément à la rubrique dédiée « Consultants =salariés cadres au-delà des 35 heures puisque RTT ».

- les documents émanant de l'outil informatique de comptage du temps travaillé destiné à permettre de calculer la facturation des missions aux clients de l'entreprise, qui, s'il ne constitue pas, certes, un outil spécifique de mesure du temps effectif travaillé, n'en demeure pas moins un indicateur pouvant être considéré comme objectif puisque les parties s'accordent à dire que les données saisies par les salariés sont vérifiées par l'employeur, quand bien même peuvent elles être sujettes à une certaine approximation.

-des documents internes échangés avec l'employeur relatifs aux horaires de travail,

- le tableau récapitulatif présenté par le salarié dans ses conclusions portant ainsi à 675,50 euros le nombre des heures supplémentaires alléguées.

La cour retient que ces éléments valent étaiement de la demande notamment en ce que M. [R] est consultant, ce qui suffit à le placer ainsi, selon le document de réunion du 17 mai 2011, dans le cadre des salariés dépassant la durée légale de 35 heures cité.

La position de l'employeur qui conteste toute heure supplémentaire est antinomique avec ce constat.

Cependant la discussion sur le comptage à partir du logiciel de facturation appelle les observations suivantes :

- il s'agit d'un document renseigné sous le contrôle de l'entreprise de sorte que son contenu en est validé, même dans sa marge d'approximation qui ouvre en cela place à la discussion,

-le récapitulatif mensuel de la facturation par intervenant (conseil), qui comptabilisent par journée ou fraction de journée (pièce 21) présente de ce fait une imprécision au regard de la comptabilisation d'heures supplémentaires. Néanmoins le récapitulatif pour l'année 2011, dans la mission de conseil est de 119,5 jours soit 836,5 heures.

- les récapitulatifs mensuels de facturation par intervenant (contentieux), qui comptabilisent par heure ou fraction d'heure permettent de constater que certaines dates l'addition des heures pour un même jour reste inférieure à la durée légale quotidienne. La conséquence en est ainsi que le total d'heures retenu à la base, pour calculer la facturation sur l'année 2011 est de 712,45 heures, en 2012 de 967,75 heures et en 2013 (de janvier à mai) de 85 heures (pièces 22, 23 et 24).

Il s'en déduit qu'en 2011 M. [R] a vu validé un total d'heures de travail effectif de 1548,95 heures (soit 836,5 + 712,45 heures - pièces 21 et 22) pour une durée légale annuelle de travail de 1607 heures. Il n'est donc pas justifié de dépassement de la durée légale.

En 2012 année de son passage au contentieux, et alors qu'il n'a plus semble-t-il alors assuré de mission de consultation, le total de ses heures a été validé à 967,75 heures sur la base des récapitulatifs mensuels, donc inférieur à la durée légale.

En 2013 sur les deux premiers mois reportés sur le récapitulatif correspondant (pièce 24) la comptabilisation retient 85 heures soit une moyenne mensuelle de 42,5 heures.

Les conditions contractuelles ayant prévu que le salarié exercera ses fonctions aussi bien dans les locaux de la société que chez les clients, il ne peut être retenu comme base de calcul de la durée de travail effectif de M. [R], l'hypothèse purement théorique d'une présence constante dans les bureaux de la société de 9 à 18 heures.

La cour retient de ces circonstances et au vu des pièces produites par les deux parties que, si certes des échanges de courriels ont pu faire état de réunions de travail parfois à l'heure de déjeuner, ou encore certains week- ends, force est de constater que M. [R], qui percevait une rémunération mensuelle brute de 8 000 euros incluant la rémunération de la clause de non concurrence, et qu'il n'a pas fait état d'heures supplémentaires pendant la durée de son contrat.

Il convient, au vu de l'ensemble de ces éléments, de confirmer le rejet de sa demande en paiement d'heures supplémentaires.

1-3-3- Sur la demande de rappel au titre de contrepartie obligatoire en repos compensateur et congés payés

Le salarié étant débouté de sa demande au titre des heures supplémentaires, le sera pareillement, en conséquence, de sa demande à ce titre, par confirmation du jugement

1-3-4- Indemnisation travail dissimulé

Le salarié étant débouté de sa demande au titre des heures supplémentaires, le sera pareillement, en conséquence, de sa demande à ce titre, par confirmation du jugement.

1-3-5- Indemnité sur le fondement des dispositions de l'article L3121-47

M. [R] fonde sa demande d'indemnisation sur les dispositions de l'article L3121-47, qui dans sa rédaction issue de la législation applicable au litige, énoncent que : « Lorsqu'un salarié ayant conclu une convention de forfait en jours perçoit une rémunération manifestement son rapport avec des sujétions qui lui sont imposées, il peut, nonobstant toute clause contraire, conventionnelle ou contractuelle, saisir le juge judiciaire afin que lui soit allouée une indemnité calculée en fonction du préjudice subi, eu égard notamment au niveau de salaire pratiqué dans l'entreprise, et correspondant à sa qualification.

Le salarié contestant à juste titre l'application de la convention de forfait Jours est mal fondé à revendiquer l'application de l'article L3121-47 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige.

Pour les motifs qui précèdent la demande de dommages-intérêts à ce titre est dépourvue de fondement, le jugement étant confirmé en ce qu'il l'a rejetée.

1-3-6- Demande de dommages-intérêts pour non respect de l'article L3121-46

Dans sa version applicable au litige, l'article L3121-46 du code du travail dispose qu'un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

Pour motifs qui précèdent cette demande est sans objet dès lors que la convention de forfait a été déclarée inopposable.

1-4- Demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Débouté de ses demandes relatives à l'exécution de son contrat autre que celle en paiement d'une prime de vacances, le salarié n'établit pas l'exécution déloyale du contrat par son employeur et sera pareillement débouté, en conséquence, de sa demande à ce titre, par confirmation du jugement.

1-5- Demande de dommages-intérêts pour clause de non concurrence illicite

M. [R] soutient que la clause 2.5 de son contrat de travail est une clause de non-concurrence reconnue comme telle par la société, laquelle ne peut se prévaloir de la somme versée pendant l'exécution du contrat de travail comme valant contrepartie de cette clause de non-concurrence, au-delà de la fin du contrat. Il ajoute que le contrat de travail ne comporte aucune possibilité de lever la clause de concurrence au moment du départ de l'entreprise et que la société ne peut prétendre l'avoir levée dans sa lettre de rupture du 21 février 2013 si bien qu'il s'est considéré tenu par cet engagement de non concurrence contenu dans son contrat de travail. Il ajoute encore que son accord aurait été nécessaire pour lever cette clause de son contrat et qu'il n'a jamais donné un tel accord.

La société [P] conteste la demande à ce titre dans la mesure où le salarié a été libéré de toute obligation de non concurrence dès le 8 mars 2013, soit plus de deux mois et demi avant la fin de son préavis. Elle fait valoir que le salarié ne peut soutenir à la fois que la clause de non-concurrence serait illicite faute de contrepartie financière, et que ladite contrepartie financière stipulée au bénéfice du salarié l'empêchait de lever unilatéralement la clause de non concurrence. Elle ajoute que M. [R] a été employé du 12 janvier 2011 au 21 mai 2013, qu'il a perçu 29 000 euros au titre d'une obligation de non-concurrence qui n'a reçu aucune application, et que plus de deux mois et demi avant l'expiration de son préavis, le salarié a été libéré de son obligation de non concurrence. Elle expose que la levée de cette clause n'a ainsi causé aucun préjudice au salarié, et notamment ne l'a privé d'aucune contrepartie financière puisqu'il n'en était pas prévu, dans la mesure où, dès la fin de son préavis, M. [R] a retrouvé toute sa liberté de travail, et pouvait sans difficulté être engagé ou travailler directement ou indirectement pour l'un des clients. Elle vise la lettre RAR du 8 mars 2013 ayant expressément libéré M. [R] de son obligation, de sorte que ce dernier n'a pas pu se « considérer tenu par l'engagement de non concurrence ». Elle ajoute qu'il est de jurisprudence constante qu'en cas d'absence de dispositions contractuelles et conventionnelles fixant les modalités de renonciation par l'employeur à la clause de non concurrence, cette renonciation doit intervenir avant la fin du préavis.

Sur ce,

Selon les dispositions de l'article 2-5 du contrat de travail intitulé Protection de clientèle, en cas de rupture du contrat de travail quelque cause que ce soit, le salarié s'interdit d'être engagé de travailler directement ou indirectement pour l'un des clients de la société en tant que consultant informatique et ceci pour une durée d'une année sur le territoire français.

On entend par "clients" toute personne physique ou personne morale ayant eu recours au service de la société pendant les trois années qui ont précédé le départ du salarié.

En cas d'inobservation de cette interdiction, le salarié sera de plein droit redevable à la société une indemnité forfaitaire équivalant à six fois son dernier salaire mensuel au moment de son départ.

Par ailleurs l'article du contrat relatif à la rémunération du salarié est ainsi rédigée :

Votre rémunération brute annuelle est fixé à 75 000 € répartie sur 12 mois, pour une activité à temps plein dans notre société. À l'issue de votre période d'essai et une fois confirmé, votre rémunération sera redéfinie sur la base d'un fixe de 80 000 euros annuels répartis sur 12 mois pour une activité à temps plein dont 12 000 euros au titre de la clause de non-concurrence. Une partie variable pourrait être déterminée par l'atteinte d'objectifs qui seront fixés en début de chaque année civile.

Il se déduit de ces dispositions que, de manière expresse, précise et non équivoque, le salarié a été tenu au respect d'une obligation de non-concurrence,et a à ce titre perçu une part de sa rémunération spécifiquement affectée à la contrepartie de la clause de non-concurrence, cela à hauteur de 12 000 euros par an.

M. [R] a ainsi perçu pendant la durée de son contrat (embauché le 12 janvier 2011-licencié le 21 février 2013 + préavis de 3 mois à compter de présentation de la lettre) une somme de l'ordre de 28 000 euros correspondant à la part de sa rémunération contrepartie de la clause de non-concurrence. Cependant aucune contrepartie n'a été prévue pour la période postérieure à la rupture du contrat de sorte qu'elle est illicite.

La renonciation par l'employeur à l'obligation de non concurrence ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer.

Il résulte de la lettre RAR adressée par la société à M. [R] le 8 mars 2013 (P7 salarié) en ces termes :

« (...) votre préavis, dont vous n'êtes pas dispensé, expirera le 21 mai 2013.

A compter de cette date, vous serez entièrement libéré de la clause de protection de clientèle de l'article 2.5 de votre contrat de travail, que votre avocat a dénoncé comme une clause de non concurrence illicite dans son courrier du 25 février ».

Outre qu'elle souligne à juste titre la contradiction manifeste du salarié sur la valeur de cette clause, cette lettre exprime sans équivoque la renonciation par la société à s'en prévaloir, de sorte qu'elle a expressément libéré le salarié de sa clause de non concurrence avant la fin même de son préavis, lequel expirait le 21 mai 2013.

L'argument de M. [R] selon lequel l'employeur ne pouvait le libérer de manière unilatérale de l'obligation de non concurrence sans son accord est ici inopérant, l'employeur ayant pu ainsi régulièrement renoncer à la clause dans le délai de préavis , et ici plus de deux mois avant son terme.

Il convient dès lors de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation de M. [R]

1-6- Demande de dommages-intérêts pour défaut d'entretien annuel

M. [R] soutient que la société n'a jamais organisé les entretiens prévus au titre de sa charge de travail, de l'organisation du travail dans l'entreprise et de l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale, manquant ainsi au respect des règles légales sur ce point. Il demande une indemnisation de 5 000 euros à ce titre.

La société demande la confirmation.

Sur ce,

comme il a été dit précédemment, il résulte des conclusions et des éléments versés au débat que le salarié se prévaut sur ce point de l'entretien annuel prévu pour l'application de conventions de forfait dont il a développé dans ses écritures inopposabilité à son égard. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.

2- Contestation du licenciement et demande subséquentes

2-1- Sur la contestation du licenciement

M. [R] prétend qu'en réalité le licenciement repose sur un motif économique, la société n'apportant pas la preuve qu'il a été remplacé dans ses fonctions de sorte qu'il est fondé à penser que son poste a été supprimé. Il ajoute que la société s 'est séparée de 5 personnes (3 salariés et deux associés successifs) soit la moitié de ses effectifs et a purement et simplement supprimé le département conseil sans pour autant prononcer le moindre licenciement économique. Il rappelle avoir été recruté par Mme [J] pour intervenir en qualité de consultant en système d'information exclusivement au sein du département conseil, ses tâches étant circonscrites au «projet, CDC, infogérance » et « Etude achats ». Il ajoute que M. [P], gérant, a été contraint de l'intégrer au sein du département contentieux, alors que dès le 2 juillet 2012, il l'a alerté sur le fait qu'il n'avait pas été recruté pour cette activité, qu'il ne possédait ni formation ni expérience spécifique et n'était pas expert judiciaire.

Il prétend qu'ayant été embauché comme consultant senior affecté au conseil et même si la formation des consultants repose sur un socle commun, il est inexact, compte tenu de la nature totalement différente des fonctions de conseil et de contentieux de soutenir que pour travailler sur le contentieux «les connaissances requises, les méthodes de travail, l'exigence de précision » étaient les mêmes, aucune interchangeabilité n'étant selon lui possible sans un minimum de formation et d'encadrement. Sur ce point il indique n'avoir en particulier bénéficié d'aucune formation en matière d'expertise judiciaire et avoir été affecté directement sur des dossiers contentieux pour le compte de clients, l'employeur ayant reconnu lui-même qu'il « se perdait dans les matrices ».

Il conteste l'évaluation par son employeur de son temps de travail et invoque l'Estoppel au motif que la société ne peut à la fois dire que les relevés de son temps de travail ne sont pas pertinents pour mesurer ce temps de travail et les utiliser pour prétendre prouver son insuffisante rentabilité. Il prétend que la société procède à une altération grave de la réalité en lui reprochant une absence de rentabilité qui repose sur la comparaison du temps passé sur les dossiers et le temps effectivement facturé au client.

Il fait valoir que la lettre de licenciement fixe les termes du litige et qu'il ne peut y avoir lieu de faire des extrapolations à d'autre dossiers que ceux de IBM, Vérizon et CS. Il rappelle n'avoir jamais fait l'objet d'avertissement ou mise en garde pendant les deux années de son contrat et avoir reçu des témoignages de félicitations tant de clients que de sa hiérarchie dont le signataire de la lettre de licenciement. Il dit non rapportée la preuve d'une incapacité qui lui est reprochée à mener de front plusieurs dossiers.

La société conteste le caractère économique du licenciement de M. [R] ; elle rappelle le caractère précis des manquements contenus dans la lettre de licenciement qui fixe les termes du litige et souligne le caractère vérifiable de ces manquements caractérisant l'insuffisance professionnelle. Elle ajoute que le salarié a été recruté comme consultant senior pour intervenir à la fois sur des missions de conseil et de contentieux de sorte qu'en reconnaissant son défaut de compétences et de formation dans le domaine du contentieux, cela revient pour le salarié à reconnaître lui-même son insuffisance professionnelle. Elle rappelle que le travail de M. [R] devait être repris, que la qualité moyenne de ce travail lui avait été à plusieurs reprises dénoncée tout comme le manque de valeur ajoutée à ce travail dont la lenteur d'exécution représentait un coût qui ne pouvait être répercuté à son exacte mesure dans la facturation faite aux clients, ce qui a causé un préjudice à la société.

Sur ce ,

L'appréciation des aptitudes professionnelles du salarié et de son adaptation à l'emploi relève du pouvoir patronal. Néanmoins, l'insuffisance professionnelle alléguée à son encontre pour fonder un licenciement doit être justifiée par des éléments précis et concrets de nature à perturber la bonne marche de l'entreprise ou le fonctionnement du service.

Cette insuffisance doit également être appréciée au regard des missions et objectifs fixés au salarié.

Pour constituer une cause légitime de rupture, l'insuffisance professionnelle doit être ainsi établie par des éléments objectifs, constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme passagère ou purement conjoncturelle, être directement imputable au salarié et non la conséquence d'une conjoncture économique difficile ou du propre comportement de l'employeur.

Au terme de son contrat de travail, M. [R] est engagé en qualité de consultant senior, statut cadre. Position 3.1, coefficient : 170.

Selon l'extrait Kbis produit au débat la société [P] a pour activité l'audit, l'expertise, le conseil, l'assistance, la formation et l'information dans le domaine de l'informatique. Elle a démarré son activité le 1er avril 1991.

Les documents de présentation de cette société (pièces 15 et 16 comptes-rendus de réunion) indiquent que la société comptait en avril-mai 2011 un effectif comprenant alors une équipe de 8 intervenants dont 3 experts judiciaires ces derniers comprenant notamment [H] [P] gérant créateur de la société, et deux autres personnes. Le tableau de « clarification des rôles opérationnels » positionne alors M. [R] dans les domaines de projet CDC infogérance et Achat CDC Infogérance, avec indication d'une spécialisation informatique [P]. L'autre personne ayant cette spécialisation, dénommé [B], a pour domaine d'activité l'audit des saisies et benchmarks et le contentieux expertise. Tous les membres de l'équipe (7) sont également désignés comme « commercial ».

L'insuffisance professionnelle doit s'apprécier au regard des missions et objectifs fixés au salarié.

La cour observe que le positionnement initial de M. [R] a été sensiblement modifié courant 2012 puisqu'après avoir été affecté à une mission de conseil, il a été charge d'une mission « contentieux » qu'il commente en ces termes, dès le 6 juillet 2012 dans un courriel à M. [P], gérant fondateur de [P] :

« Je n'ai pas besoin de vous rappeler ma situation actuelle au sein de la société [P].

En quelques mois, le pôle conseil, pour lequel j'ai été recruté, s'est réduit de façon drastique.

Tout d'abord, pour des raisons qui ne me regardent pas, deux consultants ont été licenciés. C'est deux licenciements ont été immédiatement suivis par la démission de la responsable du pôle, qui était en même temps ma responsable directe.

Comme cette dernière m'affectait les dossiers que je devais prendre en charge, action dont je me suis acquittée au mieux de mes capacités, ce que ni vous, ni elle, n'avait remis en question, bien au contraire, je me suis retrouvé du jour au lendemain sans dossier à traiter, et dans un département qui ne compte plus que [B] qui travaille, déjà, depuis longtemps en expertise avec vous, et moi..

Nous en avons discuté, vous et moi, et vous m'avez expliqué qu'une personne allait arriver, et avec elle de nouveaux chantiers entrant dans le cadre de mes attributions, ce dont je me suis montré ravi.

En attendant, vous m'avez demandé d'intervenir sur des dossiers d'expertise judiciaire, au titre d'autoformation, et vous conviendrez que je me suis prêté à l'exercice de bonne grâce, en vous alertant toutefois, sur le fait que, n'ayant jamais été formé à ce métier, je ne saurais être performant dans l'immédiat, ce que vous avez admis sans difficulté, me semble-t-il. »

C'est dans ce contexte que se place le début de la période au cours de laquelle sont reprochées les insuffisances alléguées.

La lettre de licenciement du 21 février 2013 dont les termes fixent les limites du litige sans pour autant, s'agissant d'une insuffisance professionnelle, exclure la référence possible, dans le débat à d'autres faits que ceux visés dans la lettre, est ainsi rédigée :

« (...)Vous étiez notamment chargé :

-de participer aux missions de conseil sur les projets informatiques qui vous étaient confiés par la société, pour le compte de ses clients, en respectant les exigences qualificatives et de délais de nos clients,

'd'accomplir des missions de conseil sur les dossiers de contentieux,

'd'avoir une activité relationnelle avec des contacts DSI directeurs d'achat.

Il vous était demandé de saisir vos jours d'activité dans la base Access afin de permettre de valoriser votre travail et facturer nos clients en conséquence de travail que vous fournissez.

Depuis maintenant plus de six mois, vous menez les travaux que nous vous confions en y passant un temps incompatible avec une quelconque rentabilité pour notre entreprise ».

[Mission IBM]

« Nous vous avons confié comme mission d'établir une note technique pour le compte de notre société sur un projet entre deux sociétés dont l'une des plus grandes sociétés mondiales, clients depuis nombreuses années de [P] (dossiers IBM).

Cette note, qui avait pour objectif de retracer les difficultés rencontrées par notre client durant un projet a été appréciée, mais c'est avant tout le résultat d'une 'uvre collective, une dizaine de personnes ayant contribué pendant plusieurs semaines.

Bien que nous n'ayons pas facturé la totalité du temps que vous avez déclaré avoir passé, notre cliente a jugé cette facturation excessive, nous avons dû la réduire à nouveau, à sa demande. »

Ce premier reproche est celui de l'absence de rentabilité, pour l'entreprise, des travaux réalisés par le salarié, avec le premier exemple du dossier IBM.

M. [R] indique que ce projet consistait à assister le client IBM dans un litige commercial l'opposant société Galec concernant un site Internet Institutionnel, cette société réclamant en justice à IBM une somme de huit à neuf millions d'euros. Il ajoute qu'il s'agissait pour [P] de produire une nouvelle note d'expertise dont la rédaction était confiée en interne à deux personnes M. [V] et lui-même sous l'égide de M. [P]. Il précise que la finalisation du document final, d'une centaine de pages, a requis cette réunion de travail entre le 12 septembre et le 14 novembre 2012 de plusieurs heures chacune impliquant une dizaine de personnes venant d'IBM du cabinet de leur avocat et de [P]. Il précise qu'une partie du temps nécessaire résulté de la nécessité de retraiter tout un chapitre du rapport à la suite d'une mauvaise information fournie par le client, ce dont il ne peut pas être tenu responsable. Enfin il ajoute avoir passé 303 heures pendant 5 mois sur ce dossier dont 204,25 ont été facturés au client pour un montant total de 53 105 euros ce qui n'a rien d'extravagant.

M. [R] demande d'écarter ce grief en exposant avoir reçu les félicitations du responsable de l'équipe d'IBM, ce qui montre la qualité de son travail sur son dossier et contredit en soi le grief d'insuffisance professionnelle. S'agissant du coût de facturation, il fait valoir que la société [P] avait prévu que le temps facturé serait nécessairement inférieur au temps réellement passé, l'objectif de qualité étant privilégié par la société.

La société expose au contraire que les travaux ont été réalisés par M. [R] avec une inefficacité patente, et que la lenteur du travail du salarié et l'impossibilité de répercuter cet état de fait sur la facturation lui ont fait perdre en efficacité et rentabilité. Elle indique que le salarié a effectué 84 heures de travail en juillet 2012 dont seulement 32 ont pu être facturées et qu'en octobre 2012, il en a effectué 124,5 dont seulement 81,25 ont pu être facturées.

La cour observe que la satisfaction d'IBM envers le travail de M. [R] est totale et, incontestablement la société [P], sur un dossier aussi stratégique et important que celui d'IBM ne pouvait que privilégier la qualité de son rapport destiné à être produit en justice, ce qui l'exposait de toute évidence à prévoir un temps de travail plus important, donc à l'exigence commerciale d'une non répercussion d'autant plus sensible de ce temps de travail sur la facturation finale au client, cette exigence commerciale participant en elle-même à la rentabilité de l'entreprise.

La cour retient que ce premier grief ne caractérise pas une insuffisance professionnelle au regard de la reconnaissance de la qualité du travail fourni par le client, dont l'élaboration d'un rapport, collectivement avec le client et son cabinet d'avocat, ne relève que de la procédure normale, alors que le salarié n'avait été positionné que depuis peu, et sans formation spécifique, sur un nouveau secteur de son activité de consultant. Enfin la facturation n'apparaît pas dérisoire dans ce contexte.

Mission Vérizon

La lettre de licenciement évoque ensuite un second dossier en ces termes :

« (...) nous vous avons alors confié un travail d'analyse technique d'un projet de déménagement d'une installation importante d'un fournisseur d'accès Internet, entreprise de niveau mondial (dossier Verizon).

Le temps que vous avez passé sur ce travail rend impossible tout rentabilisation de votre activité; Qui plus est devant cette situation, nous ne pouvons vous confier plusieurs missions en même temps ce qui provoque des ruptures de charge dans vos travaux.

Dans cette mission, le livrable est de qualité très moyenne ce qui est difficilement compréhensible, vu l'aide que M. [P] nous a apportée et la charge de travail que vous avez consacrée. »

M. [R] expose que le 15 novembre après la fin du projet IBM, il s'est vu confier un nouveau dossier d'expertise (Vérizon) cette fois à traiter seul, qui portait sur le déménagement d'un centre de communication parisien d'un des plus grands acteurs de télécommunications mondiales, dont la filiale française était installée près de la Défense dans un bâtiment spécialement aménagé de plusieurs étages, connectés à de nombreux systèmes de communication, y compris à des réseaux de fibre optique qui parcourent les sous-sols de toute l'Europe, longs de milliers de kilomètres, centralisant des dizaines de serveurs, des milliers de commutateurs, en plus une multitude d'appareil hautement sophistiqués et hautement sensibles. Il précise que sa mission, alors qu'aucun budget maximum n'avait été fixé, consistait à réaliser seul une étude d'impact incluant le calcul des coûts, planning, propositions de solutions, contraintes techniques, évaluation de la compétitivité.pour le déménagement de cette filiale et de ses systèmes de communication, ce qui requerrait de hautes compétences d'équipes pluridisciplinaires. Il expose avoir alerté son employeur dès le lendemain, 16 novembre 2012 sur son absence de compétence en la matière, sur la complexité de la tâche, et le caractère totalement irréaliste du projet qui lui était confié à lui seul, tout en ajoutant qu'il ferait son maximum pour répondre à la demande et préparer une lettre de mission. Il ajoute qu'au final son travail n'a fait l'objet que de deux remarques avec seulement une demande de corrections de forme dans la lettre de couverture, puis une demande de l'employeur d'utiliser un modèle interne, et sur le fond ajouter un paragraphe de quatre lignes, ce qui ne saurait selon lui caractériser une insuffisance professionnelle. S'agissant du grief que lui fait la société sur le défaut de rentabilité de son travail sur ce projet M. [R] rappelle que toutes les heures n'avaient pas, là encore, vocation à être facturées, que ce chantier était trop ambitieux pour [P] et que le dossier était surdimensionné pour un consultant seul. Il demande d'écarter ce grief.

La société souligne la nécessité qu'il y avait pour le salarié de redoubler de rigueur et d'efficacité pour respecter les budgets et délais pour ce client. Elle rappelle que le gérant M. [P] lui avait précisé par courriel du 15 novembre 2012 les 4 points principaux attendus, à savoir communication d'une lettre de mission qui sera finalisée, plan de travail, incluant un planning, et les éventuels besoins pour accéder à des informations manquantes. La société souligne la réponse du salarié du 20 novembre 2012 déclarant : « suite à votre recommandation je garde à l'esprit qu'il faut maîtriser le temps consacré à chaque dossier », qu'elle estime une reconnaissance par le salarié de ce qu'il avait du mal à maîtriser son temps de travail, tout en faisant observer qu'il ne formule aucune demande ni besoin d'assistance d'aide ou de formation.

La Cour constate que la société [P] ne produit pas le résultat du travail de M. [R] sur ce dossier, dont l'aboutissement n'est pas contesté. L'appréciation du reproche d'un « livrable de qualité très moyenne » ne peut en conséquence pas être examiné de sorte que le grief, non vérifiable, sera écarté.

Mission CS

Enfin la lettre de licenciement vise dans les termes suivants une insuffisance professionnelle dans la mission CS :

« (...) En juillet dernier nous vous avons confié l'analyse technique du corpus contractuel d'un projet informatique important (dossier CS). Devant l'absence de résultats, M.[P] a repris à sa charge ce travail. À nouveau le temps que vous avez passé sur cette affaire n'a pas pu être facturé. Il a été perdu.

Début janvier, sur le même dossier, nous vous avons confié l'analyse des tests de recettes d'un logiciel industriel complexe. Pour mémoire c'est, d'après vos dires, votre « c'ur » de compétence.

Dans cette mission également le travail a été très long, très consommateur de temps, constatation confirmée en analysant les comptes-rendus d'activité que vous avez remplie. Nous n'avons pu facturer qu'un peu moins d'un quart du temps que vous avez déclaré y avoir passé.

À cette occasion vous nous avez fait part de la difficulté que vous éprouvez exécuter les missions que nous vous confions.

Ces faits sont constitutifs d'une insuffisance professionnelle, et mettent en cause la bonne marche de l'entreprise. »

M. [R] expose qu'il s'agit d'un chantier portant sur le conflit entre deux sociétés concernant le déploiement d'un système destiné à la Défense nationale et il précise être intervenu à deux reprises sur ce dossier ardu, d'abord du 12 juin au 1er août 2012, puis du 2 janvier au 23 mars 2013. Il indique que la première période a correspondu au moment où le département conseil était en pleine déréliction du fait du départ de Madame [J] et de l'arrivée de M. [V] alors que lui-même n'était plus affecté sur aucun chantier et qu'il avait fait remarquer qu'il ne disposait d'aucune formation ni expérience dans le domaine. Il indique que ce dossier lui a été confié à titre « d'autoformation » dans le contexte de son basculement vers le pôle « contentieux » et qu'il y a d'ailleurs été cantonné dans des fonctions de support : prise de connaissance du dossier gestion de la base documentaire reprise de notes manuscrites de M. [P], participation pour information à une réunion d'experts chez un expert. Il fait valoir que par nature ces heures de travail ne pouvaient pas être facturées au client si ce n'est de manière résiduelle, et que d'ailleurs toutes les heures de consultant n'ont pas vocation à être re-facturées au client. Il conteste la critique de son travail en faisant valoir qu'il n'aurait pas été réaffecté sur ce dossier en janvier 2013 si la critique avait été fondée. S'agissant de la seconde période M. [R] indique qu'elle correspond à la fin du projet Verizon et à la nécessité de l'affecter sur une autre mission. Il ajoute que le contexte avait évolué depuis la première période, qu'il n'avait toujours pas bénéficié de formation adaptée à ses nouvelles fonctions, et qu'il a subi début 2013 une succession de pressions et de relances infondées visant à justifier son licenciement.

La société reproche à M. [R] de n'avoir pu facturer au client que 20 heures seulement en septembre 2012 sur les 66 heures de travail effectué et en octobre 20 heures seulement au lieu des 36 heures effectuées.

La cour relève, s'agissant de ce dossier, qu'il est surprenant qu'une entreprise réponde à une demande de rabais d'un client en mettant directement en cause nominativement l'efficacité des heures travaillées de l'un de ses collaborateurs, comme a pu le faire [P]. Or il est observé qu'en l'espèce la société a adressé deux factures au client CS désignant deux commandes différentes (N 250662 visée sur la facture du 28 février 2013 d'un montant de 40 514,50 euros, postérieure d'une semaine à la lettre de licenciement-pièce 39, et n 250933 du 16 avril 2013 d'un montant de 63 298,30 euros visée dans la facture du 31 mars 2013-pièce 41) et que dans les deux lettres de transmission de ces factures au client, [P] y déclare dans la première (pièce 38) « en ce qui concerne les heures de [X], j'ai diminué de manière importante le nombre d'heures pour tenir compte du travail efficace par rapport au temps passé » puis dans la seconde (pièce 40) « en ce qui concerne les heures de [X], nous continuons à diminuer le nombre d'heures pour tenir compte du travail efficace par rapport au temps passé » .

Force est de constater que le salarié a alerté son responsable dès le courriel de l'employeur du 15 novembre 2012 de la démesure de la tâche pour l'exécuter seul, et de la nécessité d'une équipe pluridisciplinaire et hautement spécialisée pour établir la lettre de mission incluant : plan de travail, planning, et besoins éventuels pour accéder à des informations manquantes. Si [P] prétend que le gérant M. [P] a dû reprendre le suivi du dossier, les éléments versés au débat ne permettent pas de vérifier l'avancement des travaux de M. [R] sur ce dossier au stade où il est dit avoir été repris par le gérant, alors que deux missions distinctes composent ce dossier, de sorte que l'insuffisance quant à l'avancement du projet dans chacun des deux volets ne peut être vérifiée, et que c'est le grief de défaut de rentabilité qui est ici à nouveau opposé au salarié.

Force est également de rappeler que le défaut de rentabilité ne pourrait être vérifié que par la production par la société [P] de documents comptables permettant de mettre en regard le chiffre d'affaires attendu sur les projets concernés avec celui réalisé, et d'une manière générale de comparer le taux d'heures travaillées des différents consultants par rapport aux heures effectivement facturées aux clients, afin de vérifier et mesurer l'impact réel et chiffré de l'insuffisance alléguée. La société ne produit pas d'élément en ce sens. Il est au surplus rappelé que chaque dossier donne lieu à l'établissement d'un devis préalablement à tout le moins estimatoire, accepté par les clients dont aucun n'est produit sur les projets dont il est question.

Comme rappelé ci-dessus la société [P] est recevable à développer à l'appui de l'insuffisance alléguée d'autres éléments que ceux visés dans la lettre de licenciement. Il convient de répondre sur les observations de l'employeur à propos de la mission ESI.

Mission ESI

M. [R] rappelle que cette mission concernait le conflit entre deux sociétés (ESI et VERITAS) sur l'installation de matériel de surveillance vidéo et qu'il lui a été demandé de manière succincte de prendre en charge ce dossier technique, alors encore qu'il s'agissait d'un domaine dans lequel il n'avait pas de compétence technique particulière, ni reçu de formation, et qui requerrait le recours à des spécialistes. Il indique avoir travaillé du 3 septembre au 19 octobre 2012 pour un total de 102 heures sur ce projet, sans que la qualité de son travail soit remise en cause, rappelant que toutes les heures passées n'ont pas vocation à être facturées.

La société expose n'avoir pu refacturer que 40% environ de temps effectif passé le salarié.

La cour constate que ce développement complémentaire en sus des griefs visés dans la lettre de licenciement, ne fait que reprendre l'argumentation de la rentabilité sur des travaux de septembre et octobre 2012, sans que la société [P] ne justifie de ce que le salarié ait reçu des formations adaptées à son récent positionnement sur le pôle contentieux, nonobstant ses qualités et compétences propres alors qu'il est reproché ici une lenteur et non une mauvaise qualité de travail, d'où la société tire le grief de défaut de rentabilité.

En ce contexte d'une réorganisation voire d'une restructuration de la société [P] survenue en fin de premier trimestre 2012, avec une réduction importante si ce n'est une disparition du pôle « conseil », la cour constate que l'employeur, sans lui fixer d'objectifs, a mis M. [R] dans des conditions de travail largement nouvelles à partir de juin 2012, ce qui, sans méconnaître le caractère polyvalent de la fonction de consultant, aurait mérité certainement en l'espèce une formation spécifique du salarié afin d'accompagner ce re-positionnement interne. En ces circonstances qui ne sont pas imputables au salarié, la cour constate encore qu'il n'est pas justifié d'un défaut de qualité du travail mais qu'il est invoqué quasi exclusivement un défaut de rentabilité, sans toutefois que l'employeur n'ait produit au débat d'éléments permettant d'apprécier ce chef d'insuffisance.

En conséquence la cour retient que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le jugement étant infirmé en ce sens.

2-2- Demande subséquentes au licenciement

2-2-1- Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [R] demande 40 000 euros à ce titre en invoquant son préjudice alors qu'âgé de 51 ans il s'était particulièrement investi dans ses fonctions. Il indique être resté deux ans au chômage, puis avoir retrouvé des missions de courte durée depuis août 2015, mais demeurer à la recherche d'un emploi pérenne. Il évoque en outre le préjudice moral causé par le caractère brutal de son licenciement.

La société demande la confirmation du rejet des demandes.

Sur ce,

Au vu des éléments versés aux débats, de l'effectif de l'entreprise, inférieur à 10 salariés, de l'ancienneté du salarié et de son âge, la cour fixe à 20 000 euros l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans que les éléments versés ne caractérisent un préjudice moral spécifique distinct de celui résultant de la rupture.

2-2-2- Préjudice distinct de perte priorité de réembauche et du bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle

M. [R] ne produit pas d'élément de nature à établir que le motif réel de son licenciement serait économique et n'est pas recevable en conséquence à invoquer la perte de chance d'avoir pu bénéficier de la priorité de réembauche et de la possibilité d'adhérer au contrat de sécurisation professionnelle que la société aurait du lui proposer en ce cas. Quand bien la véritable cause du licenciement serait économique, que le salarié serait mal fondé à prétendre à des dommages-intérêts de ce chef.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.

3- Remise des documents sociaux

La société [P] devra remettre à M. [X] [R] dans le délai d'un mois à compter du présent arrêt des documents de fin de contrat actualisés aux termes de cet arrêt.

4- Autres demandes

Il sera statué sur les dépens et les frais irrépétibles dans les termes du dispositif.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf en qu'il a dit le licenciement de M. [X] [R] était fondé sur une cause réelle et sérieuse, rejeté la demande d'indemnisation à ce titre, ainsi que sur les frais irrépétibles et dépens,

Statuant à nouveau sur ces chefs de demande, et ajoutant,

DIT que le licenciement de M. [X] [R] est sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société [P] à verser à M. [X] [R] :

- la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts,

- la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE M.[X] [R] du surplus de ses demandes,

RAPPELLE que la société [P] devra remettre à M. [X] [R] dans le délai d'un mois à compter du présent arrêt les documents de fin de contrat actualisés aux termes de cet arrêt,

CONDAMNE la société [P] aux dépens de première instance et d'appel.

- Prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Maryse LESAULT, Présidente et par Madame Carine DJELLAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 16/01259
Date de la décision : 23/10/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 15, arrêt n°16/01259 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-23;16.01259 ?
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